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intraduisible

Au cours de ma vie, je n’ai rencontré qu’une ou deux personnes qui comprenaient l’art de la Marche, c’est-à-dire l’art de se promener, qui avaient en quelque sorte le génie de la balade, de ce qu’on désigne sous le terme de sauntering, mot dont l’étymologie est fort jolie : au Moyen Âge, il y avait des gens sans travail qui erraient à travers la campagne en demandant la charité sous prétexte qu’ils se rendaient à la Sainte Terre, si bien qu’à la vue de l’un d’eux, les enfants s’exclamaient : “Tiens voilà un Sainte-Terrer !”, un Saunterer, un pèlerin en route pour la Terre sainte. […] D’autres, cependant, pensent que le mot est dérivé de l’expression sans terre, sans pays ni foyer, ce qui signifie donc, dans le bon sens, qu’en n’ayant pas de maison à soi, on se sent chez soi partout. Et c’est bien là le secret d’une promenade réussie. […] Il est vrai que de nos jours nous ne sommes que des croisés au cœur faible... Il faudrait peut-être se lancer dans la plus courte des balades, emplis de l’esprit d’une immortelle aventure, sans espoir de retour, préparés à ne renvoyer dans nos royaumes désolés que nos cœurs embaumés en guise de reliques.

Auteur: Thoreau Henry David

Info: De la marche

[ randonnée ] [ promenade ]

 

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ténèbres

La terreur, c'est surtout de l'imprévu ; et si la nervosité des peureux s'exaspère dans l'obscurité, c'est que cette nuit aveugle est peuplée pour eux de fantômes, auxquels ils ne peuvent donner de formes. Si, de tous temps, les enfants et les servantes ont craint de se hasarder, le soir, hors des chambres éclairées et closes, c'est que l'ombre impénétrable, l'ombre silencieuse et hostile recule tout l'infini dans le mystère et toute l'épouvante dans l'inconnu... Oh ! les grands arbres bruissants des fonds de parcs d'automne humides et solitaires, les interminables corridors des vieux logis de province à demi abandonnés, les greniers hauts comme des cathédrales, où s'entassent des vieilleries, des paperasses et des malles velues, immobiles depuis des années, et qui ne voyageront jamais plus, les chambres inhabitées des maisons de campagne des grands-parents aujourd'hui morts, la chambre qu'on n'ouvrait jamais parce qu'il s'y était passé quelque chose...
Oh ! Tous ces châteaux d'épouvante effrités aujourd'hui dans nos âmes sceptiques, mais qui tenaient jadis une si formidable place dans notre enfance effarée et inquiète, de quelle atmosphère frissonnante et glacée ils s'emplissaient pour nous à la tombée de la nuit, surtout au retour de l'automne, dans ces mois brumeux et pourris d'incessantes ondées, de torrentielles pluies.

Auteur: Lorrain Jean

Info: Histoires de Masques

[ peur ] [ imagination ]

 

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identité

Subitement, comme si quelque destin magicien venait de m'opérer d'une cécité ancienne avec des résultats immédiats, je lève la tête, de mon existence anonyme, vers la claire connaissance de la façon dont j'existe. Et je vois que tout ce que j'ai fait, pensé ou été, n'est qu'une sorte de leurre et de folie. Je suis effaré de tout ce que j'ai réussi à ne pas voir. Je suis dérouté par tout ce que j'ai été et qu'en fait, je le vois bien, je ne suis pas (...)



Tout ce que j'ai fait, pensé ou été, n'est qu'une somme de soumissions, ou bien à un être factice que j'ai cru être moi, parce que j'agissais en partant de lui vers le dehors, ou bien au poids de circonstances que je crus être l'air même que je respirais. Je suis, en cet instant de claire vision, un être soudain solitaire, qui se découvre exilé là où il s'était toujours cru citoyen. Jusqu'au plus intime de ce que j'ai pensé, je n'ai pas été moi (...)



Je sais que je n'ai été qu'erreur et égarement, que je n'ai pas vécu, que je n'ai existé que dans la mesure où j'ai empli le temps avec de la conscience, de la pensée.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

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[ illusoire ] [ mirage ] [ ego mental ]

 
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gouvernance

Du haut de ce fauteuil que j'occupais jusqu'à hier, j'ai fait une constatation qui souvent m'a empli d'une profonde tristesse. J'ai été souvent étonné de la somme de talent que l'on dépensait dans cette assemblée pour expliquer qu'il ne fallait pas faire quelque chose. Aujourd'hui, chacun a de bonnes raisons de rester sur place. Certains Allemands ne feront l'Europe que lorsqu'ils auront réalisé l'unité de l'Allemagne. Certains Belges ne feront l'Europe que quand l'Angleterre y aura donné son adhésion. Certains Français ne feront pas l'Europe si on les place en présence des Allemands dans un dialogue. Les Anglais ne feront pas l'Europe aussi longtemps qu'ils n'auront pas trouvé une solution acceptable pour le Commonwealth. Nos amis Scandinaves assistent à tout cela avec un air désabusé. J'ai la conviction que si, dans cette assemblée, on dépensait le quart de l'énergie que l'on déploie à dire non, pour dire oui à quelque chose de positif, nous ne serions plus dans l'état où nous sommes aujourdhui. Des Anglais : "Jamais vous n'avez été - et je tiens à vous en rendre hommage - plus catégoriques et plus nets en nous disant, comprenant tout de même ce que c'était pour nous de faire l'Europe : "Jamais avec vous, dans cette voie et sur cette ligne".

Auteur: Spaak Paul Henri

Info: discours de démission de la présidence du Conseil de l'Europe, 11.12.1951

[ politique ]

 

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racisme

Nous avons établi des données sur ce que nommons race et intelligence. Mon opinion est nous ne savons pas ce qu'elles signifient. Il n'y a pas assez de travail ; il n'y a pas assez de personnes qui s'y sont employées à ce stade... Et la définition d'"héréditaire" constitue un sérieux problème.

Par exemple : disons qu'existait une croyance selon laquelle les personnes dotées d'une crête frontale sont stupides. Une croyance répandue. Et cette crête était encodée génétiquement. Ce qui conduisait à ce que ces individus soient victimes de discrimination, à l'école par exemple, vu que la crête indiquait aux enseignants qu'ils n'étaient pas susceptibles d'être intelligents, et qu'on leur donnait donc des leçons plus simples ; ils étaient ignorés ou quelque chose comme ça.

Ce mécanisme peut donc être appréhendé comme la forme d'une différence d'intelligence génétiquement héréditaire entre individus - avec et sans crête. Ceci impliquant qu'une caractéristique codée dans le génome peut modifier une interaction des individus entre eux au point de produire une différence d'intelligence.

[...] Nous sommes si peu avancés dans l'étude de ce genre de sujet que nous ne savons rien. Et la nature taboue de ces questions engendre un vacuum empli de perspectives artificiellement pures (et probablement erronées).

Auteur: Weinstein Bret Samuel

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[ apparence ] [ préjugés ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

écriture

Les contes sont des personnes assises sur le seuil de la maison de mon esprit. Il fait froid dehors et elles attendent. Je les regarde par la fenêtre. Les contes ont les mains froides, elles sont gelées. Une courte histoire bien construite surgit et agite les bras. Son nez est rouge elle a deux dents en or. Et il y a cette vieille anecdote féminine mi-allongée, recroquevillée dans un manteau. De nombreuses histoires viennent se poser quelques instants sur le pas de la porte avant de s'en aller. Il fait trop froid pour elles à l'extérieur. La rue devant la demeure de mon esprit est emplie de contes. Ils murmurent et crient, ils meurent de froid et de faim. Je suis un homme démuni - mes mains tremblent. Je devrais m'asseoir sur un banc comme un tailleur et savoir tisser quelque habit chaud à partir des fils de la pensée. Ces contes devraient être couverts et protégés. Ils sont en train de geler sur le perron de la maison de mon esprit. Je suis un homme sans défense... mes mains tremblent. Je sais être dans l'obscurité mais je ne trouve pas la poignée de la porte. Je regarde par la fenêtre. Beaucoup d'histoires meurent dans la rue devant la demeure de mon esprit. 

Auteur: Anderson Sherwood

Info: Triumph Of The Egg And Other Stories. Trad Mg

[ inspiration ] [ introspection ] [ imagination ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vieillesse

Môme, aie patience et foi, car la vie dure tant de jours, et chaque heure présente passera. Fils, fils, tu as été fou et ivre, furieux et sauvage, empli de haine et de désespoir, avec toutes les sombres confusions de l'âme - tout comme nous l'avons été. Tu trouvais la terre trop grande pour seule ta vie, tu trouvais ton cerveau et ta vigueur plus petits que la faim et le désir qui s'en nourrissaient - mais il en fut ainsi pour tous les hommes. Tu as trébuché dans les ténèbres, tu as été attiré par des directions opposées, tu as faibli, tu as raté le chemin, mais mon enfant, telle est la chronique de la terre. Et maintenant, parce que tu as connu folie et désespoir, et parce que tu recommenceras encore à désespérer avant de rejoindre le soir, nous qui avons pris d'assaut les remparts de la terre furieuse et avons été repoussés, nous qui avons été rendus fous par le mystère inconnaissable et amer de l'amour, nous qui avions faim de gloire et qui avons goûté toute la vie le tumulte, la douleur et la frénésie, et qui sommes maintenant assis tranquillement à nos fenêtres pour contempler tout ce qui désormais ne nous touchera plus - nous te demandons de prendre courage, car nous pouvons te jurer que tout ça passe.

Auteur: Wolfe Thomas Clayton

Info: You Can't Go Home Again

[ sérénité ] [ harangue ] [ père-fils ]

 

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père-fils

Je ne m’aime pas. Je n’éprouve que peu de sympathie, encore moins d’estime pour moi-même ; de plus, je ne m’intéresse pas beaucoup. Je connais mes caractéristiques principales depuis longtemps, et j’ai fini par m’en dégoûter. Adolescent, encore jeune homme, je parlais de moi, je pensais à moi, j’étais comme empli de ma propre personne ; ce n’est plus le cas. Je me suis absenté de mes pensées, et la seule perspective d’avoir à raconter une anecdote personnelle me plonge dans un ennui voisin de la catalepsie. Lorsque j’y suis absolument obligé, je mens.

Paradoxalement, pourtant, je n’ai jamais regretté de m’être reproduit. On peut même dire que j’aime mon fils, et que je l’aime davantage à chaque fois que je reconnais en lui la trace de mes propres défauts. Je les vois se manifester dans le temps, avec un déterminisme implacable, et je m’en réjouis. Je me réjouis sans pudeur de voir se répéter, et par là même s’éterniser, des caractéristiques personnelles qui n’ont rien de spécialement estimable ; qui sont même, assez souvent, méprisables ; qui n’ont, en réalité, d’autre mérité que d’être les miennes. D’ailleurs, ce ne sont pas exactement les miennes ; je me rends bien compte que certains sont recopiées telles quelles sur la personnalité de mon père, ce con ignoble ; mais, chose étrange, cela n’enlève rien à ma joie. Cette joie est plus que de l’égoïsme : elle est plus profonde, plus indiscutable.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: "Lanzarote", Librio, 2021, page 87

[ ressemblances ] [ répétition ] [ fatalité familiale ] [ transmission ]

 

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éloge

La traduction d’Eugène Onéguine, c’est, oui, de loin, de loin, de loin, la chose la plus importante que j’aie faite de ma vie – et je ne dis pas que l’intégrale de Dostoïevski, ce n’est rien du tout… Et je ne peux pas expliquer pourquoi, parce que, soit on comprend, soit on ne comprend pas. Je le dis souvent : une fois qu’on est entré dans Onéguine, qu’on a, non pas "compris" (il n’y a rien à comprendre, pas de sens caché, rien – tout est à la surface), mais "senti", alors, vraiment, votre vie change, et vous vivez dans ce sourire, ce sourire d’une tristesse infinie, mais dont émane une lumière étonnante : quelque chose d’intime (je veux dire que ça parle à chacun de nous différemment, selon sa vie, son enfance, ses propres souvenirs) et de totalement universel. Et, je le redis, léger. Et je repense, une fois encore, à cette phrase d’Alexandre Blok, en 1921, avant de se laisser mourir : "Notre mémoire conserve depuis l’enfance un nom joyeux : Pouchkine. Ce nom, ce son emplit de nombreux jours de notre vie. Les sombres noms des empereurs, des chefs de guerre, des inventeurs d’armes de destruction, des bourreaux et des martyrs de la vie. Et, à côté d’eux, ce nom léger : Pouchkine."

Cette légèreté-là, c’est ce qui fait que j’aime si fort la langue russe, et la Russie (et que je suis tellement blessé par son histoire).

Auteur: Markowicz André

Info: Partages

[ écrivain-sur-écrivain ] [ humus linguistique ] [ patrie idiomatique ] [ littérature ]

 

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cité imaginaire

Qui arrive à Tecla ne voit pas grand-chose de la ville, au-delà des clôtures en planches, des écrans en toile de sac, des échafaudages, des armatures métalliques, des passerelles en bois suspendues à des cordes ou soutenues par des scies, des échelles, des tréteaux. Si l'on demande : "Pourquoi la construction de Tecla prend-elle tant de temps ?", les habitants continuent de soulever des sacs, de  jouer du fil à plomb, de déplacer de longues brosses de bas en haut, et répondent : "Pour que sa destruction ne puisse commencer."

Et si on leur demande s'ils craignent qu'une fois les échafaudages enlevés, la ville ne commence à s'écrouler et à tomber en morceaux, ils ajoutent hâtivement, dans un murmure : " Pas que la ville."  Si, peu satisfait des réponses, vous jettez un oeil œil par la fissure d'une clôture, vous verrez des grues qui soulèvent d'autres grues, des échafaudages qui enserrent d'autres échafaudages, des poutres qui soutiennent d'autres poutres. "Quelle est la signification de votre construction ?" demande-t-on alors. "Quel est le but d'une ville en construction, à moins qu'elle ne soit une ville ? Où est le plan que vous suivez, le schéma directeur ?" "Nous vous le montrerons dès que la journée de travail sera terminée ; nous ne pouvons pas interrompre notre travail maintenant", répondent-ils. Le travail s'arrête au coucher du soleil. L'obscurité tombe sur le chantier. Le ciel est empli d'étoiles.

"Voilà le plan", disent-ils.


Auteur: Calvino Italo

Info: Les Villes invisibles

[ continue édification ] [ fuite en avant ]

 

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