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dépayser

Vous savez, l'inventeur des menottes, des fers et des chaînes ne se serait jamais douté de l'utilisation que ces conceptions d'un âge plus rude et plus simple que le nôtre auraient un jour dans le monde moderne! Si j'étais à la place des promoteurs immobiliers et des responsables de l'aménagement du territoire en banlieue, j'en prévoirais au minimum une paire au mur de chaque foyer. Quand les banlieusards seraient fatigués de la télévision, du ping-pong ou des autres activités, quelles qu'elles soient, qu'ils pratiquent dans leur foyer, ils pourraient s'enchaîner les uns les autres, se jeter aux fers pour un moment. Tout le monde adorerait ça. On entendrait les épouses: "Mon mari m'a jetée aux fers, hier soir. C'était formidable. Le vôtre ne vous l'a jamais fait?". Les enfants se hâteraient de rentrer de l'école à la maison car leur mère les y attendrait pour les enchaîner. Cela permettrait aux enfants d'enrichir leur imagination, ce que le télé leur interdit, et je ne doute pas que la délinquance juvénile en serait considérablement diminuée. Quand le père rentrerait à son tour, les autres membres de la famille pourraient se saisir de lui et le jeter aux fers pour lui apprendre à être assez stupide pour travailler toute une journée dans le but de subvenir aux besoins du ménage. Les vieux parents ennuyeux pourraient être enchaînés dans le garage. On leur libérerait les mains une fois par mois, pour leur permettre d'endosser leur chèque de sécurité sociale ou leur retraite. Les fers et les chaînes permettraient la construction d'une vie plus belle pour tous.

Auteur: Toole John Kennedy

Info: La conjuration des imbéciles, p.322 Robert Laffont

[ . ]

 

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chemin de fer

La draisine s'ébranle, les phares s'allument, arrachant aux ténèbres des signaux, des pare-neige, des traverses empilées en croix, des sapins nus et solitaires. Des aiguillages s'enfuient. La draisine vibre aux jointures des rails, prend de la vitesse, fonce dans l'obscurité avec un grondement sonore. Les rares voyageurs se taisent, regardant par les fenêtres, embuant les vitres de leur souffle. Ils filent à présent au milieu d'un hurlement sinistre et de grands cahots. La forêt court sous leurs yeux, pareille à un mur compact et noir. Quelquefois un projecteur éclaire des entrepôts tout en longueur ou des percées dans la forêt. Alors ressortent sur les vitres des gouttes obliques, sinueuses.

Parce qu'il va bientôt revoir sa mère, qu'il fait chaud dans la draisine, que cela sent légèrement l'essence et les valises, que la pluie s'arrête - des lambeaux étoilés et violets commencent à se montrer dans le ciel -, Vassili est parfaitement heureux. Il s'est étalé tout à son aise sur son siège, les jambes largement écartées. Il aime le vieux Stépane, il aime le chauffeur, les passagers, la vitesse avec laquelle ils filent, et l'air pur du pays natal qui s'engouffre par une fente...

La draisine file toujours, envoie parfois un coup d'avertisseur nasillard. A l'avant, pointe la lueur d'incendie allumée par l'éclairage du combinat du bois. Stépane remue, tend le cou, regarde en avant, par-dessus l'épaule du chauffeur. Lui aussi, il a les idées roses. Ils vont bientôt arriver, la maison des Pankov en sera toute révolutionnée, les voisins vont défiler, après on causera, on distribuera les cadeaux...

Auteur: Kazakov Iouri

Info: La belle vie

[ nocturne ] [ bien-être ] [ voyage de retour ] [ train ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

antisémitisme

Depuis des siècles, on le sait, les juifs vivaient, en effet, dans un état d’attente perpétuelle ; ils étaient restés au point de vue matériel, comme au point de vue moral, de simples nomades ; leur monothéisme — le seul véritable — n’était que l’expression extérieure d’une doctrine, du reste fort belle, qui accordait la première place, non pas à l’œuvre mais à l’ouvrier, non pas à la maison familiale mais à l’idée de famille. Il s’opposait, jusque-là, au paganisme occidental qui soumettait l’homme aux forces naturelles, qui le sacrifiait, au besoin, à son œuvre, à sa maison ou à sa patrie. Tout naturellement, lorsque le style fut à peu près mort, les juifs ne manquèrent point de prendre la première place en toutes choses, car leurs procédés critiques remarquables se trouvaient correspondre exactement aux procédés d’analyse voulus par le Léviathan. On les accusa d’intrigue bien injustement, car c’était notre monde qui s’était converti, par des voies différentes, à leurs propres idées, tandis qu’eux-mêmes n’avaient fait que conserver les leurs.

Privés de toute règle intérieure, dépourvus de tout style dans leurs productions artistiques, comme dans leur vie quotidienne, les hommes du vingtième siècle ne formèrent plus qu’une masse immense de cellules différenciées, privées de direction morale, qui, tout naturellement, s’agglomérèrent joyeusement dans le corps matériel du Léviathan.

La forme sociale extérieure remplaça dès lors le style intérieur dont elle n’était qu’une grossière caricature. On s’imagina donner ainsi pleine indépendance à l’individu en le délivrant de tout idéal : on ne fit que l’asservir aux besoins les plus bas de la vie matérielle.

Auteur: Pawlowski Gaston de

Info: Voyage au pays de la quatrième dimension, Flatland éditeur, 2023, page 94

[ réaction ] [ convergence contingente ] [ immanence ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

colonialisme

Il y a à peine quelques années, un de ces hommes grossiers, incultes, sauvages, qui trop souvent cherchent dans le métier de missionnaire un exutoire à leur paranoïa ou à leur bêtise (bien plus d’ailleurs protestants américains que catholiques), vint importuner Vera, l’Éclair, grand cacique des Mbya. L’indien fumait pensivement devant sa hutte, vêtu de loques puantes, tout en écoutant le bavardage édifiant du Juru’a qui lui parlait de God et du salut. Las de telles inepties, Vera se lève, disparaît dans son tapy et surgit, transfiguré : en un dieu, en un karai ru, s’est métamorphosé le clochard minable de tout à l’heure. Abandonnés, les oripeaux de blanc : le jeguaka, l’ornement rituel des hommes, coiffure de coton surmontée d’une couronne de plumes aux vives couleurs et que prolongent sur le dos nu des franges, couvre sa tête ; pour seul vêtement, un cache-sexe de coton également ; à la main, un bâton de bois dur finement poli, insigne de son commandement. Une lumière d’orage nimbe le chef, le mburivicha : celui qui est grand par la force de sa foi en les dieux. Et voici ce qu’entendent les oreilles sourdes de l’évangéliste, les tonnantes paroles de l’Éclair : "Écoute, Juru’a ! À vous, les blancs, furent impartis la savane et l’abondance des choses. À nous, les Mbya, furent laissés la forêt et le peu de bien. Que cela continue ainsi. Que les blancs restent chez eux. Nous autres Mbya n’allons pas vous déranger dans vos demeures. Nous sommes des Ka’aygua, des habitants de la forêt. Éloigne-toi de ma maison, va-t’en, ne reviens jamais plus !".

Auteur: Clastres Pierre

Info: Chronique des indiens Guayaki

[ arrogance ] [ irruption ] [ respect ] [ et in arcadia ego ]

 
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Ajouté à la BD par Plouin

création littéraire

En 1946, il retourne en Irlande, et c'est au cours de ce séjour que survint en lui ce chamboulement qui modifia radicalement son approche de l'écriture et sa conception du récit.
- cette prise de conscience fut-elle progressive ou fulgurante ?
Il parle de crise, d'instants de brusque révélation.
- jusque-là, j'avais cru que je pouvais faire confiance à la connaissance. Que je devais m'équiper sur le plan intellectuel. Ce jour-là, tout s'est effondré.
Ses propres paroles me viennent sur les lèvres :
- j'ai écrit Molloy et la suite le jour où j'ai compris ma bêtise. Alors je me suis mis à écrire les choses que je sens.
Il sourit en hochant la tête.
C'était une nuit. Comme si souvent, il errait en solitaire, et il se retrouva à l'extrémité d'une jetée battue par la tempête. Ce fut alors que tout parut se mettre en place : des années de doutes, de recherches, d'interrogations, d'échecs (et quelques jours plus tard, il aurait quarante ans), prirent soudain un sens, et la vision de ce qu'il lui faudrait accomplir s'imposa comme une évidence.
- j'entrevis le monde que je devais créer pour pouvoir respirer.
Il entreprit Molloy alors qu'il se trouvait encore auprès de sa mère. Il le poursuivit à Paris, puis à Menton, où un ami irlandais lui avait prêté sa maison. Mais achevé la première partie, il ne savait comment continuer.
Il ne connaissait plus la détresse des années passées, mais tout demeurait difficile. C'est ainsi que sur la première page du manuscrit de Molloy, figurent ces mots :
"En désespoir de cause".

Auteur: Juliet Charles

Info: Rencontres avec Samuel Beckett, éditions P.O.L, p. 38 à 40

[ instinct ]

 

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lecture

Je suis d'accord avec Proust, disait-il, sur le fait que les livres créent leur propre silence d'une manière que l'on atteint rarement avec des amis. Et le silence qui devient palpable quand on a terminé un Chant de Dante, disait-il, est tout à fait différent du silence qui devient palpable quand on a atteint la fin d’Oedipe à Colonne. Ce qui est arrivé de plus terrible aux gens aujourd'hui est qu'ils ont pris peur du silence. Au lieu de le rechercher comme un ami et une source de renouveau, ils essayent de toutes les façons possibles de le faire taire. Jusqu'il y a quelques années, disait-il, les gens avaient encore la possibilité de redécouvrir la valeur du silence lorsqu'ils qu'ils quittaient l'enceinte de leur maison. Même si leur première réaction instinctive en rentrant chez eux était d'allumer la radio ou la télévision, lorsqu'ils ouvraient leur porte pour sortir ils devaient laisser ces bruits derrière eux. Mais maintenant, disait-il, ils peuvent emporter leur Walkmans et les brancher dans leurs oreilles et ils n'ont plus jamais besoin de vivre sans leur horrible musique. C'est un drogue, disait-il, et elle doit être traitée comme une drogue. Elle est plus dangereuse que le cannabis et crée une dépendance comme l'héroïne. A la source, disait-il, se trouve l'habitude et la peur et le désespoir, la peur du silence est la peur de la solitude. Les gens ont peur du silence, disait-il, parce qu'ils ont perdu la capacité à faire confiance au monde pour leur accorder le renouveau. Pour eux le silence ne signifie que la reconnaissance d'avoir été abandonnés.

Auteur: Josipovici Gabriel David

Info: Moo Pak

[ calme ] [ solitude ]

 

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sport

Courir le rendait heureux, à tout le moins le soulageait, et épargnait aux autres son agitation infernale et son despotisme. Courir, dans la merveilleuse odeur des feuilles, dans les exhalaisons d’écorce. Briser les petites branches sur le sentier, sentir glisser son pied sur la boue quand la pente se fait plus forte. Le plaisir des premiers essoufflements qui font trembler la voix dans le martèlement irréversible de la foulée. Le danger joyeux du rire qui risque de ralentir la course. Se sentir emporté en avant, aspiré par le vide qu’on crée devant soi. Sentir la chaleur de son visage épouser la fraîcheur des brumes, et ses cheveux coller aux tempes. Les nuances des labours, l’immensité de la Flandre. Apercevoir de fines haleines à sang chaud monter du sol, d’entre les taillis morts. Bombés, les chemins pavés. Le revers des maisons, et leurs petites cours qu’on ne voit autrement que du train. Trébucher, le regard perdu dans les glèbes molles ou les ornières gelées, sur toutes les surprises et les brusqueries malicieuses du paysage, qui désagrégèrent les petites meutes de coureurs et en dissipent la chaleur organique. Les bifurcations qu’il ne faut pas manquer, où le chemin s’engouffre sous les arbres et oblige à courir l’un derrière l’autre. L’allure qui se tend, le pouls qui s’étrangle et se fait bruyant. Ne pas céder sa place, s’imposer du coude, en riant puis sans rire. N’accorder de larmes qu’à la vitesse et à l’air froid.

À la bouche, le gout ferreux du sang.

Toute mélancolie bue, le versant féroce de la joie.

Le sentiment époumoné de sa supériorité.

Auteur: Haralambon Olivier

Info: Le versant féroce de la joie

[ dépense physique ]

 

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anarchie

Le dixième siècle est probablement le plus atroce de notre histoire. Avec la décadence de l’autorité carolingienne, les calamités recommençaient : au Sud, les Sarrasins avaient reparu, et un autre fléau était venu : les Normands s’enhardissaient et dévastaient le pays.

L’impuissance des Carolingiens à repousser ces envahisseurs hâta la dissolution générale. Désormais, le peuple cessa de compter sur le roi. Le pouvoir royal devint fictif. L’État est en faillite. Personne ne lui obéit plus. On cherche protection où l’on peut. L’autorité publique s’est évanouie : c’est le chaos social et politique. Plus de Francie ni de France. Cent, mille autorités locales, au hasard des circonstances, prennent le pouvoir. Le gouverneur de province, le gouverneur de canton, le duc, le comte, de moindres personnages, s’établissent dans leurs charges, les lèguent à leurs enfants, se comportent en vrais souverains.

Ce serait une erreur de croire que les populations eussent été hostiles à ce morcellement de la souveraineté. Tout ce qu’elles demandaient, c’étaient des défenseurs. La féodalité naissait de l’anarchie et du besoin d’un gouvernement, comme aux temps de l’humanité primitive. Représentons-nous des hommes dont la vie était menacée tous les jours, qui fuyaient les bandits de toute espèce, dont les maisons étaient brûlées et les terres ravagées. Dès qu’un individu puissant et vigoureux s’offrait pour protéger les personnes et les biens, on était trop heureux de se livrer à lui, jusqu’au servage, préférable à une existence de bête traquée.

De quel prix était la liberté quand la ruine et la mort menaçaient à toute heure et partout ? Ainsi naquit une multitude de monarchies locales fondées sur un consentement donné par la détresse. 

Auteur: Bainville Jacques

Info: Histoire de France, 1924

[ millénarisme ] [ haut moyen-âge ] [ historique ] [ désordres ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

décor estival

Courant à toutes jambes sur le sentier, j'arrivai devant la maison délabrée. La végétation visible se limitait à un vieil orme près de la porte ; le côté jusque-là invisible du toit avait perdu presque toutes ses tuiles ; par en dessous, des chrysanthèmes sauvages croissaient, leurs fleurs blanches pointées vers le ciel ; autour de la maison, il y avait notamment de nombreuses touffes de lespédezas d'été couleur pourpre, mais si on regardait bien, on apercevait aussi, le long du chemin qui menait du portail à l'entrée, un bosquet de rosiers qui, privés de soins, ne portaient plus qu'un peu de fleurs chétives et une abondance de feuilles. Je m'aperçus que la porte en chêne, humide et lourde, était entrouverte. C'est de là que s'échappait le son de l'harmonium comme un fil à tisser, tandis que, dans les fleurs des champs (où l'on voyait aussi des lys tigrés), des araignées, des abeilles et des scarabées se reposaient comme s'ils étaient morts ; le silence de l'après-midi où, dans une accalmie momentanée, ne bruissaient même pas les branches de l'orme, ce silence d'un après-midi d'été où tout était doré et sans ombre, mais qui, en soi, faisait penser à minuit, on aurait dit que la musique de l'harmonium le rendait encore plus pesant avec ses multiples broderies. De plus, au son de l'orgue se mêlait une voix, discrète comme un papillon. C'était comme une petite truite qui frétille dans le ruissellement de la musique, avec ses écailles scintillantes ; je ne distinguais aucun des mots, mais il était évident que c'était la voix d'une très belle jeune fille....

Auteur: Mishima Yukio

Info: Une matinée d'amour pur. Traduction Ryôji Nakamura et René de Ceccatty. 304 pages Gallimard 2005

[ littérature ] [ enchevêtrement ] [ nature ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

été

Le soleil brille avec une puissance écrasante ; les papillons tricotent l'air en tâches de couleur jusqu'au milieu du mois d'août et alors les libellules les remplacent ; les oiseaux recherchent l'ombre et chantent avec force (sauf à l'heure de la sieste, où ils se taisent, anesthésiés par la chaleur) ; les chrysalides sont vides, abandonnées comme des costumes d'une autre saison ; les insectes usurpent n’importe quel territoire, faisant démonstration de la puissance de leur infanterie, de leur cavalerie et de leur aviation, pour que les choses soient claires ; la chair, fraîche et rouge, des pastèques dispute à la figue le titre de meilleur symbole de sensualité de cette saison ; le melon est un parfum raffiné qui fond dans la bouche pour apaiser notre soif ; le raisin en grappes est à partager, mais quand on est enfant on ne le sait pas ; la mer est un palais baroque – sous-marin, naturellement -, dont le toit en verrière atteint à la dimension de grande fresque picturale où les lumières varient au fil de la journée. Ses habitants sont parés de leurs plus beaux habits et de leurs cuirasses et se promènent sous l'eau comme des dames babyloniennes, des scribes assyriens et des prêtres égyptiens. Les requins bleus et les requins-taupes sont les barbares qui guettent la civilisation. Ou les détachements avancés aux frontières, qui les protègent. La mer est la splendeur et le retour à la maison, mais aussi l'immensité de la tragédie : personnelle (quand elle atrophie) et collective (quand elle est une saignée). Bref, la tragédie méditerranéenne, à laquelle, pourtant, elle survit toujours.

Auteur: Llop José Carlos

Info: Solstice

[ saison ] [ foisonnement ] [ estival ]

 

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