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théologie apophatique

Il y a bien une sorte d’essence de l’être, puisque ce mot possède une incontestable intelligibilité : il ne signifie pas n’importe quoi. Mais cette essence n’est pas constituée d’éléments susceptibles, ou non, d’être intrinsèquement compatibles, comme les éléments de la définition du triangle ou du cercle. La possibilité de l’être n’est donc pas une affaire de non-contradiction d’éléments constitutifs. En réalité, l’idée d’être est définie par sa simplicité même, ou, disons si l’on veut, qu’elle ne comporte qu’un seul élément, qui est l’idée de "position absolue" ou encore de "position en tant que telle" […]. Toutefois, […] cette idée de position absolue n’est pas "absolument simple" puisqu’elle n’a de sens que par rapport à une non-position radicale : s’il n’y avait que de la position, il n’y aurait pas de position […]. Voilà donc ce que signifie parler de la possibilité de l’être.

Mais alors, il ne s’agit plus seulement d’une possibilité appartenant intrinsèquement à l’être. Elle est, semble-t-il, d’un autre ordre que l’être, puisque, s’il est vrai qu’on ne se pose qu’en s’opposant, la "position comme telle" qu’est l’être n’est possible que par son opposition. Et à quoi l’être peut-il bien s’opposer, sinon à ce qui n’est pas, c’est-à-dire au néant ? […] on pourrait tout aussi logiquement soutenir que c’est l’être qui est la possibilité du néant, puisque le néant n’est pas réellement concevable "en soi" (ce qui équivaudrait à lui conférer contradictoirement l’être), mais seulement comme un moindre être, une diminution de l’être, ou, à la limite, comme son anéantissement. […] il nous faut admettre que, de l’être et du néant, chacun est, d’une certaine manière, la condition de possibilité de l’autre : dans l’ordre de la pensée, l’être n’a de sens que de sa différence d’avec le néant, tandis que, dans l’ordre du réel, le néant n’a de sens que de sa relation à l’être qu’il nie. […]

La question est maintenant de savoir si cette analyse est applicable au cas de l’Être premier : qu’en est-il de la pensée de l’Être premier ? Est-on en droit de parler à son sujet de possibilité ? A priori, il semble bien que oui, car la pensée de l’être de tout être ne résulte pas d’une expérience relative à tel ou tel "étant", objectivement rencontré, et qui déterminerait l’idée que nous nous faisons de son esse. […] l’idée d’être surgit en nous à l’occasion de la rencontre empirique avec un objet, mais elle n’est pas fournie directement par cet objet. Etant innée, et donc indépendante quant à son sens de toute expérience particulière, elle garde une certaine unité de signification, quel que soit l’être auquel on l’applique, fût-ce l’Être premier. C’est précisément ce qu’on nomme l’unité analogique de l’être […].

S’il en est ainsi, on peut donc, et même on doit, parler de possibilité également pour l’Être premier, mais, évidemment, en un sens quelque peu différent, l’analogicité de l’idée d’être valant aussi pour l’idée corrélative de possibilité. Nous sommes donc autorisés à envisager l’idée de possibilité même pour l’Être premier ; plus encore, nous ne pouvons pas, spéculativement, faire autrement – à la condition d’admettre que cette Possibilité première, ou suprême, ne présente alors plus qu’une analogie lointaine avec celle de la possibilité de l’être second […]. […] s’agissant de l’Être premier, la Possibilité suprême dont nous parlons doit-elle être considérée comme une Réalité métaphysique, et même comme la Réalité suprême, absolue et infinie, sinon, il n’y aurait vraiment aucun intérêt philosophique à faire état d’une notion aussi peu commune. Ainsi envisagée, la Possibilité suprême apparaîtra comme le Principe surontologique (ou méontologique), autrement dit le Non-Être, dont le néant, hors duquel l’être existentiel fait saillance, constituera comme le reflet inversé, ultime et insaisissable.

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 104 à 106

[ ontologie-théologie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

concevabilité

La possibilité étant donc définie comme ce qui peut être, on constate qu’elle doit être envisagée de deux façons différentes, selon qu’on a plutôt égard au pouvoir de réalisation (le couteau peut couper, Dieu peut tout) : c’est la possibilité relative à la capacité d’un sujet ; ou selon qu’on a plutôt égard à ce qui rend non-impossible ce pouvoir de réalisation (c’est en quelque sorte la possibilité de la possibilité) : c’est la possibilité absolue, dite aussi intrinsèque, ainsi nommée parce qu’elle consiste dans la compatibilité (la non-contradiction) des éléments constitutifs de la nature du sujet. […] La possibilité absolue, c’est donc, en dernière analyse, la possibilité de l’essence. […]

Ces deux sortes de possibilités, si on en radicalise la notion, vont évidemment en des sens opposés : la première vers la pure puissance indéterminée, la seconde vers l’ordre et la détermination. On peut d’ailleurs se demander ce qu’il reste de "possible" dans la possibilité intrinsèque ou absolue, puisque, identifiée simplement à l’essence de la chose considérée en elle-même, elle est conçue indépendamment de sa réalisation éventuelle. Cela exige réflexion.

Que disons-nous quand nous disons que, existant ou non, le cercle est possible ? Simplement que sa possibilité ne dépend pas de sa présence effective dans le monde des réalités cosmiques. Mais cette possibilité, c’est-à-dire cette essence, est bien en elle-même et dans l’ordre métaphysique, une réalité. C’est même une réalité éternelle et nécessaire. Au degré métaphysique, c’est-à-dire dans l’ordre divin, tout ce qui est possible est nécessairement réel : tout ce qui peut être est, sinon l’Être divin ne serait pas toute chose […]. […] les possibles absolus, ce sont les Idées divines ou essences de tout ce qui est créable, mais envisagées en elles-mêmes, en dehors de leur rapport à leur existenciation par l’acte créateur de Dieu. Chez Aristote, qui distingue cependant les possibles intrinsèques des autres possibles, mais qui ignore l’idée de création et rejette les Idées platoniciennes, la réponse est moins aisée. Il semble bien que le possible n’est tel, chez lui, que relativement à son éventuelle réalisation : tout ce qui est possible se réalise nécessairement, si l’on prend en compte une durée assez longue […]. Alors que chez saint Thomas, il y a une multitude (non quantitative) de possibles qui ne viendront jamais à l’existence, qu’il appelle les "non-étants" (non-entia) : ils n’ont pas été, ne sont pas et jamais ne seront, mais Dieu les connaît. […]

Avec les "non-étants", nous avons véritablement affaire à de purs possibles intrinsèques que "Dieu a décidé de ne jamais réaliser" mais qui, cependant, ne sont pas un pur néant puisqu’"ils existent de quelque manière dans la puissance de Dieu comme dans un principe actif ou bien dans sa bonté comme dans une cause finale" [De la vérité, question 2, article 8]. […] Au demeurant, l’importance de ces "non-étants" ou purs possibles ne saurait être sous-estimée, puisqu’il y va proprement de la transcendance divine : que le créable déborde incommensurablement le créé est une conséquence rigoureuse de l’infinité de l’Essence créatrice. Il ne s’agit donc nullement d’une curiosité théologique.

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 99-102

[ théologie-philosophie ] [ définition ] [ virtualité ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

théologie-philosophie

Nous envisageons donc en Dieu une distinction principielle et surintelligible, celle de l’Essence infinie et de l’Auto-détermination ontologique. Mais leur distinction n’implique aucune séparativité et leur unité aucune contradiction. A cet égard, il est antimétaphysique, sous prétexte de satisfaire aux exigences de la critique heideggérienne et d’échapper au reproche d’ontothéologie, de vouloir chasser l’être hors de la théologie (après que Heidegger s’est efforcé de chasser Dieu hors de l’être), comme s’il faisait obstacle à une véritable approche du divin. Non seulement l’être ne s’oppose pas à l’intelligence du mystère de Dieu, mais encore, comme nous l’avons déjà souligné, pour nous les hommes, il n’y a, en dehors de l’Etre, aucun accès possible à ce mystère : sans ontologie, pas de théologie : "Être est mon nom" dit Dieu dans le Buisson ardent, le Nom par lequel Il veut être connu et invoqué ; de même que, sans théologie, pas d’ontologie véritable, puisque seule l’identification de l’être à l’Etre par excellence qu’est Dieu l’arrache à l’abstraction du concept et le pose dans le mystère de sa transcendance vivante, ce qu’Aristote avait admirablement entrevu ; expliquant que la joie de l’intellect réside dans la contemplation en acte de l’intelligible […].

Mais en outre, et c’est sur ce thème que nous voulons insister, on ne saurait non plus envisager la distinction de l’Être et du Non-Être comme s’il y avait entre les deux une opposition de contradiction, bien que le langage semble nous y inviter. […] Il faut donc admettre la pleine validité du principe de contradiction sur le plan de l’ontologie de la substance. Mais il n’en va plus tout à fait de même dans l’ordre méontologique, à propos duquel on peut bien parler d’un principe de non-contradiction absolue, principe qui est exigé par la pensée elle-même, et qui ne contredit nullement le principe de contradiction. […]

Le dilemme devant lequel est placée la pensée philosophique, c’est en dernière analyse qu’elle ne peut rendre compte de l’être des réalités contingentes sans faire appel à la réalité d’un Être nécessaire et premier, et, qu’en même temps, chacune de ces deux sortes d’être se contrepose à l’autre, en sorte que les êtres contingents relativement à cet Être nécessaire qui pourtant les fait être comme s’ils n’étaient pas (selon une formule mainte fois reprise par les théologiens) ; ce qui est bien paradoxal. La pensée philosophique est ainsi requise, sinon de résoudre ce paradoxe, du moins de le dépasser sans pour autant le supprimer (car il a sa pleine validité sur son propre plan). Elle doit, pour cela, s’efforcer d’entrevoir comment il serait possible que la Réalité divine incréée ne s’oppose pas à la réalité contingente de la créature. Or, cela ne peut se faire par la suppression du Dieu-Être, puisque au contraire la nécessité de l’Être premier est philosophiquement avérée. Si donc on entend dépasser le point de vue strictement ontologique, ce ne peut être qu’en s’élevant à un point de vue qui, loin d’éliminer l’Être, permet de concevoir la condition métaphysique de sa possibilité. S’élever à ce point de vue, ce n’est pas céder à quelque démesure de la pensée, à quelque vertige ascensionnel qui pousserait le philosophe à vouloir monter toujours plus haut, en oubliant toute prudence et toute rigueur. C’est au contraire obéir aux exigences les plus certaines de la pensée philosophique […].

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 96 à 98

[ nécessité logique ] [ progression ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

révélation

Sum Qui Sum, "Je suis Celui-qui Suis", ainsi parle Dieu. Le premier "Je suis" réfère à l’Essence insondable et en elle-même innommable ; le second "Je suis" réfère à l’Etre-Nom (il énonce le Nom qui est : "Suis") ; ce Nom est la Source, la Racine, la Détermination créatrices de tous ces "noms" que sont les créatures, de toutes les "déterminations" créaturelles ; le "Qui", en reliant l’Un à l’Autre, constitue la Relation éternelle et principielle que l’Etre divin soutient avec l’Essence divine, Relation éternelle qui est la Racine et la Source de toutes les relations créées et de toute relativité.

Auteur: Borella Jean

Info: Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, page 94

[ buisson ardent ] [ interprétation ] [ méontologie ] [ non-être ] [ créature-créateur ] [ christianisme ]

 

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métaphysique du symbole

Elle pourrait être placée sous le signe du réalisme symbolique, terme par lequel je désignerai ce qui fait le fond de ma conviction philosophique : il y a, dans l’intelligence, un sens inné de l’être ou du réel en tant que tel – et donc aussi de ce qui n’est pas ; mais l’homme ne fait jamais que l’expérience de telle ou telle réalité. Sans cette expérience, le sens du réel ne s’éveillerait pas en moi à la conscience de soi et l’intelligence ignorerait sa propre nature ontologique. Et cependant, aucune expérience n’assouvit pleinement le désir de l’être, constitutif de la visée intellective. […] Par là est reconnu et justifié ce qu’il y a d’incontestable dans l’analyse heideggérienne : l’Etre véritablement être ne saurait être identifié à l’être singulier, à l’étant. Mais loin d’être le lieu de son oubli, l’étant est l’occasion de sa révélation. Et cette révélation est double. D’une part elle éveille l’intelligence à son essence ontotropique, ce qui signifie que l’intelligence, dans l’expérience ontique (ou expérience des étants) découvre la nature transcendante de sa propre visée ontologique, autrement dit se découvre comme sens et désir de l’Etre en tant que tel, et non seulement comme saisie de tel ou tel étant : elle aperçoit en elle, dans sa vie propre, une intention qui dépasse l’ordre naturel des étants, auquel elle n’est donc pas exclusivement ordonnée. D’autre part, l’expérience ontique est moins la saisie de l’étant lui-même, que la découverte de son insaisissabilité. Tout être objectivement réel est une objection. Ce qui est, c’est ce qui me résiste. Je fais donc l’expérience de l’être de l’étant sur le mode de ce qui, en lui, m’échappe : ce qui est en soi, c’est ce qui, de l’étant, n’est-pas-pour-moi. C’est l’expérience-limite d’un au-delà de ma visée intellective, la paradoxale rencontre avec ce qui arrête mon regard et l’exténue.

Auteur: Borella Jean

Info: Le sens du surnaturel, L'Harmattan, 1997, pages 271-272

[ naturel-surnaturel ] [ immanent-transcendant ]

 

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altruisme

Être utile aux autres n’est pas la même chose qu’être égal.

Auteur: NK Jemisin

Info: The Obelisk Gate

[ interdépendance ]

 

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indignité

Nous ne pourrons jamais être des dieux, après tout, mais nous pouvons devenir quelque chose de moins qu'humain avec une facilité effrayante.

Auteur: NK Jemisin

Info: Les Cent Mille Royaumes

[ laisser-aller ] [ barbarie ]

 

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mère-enfant

Aux yeux d’un enfant, une mère est une déesse. Elle peut être glorieuse ou terrible, bienveillante ou remplie de colère, mais elle commande l’amour dans tous les cas. Je suis convaincu que c’est le plus grand pouvoir de l’univers.

Auteur: NK Jemisin

Info: Les Cent Mille Royaumes

[ divinité locale ] [ maman ]

 

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intraduisible

Le mot " fou " en chinois se compose de la clé signifiant la maladie et du caractère " vent ". Comme si la folie était une maladie dans laquelle le vent dérangeait l'esprit...

Auteur: Kao Sandrine

Info: Comme un oiseau dans les nuages

[ folie ]

 

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pudeur

Ca semblait être une constante dans les familles asiatiques : rien n'est jamais vraiment dit, surtout pas les sentiments.


Auteur: Kao Sandrine

Info: Comme un oiseau dans les nuages

[ retenue ]

 

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