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récupération politique

Après l’orgie, on y est maintenant, et c’est tout simple : c’est le contraire de l’orgie et c’est le contraire de la liberté. C’est l’apparition de nouvelles lois, de nouvelles régulations, de nouvelles normes plus étonnantes les unes que les autres et qui poussent à toute allure comme des plantes monstrueuses, comme une végétation des premiers âges. La liberté n’a pas duré longtemps, mais le nouveau régime de persécution qui se met en place emploie encore le langage de la libération. Il ne l’emploiera pas longtemps, d’ailleurs, juste le temps qu’il faudra pour être devenu irréversible. On reconstruit en toute hâte, avec des matériaux un peu frustes il faut le reconnaître, mais c’est parce qu’ils ont été redessinés et retravaillés sur logiciel, les échafauds, les gibets, les pals, les estrapades, les bûchers que l’on avait détruits pendant l’orgie, et personne n’a l’air de s’en étonner ou de s’en inquiéter. Les torturés, d’ailleurs, ne seront pas les mêmes qu’avant, alors tout va bien. Après l’orgie, ce qu’il y a encore de plus libéré ce sont les lois, c’est la loi et le désir de loi, mais basés sur des valeurs que notre temps impose comme des évidences de toujours ou des lois d’essence alors qu’il ne s’agit, comme à chaque époque, que de préjugés. Les anciens régimes autoritaires mettaient au-dessus de tout la nation, la race ou le peuple ; les nouveaux propagandistes des nouveaux totalitarismes diffus, non dirigés, non conscients d’eux-mêmes, mais tout aussi totalitaires que les précédents, mettent en avant la parité, l’égalité égalitaire, la nécessité de conquérir tous les jours de nouveaux droits particuliers, et c’est tout cela dont l’ère de la liberté a accouché. Elle accouche tout simplement d’un nouveau désir de servitude.

Auteur: Muray Philippe

Info: Moderne contre moderne

[ dictature masquée ] [ asservissement volontaire ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

psycho-sociologie

Par l’intermédiaire de la lutte contre le père et la mère, en tant que cibles personnelles d’amour et d’agression, la jeune génération entrait dans la vie sociale avec des impulsions, des idées, des besoins qui, dans une large mesure, lui appartenaient en propre. Par conséquent, la formation du surmoi, la modification répressive des instincts, la renonciation et la sublimation étaient des expériences très personnelles. Justement à cause de ça, leur adaptation laissait des cicatrices douloureuses, et la vie sous le principe de rendement conservait encore une sphère de non-conformisme privé.



Maintenant, sous le règne des monopoles culturels, économiques et politiques, la formation du surmoi adulte semble sauter l’étape de l’individualisation : l’unité génétique devient directement une unité sociale. L’organisation répressive des instincts semble être collective et le moi semble être prématurément socialisé par tout un système d’agents et d’agences extra-familiaux. Dès le niveau pré-scolaire, les "bandes", la radio et la télévision fixent le modèle du conformisme et de la rébellion ; les incartades commises par rapport à ce modèle sont punies non pas tant à l’intérieur de la famille qu’à l’extérieur et contre elle. Les experts des mass-media transmettent les valeurs exigées : ils offrent une parfaite éducation de l’efficacité, de la ténacité, de la personnalité, de la rêverie et du sentimentalisme. Contre une telle éducation, la famille n’est plus capable de lutter. Dans la lutte entre les générations, les rôles semblent être inversés : le fils a une connaissance meilleure ; il représente le principe de réalité la plus moderne, contre les formes paternelles désuètes. Le père, premier objet d’agression dans la situation œdipienne, apparaît maintenant comme un but d’agression plutôt inadéquat. Son autorité comme dispensateur de la richesse, de l’habileté et de l’expérience se trouve considérablement réduite. 

Auteur: Marcuse Herbert

Info: Dans "Eros et civilisation", trad. de l'anglais par Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, éditions de Minuit, Paris, 1963, pages 91-92

[ évolution ] [ économie psychologique ] [ identifications ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

guerre

Dans la tranchée allemande bien creusée au fond de laquelle il y a maintenant quinze centimètres de boue, les hommes frémissent, assourdis, le visage contracté. En regardant bien on voit que la boue dans laquelle plongent leurs bottes frémit, elle aussi, remuée par les ébranlements du sol. C'est le tonnerre allemand qui est déchaîné, mais cependant ces hommes sont courbés sous l'angoisse, leur cerveau comme brûlé car nul ne saurait déchaîner impunément un tel tonnerre. Parfois ils sont jetés contre la paroi de leur tranchée par le souffle d'un obus de 420 passant au-dessus de leur tête, énorme train de ferraille roulant dans les airs, et ils sentent sous leurs pieds le roulement de mille trains souterrains.
Trois heures de l'après-midi. Bruit et souffrance, on a le cerveau brûlé et en même temps on a froid, car le temps s'est couvert et la neige commence à tomber. Ceux d'en face doivent à peine s'en apercevoir, l'ouate silencieuse qui descend du ciel se volatilise à la fureur des explosions bien avant de toucher le sol, mais ici elle arrive jusqu'aux hommes à travers le passage des obus. La neige après le froid, après la pluie. Les troupes d'assaut occupent les tranchées de première ligne depuis maintenant neuf jours. Plusieurs fois les généraux commandants de corps d'armée ont demandé s'ils pouvaient relever ces troupes mais chaque fois la réponse a été : " Non, l'attaque va être déclenchée très probablement demain matin ". D'un matin à l'autre, d'un matin à l'autre, terrible attente. A peine est-il besoin de parler de la souffrance physique: pieds dans la boue, froid, nourriture froide, beaucoup de malades du ventre. A l'assaut en caleçon brenneux, camarade, voilà un sujet de plaisanterie parmi les Stosstruppen !

Auteur: Blond Georges

Info: Verdun

[ hiver ]

 

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topologie

Un lignée (lineate) est une Magnitude plus que longue. Une nouvelle forme de doctrine a forcé notre auteur à souvent utiliser de nouveaux mots, surtout pour séparer, que les lois logiques et les règles d'une division soient plus parfaite par dichotomie, c'est-à-dire en deux sortes, pour être tenues et observées. C'est pourquoi une Magnitude a été divisée en deux sortes, à savoir une Ligne et une Lignée (lineate) : Et une lignée est fait le genre d'une surface et un corps. Jusqu'à présent, une ligne, qui est la première et la plus simple de toutes les grandeurs, a été décrite : Maintenant, suivez une lignée (Lineate), l'autre type de grandeur opposée comme vous voyez à une ligne, suivez ensuite dans l'ordre. Lineatum est donc un Lineate, ou Lineamentum, ou Lineamentum, un Lineament, (comme par l'autorité de notre auteur lui-même, le savant Bernhard Salignacus, qui était son élève, l'a corrigé) est cette grandeur dans laquelle il existe des lignes : Ou qui est faite de lignes, ou qui est plus que longue : Par conséquent, les lignes peuvent être tracées sur une surface, qui est le griffonnage appropriée ou des parcelles de lignes ; elles peuvent aussi être tracées dans un corps, comme le Diamètre dans un Prisma : l'axe dans une sphère ; et généralement toutes les lignes tombent d’en-haut : Et c'est pour cela que Proclus fait des lignes simples, d'autres pleines. Ainsi, les lignes de Conicall, comme l'ellipse, l'hyperbole et la parabole, sont appelées lignes pleines parce qu'elles proviennent de la coupe d'un corps. 2. A un Linéate appartiennent un Angle et une Figure. Les affections communes d'une magnitude devaient être délimitées, coupées, mesurées conjointement et prescrites : Puis pour qu'une ligne soit correcte, tordue, retouchée,

Auteur: Petrus Ramus Pierre de La Ramée

Info: la voie de la géométrie

[ historique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

idéologies

- Voulez-vous que je vous dise exactement, mon oncle, quel homme est Bazarov ?

-Je t'en prie, mon chère neveu.

-Il est nihiliste.

-Comment ? demandant Nicola Petrovitch [...]

-Il est nihiliste, répéta Arkadi.

-Nihiliste, dit Nicola Pétrovitch, cela vient du latin 'nihil',' rien', autant que je puis en juger; donc ce mot désignerait un homme qui...qui ne veut rien reconnaître ?

-Dis plutôt : qui ne respecte rien, rectifia Paul Petrovitch [...]

-Qui envisage tout d'un point de vu critique, précisa Arkadi.

-N'est-ce pas la même chose ? demanda Paul Petrovitch

-Non, pas du tout. Un nihiliste, c'est un homme qui ne s'incline devant aucune autorité, qui ne fait d'aucun principe un article de foi, quel que soit le respect dont ce principe est auréolé.

-Et l’on s’en trouve bien ? l’interrompit Paul Pétrovitch.

-Tout dépend de l’individu, mon oncle. Certains s’en trouvent bien, et d’autres très mal.

-Tiens donc. Allons, cela n’est pas de notre ressort, à ce que je vois. Nous autres, gens de l’ancien temps, nous estimons que sans principes […] reconnus comme des articles de foi, pour reprendre ton expression, il est impossible de faire un pas, impossible de respirer. Vous avez changé tout cela, Dieu vous le rende et vous donne le grade de général ; nous nous contenterons de vous admirer, messieurs les…comment, déjà ?

-Nihilistes, articula distinctement Arcade.

-Oui. Nous avons eu les hégélistes, voici maintenant les nihilistes. On verra bien comment vous subsisterez dans le désert, dans le vide absolu ; pour le moment, sonne donc, s’il te plaît, Nicolas Pétrovitch, mon frère ; c’est l’heure de mon cacao.

Auteur: Tourguéniev Ivan

Info: Pères et fils, traduction de Françoise Flamant, éditions Gallimard, 1982, pages 54-55

[ affrontement générationnel ] [ description ] [ nihilisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

science-fiction

Elle me toisa, moue amusée sur la face.

- Cette barrière divine est locale. Notre galaxie, au fur et à mesure du développement de la vie sub-atomique, a développé son âme propre... un méta esprit, sécrétion de la matière de son ile galactique...

- ?

- Ce qu'on a pas encore réussi à comprendre c'est comment aller au-delà pour percevoir, identifier et éventuellement classifier d'autres divinités galactiques du même genre... On ne sait comment s'y prendre.

- Un dieu issu de 200 milliards d'astres, entouré de milliards d'autres divinités comme lui... dans cet univers ?

- Oui, dans cet univers, tu fais bien de préciser... Elle affichait un sourire affuté par la sonde perforante de ses yeux.

- Tous les médiums, si divers et variés de notre voie lactée en sont d'accord... Ils sont issus des plus de dix mille civilisations que notre conscience collective a appris à discriminer. Depuis les pierres organiques à pensées longues jusqu'aux quasi esprits que forment les immenses regroupement essaims des minuscules entités-oiseaux de Tioree*... Sans parler des anciens mystiques soufis de la planète d'où tu viens. Bref tous s'accordent sur la représentation d'une divinité identifiée à notre nébuleuse.

- Mais ce n'est pas scientifique... Et comment déduire que les autres amas d'étoiles font de même ?

- Mon pauvre. Elle ralentit son débit. Un tel consensus ne supporte aucune contradiction. Connais-tu la théorie des structures fractales ?

- Un peu

- Ce modèle ancien et ses dérivés évoluent à toute berzingue, on a maintenant extrapolé des occurences intriquées à des vitesses diverses, non assorties selon nos standards... Son regard clouait sur place. "Bg8zCdai fdfdaf adffas dfsff" messageait-il.

Auteur: Mg

Info: 7 mars 2017, *à la source de leur très célèbre et ultra rapide télépathie collective

[ représentation du monde ] [ fantasy ]

 
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réussite économique

Au printemps la valeur des terrains baissa. Comme chaque fois que des gens de couleur réussissent à s'installer dans le voisinage des blancs et refusent de quitter la place, les Bloom faisaient le vide autour d'eux.

Au début de l'été, l'on apprit que Mac Klem Lodge était à louer : le juge et sa femme évacuaient le pays, cela jeta le désarroi dans le camp ennemi.

A l'automne, tout Forest Hill fut à vendre. Octavius put acquérir à New-York, vit du monde, exposa habilement son projet de création d'une station d'été réservée aux noirs, à proximité des grands centres, avec attractions, cirque, golf et piscine d'eau de mer chaude. Les nouveaux riches de Harlem, le petit commerce de la ceinture noire, à Chicago, qui, depuis la prohibition a pris le goût de placer ses économies dans des spéculations de terrains, se laissèrent séduire. La crise, le grand organe de couleur, se montra favorable à l'entreprise et la soutint par une campagne financière...

Maintenant, Octavius Bloom est un boss. Il fume dès le matin des cigares du Texas. Il a acheté Mac Klem Lodge. Il dit à tout instant : "nous autres Noirs..." Il vaut deux millions de dollars. Poolie est mariée à un avocat de La Nouvelle-Orléans.

Tous ignorent la vraie raison de ces succès inespérés : c'est que la tante leur a cousu dans les doublures de petites poupées consacrées. La vieille Mme Bloom, négresse madrée que la civilisation du Nord n'étonne pas, vit encore. On l'entend, de son lit, le matin, chanter d'anciennes chansons créoles, entre autres : Ah ! tincoutou. C'est la complainte d'une mulâtresse qui voudrait devenir blanche, mais qui ne trouve pas le bon savon.

Auteur: Morand Paul

Info: Magie noire (1928, 227 p., Grasset, les cahiers rouges)

[ nouveau monde ] [ états-unis ] [ communautarisme ]

 

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possessivité maternelle

Un soir enfin le baron parla du collège ; et Jeanne aussitôt se mit à sangloter. Tante Lison effarée se tenait dans un coin sombre.

La mère répondait : "Qu’a-t-il besoin de tant savoir ? Nous en ferons un homme des champs, un gentilhomme campagnard. Il cultivera des terres comme font beaucoup de nobles. Il vivra et vieillira heureux dans cette maison où nous aurons vécu avant lui, où nous mourrons. Que peut-on demander de plus ?"

Mais le baron hochait la tête. "Que répondras-tu s’il vient te dire, lorsqu’il aura vingt-cinq ans : Je ne suis rien, je ne sais rien par ta faute, par la faute de ton égoïsme maternel. Je me sens incapable de travailler, de devenir quelqu’un, et pourtant je n’étais pas fait pour la vie obscure, humble, et triste à mourir, à laquelle ta tendresse imprévoyante m’a condamné."

Elle pleurait toujours, implorant son fils. "Dis, Poulet, tu ne me reprocheras jamais de t’avoir trop aimé, n’est-ce pas ?"

Et le grand enfant, surpris, promettait : "Non, maman."

— Tu me le jures ?

— Oui, maman.

— Tu veux rester ici, n’est-ce pas ?

— Oui, maman.

Alors le baron parla ferme et haut : "Jeanne, tu n’as pas le droit de disposer de cette vie. Ce que tu fais là est lâche et presque criminel ; tu sacrifies ton enfant à ton bonheur particulier."

Elle cacha sa figure dans ses mains, poussant des sanglots précipités, et elle balbutiait dans ses larmes : "J’ai été si malheureuse… si malheureuse ! Maintenant que je suis tranquille avec lui, on me l’enlève… Qu’est-ce que je deviendrai… toute seule… à présent ?… "

Auteur: Maupassant Guy de

Info: Dans "Une vie", éditions Gallimard, 1974, pages 253-254

[ séparation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

amour

Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne sert de rien.

La charité est patiente, elle est pleine de bonté ; la charité n’est point envieuse ; la charité ne se vante point, elle ne s’enfle point d’orgueil, elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne soupçonne point le mal, elle ne se réjouit point de l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité ; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout.

La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra. Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mai quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra. Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant. Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu.

Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, la charité ; mais la plus grande de ces choses, c’est la charité.

Auteur: La Bible

Info: La Sainte Bible, traduction Louis Segond, Corinthiens, 13

[ vertus surnaturelles ] [ temporel-éternel ]

 

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bibelots

Dans ma chambre, il y a deux petits objets qui ont une grande valeur pour moi, ils ne sont donc pas négociables. L’un d’eux est une frise en pierre, ramassée dans les décombres de la bibliothèque de Sarajevo pendant les années de siège. J’ai fréquenté ces lieux lors des dizaines de voyages en tant que conducteur de convois d’aide, pendant leur enfer. J’avais la quarantaine et je quittais le chantier de construction où je travaillais comme maçon. Les autres travailleurs gardaient ma place. Ce morceau de pierre blanche et taillée, exposé sur un ancien bâtiment musulman écroulé par les obus de la fin du siècle, contient mon époque, mon appartenance au XXe siècle.

L’autre objet est un boulon massif à tête carrée, utilisé pour fixer un rail à sa traverse. Je l’ai ramassé sur le ballast défoncé et labouré du camp d’extermination de Birkenau/Brzezinka en Pologne. C’était le mois d’avril, j’étais seul, enveloppé dans un silence servi par le vent, qui agissait comme un serveur balayant tout sans bruit. J’ai marché sur le quai le long duquel plus d’un million de vies étaient descendues des wagons de marchandises plombés. J’ai parcouru les mètres jusqu’à la fin de la course, où la sélection a eu lieu. J’ai marché sur ces derniers pas. J’étais entouré des ruines du siège d’une infamie. J’ai ramassé parmi les bouts de fer rouillé, éparpillés, le boulon à tête carrée. Il est un peu tordu, probablement martelé. J’ai enlevé la rouille avec mes mains, j’avais des paumes en papier de verre à l’époque. Maintenant, il est posé sur la table de mon bureau. Il appartient au milieu des années 1900, époque où je n’étais pas là et dont j’ai hérité de la génération de mes parents.

Auteur: Luca Erri De

Info: " Circa il valore ", 24 octobre 2013, in " Itinéraires ", Œuvres choisies ; © Gallimard, 2023

[ fétiches personnels ] [ mémoire ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste