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unus mundus

La condition du trois correspond à l’intelligence intérieure, la réalisation de la conscience. C’est l’unité retrouvée du "un" à un niveau supérieur, bref à la gnose, la connaissance. Toutefois, le stade final n’est pas atteint pour autant. Il manque une dimension à cette pensée "trinitaire" qui reste plate, intellectuelle et favorise par conséquent un penchant aux affirmations absolues et intolérantes. En conférant une validité absolue à certaines connaissances dans le cadre de la forme de la pensée trinitaire, on néglige de voir que quelque chose, qui avait été montré comme "structure intemporelle par l’inconscient", a été reconstruit par la pensée discursive et, par suite, marqué d’une condition temporelle. C’est pourquoi le "trois" a si souvent à faire avec le temps dans la symbolique des nombres. Inutile de souligner plus avant que notre réflexion devient erronée quand elle attribue naïvement à ses connaissances conscientes une validité "éternelle". Elle n’est seulement qu’une reconstruction obtenue au moyen de la pensée "discursive" et uniquement située dans le temps. Si l’individu devient conscient de cette distinction, il se produit une modification radicale de la conscience. Le "moi" ne s’identifie plus à une vérité "éternelle" et devient capable de ne plus voir dans la connaissance "éternelle" qu’une des nombreuses révélations possibles de l’arrière-plan inconnu de l’âme et du monde. La proclamation de dogmes absolus fait alors place à une forme de pensée quaternaire. Le "quatre" cherche seulement à fournir des descriptions de la réalité dont elle espère que, du moment qu’elles seront fondées sur des prémisses archétypiques, elles pourront être comprises par d’autres individus. Ce faisant on demeure conscient du fait que, si les présupposés inconscients reflètent la réalité extérieure ou intérieure, leur passage dans une conscience liée au temps et leur expression dans un langage temporel leur fait perdre leur validité absolue et ne permet de les représenter que comme des modèles approximatifs.

Auteur: Franz Marie-Louise von

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[ fonction d'onde ] [ singularité ] [ trinité-quaternité ] [ relativité linguistique ] [ idiomes consensus ] [ humaines tiercités ] [ intemporalité ]

 
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division structurelle

Á un système qui lui-même, de sa propre pente, va essentiellement vers le leurre... vers l’erreur, vers quelque chose qui pointe dans le fait que cet organisme semble tout entier fait, non pour satisfaire le besoin, mais pour halluciner le besoin ...il convient que s’oppose un autre appareil. Et là je ne force pas la note, FREUD lui-même entend bien qu’il doit y avoir une sorte de distinction entre les appareils dont il avoue ne voir aucune trace dans ces supports anatomiques.

Il faut supposer un autre appareil qui vient là entrer en jeu pour exercer un principe, une instance de réalité qui se présentera comme essentiellement un principe de correction, de rappel à l’ordre. Le principe de réalité, c’est-à-dire tout ce à quoi doit, en fin de compte - le fonctionnement de l’appareil neuronique - son efficace, se présente comme un appareil qui va beaucoup plus loin dans le sens d’opposition que le simple contrôle. Il s’agit de la rectification et aussi bien d’ailleurs toute façon d’opérer ne sera que le détour de précaution, de retouche, de retenue dirai-je, pour caractériser essentiellement le mode sur lequel ce principe s’exerce et fonctionne.

Principe de retenue qui vient ici en somme pour corriger, compenser, fondamentalement s’opposer à ce qui paraît être la pente fondamentale de l’appareil psychique. Jamais personne, jamais aucun système possible de reconstitution de l’action humaine n’avait été aussi loin dans le caractère fondamentalement conflictuel, introduit à la base, au principe même de ce que comporte normalement l’affrontement d’un organisme qui semble en principe, après tout, disons-le, plutôt destiné à vivre. Et aucun n’avait poussé plus loin dans les présupposés, explications à donner de cet organisme dans le sens d’une inadéquation radicale pour autant que le dédoublement des systèmes se pose au principe, comme fait pour aller contre l’inadéquation foncière d’un des deux.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Séminaire VII, L'Ethique, 25 novembre 1959

[ antagonisme ] [ forces contraires ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

corps-esprit

Les Ennemis de l'Esprit sont d'opinion que la partie saine, bonne, innocente, inoffensive de l'homme, c'est la chair. La chair n'a d'elle-même aucun mauvais instinct, aucune tendance perverse. Se nourrir, se reproduire, se reposer, ce sont ses fonctions : Dieu les lui a données et les lui rappelle sans cesse par les appétits. Tant qu'elle n'est pas corrompue, elle recherche purement et simplement les occasions de se satisfaire ; ce qui est marcher dans les voies de la justice céleste ; et plus elle se satisfait, plus elle abonde dans le sens de la sainteté. Ce qui la corrompt, c'est l'Esprit. L'Esprit est d'origine diabolique. Il est parfaitement inutile au développement et au maintien de l'Humanité. Lui seul invente des passions, de prétendus devoirs qui, contrariant à tort et à travers la vocation de la chair, engendrent des maux sans fin. L'Esprit a introduit dans le monde le génie de la contradiction, de la controverse, de l'ambition et de la haine. C'est de l'Esprit que vient le meurtre : car la chair ne vit que pour se conserver et nullement pour détruire. L'Esprit est le père de la sottise, de l'hypocrisie, des exagérations dans tous les sens, et partant, des abus et des excès que l'on a coutume de reprocher à la chair, excellente personne, facile à entraîner à cause de son innocence même ; et c'est pourquoi les hommes vraiment religieux et vraiment éclairés doivent défendre cette pauvre enfant en bannissant vivement les séductions de l'Esprit. Dès lors, plus de religion positive pour éviter de devenir intolérant et persécuteur ; plus de mariage pour n'avoir plus d'adultère ; plus de contraintes dans aucun goût pour supprimer radicalement les révoltes de la chair, et, enfin, l'abandon de toute culture intellectuelle, occupation odieuse qui, n'aboutissant qu'au triomphe de la méchanceté, n'a opéré jusqu'ici qu'en faveur de la puissance du diable.

Auteur: Gobineau Joseph Arthur

Info: Nouvelles Asiatiques, La danseuse de Shamakha

[ déséquilibre ] [ anti intellectualisme ]

 

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concept psychanalytique

Dans Malaise dans la civilisation, la dualité s’achève en un cycle de la seule pulsion de mort. Éros n’est plus qu’un immense détour de la culture vers la mort, qui subordonne tout à ses propres fins. Mais cette dernière version ne revient pourtant pas en deçà de la dualité, vers une dialectique inverse. Car il n’y a dialectique que du devenir constructif, de l’Éros, dont le but est "d’instituer des unités toujours plus grandes, de lier et d’ordonner les énergies". A ceci la pulsion de mort s’oppose sous deux caractéristiques principales :


  1. Elle est ce qui dissout les assemblages, délie les énergies, défait le discours organique d’Éros pour ramener les choses à l’inorganique [...].

  2. Cette puissance de désagrégation, de désarticulation, de défection implique une contre-finalité radicale sous forme d’involution vers l’état antérieur et inorganique. [...] C’est donc toujours comme cycle répétitif que la mort vient démanteler les finalités constructives, linéaires ou dialectiques, de l’Éros. [...]


Il y a donc bien dans la proposition de la pulsion de mort – que ce soit dans sa forme duelle ou dans la contre-finalité incessante et destructrice de la répétition – quelque chose d’irréductible à tous les dispositifs intellectuels de la pensée occidentale. La pensée de Freud joue au fond elle-même comme pulsion de mort dans l’univers théorique occidental. Mais alors, bien sûr, il est absurde de lui rendre un statut constructif de "vérité" : la "réalité" de l’instinct de mort est indéfendable – pour rester fidèle à l’intuition de la pulsion de mort, il faut la maintenir dans l’hypothèse déconstructive, c’est-à-dire l’assumer dans les seules limites de la déconstruction qu’elle opère sur toute pensée antérieure, mais aussi, aussitôt, la déconstruire elle-même comme concept. [...]

Ce contre quoi il faut défendre la pulsion de mort, c’est contre toutes les tentatives pour la redialectiser dans un nouvel édifice constructif.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 245-246

[ critique ] [ paradoxal ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

paradigme

Ainsi, j’ai considéré l’ensemble de la textualité canonique, c’est-à-dire la variété des sources qui témoignent de la reprise de l’Idée impériale romaine par la papauté, non plus seulement sur le mode de l’hégémonie politique [...] mais de façon beaucoup plus radicale encore en réformant l’Église elle-même par une appropriation du Corpus juridique romain. Au mépris de la Romanité ininterrompue incarnée à l’est par l’empereur de Constantinople, ce vaste mouvement, assuré de sa légitimité par une tradition de commentaires de théologie politique, assortis de manipulations de textes [...] a été rendu possible par la Réforme grégorienne précisément, à l’occasion de l’affrontement entre le Saint-Siège et le Saint-Empire romain (germanique) sur le terrain féodal. C’est au XIIe siècle qu’en apparaissent les effets institutionnels massifs, soutenus par la renaissance intellectuelle d’une ampleur inédite, transmise par la mémoire savante sous l’étiquette de Scolastique : la Science des écoles.

[...] nous assistons à la formation d’un Mouvement romano-canonique complexe, qui pour la civilisation européenne a valeur d’une Bible seconde. Autrement dit, le Moyen Age a échafaudé, distincte des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, l’autre Bible de l’Occident, laquelle nous tient encore, sous l’emprise de causes parfaitement identifiables. [...]

Je tire les conséquences d’une Révolution dont les implications mises au jour par l’exploration érudite ont affecté de façon décisive, sur le mode d’une causalité généalogique, la structuration de la Modernité européenne.

[...] Les contenus du Monument romano-canonique ne sont plus d’actualité, du moins telle que nous l’entendons, car nombre de concepts issus des interprétations médiévales ont continué de cheminer sous des appellations renouvelées dans les systèmes normatifs nationaux élaborés par les Temps modernes. Mais la logique constitutive, elle, est demeurée intacte, et c’est elle qui nous autorise aujourd’hui à parler de Modèle institutionnel occidental, aussi bouleversés qu’ont été les contenus au fil des siècles. Les Occidentaux, eux aussi, véhiculent une tradition, pour l’essentiel refoulée. Mes travaux nomment ce phénomène de refoulement notre lien à l’Immémorial.

Auteur: Legendre Pierre

Info: Dans "Leçons X, Dogma : Instituer l'animal humain", Librairie Arthème Fayard, 2017, pages 65-66

[ christianisme ] [ historique ] [ inconscient ]

 
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définition

Regardons d’abord le yang. La partie droite du caractère ressemble beaucoup au yi de Yi Jing. En fait, elle ne s’en distingue que par un trait horizontal. Alors que le mot yi évoque les changements de temps en général, la "facilité" avec laquelle soleil et pluie alternent dans le ciel ; yang, lui, insiste sur un des aspects de ce changement. Le trait horizontal différencie nettement le soleil de la pluie qui tombe. Cette partie de l’idéogramme dessine la fin d’un orage, quand le soleil prend le pas sur les nuages, quand il s’en distingue de plus en plus nettement. Yang est ce moment particulier où les nuages diminuent, où le soleil se dévoile, l’air se réchauffe et devient plus lumineux, le ciel monte, les nuages s’effilochent et disparaissent.
Yin se compose dans sa partie droite de deux signes. Le premier exprime une idée de présence latente, et le second est le caractère : nuage(s). Il y est décrit le mouvement complémentaire du yang, les nuages de pluie s’amassent, le soleil se voile, le ciel descend, l’air devient plus sombre et plus froid.
On mesure la distance entre ce qui est évoqué par les idéogrammes chinois et les traductions qu’on nous en propose habituellement. Commençons par les pires : yang = masculin et yin = féminin. Peut-on imaginer réduction plus radicale d’un système qui vise à représenter le changement ? […]
En tant que verbe copulatif reliant l’attribut et le sujet, le verbe être n’existe pas en chinois. Un Chinois ne peut pas dire que le yin est sombre, froid ou bas. Il ne peut donc pas penser que sombre, froid, etc., sont des attributs du yin, mais seulement des résultats sensibles de son action. Yin n’est pas sombre, c’est un mouvement d’assombrissement ; il n’est pas froid, mais tendance au rafraîchissement ; il n’est ni intérieur ni repos, mais rentrée et freinage. De même, yang n’est pas clair, mais mouvement d’éclairement ; il n’est pas chaud, extérieur ou action, mais réchauffement, ascension ou mise en action.

Auteur: Javary Cyrille J.-D.

Info: Dans "Le Yi Jing", pages 15 à 17

[ nuances ] [ intraduisible ] [ yi-king ]

 

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climatosceptiques

Ils savent, ils entendent, mais au fond, ils n'y croient pas. C'est là, je crois, qu'il faut aller chercher l'origine profonde du climato-scepticisme. Ce n'est pas un scepticisme qui porte sur la solidité des connaissances mais un scepticisme sur la position dans l'existence. S'ils doutent ou s'ils dénient, c'est parce qu'ils prennent ceux qui crient à temps et à contre temps qu'il faut changer totalement et radicalement de mode de vie pour des zozos dans plus de crédit que Philippus le Prophète qui effraie Tintin dans l'Etoile Mystérieuse avec son gong et son drap blanc. "Le changement de vie total et radical", mais ils l'ont déjà accompli, justement, en devenant résolument modernes ! Si la modernité n'était pas si profondément religieuse, l'appel à s'ajuster à la Terre serait facilement entendu. Mais comme elle a hérité de l'Apocalypse simplement décalée d'un cran dans le futur, elle ne suscite qu'un haussement d'épaules ou qu'une réponse indignée. "Comment pouvez-vous venir nous prêcher encore une fois l'Apocalypse. Où est-il écrit dans les Livres qu'il y aura une apocalypse après la première ? La modernité est ce qu'on nous a promis, ce que nous avons conquis, parfois par la violence, et vous prétendez nous l'arracher ? Nous dire que nous nous sommes trompés sur le sens de la promesse ? Que la Terre promise de la modernité devrait rester promise ! C'est insensé".

Et en effet, il n'est écrit nulle part que l'Apocalypse puisse être suivie d'une autre. D'où cette certitude indéracinable, ce calme total, cette froideur de marbre, de ceux qui lisent pourtant tous les jours l'annonce de catastrophes diverses. Il semble qu'ils aient droit à cett terre qu'on leur a en effet promise, mais cette terre n'a rien de terrestre, puisque ce qui est nié, justement, c'est qu'elle ait une histoire, une historicité, une rétroaction, des capacités, bref, des puissances d'agir. Tout tremble, mais pas eux, pas le sol sur lequel ils ont les pieds posés. Le cadre où se déroule leur histoire est forcément stable. La fin du monde n'est qu'une idée.

Auteur: Latour Bruno

Info: Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique

[ anthropocène ]

 

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réflexion stéréotypée

[ Günther ] Anders montre que Heidegger a donné du Dasein une vision étroite marquée par une double omission – en bas et en haut en quelque sorte, ce qui correspond à ce qu’Anders appelle la mise hors-jeu du naturalisme (la nature) et du supranaturalisme (la culture). Or, c’est le défaut ontique de l’homme (c’est-à-dire son manque relatif de nature) qui est la condition de possibilité de production d’un supplément ontologique (la culture), laquelle le lance dans l’aventure historique avec des formations telles que la morale, le social, les lois, les institutions du droit. [...]

Il semble donc que Heidegger reste prisonnier du point de vue aristocratique grec, présent dès les présocratiques, seuls encore soucieux de l’Être selon Heidegger (Platon encore un peu – dans Le Sophiste -, Aristote presque plus, et encore moins la philosophie traditionnelle qui a délaissé l’Être pour ne s’intéresser qu’à l’Etant et notamment au premier d’entre eux, Dieu, de même qu’aux étants comme réserve calculable et exploitable d’énergie). Il manque en somme à cette élaboration une critique radicale des fondations de la philosophie qui ont laissé croire que son exercice impliquait la relégation du travail. Par conséquent, on peut dire que lui, Heidegger (et Hannah Arendt à sa suite), n’a fait que prolonger la métaphysique occidentale là même où il pensait s’en affranchir en la refondant (dans les années 1920), en la renversant (dans les années 1930-1945), en la remplaçant par une nouvelle pensée où l’art tient une place déterminante (après 1945). Faute de cette mise en question, il a raté l’analyse du cœur du délire occidental. Il eût fallu pour cela mettre en jeu, à la place de la notion culpabilisante (et crypto-chrétienne) d’inauthenticité, un concept comme celui, par exemple, d’aliénation (qui a une longue histoire depuis La Boétie et son Discours de la servitude volontaire) qui aurait permis d’analyser pourquoi la classe "vile" peut suivre des objectifs qui ne sont nullement les siens, mais ceux des classes nobles. Faute de cela, le malheur du monde paraît incomber à ceux qui en sont les premières victimes.

Auteur: Dufour Dany-Robert

Info: "Le délire occidental", éditions Les liens qui libèrent, 2014, pages 46 à 48

[ critique ] [ échec ] [ limites ]

 
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maman

... Dans la chambre, il m'a laissé le déshabiller et quand je lui ai demandé quel pyjama il voulait mettre, au lieu de lever les yeux au ciel en grognant : "M'en fiche," il a réfléchi un instant avant de murmurer, d'une petite voix : "Celui de l'astronaute. J'aime bien le singe dans la fusée." C'était la première fois que je l'entendais dire qu'il aimait une pièce de sa garde-robe, et quand je me suis rendue compte qu'il s'agissait de l'unique pyjama se trouvant au linge sale, j'ai été plus que désemparée en l'extirpant du panier avant de vite revenir lui promettre de le laver le lendemain pour qu'il soit comme neuf. J'attendais un "Pas la peine," au lieu de quoi - autre première - j'ai entendu "Merci." Quand je l'ai bordé, il s'est niché volontiers, en remontant la couverture sous son menton, et quand j'ai glissé le thermomètre entre ses lèvres écarlates - son visage était criblé de rougeurs de fièvre - il a léché l'extrémité en verre à coup de minuscules succions, comme si finalement, à dix ans, il avait appris à téter. Sa température était élevée pour un enfant - plus de 38°4 - et lorsque je lui ai tamponné le front avec un linge humide, il a ronronné.
Je ne saurais dire si nous sommes moins nous-mêmes quand nous sommes malades, ou plus. Mais ces deux semaines hors du commun ont été pour moi une révélation. (...) Je sais bien que nous changeons tous, dans un sens ou dans un autre, quand nous sommes malades, mais Kevin n'était pas seulement sur les nerfs ou fatigué, il était une personne radicalement différente. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis d'évaluer la quantité d'énergie et de volonté qu'il devait dépenser le reste du temps pour être un autre enfant (ou d'autres enfants). (...) J'avais cru immuable le registre émotionnel qui le gouvernait depuis sa naissance. Rage ou colère, la seule variante était le degré d'intensité. Or, sous les couches de fureur, je découvrais, avec stupéfaction, une strate de désespoir. Il n'était pas furieux. Il était triste. ...

Auteur: Shriver Lionel

Info: Il faut qu'on parle de Kevin

[ affection ] [ thérapie ] [ littérature ]

 

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forme littéraire

Il se trouve que le manga [japonais] constitue une réaction à la table rase engendrée par le largage des deux bombes atomiques sur l’Archipel. Ceci est explicite dans les mangas post-apocalyptiques (Gen d’Hiroshima, Akira, Violence Jack, Ken le survivant, etc.) mais s’avère être en réalité la toile de fond de l’ensemble de cette production. C’est ce que j’ai nommé "la faille généalogique" ou encore "le déficit d’origine" qui s’observe notamment à l’absence régulière des parents : Sangoku, le héros de Dragon Ball, est envoyé sur une planète étrangère ; Naruto pas plus que Luffy (One Piece) ne connurent directement leur père ; les Chevaliers du Zodiaque sont des orphelins élevés et entraînés par une fondation ; le père d’Olivier, le héros de Olive et Tom, marin et donc rarement présent ; l’on pourrait ainsi multiplier les exemples montrer l’absence de lien généalogique clairement institué est à la fois une allégorie de la table rase nucléaire, qui du passé tout efface, et la conséquence de la mort semée par l’explosion des bombes.

Cela signifie, de mon point de vue, que le manga possède une portée philosophique et anthropologique qui excède de loin la plate dimension de loisir que les consommateurs lui prêtent. Le manga n’est en aucun cas un analogue de la bande dessinée occidentale, et il serait temps de s’interroger sur les raisons de son succès planétaire auprès de la jeunesse. Pourquoi, en pleine postmodernité destructrice des grands récits modernes, les enfants, les adolescents et les jeunes adultes se précipitent-ils sur une production culturelle issue de la table rase nucléaire ? Je laisse ici la question en suspens et reprends mon cheminement.

Que ce soit sous une forme explicite ou métaphorique, les mangas mettent donc en scène un état de nature qui ne précède plus la civilisation mais lui fait suite, qui ne précède plus l’artifice du contrat social, mais fait suite à l’artificialisation intégrale de nos vies dans les sociétés industrielles ; ils dessinent tout simplement, et radicalement, le visage d’un monde d’où le principe généalogique fut banni. Ils forment ainsi le point de départ d’une réflexion sur la vie, ou la survie, après l’effondrement. 

Auteur: Rappin Baptiste

Info: https://frblogs.timesofisrael.com/abecedaire-de-la-deconstruction-ressourcement-ou-liquidation/

[ symptomatique ] [ transmission ] [ post-atomique ] [ palier historique ]

 

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