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humanité solipsiste

L’homme sait aujourd’hui que la terre n’est qu’une boule animée d’un mouvement multiforme et vertigineux qui court sur un abîme insondable, attirée et dominée par les forces qu’exercent sur elle d’autres corps célestes, incomparablement plus grands et situés à des distances inimaginables ; il sait que la terre où il vit n’est qu’un grain de poussière par rapport au soleil, et que le soleil lui-même n’est qu’un grain au milieu de myriades d’autres astres incandescents ; il sait aussi que tout cela bouge. Une simple irrégularité dans cet enchaînement de mouvements sidéraux, l’interférence d’un astre étranger dans le système planétaire, une déviation de la trajectoire normale du soleil, ou tout autre incident cosmique, suffirait pour faire vaciller la terre au cours de sa révolution, pour troubler la succession des saisons, modifier l’atmosphère et détruire l’humanité. L’homme aujourd’hui sait par ailleurs que le moindre atome renferme des forces qui, si elles étaient déchaînées, pourraient provoquer sur terre une conflagration planétaire presque instantanée. Tout cela, l’“infiniment petit” et l’“infiniment grand”, apparaît, du point de vue de la science moderne, comme un mécanisme d’une complexité inimaginable, dont le fonctionnement est dû à des forces aveugles.

Et pourtant, l’homme d’aujourd’hui vit et agit comme si le déroulement normal et habituel des rythmes de la nature lui était garanti. Il ne pense, en effet, ni aux abîmes du monde intersidéral, ni aux forces terribles que renferme chaque corpuscule de matière. Avec des yeux d’enfant, il regarde au-dessus de lui la voûte céleste avec le soleil et les étoiles, mais le souvenir des théories astronomiques l’empêche d’y voir des signes de Dieu. Le ciel a cessé de représenter pour lui la manifestation naturelle de l’esprit qui englobe le monde et l’éclaire. Le savoir universitaire s’est substitué en lui à cette vision “naïve” et profonde des choses. Non qu’il ait maintenant conscience d’un ordre cosmique supérieur, dont l’homme serait aussi partie intégrante. Non. Il se sent comme abandonné, privé d’appui solide face à ces abîmes qui n’ont plus aucune commune mesure avec lui-même. Car rien ne lui rappelle plus désormais que tout l’univers, en définitive, est contenu en lui-même, non pas dans son être individuel, certes, mais dans l’esprit qui est en lui et qui, en même temps, le dépasse, lui et tout l’univers visible.

Auteur: Burckhardt Titus

Info: Science moderne et Sagesse traditionnelle

[ rationalisme déspiritualisant ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

dernières paroles

Je suis sain de corps et d'esprit, et suis comblé d'amour par ma femme et mes enfants. J'aime la vie et n'attend rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit. Pourtant, au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d'agir tant que j'en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. J'offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales.
Alors que tant d'hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m'insurge contre la fatalité. Je m'insurge contre les poisons de l'âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l'identité de tous les peuples chez eux, je m'insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations.
Le discours dominant ne pouvant sortir de ses ambiguïtés toxiques, il appartient aux Européens d'en tirer les conséquences. À défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l'illimité, source néfaste de toutes les dérives modernes.
Je demande pardon par avance à tous ceux que ma mort fera souffrir, et d'abord à ma femme, à mes enfants et petits-enfants, ainsi qu'à mes amis et fidèles. Mais, une fois estompé le choc de la douleur, je ne doute pas que les uns et les autres comprendront le sens de mon geste et transcenderont leur peine en fierté. Je souhaite que ceux-là se concertent pour durer. Ils trouveront dans mes écrits récents la préfiguration et l'explication de mon geste.
*Pour toute information, on peut s'adresser à mon éditeur, Pierre-Guillaume de Roux. Il n'était pas informé de ma décision, mais me connaît de longue date.

Auteur: Venner Dominique

Info:

[ suicide ]

 

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mythe moderne

Les gens en général, bien qu’on leur enseigne certains des plus grossiers et des plus anciens résultats de la science, ont toujours eu peu ou pas de compréhension de ce qu’est réellement la science en tant que méthode. Cette ignorance a été perpétuée par tout l’enseignement primaire, secondaire, et même par l’importante partie de l’enseignement universitaire qui ne constitue pas une préparation à la recherche : la science y est enseignée dogmatiquement, comme une vérité révélée. Aussi, le pouvoir du mot "science" sur l’esprit du grand public est-il d’essence quasi mystique et certainement irrationnel. La science est, pour le grand public et même pour beaucoup de scientifiques, comme une magie noire, et son autorité est à la fois indiscutable et incompréhensible.

Ceci rend compte de certaines des caractéristiques du scientisme comme religion. En tant que tel, il est tout aussi irrationnel et émotionnel dans ses motivations, et intolérant dans sa pratique journalière, que n’importe laquelle des religions traditionnelles qu’il a supplantées. Bien plus, il ne se borne pas à prétendre que seuls ses propres mythes sont vrais ; il est la seule religion qui ait poussé l’arrogance jusqu’à prétendre n’être basée sur aucun mythe quel qu’il soit, mais sur la raison seule, et jusqu’à présenter comme "tolérance" ce mélange particulier d’intolérance et d’amoralité qu’il promeut.

Aux yeux du grand public, les prêtres et les grands prêtres de cette religion sont les scientifiques au sens large, plus généralement les technologues, les technocrates, les experts. Mais la langue de cette religion sera pour toujours incompréhensible au peuple, d’autant que ce n’est pas même une langue, mais des milliers de langues différentes, chacune n’étant que le jargon technique particulier d’une spécialité donnée.

L’immense majorité des scientifiques sont tout à fait prêts à accepter leur rôle de prêtres et de grands prêtres de la religion dominante d’aujourd’hui. Plus que n’importe qui, ils en sont imbus, et cela d’autant plus qu’ils sont plus haut situés dans la hiérarchie scientifique. Ils réagiront à toute attaque contre cette religion, ou d’un de ses dogmes, ou d’un de ses sous-produits, avec toute la violence émotionnelle d’une élite régnante aux privilèges menacés. Ils font partie intégrante des pouvoirs en place quels qu’ils soient, auxquels ils s’identifient intimement et qui tous s’appuient fortement sur leurs compétences technologiques et technocratiques.

Auteur: Grothendieck Alexandre

Info: Survivre... et vivre n°9, août-septembre 1971

[ discours dominant ] [ glissement symptomatique ] [ critique ]

 
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enterrement spectacle

Une dizaine de mois auparavant, Marchenoir avait vu Paris enterrer un homme fameux qui avait déclaré la guerre à tous les religieux de la France et qui devait exterminer le christianisme en combat singulier. Ce personnage, parti de bas, n’avait presque pas eu besoin de s’élever pour que ses pieds de cyclope révolutionnaire fussent exactement au niveau de la plupart des têtes contemporaines.

Pendant plus de dix ans, Léon Gambetta, continuant les jeux de sa charmante enfance, put se maintenir à califourchon sur les épaules de la Fille aînée de l’Église, qui reçut ainsi le salaire de ses apostasies et qui but la honte des hontes, — en attendant la dernière ivresse, qui sera vraisemblablement "ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu et ce que le cœur de l’homme ne saurait comprendre", en sens inverse de ce que Dieu réserve à ceux qui l’aiment. C’est pourquoi Paris lui a fait les obsèques d’un roi. Jamais, peut-être, dans aucun pays d’Occident, un faste plus énorme n’avait été déployé sur les restes pitoyables d’aucun homme…

Marchenoir se souvenait des trois cent mille têtes de bétail humain, accompagnant à sa demeure souterraine le Xerxès putrescent de la majorité, pendant que roulaient les chars de parade et les innombrables discours funèbres [...]. [...]

Il est vrai que les funérailles de Gambetta furent, elles-mêmes, une bien piètre solennité en comparaison de l’apothéose de Victor Hugo, que Marchenoir était appelé à contempler, deux ans plus tard.

Cette fois, ce ne fut plus seulement Paris, ni même la France, ce fut le globe entier, semble-t-il, qui se rua sur la piste suprême du Cosmopolite décédé. Le monde moderne, las du Dieu vivant, s’agenouille de plus en plus devant les charognes et nous gravitons vers de telles idolâtries funèbres que, bientôt, les nouveau-nés s’en iront vagir dans le rentrant des sépulcres fameux où blanchira, désormais, le lait de leurs mères. Le patriotisme aura tant d’illustres pourritures à déplorer que ce ne sera presque plus la peine de déménager des nécropoles. Ce sera comme un nouveau culte national, sagement tempéré par le dépotoir final où seront transférés sans pavois, — pour faire place à d’autres, — les carcasses de libérateurs et les résidus d’apôtres, au fur et à mesure de leur successive dépopularisation.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "Le Désespéré", Livre de poche, 1962, pages 145-146

[ tartufferie ] [ gloire injustifiée ]

 

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anagogie

Au regard de la connaissance théologique, qui porte sur une Réalité infinie, le concept ne devient-il pas un obstacle, et ne doit-on pas le détruire ? C’est vers une solution de ce genre que s’est orientée toute une partie de la pensée religieuse moderne et contemporaine. Les théologies de la mort de Dieu (Dieu est mort en tant qu’idée ou concept objectif) n’envisagent le concept que comme une véritable aliénation qui interdit tout contact "existentiel" avec "Celui qui nous interpelle". Incontestablement, ce rejet de l’intellectualité en théologie trouve en Luther un précurseur : "On ne fait pas de théologien, déclarait-il, sinon sans Aristote". Aujourd’hui, les bultmanniens, catholiques ou protestants, poursuivent le même combat contre la théologie conceptuelle, mais d’une manière beaucoup plus radicale. Nous n’avons pas, dans cette étude, à nous occuper de ce suicide spéculatif, conséquence lointaine mais inévitable, de la disparition progressive de la gnose sacrée en Occident. Nous voulons seulement souligner que, certes, Denys [l'Aréopagite] les eût sévèrement condamnés. Et nous ne cacherons pas que l’une des intentions majeures de notre travail est précisément de demander à Denys de nous apprendre à écarter toute interprétation "bultmanienne", c’est-à-dire antimétaphysique, de la théologie négative, et à récuser le "heideggerisme" dévastateur qui s’est emparé de l’intelligentsia chrétienne depuis quarante ans.

Et d’une part, en effet, loin d’éliminer la théologie affirmative, Denys nous apprend que c’est un devoir, pour le théologien, de commenter et d’expliquer la science de Dieu que nous révèle l’Écriture à l’aide des idées de Cause, de Principe, d’Un, d’Être, de Vie, etc., afin que nos concepts soient aussi adéquats que possible. D’autre part, le remède aux inévitables limites d’une telle voie ne réside pas dans sa destruction. Étant donné la nature nécessairement conceptuelle de la pensée humaine, détruire la théologie affirmative ou spéculative, c’est éliminer une science juste et garantie par la Tradition (la théologie scolastique) pour lui substituer une pensée déviée et corrompue par la mentalité moderne. Le remède consiste, au contraire – le concept étant admis dans sa pleine validité théologique – à l’ouvrir vers le haut, c’est-à-dire à saisir sa nature de symbole mental, donc à le dépasser, mais en s’appuyant sur lui, comme sur un tremplin, parce qu’il nous indique, par son propre contenu, quel doit être le sens de ce dépassement. Telle est l’œuvre de la théologie négative.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 102-103

[ anti-nihilisme ] [ religion ]

 

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occulto-socialisme

[Avec Le Hasard et la nécessité de Jacques Monod] Finie l’évolution dialectique, c’est l’indéterminisme discontinuel du code génétique qui régit la vie – le principe téléonomique : la finalité n’est plus au terme, il n’y a plus de terme, ni de détermination – la finalité est là d’avance, inscrite dans le code. [...] Toutes les finalités transcendantes réduites à un tableau de bord. C’est pourtant toujours le recours à une nature, à l’inscription dans une nature "biologique" : en fait une nature phantasmée comme elle l’a toujours été, sanctuaire métaphysique non plus de l’origine et des substances, mais cette fois du code : il faut que le code ait une assise "objective". Quoi de meilleur pour cela que la molécule et la génétique ? De cette transcendance moléculaire, Monod est le théologien sévère, Edgar Morin le supporter extasié (A.D.N. = Adonaï !). Mais chez l’un comme chez l’autre, le phantasme du code, qui équivaut à la réalité du pouvoir, se confond avec l’idéalisme de la molécule.

On retrouve l’illusion délirante de réunifier le monde sous un seul principe – celui d’une substance homogène chez les Jésuites de la Contre-Réforme, celui du code génétique chez les technocrates de la science biologique (mais aussi bien linguistique) avec comme précurseur Leibniz et sa divinité binaire. Car le programme ici visé n’a rien de génétique, c’est un programme social et historique. Ce qui est hypostasié dans la biochimie, c’est l’idéal d’un ordre social régi par une sorte de code génétique [...] irradiant le corps social de ses circuits opérationnels. [...]

Pratiquement et historiquement, cela signifie la substitution au contrôle social par la fin (et la providence plus ou moins dialectique qui veille à l’accomplissement de cette fin) d’un contrôle social par la prévision, la simulation, l’anticipation programmatrice, la mutation indéterminée, mais régie par le code. [...] D’une société capitaliste productiviste à un ordre néo-capitaliste cybernétique, qui vise cette fois au contrôle absolu : telle est la mutation à qui la théorisation biologique du code donne ses armes. Cette mutation n’a rien d’ "indéterminé" : elle est l’aboutissement de toute une histoire où successivement Dieu, l’Homme, le Progrès, l’Histoire elle-même se meurent au profit du code, où la transcendance se meurt au profit de l’immanence, celle-ci correspondant à une phase bien plus avancée dans la manipulation vertigineuse du rapport social.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 97 à 99

[ vision moderne du monde ] [ opérationnalité sans discours ] [ discours scientifique ]

 
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système économique

Dans un régime libéral, le contrôle social n’est plus politique mais juridique : il s’agit de se conformer à un corpus de normes distantes. Une première conséquence de ce bouleversement concerne les limites de la surveillance. Dans un monde divisé selon des lignes politiques, la surveillance est nécessairement limitée, à une zone géographique et à une communauté données. Tant que des distinctions proprement politiques subsistent, l’idée d’une surveillance mondiale [...] est un non-sens. Une mondialisation du contrôle n’est possible qu’après l’abolition des frontières politiques et leur remplacement par des normes juridiques abstraites, à vocation supposément universelle. En cela, seul un cadre de pensée libéral peut s’accommoder d’une mondialisation du contrôle social.

Deuxièmement, l’essor d’un contrôle social de nature juridique s’accompagne d’un changement de nature de l’espace public. Traditionnellement, l’accès à l’espace public était régulé par des facteurs politiques. [...] Ce sont donc toujours les appartenances qui ouvrent ou non l’accès à l’espace public. [...] C’est parce qu’une unité politique existe au préalable que l’on peut, ex post, laisser certaines latitudes aux hommes. A l’inverse, dès lors que le libéralisme a délégitimé les appartenances politiques, celles-ci ne constituent plus une base viable pour réguler l’accès à l’espace public. Cela ne veut néanmoins pas dire que l’accès à l’espace public devient totalement libre, mais que les restrictions changent de nature : elles sont désormais juridiques. Pour accéder à l’espace public, l’homme doit montrer sa conformité à une norme extérieure, plus ou moins abstraite. [...]

Troisièmement, la formalisation du contrôle social a des implications sociologiques voire anthropologiques. Traditionnellement, lorsque le contrôle social est informel, reflétant les valeurs d’un groupe, il est aisé d’en intérioriser le contenu, qui devient partie intégrante de l’éthique personnelle et des traditions communautaires. [...] La situation est toute différente dans le monde libéral moderne. Le contrôle social est purement extérieur, et ne peut donc pas être intériorisé. Il est bien davantage perçu comme arbitraire, et ne joue aucun rôle intégrateur à une communauté. Il ouvre simplement des portes pour des individus indistincts. Sur le temps long, le rapport que les hommes entretiennent aux institutions de contrôle est donc tout différent. Il n’y a aucun rapport intime à celles-ci, mais au contraire le sentiment d’une absence de sens qui caractérise les grandes machines bureaucratiques et techniques. Le progrès dans l’abstraction du contrôle est in fine facteur de déshumanisation.

Auteur: Travers Guillaume

Info: Dans "La société de surveillance, stade ultime du libéralisme", La nouvelle librairie, Paris, 2021, pages 61 à 64

[ globlisation ] [ virtualisation ] [ déracinement ]

 

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exploitation

Qui a dit que le capitalisme de plateforme ne créait pas de travail ? Il en crée… à la pelle même. Ou plutôt, il externalise des travailleurs : il les recrute, fixe les prix, les déconnecte quand il n’en veut plus. Car, bien sûr, les petites mains de l’ubérisation et des plateformes n’ont pas de statut salarié, elles sont autoentrepreneuses… Et leur patron, c’est une application sur leur smartphone. On avait déjà des chauffeurs Uber et des livreurs à vélo. À ce jeu-là, un nouveau job est apparu : il a l’étrange nom de "juicer" (juice en argot anglais signifie électricité). Entre eux, ils s’appellent aussi "chargeurs" ou "hunters" (pour chasseurs) de trottinettes électriques. Depuis un an, ces véhicules en libre-service ont débarqué dans les villes françaises. Souvent, négligemment abandonnés sur un bout de trottoir.

Les chargeurs sortent à la tombée de la nuit récupérer les engins dont l’emplacement est indiqué sur leur smartphone, les ramènent chez eux pour recharger les batteries et les replacent à l’aube, entre 5 et 7 heures du matin, bien alignés. À Paris, ils sont neuf opérateurs : Lime, Bird, VOI, Bolt, Wind… L’entreprise californienne Lime revendique 30 000 locations par jour. On ne sait pas exactement combien sont les juicers, les plateformes sont moins bavardes sur cet aspect du business.

Quand on en parle avec Pierre, on sent que c’est un convaincu. "On n’a rien sans rien, il faut travailler dur", répète-t-il. Il a 21 ans et a créé sa microentreprise en janvier. Il est boulanger à Lyon à plein temps pour 1 600 euros brut. "En étant juicer, je me fais 600 euros supplémentaires par mois. Ça me paie des loisirs, un week-end, un resto." Il a beau dire, "ça ne me prend pas beaucoup de temps", quand on fait le décompte, ça commence à chiffrer… "Je me fixe l’objectif de 5 trottinettes par sortie." Chacune est payée 5 à 6 euros selon l’opérateur. "J’y passe une à deux heures, le soir, après le boulot, et un peu plus le week-end", plus une heure le matin pour redéposer son butin à 5 h 30. Au total donc, un deuxième travail à près de 20 heures par semaine, payés 7 euros de l’heure quand le Smic est à 10,03… Et tout ça, sans mutuelle, chômage ni congés payés, indemnités en cas de maladie ou d’accident du travail . "Mais je suis libre, je m’organise comme je veux."

Auteur: Internet

Info: L'Humanité, https://www.humanite.fr/les-jobs-pourris-du-nouveau-monde-670705?

[ surmenage ] [ autoentrepreneur-salarié ] [ esclavage moderne ] [ loi de la jungle ] [ Jobs à la con ] [ illusion ]

 
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volatiles

Cela fait plus de quarante ans que j'observe les oiseaux et j'ai toujours du mal à expliquer la fascination qu'ils exercent sur moi. Parmi les raisons de cette fascination, je citerais leur immense variété, leur extrême beauté et leurs comportements étonnants. Ainsi, leur capacité à parcourir le monde entier au cours de la migration et à s'adapter à tous les milieux, y compris les déserts arides, le grand large ou même la calotte glaciaire de l'Antarctique excite l'imagination.

Il n'est heureusement pas nécessaire de séjourner dans ces contrées éloignées pour observer quelques-uns de ces oiseaux si remarquables. La première hirondelle du printemps a survécu au long voyage aller et retour d'Europe en Afrique australe. Les bécasseaux qui se rassemblent en automne sur nos estuaires ont survolé le cercle polaire et, seul sur une falaise au printemps, le traquet motteux est peut-être en train de faire escale entre ses quartiers d'hiver au sud du Sahara et son aire de nidification au Groenland.

Les oiseaux de nos jardins sont eux aussi source d'inspiration : la grive musicienne cassant la coquille d'un escargot sur le chemin du verger, le rouge-gorge défendant avec acharnement son territoire, l'hirondelle construisant son nid de boue sous la gouttière et le superbe épervier, qui a échappé aux dégâts causés par l'utilisation des pesticides agricoles, engageant jusque dans nos jardins, avec une étonnante agilité, sa chasse aux petits oiseaux.

Le monde moderne nous isole de plus en plus de la nature, mais les oiseaux restent un lien avec la vie sauvage et, un peu comme le canari emporté au fond de la mine, ils nous renseignent sur l'état de santé de notre planète.

Après la Seconde Guerre mondiale, c'est le déclin dramatique du nombre des oiseaux de proie qui alerta le public et lui lit prendre conscience des risques encourus du fait des pesticides répandus dans la nature ; plus récemment, les fluctuations des populations d oiseaux sur les terres cultivées ont permis de reconnaître les effets sur l'environnement des nouvelles méthodes agricoles.

Mais la meilleure raison que l'on peut trouver pour observer les oiseaux reste le plaisir que l'on y prend. Il v a partout des oiseaux et ce plaisir est donc tout proche, quel que soit le heu où nous vivons. C'est un violon d'Ingres sans limites : il peut intéresser les jeunes comme les "plus très jeunes" et durer toute une vie.

Auteur: Holden Peter

Info: Voir les oiseaux, pourquoi observer les oiseaux

[ éthologie ] [ contemplation ]

 

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séparation de l'église et de l'état

Les luttes religieuses du passé ayant été provoquées par l’intolérance des sectes ou par l’ingérence de l’état dans leurs disputes, on était en droit de croire que, pour enlever à ces querelles tout caractère politique, il n’y avait qu’à en désintéresser l’état, qu’à dénouer les liens qui unissaient le pouvoir civil aux diverses églises, qu’à faire cesser l’ancienne solidarité du temporel et du spirituel en proclamant l’état incompétent en matière religieuse. C’est ce qu’ont fait successivement, avec plus ou moins de décision, la plupart des états contemporains. En aucun domaine, le courant des idées modernes ne s’est manifesté avec plus de force et d’unité. S’il reste encore des religions d’état, elles n’ont plus les mêmes privilèges qu’autrefois. Les églises ont perdu leur ancien monopole ; aucun clergé, en dehors de la Russie et de l’Espagne, ne demeure à l’abri de la concurrence ; aucun ne peut compter sur l’appui du bras séculier. Des Pyrénées aux Carpathes, il y a une tendance générale à la sécularisation ou, comme l’on dit chez nous, à la laïcisation de l’état et de la société.

Par malheur, si, en théorie, il est facile à l’état de se désintéresser des affaires religieuses, les faits ont prouvé que cela ne l’était pas autant dans la pratique. L’état laïque, l’état neutre ou, comme disent ses adversaires, l’état athée, provoque d’abord l’opposition de tous ceux qui prétendent que la religion doit continuer à inspirer les gouvernements. Mais, contrairement à toutes les prévisions, ce n’est pas là le seul obstacle à l’accomplissement des rêves de pacification religieuse. Heureux les pays où le nouveau dogme de l’incompétence de l’état en matière de foi ne rencontre pas d’autres résistances que le zèle des croyants et les prétentions des divers clergés ! En maintes contrées, il a fallu compter avec une intolérance d’une nouvelle sorte, avec le fanatisme inattendu des incrédules, qui, sous le couvert de la libre pensée, poursuivent la destruction de toute religion. A ceux-là l’incompétence et la neutralité de l’état ne suffisent point. L’autorité publique, dont les religions ont si longtemps usé à leur profit, ils l’exploiteraient volontiers à leur tour contre les doctrines religieuses ; s’ils n’osent le faire ouvertement, ils le tentent par des voies détournées, employant les influences gouvernementales à la ruine ou à l’affaiblissement des cultes qu’ils ont en aversion, retournant hypocritement le mot de liberté contre la première de toutes les libertés : celle de la conscience.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: Les mécomptes du libéralisme, Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 69, 1885

[ exacerbation des haines ] [ anticléricalisme ] [ conséquences ]

 

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