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homme-animal

Le langage du chant des oiseaux
Pendant plus de 30 ans, Donald Kroodsma a travaillé pour démêler de tels mystères de communication avienne. Par des études sur le terrain et des expériences de laboratoire, il a étudié les forces écologiques et sociales qui ont contribué à l'évolution de l'apprentissage vocal.
Les jeunes perroquets, oiseaux chanteurs et colibris apprennent un répertoire de chansons, comme les enfants en bas âge apprennent à parler. Mais pourquoi cette capacité d'apprendre un système de communication vocal est-il quelque chose que nous partageons avec les oiseaux, mais pas avec nos parents plus proches, tels que les primate ?
Kroodsma a prêté une attention particulière à la variation locale des types de chants - donnés comme dialectes. Par exemple, la Mésange à tête noire (atricapillus Parus) de Martha's Vineyard, a un chant entièrement différent de son homologue terrestre qui vit au Massachusetts dit il. Aussi, les oiseaux qui vivent sur une frontière entre deux dialectes ou qui passent du temps dans différents secteurs peuvent devenir "bilingues" apprenant les chansons de plusieurs groupe de voisins.
Récemment, Kroodsma a découvert que l’Araponga tricaronculé (tricarunculata Procnias) change constamment son chant, créant ce qu'il appelle "une évolution culturelle rapide à chaque génération." Ce genre d'évolution du chant est connu chez les baleines mais, jusqu'ici, rarement dans les oiseaux. Professeur de biologie à l'université du Massachusetts à Amherst, Kroodsma est également Co-rédacteur du livre Ecology and Evolution of Acoustice Communication in Birds (Cornell University Press, 1996). Bien qu'il projette de continuer ses études sur le terrain, il dit qu'un de ses buts les plus importants est maintenant d'aider les gens à comprendre " Comment écouter les chant d'oiseaux. Beaucoup de gens peuvent identifier une grive des bois (Hylocichla mustelina) quand ils l’entendent. Son chant est un des plus beau au monde – mais peu réalisent qu'ils pourraient entendre les choses que la grive communique s’ils savaient juste écouter."

SA : Pouvez vous faire une comparaison entre la façon dont un bébé oiseau apprend à chanter et la façon dont un jeune humain apprend à parler ?
DK : En surface, c'est remarquablement similaire. Je passe souvent une bande de ma fille, enregistrée quand elle avait environ une année et demi. Elle prend tout qu'elle connaît "bruits de toutou, de chat, etc " et les rapièce aléatoirement ensemble dans un ordre absurde de babillage. Ainsi quand on passe la bande d'un jeune oiseau et qu’on dissèque ce qu'il fait dans ce que nous appelons son "subsong" il se passe exactement la même chose. Il prend tous les bruits qu'il a mémorisés, tous les bruits auxquels il a été exposé, et les chante dans un ordre aléatoire. Il semble que ce que le bébé humain et le bébé oiseau font est identique. Certains pourraient voir ceci comme une comparaison grossière, mais elle est très intrigante.
SA : Pourquoi les répertoires de chants et les dialectes de certains oiseaux changent-ils d'un endroit à l'autre ?
DK : Pour les espèces d'oiseaux qui n'apprennent pas leurs chants, j'aime penser de manière simpliste que leurs chants sont codés dans leur ADN. Avec ces oiseaux, si nous trouvons des différences dans les chants d'un endroit à l'autre, cela signifie que l'ADN est aussi changé et que les populations sont génétiquement différentes. Mais il y a des espèces dans lesquelles les chants ne sont pas codés par l'ADN. Alors nous avons quelque chose très semblable aux humains, la parole est apprise et varie d'un endroit à l'autre. Si par exemple, tu a été élevé en Allemagne, tu parleras allemand plutôt que l'anglais, sans changement de gènes. Ainsi avec les oiseaux qui apprennent leurs chants, on obtient ces différences frappantes d'un endroit à l'autre parce que ces oiseaux ont appris le dialecte local.
SA : Comment est-ce influencé par le nomadisme de l’oiseau ?
DK : Si tu sais que le reste de ta vie tu parleras anglais, tu travailleras dur à l'anglais à l'école. Mais qu'en serait-il si tu savais que tu seras jeté à plusieurs reprises dans des milieux avec des personnes parlant des langues différentes ? Tu commences ainsi à entrevoir l'énorme défi que ce serait d'apprendre la langue ou le dialecte de tous ces différents endroits. Alors je pense que les oiseaux nomades comme les Troglodyte à bec court [Cistothorus platensis], parce qu'ils vivent avec différents oiseaux tous les quelques mois partout dans la géographie, ne prennent pas la peine d'imiter les chansons de leurs voisins immédiats. Ils composent une certaine sorte de chant généralisé, ou plutôt ce sont des instructions de l’ADN leur permettent d'improviser la chanson du Troglodyte à bec court. Le contraste du Troglodyte à bec court avec le Troglodyte des marais [Cistothorus palustris] est très intéressant. Les Troglodytes des marais occidentaux de la région de Seattle ou de Californie, restent sur leur territoire pendant toute l'année. Une fois qu'un mâle s'installe sur un territoire il apprend les chants de ses voisins. Ils vivent tous au sein d’une communauté très stable, et je pense que cela leur donne l'élan pour s'imiter les uns les autres. Mais J'aimerai quand même bien avoir la réponse à ça : Pourquoi s'imitent ils tous… pourquoi ont ils les mêmes chants ?.
SA : Une des manières ou vous avez montré que la connaissance de chants est innée - plutôt qu'apprise - chez certaines espèces fut de priver de jeunes Moucherolles de leur capacité d'entendre.
DK : Nous avons fait un tas d'expériences, mais nous savions que l'étape finale avant de pouvoir déclarer qu'ils apprennent était de les empêcher de pratiquer l'audition elle-même. Ainsi nous avons obturé les oreilles des quelques Moucherolle [Sayornis phoebe] et elles continuèrent de produire toujours parfaitement leurs beaux chants. Elles n'auraient pas du être capable de développer des chants normaux après avoir été rendues sourdes s'il n'y avait pas quelque composant d'apprentissage inné.
SA : Vous avez comparé l’Araponga tricaronculé du Costa Rica à la baleine à bosse [Megaptera novaeangliae] parce que leurs chants évoluent rapidement à chaque génération. Comment savoir que les chants des Arapongas ont évolué depuis que les gens ont commencé à les enregistrer ?
DK : Nous avons une série d'enregistrements datant du milieu des années 70, nous donnant une utile documentation sur leurs chants dans trois dialectes. Dans deux des dialectes, les chants des années 70 sont rigoureusement différents des chants aujourd'hui. Dans le troisième, celui avec lequel nous travaillons le plus soigneusement, nous pouvons montrer plusieurs micro changements fait avec le temps. Un des changements est un très un fort sifflent qui a diminué dans sa fréquence [hauteur] depuis les années 70. Celle-ci est passée d'environ 5.500 hertz, (cycles par seconde) descendant à environ 3.700 hertz. C'est une baisse énorme, une baisse moyenne de 70 hertz par an de 70 à 2001.
SA : L’Arapongas (Bellbird) est-il unique parmi les oiseaux dans le sens que ses chants évoluent de cette façon ?
DK : Ces oiseaux réapprennent probablement leurs chansons tout le temps... Ils surveillent ce que les autres oiseaux chantent, n’est-ce pas. Ce genre de modification n'a été démontré qu'avec deux autres sortes d’oiseau, dont le Cassique cul-jaune [ Cacicus cela] du Panama. C'est un merle qui vit en colonies. Les chants dans ces colonies changent en une génération. Avec des oiseaux qui ont des vies assez courtes, comme les Passerin indigo [ Passerina cyanea], qui vivent environs deux ans, une fois que le mâle à développé son chant il le garde toute sa vie. Les chants d’Araponga évoluent au-travers des générations, de manière très proche à la baleine à bosse.
SA : Pourquoi pensez-vous que les chants de l’Araponga se modifient avec le temps ?
DK : Comme probablement dans la plupart des systèmes où relativement peu de mâles réussissent. Le mâle doit exposer son chant à une assistance des femelles, celles-ci conviennent quant à qui est le meilleur mâle. Elles sont probablement la cause d’un système qui permettrait aux mâles de montrer depuis combien de temps ils sont dans les environs : s'ils chantent les chants des dialectes locaux et s’ils ont suivis les changements. Ainsi les mâles qui réussissent pourraient changer leurs chants, forçant les autres mâles, particulièrement les plus jeunes, à rester à niveau. Ce pourrait être une manière pour que les femelles puissent identifier les mâles dominants ou ceux qui ont été dans la population depuis le plus longtemps.
SA : Une des manières qui vous a permis de montrer que les Arapongas apprennent leurs chants est que vous avez découverts qu'ils imitent d'autres oiseaux.
DK : Un ami m'a parlé d'une ville du Brésil appelée Arapongas. Si tu dis "Arapongas" en soulignant le "pong" plus ou moins c'est comme décrire un de ces Araponga à gorge chauve qui habite le Brésil méridional. La ville est baptisée du nom de cet oiseau. Les gens gardent des Arapongas en cage dans cette ville. Mon ami a entendu un là-bas, en cage, faire des bruits comme un merle de Chopi [Gnorimopsar chopi]. Il a découvert qu'il avait été élevé avec des merles de Chopi et qu’il avait appris des éléments - sifflements et ronronnements - de leurs chants. C'était une jolie expérience faite par des amateurs d'oiseau, qui donne ce que je vois comme la preuve claire qu'un Araponga a appris ses sons des merles.
SA : Pourquoi trouvez-vous les l’Araponga si attrayants ?
DK : Il est difficile de penser objectivement une fois qu’on observe ces oiseaux parce qu'ils sont si charismatiques. Ils sautent à cloche-pied sur leurs perchoirs, se mettent en garde, se poussent entre eux en bas des perchoirs, ils se crient dans des oreilles, ils collent leurs têtes dans les bouches d'autres oiseaux. Ils sont simplement extraordinaires. La chose que je trouve excitante en tant que scientifique c'est que c'est seulement le quatrième groupe d'oiseaux au sujet desquels nous sommes documentées pour ce type d'étude vocale. Je pense qu'ils ouvrent une fenêtre sur les conditions dans lesquelles l'apprentissage vocal pourrait avoir évolué dans d'autres groupes ou espèces.
SA : Quels mystères de chant d'oiseaux voudriez vous résoudre dans votre vie ?
DK : Pourquoi les oiseaux acquièrent ils les sons de cette manière ? Pourquoi certains oiseaux apprennent ils et d'autres pas ? Les merles proches les uns des autres semblent avoir des chansons différentes, cela suggère qu'ils les composent probablement. Il doit y avoir une sorte de grand modèle évolutionnaire avec lequel tous ces oiseaux fonctionnent, et si nous en savions juste assez au sujet de leurs histoires de vie, mon sentiment tripal est que toute cette variété que nous voyons parmi des oiseaux commencerait à se comprendre.

Auteur: Fortean times

Info: Entrevue entre Donald Kroodsma et Jennifer Uscher, auteur scientifique indépendante de New York, spécialisée sur les oiseaux. Vers 2004

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exobiologie

Les extraterrestres sont-ils là sous nos yeux ?

Difficile de détecter quelque chose sans avoir aucune idée de ce que c'est.

Cette année, plusieurs missions sont en quête de vie sur la planète rouge. Mais reconnaîtrions-nous des extraterrestres si nous les trouvions ? En juillet, trois missions non habitées se sont envolées vers Mars : de Chine (Tianwen-1), depuis les États-Unis (Mars 2020 Perseverance Rover de la Nasa) et des Émirats arabes unis (Hope). Les missions chinoise et américaine sont équipées d'atterrisseurs qui rechercheront des signes de vie actuelle ou passée sur Mars. La Nasa prévoit également d'envoyer sa sonde Europa Clipper sur la lune de Jupiter, Europa, et l'atterrisseur robotisé Dragonfly sur la lune de Saturne, Titan. Ces deux lunes sont considérées comme des terrains de chasse prometteurs pour la vie dans notre système solaire, tout comme les océans souterrains d'Encelade, la lune glacée de Saturne.

En attendant, nous pouvons désormais entrevoir la composition chimique des atmosphères des planètes qui orbitent autour d'autres étoiles (exoplanètes), dont plus de 4 000 sont aujourd'hui connues. Certains espèrent que ces études pourraient révéler d'éventuelles signatures de vie.

Mais ces recherches peuvent-elles être efficaces si nous n'avons pas une idée claire de ce qu'est la "vie" ? La définition officieuse de la Nasa est la suivante : "système chimique autonome capable d'évolution darwinienne". "La Nasa a besoin d'une définition de la vie pour savoir comment construire des détecteurs et quels types d'instruments utiliser lors de ses missions", explique le zoologiste Arik Kershenbaum, de l'université de Cambridge. Mais tout le monde ne pense pas qu'elle utilise la bonne définition.

L'astrobiologiste Lynn Rothschild, du centre de recherche Ames de la Nasa en Californie, voit une mise en garde dans l'histoire de Winnie l'ourson d'AA Milne, dans laquelle Pooh et Piglet chassent un Woozle sans savoir à quoi il ressemble et confondent leurs propres empreintes avec ses traces. "On ne peut chasser quelque chose sans avoir aucune idée de ce que c'est", dit-elle.

Le problème de la définition de la vie hante les planétologues depuis que les deux atterrisseurs Viking de la Nasa se sont posés sur Mars en 1976. Depuis, les rovers ont parcouru des dizaines de kilomètres sur les plaines martiennes mais n'ont trouvé aucun signe de vie. Mais saurions-nous la reconnaître si nous la voyions ?

Certains astrobiologistes - scientifiques qui étudient la possibilité de vie sur d'autres mondes - pensent que notre vision est trop étroite. Nous ne connaissons qu'un seul type de vie : la vie terrestre. Tous les êtres vivants sur Terre sont constitués de cellules adaptées à un environnement aquatique, utilisant une machinerie moléculaire construite à partir de protéines et codée sous forme de gènes dans l'ADN. Peu de scientifiques pensent que la vie extraterrestre - si tant est qu'elle existe - repose sur les mêmes éléments chimiques. "Il serait erroné de supposer que la biochimie qui nous est familière est celle que nous allons trouver sur d'autres planètes", déclare Kershenbaum. La surface de Titan, par exemple, est trop froide (moins 179 °C) pour contenir de l'eau liquide, mais la mission de l'atterrisseur Huygens en 2005 a révélé la présence de lacs d'un autre type, constitués d'hydrocarbures comme ceux de l'essence, principalement du méthane et de l'éthane.

Rothschild pense que les règles universelles de la chimie réduisent certaines des options. "J'ai du mal à imaginer une autre forme de vie qui ne soit pas basée sur le carbone", dit-elle. Il est donc logique de concevoir les missions planétaires de recherche de la vie en gardant cela à l'esprit. L'eau présente également "une tonne d'avantages" en tant que solvant de la vie. Même si des réactions chimiques intéressantes se produisaient dans les lacs de méthane de Titan, elles seraient fortement ralenties par les températures glaciales. La vie pourrait-elle se dérouler à un rythme aussi glacial ? Le planétologue Stuart Bartlett, de l'Institut de technologie de Californie à Pasadena, garde l'esprit ouvert. "Il pourrait y avoir des organismes flottant dans l'atmosphère de Titan qui boivent essentiellement de l'essence pour se maintenir", dit-il.

On a longtemps pensé que toute entité méritant d'être qualifiée de vivante possède des attributs qui ne dépendent pas de sa composition chimique précise. Il est toutefois très difficile de définir ces qualités générales. Les systèmes vivants - même les bactéries - sont extrêmement complexes, maintenus par des informations qui passent (dans notre cas via les gènes) entre les générations et créent une organisation. Mais il ne s'agit pas de l'ordre froid et mort des cristaux, où les atomes sont empilés selon des motifs réguliers. Il s'agit plutôt de l'ordre dynamique d'une ville ou d'une formation nuageuse, que les scientifiques qualifient de "déséquilibré" : il est constamment alimenté en énergie et ne s'installe pas dans un état statique.

Bartlett et Wong proposent une catégorie plus large appelée "lyfe", dont la vie telle que nous la connaissons n'est qu'une variante.

Lorsque James Lovelock, aujourd'hui connu pour l'hypothèse Gaia qui propose que notre planète entière soit assimilée à une entité vivante, participa à la conception des atterrisseurs Viking dans les années 1970, il suggéra de rechercher un tel déséquilibre chimique dans l'environnement - que seule la vie pourrait éventuellement maintenir sur des échelles de temps géologiques. Il s'agit plutôt de l'ordre dynamique d'une ville ou d'une formation nuageuse, que les scientifiques qualifient de "déséquilibré" : Les deux étant constamment alimentés en énergie et ne s'installent pas dans un état statique.  Mais des états de "déséquilibre ordonné" peuvent également être trouvés dans des systèmes non vivants, comme des liquides fluides, de sorte que ce seul critère ne permet pas d'identifier la vie.

Bartlett, en collaboration avec l'astrobiologiste Michael Wong de l'Université de Washington à Seattle, soutient que nous devons échapper au carcan de la pensée terrestre sur la vie. Ils proposent d'introduire une catégorie plus large appelée "lyfe" (prononcé, d'une façon étrangement typique du West Country, comme "loif"), dont la vie telle que nous la connaissons n'est qu'une variation. "Notre proposition tente de se libérer de certains des préjugés potentiels dus au fait que nous faisons partie de cette seule instanciation de lyfe", explique Bartlett. Ils suggèrent quatre critères pour la lyfe :

1. Elle puise dans les sources d'énergie de son environnement qui l'empêchent de devenir uniforme et immuable.

2. Elle connaît une croissance exponentielle (par exemple par réplication).

3. Elle peut se réguler pour rester stable dans un environnement changeant.

4. Elle apprend et se souvient des informations sur cet environnement. L'évolution darwinienne est un exemple de cet apprentissage sur des échelles de temps très longues : les gènes préservent les adaptations utiles à des circonstances particulières.

Les deux chercheurs affirment qu'il existe des systèmes "sublyfe" qui ne répondent qu'à certains de ces critères, et peut-être aussi des "superlyfe" qui en remplissent d'autres : des formes lyfe qui ont des capacités supérieures aux nôtres et qui pourraient nous regarder comme nous regardons des processus complexes mais non vivants tels que la croissance des cristaux.

"Nous espérons cette définition libère suffisamment notre imagination pour que nous ne passions pas à côté de formes de lyfe qui pourraient se cacher à la vue de tous", déclare Bartlett. Lui et Wong suggèrent que certains organismes lytiques pourraient utiliser des sources d'énergie inexploitées ici sur Terre, comme les champs magnétiques ou l'énergie cinétique, l'énergie du mouvement. "Il n'existe aucune forme de vie connue qui exploite directement l'énergie cinétique dans son métabolisme", déclare Bartlett.

Selon eux, il pourrait y avoir d'autres moyens de stocker des informations que dans des brins génétiques comme l'ADN. Les scientifiques ont, par exemple, déjà imaginé des moyens artificiels de stocker et de traiter l'information en utilisant des réseaux bidimensionnels de molécules synthétiques, comme des réseaux en damier ou des abaques. Selon Bartlett, la distinction entre "alyfe" et "non-lyfe" pourrait être floue : être "alyve" pourrait être une question de degré. Après tout, les scientifiques se disputent déjà sur la question de savoir si les virus peuvent être considérés comme tels, même si personne ne doute de leur capacité à détruire la vie.

Il est sceptique quant à la notion de la définition de travail de la Nasa selon laquelle la vie ne peut apparaître et se développer que par l'évolution darwinienne. Il affirme que même les organismes terrestres peuvent façonner leur comportement d'une manière qui ne dépend pas d'un mécanisme Darwinien, à savoir des mutations aléatoires couplées à une compétition pour les ressources qui sélectionne les mutations avantageuses. "L'évolution darwinienne existe bien sûr, mais je pense qu'elle doit être complétée par une vision plus large de l'apprentissage biologique", déclare-t-il.

L'astrobiologiste et physicienne Sara Walker, de l'Arizona State University, partage cet avis. "Il se peut que certains systèmes possèdent de nombreux attributs de la vie mais ne franchissent jamais le seuil de la vie darwinienne", dit-elle. Mais dans son nouveau livre The Zoologist's Guide to the Galaxy, Kershenbaum affirme qu'il est difficile d'imaginer un autre processus susceptible de produire des systèmes chimiques complexes dignes d'être considérés comme vivants (ou alyves). L'évolution par sélection naturelle, dit-il, suit "des principes bien définis dont nous savons qu'ils s'appliqueront non seulement sur Terre mais aussi ailleurs dans l'univers" - et il est "très confiant dans le fait qu'elle sera à l'origine de la diversité de la vie sur les planètes extraterrestres". Si c'est le cas, affirme-t-il, nous pouvons faire des hypothèses raisonnables sur d'autres attributs de ces planètes : par exemple, la vie aura un processus comme la photosynthèse pour récolter l'énergie de l'étoile mère.

Bartlett et Wong se demandent également si les choses vivantes doivent avoir des frontières physiques bien définies.

Après tout, alors que nous pourrions imaginer n'être que tout ce qui se trouve à l'intérieur de notre peau, nous dépendons d'autres organismes en nous : le micro-biote des bactéries dans nos intestins par exemple. Et certains philosophes soutiennent que notre esprit s'étend au-delà de notre cerveau et de notre corps, par exemple dans nos appareils technologiques. "Nous pensons que la vie est un processus qui se déroule probablement à l'échelle de planètes entières", déclare Bartlett. Walker convient que "la seule limite naturelle des processus vivants est la planète", ce qui rappelle l'hypothèse Gaia de Lovelock.

Mais en l'absence d'une limite pour les ingrédients moléculaires, dit Rothschild, tous les composants d'un système vivant se dilueraient dans son environnement, comme des gouttelettes d'encre dans l'eau. Et Kershenbaum affirme que des organismes distincts et délimités sont nécessaires si l'évolution est darwinienne, car ce n'est qu'alors qu'il y a quelque chose d'autre à concurrencer.

Walker pense qu'en fait Bartlett et Wong ne vont pas assez loin dans leur tentative de libérer les idées quant à une vie terracentrique. Leur notion de lyfe, dit-elle, "fait table rase de bon nombre des problèmes omniprésents dans les définitions actuelles de la vie en proposant une définition plus large basée sur les définitions existantes. Les problèmes de base restent les mêmes. Nous n'avons pas besoin de nouvelles définitions de la vie. Ce dont nous avons besoin, c'est de nouvelles théories qui s'attaquent aux principes sous-jacents qui régissent la physique du vivant dans notre univers."

Une autre possibilité d'élargir notre vision de ce que pourrait être la vie est que nous devenions capables de créer de toutes pièces, en laboratoire, des systèmes vivants totalement différents de ceux que nous connaissons. "Nous en sommes beaucoup plus proches que vous ne le pensez", déclare M. Rothschild. En fait, cela s'est peut-être déjà produit et nous ne nous en sommes pas rendu compte, ajoute-t-elle, en plaisantant à moitié. Si nous ne savons pas ce que nous cherchons, un chercheur a peut-être déjà créé une nouvelle forme de vie - et l'a jetée dans l'évier.

En fin de compte, nous ne devrions peut-être pas être trop sûrs que la vie corresponde à une quelconque définition naturelle, estime M. Rothschild. "Je crois que ce que nous avons actuellement, ce sont des définitions non naturelles de la vie, parce que nous n'avons qu'un seul point de données. Je me demande si la vie n'est pas simplement ce que nous définissons."

"Nous pourrions découvrir des systèmes si bizarres et inattendus qu'il serait ompossible de décider s'ils sont vivants ou non", dit Kershenbaum. "Mais si nous découvrons quelque chose de vraiment intéressant et complexe qui ne correspond pas tout à fait à la définition de la vie, cela restera une avancée passionnante. Nous n'allons pas l'ignorer parce que ça ne correspond pas à notre définition !"

Auteur: Ball Philip

Info: The Guardian, 5 Septembre 2020 - Are aliens hiding in plain sight?

[ dépassement conceptuel ] [ spéculations ] [ changement de paradigme ] [ révolution scientifique ] [ monade planétaire ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

homme-animal

La conscience du Dauphin
Bien entendu, les modèles du monde ne manqueront pas de différer selon le degré où les systèmes sensoriels périphériques diffèrent.
Le travail du cerveau est en effet, au moins en partie, de construire une réalité cohérente à partir de données sensorielles spécifiques, réalité qui constitue d’ailleurs la seule connue par celui qui l’expérimente au détriment de toutes les autres.
Dans le cas du dauphin, le système nerveux est celui d’un herbivore retourné à la mer, il y a quelques millions d’années, et ne diffère donc pas fondamentalement de celui de n’importe quel autre grand mammifère.
Le monde physique en revanche, au sein duquel il évolue, nous poserait à nous, humains, d’impossibles défis. C’est pourquoi les cétacés ont développé tout à la fois des formes physiques mieux adaptées au milieu marin mais surtout tout un outillage sensoriel susceptible des les aider à survivre dans un monde humide, froid et obscur, où règnent de fortes pressions.
Faire l’expérience d’une telle subjectivité est par définition une tâche impossible. Même entre époux, entre amis, entre enfants et parents, cette connaissance ne peut s’acquérir que par le biais maladroit du discours mais jamais nous ne pourrons accéder au "goût du monde" d’une autre espèce que la nôtre.
Il se fait heureusement que nos organes sensoriels et nos structures cérébrales sont des outils communs à tous les êtres humains, ce qui nous permet de fonder l’illusion d’un univers de formes stables et tangibles, dont l’existence fait l’unanimité mais que nous sommes les seuls à percevoir comme telles.
En revanche, nous sommes génétiquement incapables de nous figurer un monde filtré par d’autres sens que les nôtres, de la même manière qu’il nous est impossible de visualiser un cube en quatre dimensions ou simplement le monde des abeilles….
"Pouvez-vous imaginer l’expérience que représente le fait d’être sans cesse corrélé à une boussole solaire ?" nous demande le neurologue H.Jerison à ce propos "L’information consiste en la triangulation des objets externes relativement à un observateur (le je) et au soleil comme point de référence. Si cette réaction devait être représentée en terme de perception, on pourrait dire que l’abeille ou la fourmi ressent de manière constante l’existence des points cardinaux au sein d’un monde tridimensionnel de type euclidien. Si notre système sensoriel était celui des hyménoptères, c’est cela la seule réalité que nous pourrions percevoir.
L’intégration de deux points de référence, le soi et le soleil, plutôt qu’un seul soi unitaire en tant qu’origine et centre d’un monde périphérique, doit certainement mener à d’autres perspectives sur les dimensions fondamentales de la réalité. Il est intéressant d’imaginer les catégories additionnelles que Kant aurait pu reconnaître en tant qu’à priori si nous avions été équipés d’un tel système de navigation!"
Les expériences de Louis Herman nous apprennent que les dauphins partagent tout de même les mêmes dimensions que nous : le haut, le bas, la gauche la droite, devant, derrière, tout cela existe chez eux mais il semble qu’ils ignorent la nuance entre les adjectifs "grand" et "petit" et qu’ils construisent leurs phrases selon un mode syntaxique particulier. Ces expériences, profondément anthropocentristes, n’offrent qu’un pâle reflet d’un monde mental autrement plus riche et foisonnant en liberté, comme le montre avec bien plus d’éclat le très étrange langage delphinien mis à jour par le chercheur russe Vladimir Markov, mais elles sont à tout le moins significatives de la nature d’une conscience "autre" qui ne s’appuie pas sur nos paramètres.
Les sens et l’Umwelt
Imaginons un instant ce que pourrait être "l’Umwelt" d’un dauphin.
Au centre d’un réseau d’informations sensorielles qu’il ré-organise sans cesse en tant qu’images du monde, pulse un noyau de conscience conscient de lui-même.
La vision
Le monde visuel du dauphin peut être comparé à celui des espèces-proies, non prédatrices, comme le lapin ou le chevreuil, en ce sens que les champs visuels de ses yeux latéraux couvrent ensemble 360° mais qu’ils ne se chevauchent pas ou très peu.
L’absence de fibres non-croisées dans le chiasma optique suggère une plus large indépendance dans le contrôle des yeux et dans l’usage de l’information qu’ils fournissent, par rapport à ce que l’on observe chez les autres mammifères. Chacun des yeux est capable de mouvements propres, indépendants de ceux de l’autre œil et une certaine focalisation frontale peut donc être obtenue.
On peine cependant à imaginer un monde dans lequel le Soi se trouve ainsi de manière constante au centre d’un champ visuel circulaire de 360°.
Le nôtre, comme on le sait, se réduit à un cône de 120°.
Notre Soi se place juste derrière le front et les yeux, en vis-à-vis de l’objet focalisé par notre regard binoculaire et dans la ligne de fuite du cône, c’est-à-dire à peu près sur la glande pinéale. On comprend mieux dès lors la fausse intuition de René Descartes.
Incapables de distinguer le vert du rouge, les yeux des dauphins n’en sont pas moins d’une sensibilité extrême à l’instar des yeux de chat, percent l’obscurité et peuvent, d’une simple torsion de la rétine, adapter leur vision aux fonds marins ou à l’air libre. Par contre, le sens du relief leur est impossible, puisqu’ils ne sont pas binoculaires.
La "quasi-olfaction"
Le goût et l’odorat sont absents en tant que tels, remplacés par la "quasi-olfaction" qui consiste à filtrer une certaine quantité d’eau au travers de l’évent et à en goûter le parfum. Un tel sens est fondamental : le dauphin s’en sert pour repérer les femelles en rut autant que pour sentir les fèces de son groupe, nuage diffus de couleur foncée expulsé de manière régulière et qui donne à l’ensemble social une "odeur" propre.
Le toucher et le sens proprioceptif
Quiconque a jamais caressé la peau satinée d’un tursiops sait à quel point ce tissu est sensible, doux et fragile. Le sens du toucher joue lui aussi un rôle essentiel dans la vie de ces mammifères nus, qui n’aiment rien tant que de rester collés les uns contre les autres et d’échanger les caresses les plus voluptueuses.
Au niveau plus profond du sens proprioceptif, la différence avec nos perceptions s’accroît cependant encore davantage : "L’Umwelt des dauphins se fonde comme tout autre sur les caractéristiques de leur environnement" déclare Jerison, "et cet univers mental représente très certainement une adaptation cognitive optimale aux exigences environnementales du monde aquatique. A cet égard, l’un des traits principaux de cet univers marin – considéré depuis notre point de vue – est notamment l’absence d’une plate-forme stable tel que les mammifères l’éprouvent en se tenant sur la terre ferme".
Ce point est important, car le sol sur lequel nous nous tenons, le rôle essentiel de la gravité dans les adaptations anatomiques de la plupart des mammifères occupe une place centrale au plan biologique mais ne sont que rarement notées au niveau de la conscience vigile. Notre intuition s’épuise en revanche lorsque nous tentons d’imaginer les adaptations perceptuelles chez certaines espèces dont les données sensorielles sont profondément différentes des nôtres, et cela d’autant plus que nous ne sommes même pas conscients de notre propre spécificité sensorielle. Les informations relatives aux forces gravitationnelles qui s’exercent sur nos corps jouent également un rôle-clé chez le dauphin, mais d’une autre manière.
Celui-ci s’oriente en effet en "s’informant" régulièrement de la position de son corps par rapport aux fonds marins, à la surface de l’eau ou à la place du soleil au moment de l’observation.
Bien que les dauphins ne disposent d’aucun sol référentiel en guise de plate-forme fixe, mais qu’ils possèdent en revanche un degré de liberté dans les trois dimensions plus important que le nôtre, le sens de l’orientation spatiale est certainement fondamental pour eux. On peut imaginer ce que les cétacés ressentent en pensant à ces appareils d’entraînement destinés aux astronautes afin de les préparer à l’apesanteur.
Ces instruments sont de gigantesques balançoires, disposant de six degrés de liberté et permettant aux candidats pour l’espace de contrôler au mieux les diverses rotations possibles de leur axe corporel aussi bien que les mouvements de propulsion linéaire.
Si nous étions dauphins, nous nous trouverions dans un monde un peu semblable à celui d’un vol spatial à gravité zéro. Il est intéressant de noter à ce propos que l’expérience de l’apesanteur a crée chez les astronautes divers problèmes liés à cet environnement, telles que nausées, vertiges, migraines, etc. mais qu’elles n’ont cependant jamais altéré leur perception "juste" des choses.
Rappelons aussi, sans nous y étendre, à quel point la gestuelle constitue un mode de communication privilégié chez les dauphins : les degrés de liberté dont leur corps dispose leur a permis d’élaborer un véritable vocabulaire d’attitudes : ventre en l’air, en oblique, corps groupés par faisceaux, rostre au sol, caudale haute, inclinée, etc., le tout agrémenté ou non d’émissions de bulles et de vocalisations.
L’audition
Mais de tous les sens dont dispose le dauphin, c’est certainement l’audition qui est le plus développé et qui atteint des capacités discriminatoires sans aucun équivalent connu. Ce système sensoriel s’est transformé au cours des millénaires en écholocation, tout à la fois outil de connaissance (le monde externe "vu" par le son) et moyen de communication (le monde interne transmis par le langage). Cette convergence fonctionnelle ne manque pas d’entraîner des conséquences étonnantes !
D’après Harry J. Jerison : "Si le spectre auditif des dauphins est plus large que le nôtre de plusieurs octaves dans les fréquences les plus élevées, la caractéristique principale de ce système auditif est bien évidemment l’écholocation. Celle-ci pourrait contribuer à conférer au monde des dauphins une dimension inhabituelle, dépassant largement les perceptions élémentaires relatives aux événements survenant à distance. En tant qu’adaptation sensori-motrice, l’écholocation partage en effet certaines caractéristiques similaires à celles du langage humain".
Rappelons brièvement en quoi consiste cette vision acoustique d’un type inusité. Le dauphin émet en permanence – dès lors qu’il se déplace et cherche sa route activement – une série de "sons explosés" extrêmement brefs (moins d’une seconde d’émission continue). Ces "clicks" ne sont pas des sons purs mais des "bruits", d’inextricables petits paquets d’ondes situés sur des fréquences de 120 à 130 Khz et d’une puissance frisant parfois les 220 décibels. Ils retentissent sous l’eau comme une grêle de minuscules coups secs et nets enchaînés l’un à l’autre en de courtes séquences.
Les clicks sont émis sous forme d’un large faisceau, qui balaie par intermittence le sol sablonneux à la façon d’un projecteur. On peut donc dire que la nuit ou sous une certaine profondeur, le dauphin ne voit que lorsqu’il éclaire le paysage de ses éclairs sonores. Les informations reçues, assez grossières, concernent l’aspect du fond marin ou une masse importante, bateau ou autre cétacé.
Supposons à présent qu’un poisson soit repéré dans ce champ de vision "stroboscopique". Puisqu’il fait nuit, l’œil ne peut confirmer l’image en mode visuel.
Lorsque la chasse commence, le dauphin resserre alors le rayon de son biosonar et le dédouble en deux faisceaux.
Plus précis, mieux ciblés les trains de click bombardent le poisson sous tous ses angles et peuvent même pénétrer dans son corps en renvoyant l’image de ses organes internes.
Les deux trains de clicks sont produits presque simultanément, l’un à 20° à gauche de la ligne du rostre et l’autre à 20° sur la droite. Les deux rayons se chevauchent au point focal (0°) et fournissent une "visiaudition" de type, cette fois, binoculaire.
Un intervalle de 80 millièmes de seconde sépare l’émission de chacun des faisceaux, de sorte qu’en calculant le léger retard d’un écho par rapport à l’autre, le dauphin peut estimer la profondeur de champ et la distance qui le sépare de chaque élément de l’objet observé.
Se rapprochant de sa proie à toute vitesse, le dauphin n’a de cesse que de conserver le contact avec elle et multiplie la fréquence et l’intensité de ses trains de clicks, comme pour maintenir le "projecteur" allumé presque en continu.
Les ondes à haute fréquence ont une portée plus courte mais fournissent en revanche une bien meilleure définition des détails. En nageant, le dauphin opère un mouvement de balayage avec la tête avant d’obtenir une image complète de sa cible, que ses organes visuels conforteront par ailleurs.
S’il veut obtenir davantage de détails encore sur son contenu, le dauphin la bombardera alors sa cible à bout portant, d’un faisceau de clicks aussi fin et précis qu’un rayon laser.
Celui-ci pénètre la matière et en estime la densité avec une incroyable précision : la nature d’un métal (zinc plutôt que cuivre) ou des variations de l’épaisseur d’un tube de l’ordre d’un millième de millimètres sont alors parfaitement perçus par cette échographie biologique.
Une telle "vision acoustique" nous sera à tout jamais inimaginable, comme la couleur rouge l’est pour l’aveugle. Néanmoins, au prix d’une comparaison grossière, on peut mettre en parallèle la pluie d’échos que perçoivent les cétacés avec les pixels que l’œil humain perçoit sur un écran de télévision. Les pixels dessinent très rapidement une image en se succédant l’un à l’autre et laissent sur la rétine du téléspectateur une série de rémanences qui figurent le mouvement et les formes. Une scène visuelle est ainsi décodée à partir d’une séquence de taches ultra rapides surgissant sur l’écran. De la même manière, une expérience éidétique similaire est sans doute générée par les données discrètes de l’écholocation (clicks).
L’information pourrait être alors parfaitement comparable à celle que l’on obtient grâce au bombardement de photons dans le système visuel, à ceci près qu’elle parviendrait par un autre canal, en l’occurrence le canal auditif.

Auteur: Internet

Info: http://www.dauphinlibre.be/dauphins-cerveau-intelligence-et-conscience-exotiques

[ comparaisons ]

 

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paliers bayésiens

Une nouvelle preuve montre que les graphiques " expandeurs " se synchronisent

La preuve établit de nouvelles conditions qui provoquent une synchronisation synchronisée des oscillateurs connectés.

Il y a six ans, Afonso Bandeira et Shuyang Ling tentaient de trouver une meilleure façon de discerner les clusters dans d'énormes ensembles de données lorsqu'ils sont tombés sur un monde surréaliste. Ling s'est rendu compte que les équations qu'ils avaient proposées correspondaient, de manière inattendue, parfaitement à un modèle mathématique de synchronisation spontanée. La synchronisation spontanée est un phénomène dans lequel des oscillateurs, qui peuvent prendre la forme de pendules, de ressorts, de cellules cardiaques humaines ou de lucioles, finissent par se déplacer de manière synchronisée sans aucun mécanisme de coordination central.

Bandeira, mathématicien à l' École polytechnique fédérale de Zurich , et Ling, data scientist à l'Université de New York , se sont plongés dans la recherche sur la synchronisation, obtenant une série de résultats remarquables sur la force et la structure que doivent avoir les connexions entre oscillateurs pour forcer les oscillateurs. à synchroniser. Ce travail a abouti à un article d'octobre dans lequel Bandeira a prouvé (avec cinq co-auteurs) que la synchronisation est inévitable dans des types spéciaux de réseaux appelés graphes d'expansion, qui sont clairsemés mais également bien connectés.

Les graphiques expanseurs s'avèrent avoir de nombreuses applications non seulement en mathématiques, mais également en informatique et en physique. Ils peuvent être utilisés pour créer des codes correcteurs d’erreurs et pour déterminer quand les simulations basées sur des nombres aléatoires convergent vers la réalité qu’elles tentent de simuler. Les neurones peuvent être modélisés dans un graphique qui, selon certains chercheurs, forme un expanseur, en raison de l'espace limité pour les connexions à l'intérieur du cerveau. Les graphiques sont également utiles aux géomètres qui tentent de comprendre comment parcourir des surfaces compliquées , entre autres problèmes.

Le nouveau résultat " donne vraiment un aperçu considérable des types de structures graphiques qui vont garantir la synchronisation ", a déclaré Lee DeVille , un mathématicien de l'Université de l'Illinois qui n'a pas participé aux travaux. 

Synchronisation douce-amère         

"La synchronisation est vraiment l'un des phénomènes fondamentaux de la nature", a déclaré Victor Souza , un mathématicien de l'Université de Cambridge qui a travaillé avec Bandeira sur l'article. Pensez aux cellules stimulateurs cardiaques de votre cœur, qui synchronisent leurs pulsations via des signaux électriques. Lors d'expériences en laboratoire, "vous pouvez faire vibrer des centaines ou des milliers de cellules embryonnaires de stimulateur cardiaque à l'unisson", a déclaré Steven Strogatz , mathématicien à l'Université Cornell et autre co-auteur. " C'est un peu effrayant parce que ce n'est pas un cœur entier ; c'est juste au niveau des cellules."

En 1975, le physicien japonais Yoshiki Kuramoto a introduit un modèle mathématique décrivant ce type de système. Son modèle fonctionne sur un réseau appelé graphe, où les nœuds sont reliés par des lignes appelées arêtes. Les nœuds sont appelés voisins s’ils sont liés par une arête. Chaque arête peut se voir attribuer un numéro appelé poids qui code la force de la connexion entre les nœuds qu’elle connecte.

Dans le modèle de synchronisation de Kuramoto, chaque nœud contient un oscillateur, représenté par un point tournant autour d'un cercle. Ce point montre, par exemple, où se trouve une cellule cardiaque dans son cycle de pulsation. Chaque oscillateur tourne à sa propre vitesse préférée. Mais les oscillateurs veulent également correspondre à leurs voisins, qui peuvent tourner à une fréquence différente ou à un moment différent de leur cycle. (Le poids du bord reliant deux oscillateurs mesure la force du couplage entre eux.) S'écarter de ces préférences contribue à l'énergie dépensée par un oscillateur. Le système tente d'équilibrer tous les désirs concurrents en minimisant son énergie totale. La contribution de Kuramoto a été de simplifier suffisamment ces contraintes mathématiques pour que les mathématiciens puissent progresser dans l'étude du système. Dans la plupart des cas, de tels systèmes d’équations différentielles couplées sont pratiquement impossibles à résoudre.

Malgré sa simplicité, le modèle Kuramoto s'est révélé utile pour modéliser la synchronisation des réseaux, du cerveau aux réseaux électriques, a déclaré Ginestra Bianconi , mathématicienne appliquée à l'Université Queen Mary de Londres. "Dans le cerveau, ce n'est pas particulièrement précis, mais on sait que c'est très efficace", a-t-elle déclaré.

"Il y a ici une danse très fine entre les mathématiques et la physique, car un modèle qui capture un phénomène mais qui est très difficile à analyser n'est pas très utile", a déclaré Souza.

Dans son article de 1975, Kuramoto supposait que chaque nœud était connecté à tous les autres nœuds dans ce qu'on appelle un graphe complet. À partir de là, il a montré que pour un nombre infini d’oscillateurs, si le couplage entre eux était suffisamment fort, il pouvait comprendre leur comportement à long terme. Faisant l'hypothèse supplémentaire que tous les oscillateurs avaient la même fréquence (ce qui en ferait ce qu'on appelle un modèle homogène), il trouva une solution dans laquelle tous les oscillateurs finiraient par tourner simultanément, chacun arrondissant le même point de son cercle exactement au même endroit. en même temps. Même si la plupart des graphiques du monde réel sont loin d'être complets, le succès de Kuramoto a conduit les mathématiciens à se demander ce qui se passerait s'ils assouplissaient ses exigences.  

Mélodie et silence

Au début des années 1990, avec son élève Shinya Watanabe , Strogatz a montré que la solution de Kuramoto était non seulement possible, mais presque inévitable, même pour un nombre fini d'oscillateurs. En 2011, Richard Taylor , de l'Organisation australienne des sciences et technologies de la défense, a renoncé à l'exigence de Kuramoto selon laquelle le graphique devait être complet. Il a prouvé que les graphes homogènes où chaque nœud est connecté à au moins 94 % des autres sont assurés de se synchroniser globalement. Le résultat de Taylor avait l'avantage de s'appliquer à des graphes avec des structures de connectivité arbitraires, à condition que chaque nœud ait un grand nombre de voisins.

En 2018, Bandeira, Ling et Ruitu Xu , un étudiant diplômé de l'Université de Yale, ont abaissé à 79,3 % l'exigence de Taylor selon laquelle chaque nœud doit être connecté à 94 % des autres. En 2020, un groupe concurrent a atteint 78,89 % ; en 2021, Strogatz, Alex Townsend et Martin Kassabov ont établi le record actuel en démontrant que 75 % suffisaient.

Pendant ce temps, les chercheurs ont également attaqué le problème dans la direction opposée, en essayant de trouver des graphiques hautement connectés mais non synchronisés globalement. Dans une série d'articles de 2006 à 2022 , ils ont découvert graphique après graphique qui pourraient éviter la synchronisation globale, même si chaque nœud était lié à plus de 68 % des autres. Beaucoup de ces graphiques ressemblent à un cercle de personnes se tenant la main, où chaque personne tend la main à 10, voire 100 voisins proches. Ces graphiques, appelés graphiques en anneaux, peuvent s'installer dans un état dans lequel chaque oscillateur est légèrement décalé par rapport au suivant.

De toute évidence, la structure du graphique influence fortement la synchronisation. Ling, Xu et Bandeira sont donc devenus curieux des propriétés de synchronisation des graphiques générés aléatoirement. Pour rendre leur travail précis, ils ont utilisé deux méthodes courantes pour construire un graphique de manière aléatoire.

Le premier porte le nom de Paul Erdős et Alfréd Rényi, deux éminents théoriciens des graphes qui ont réalisé des travaux fondateurs sur le modèle. Pour construire un graphique à l'aide du modèle Erdős-Rényi, vous commencez avec un groupe de nœuds non connectés. Ensuite, pour chaque paire de nœuds, vous les reliez au hasard avec une certaine probabilité p . Si p vaut 1 %, vous liez les bords 1 % du temps ; si c'est 50 %, chaque nœud se connectera en moyenne à la moitié des autres.

Si p est légèrement supérieur à un seuil qui dépend du nombre de nœuds dans le graphique, le graphique formera, avec une très grande probabilité, un réseau interconnecté (au lieu de comprendre des clusters qui ne sont pas reliés). À mesure que la taille du graphique augmente, ce seuil devient minuscule, de sorte que pour des graphiques suffisamment grands, même si p est petit, ce qui rend le nombre total d'arêtes également petit, les graphiques d'Erdős-Rényi seront connectés.

Le deuxième type de graphe qu’ils ont considéré est appelé graphe d -régulier. Dans de tels graphes, chaque nœud a le même nombre d’arêtes, d . (Ainsi, dans un graphe 3-régulier, chaque nœud est connecté à 3 autres nœuds, dans un graphe 7-régulier, chaque nœud est connecté à 7 autres, et ainsi de suite.)

(Photo avec schéma)

Les graphiques bien connectés bien qu’ils soient clairsemés (n’ayant qu’un petit nombre d’arêtes) sont appelés graphiques d’expansion. Celles-ci sont importantes dans de nombreux domaines des mathématiques, de la physique et de l'informatique, mais si vous souhaitez construire un graphe d'expansion avec un ensemble particulier de propriétés, vous constaterez qu'il s'agit d'un " problème étonnamment non trivial ", selon l'éminent mathématicien. Terry Tao. Les graphes d'Erdős-Rényi, bien qu'ils ne soient pas toujours extensibles, partagent bon nombre de leurs caractéristiques importantes. Et il s'avère cependant que si vous construisez un graphe -régulier et connectez les arêtes de manière aléatoire, vous obtiendrez un graphe d'expansion.

Joindre les deux bouts

En 2018, Ling, Xu et Bandeira ont deviné que le seuil de connectivité pourrait également mesurer l'émergence d'une synchronisation globale : si vous générez un graphique d'Erdős-Rényi avec p juste un peu plus grand que le seuil, le graphique devrait se synchroniser globalement. Ils ont fait des progrès partiels sur cette conjecture, et Strogatz, Kassabov et Townsend ont ensuite amélioré leur résultat. Mais il subsiste un écart important entre leur nombre et le seuil de connectivité.

En mars 2022, Townsend a rendu visite à Bandeira à Zurich. Ils ont réalisé qu'ils avaient une chance d'atteindre le seuil de connectivité et ont fait appel à Pedro Abdalla , un étudiant diplômé de Bandeira, qui à son tour a enrôlé son ami Victor Souza. Abdalla et Souza ont commencé à peaufiner les détails, mais ils se sont rapidement heurtés à des obstacles.

Il semblait que le hasard s’accompagnait de problèmes inévitables. À moins que p ne soit significativement plus grand que le seuil de connectivité, il y aurait probablement des fluctuations sauvages dans le nombre d'arêtes de chaque nœud. L'un peut être attaché à 100 arêtes ; un autre pourrait être attaché à aucun. "Comme pour tout bon problème, il riposte", a déclaré Souza. Abdalla et Souza ont réalisé qu'aborder le problème du point de vue des graphiques aléatoires ne fonctionnerait pas. Au lieu de cela, ils utiliseraient le fait que la plupart des graphes d’Erdős-Rényi sont des expanseurs. "Après ce changement apparemment innocent, de nombreuses pièces du puzzle ont commencé à se mettre en place", a déclaré Souza. "En fin de compte, nous obtenons un résultat bien meilleur que ce à quoi nous nous attendions." Les graphiques sont accompagnés d'un nombre appelé expansion qui mesure la difficulté de les couper en deux, normalisé à la taille du graphique. Plus ce nombre est grand, plus il est difficile de le diviser en deux en supprimant des nœuds.

Au cours des mois suivants, l’équipe a complété le reste de l’argumentation en publiant son article en ligne en octobre. Leur preuve montre qu'avec suffisamment de temps, si le graphe a suffisamment d'expansion, le modèle homogène de Kuramoto se synchronisera toujours globalement.

Sur la seule route

L’un des plus grands mystères restants de l’étude mathématique de la synchronisation ne nécessite qu’une petite modification du modèle présenté dans le nouvel article : que se passe-t-il si certaines paires d’oscillateurs se synchronisent, mais que d’autres s’en écartent ? Dans cette situation, " presque tous nos outils disparaissent immédiatement ", a déclaré Souza. Si les chercheurs parviennent à progresser sur cette version du problème, ces techniques aideront probablement Bandeira à résoudre les problèmes de regroupement de données qu’il avait entrepris de résoudre avant de se tourner vers la synchronisation.

Au-delà de cela, il existe des classes de graphiques outre les extensions, des modèles plus complexes que la synchronisation globale et des modèles de synchronisation qui ne supposent pas que chaque nœud et chaque arête sont identiques. En 2018, Saber Jafarpour et Francesco Bullo de l'Université de Californie à Santa Barbara ont proposé un test de synchronisation globale qui fonctionne lorsque les rotateurs n'ont pas de poids ni de fréquences préférées identiques. L'équipe de Bianconi et d'autres ont travaillé avec des réseaux dont les liens impliquent trois, quatre nœuds ou plus, plutôt que de simples paires.

Bandeira et Abdalla tentent déjà d'aller au-delà des modèles Erdős-Rényi et d -regular vers d'autres modèles de graphes aléatoires plus réalistes. En août dernier, ils ont partagé un article , co-écrit avec Clara Invernizzi, sur la synchronisation dans les graphes géométriques aléatoires. Dans les graphes géométriques aléatoires, conçus en 1961, les nœuds sont dispersés de manière aléatoire dans l'espace, peut-être sur une surface comme une sphère ou un plan. Les arêtes sont placées entre des paires de nœuds s'ils se trouvent à une certaine distance les uns des autres. Leur inventeur, Edgar Gilbert, espérait modéliser des réseaux de communication dans lesquels les messages ne peuvent parcourir que de courtes distances, ou la propagation d'agents pathogènes infectieux qui nécessitent un contact étroit pour se transmettre. Des modèles géométriques aléatoires permettraient également de mieux capturer les liens entre les lucioles d'un essaim, qui se synchronisent en observant leurs voisines, a déclaré Bandeira.

Bien entendu, relier les résultats mathématiques au monde réel est un défi. "Je pense qu'il serait un peu mensonger de prétendre que cela est imposé par les applications", a déclaré Strogatz, qui a également noté que le modèle homogène de Kuramoto ne peut jamais capturer la variation inhérente aux systèmes biologiques. Souza a ajouté : " Il y a de nombreuses questions fondamentales que nous ne savons toujours pas comment résoudre. C'est plutôt comme explorer la jungle. " 



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org - Leïla Sloman, 24 juillet 2023

[ évolution ]

 

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homme-machine

Une nouvelle approche du calcul réinvente l'intelligence artificielle

Par l'imprégnation d'énormes vecteurs de sens sémantique, nous pouvons amener les machines à raisonner de manière plus abstraite et plus efficace qu'auparavant.

M
algré le succès retentissant de ChatGPT et d'autres grands modèles de langage, les réseaux de neurones artificiels (ANN) qui sous-tendent ces systèmes pourraient être sur la mauvaise voie.

D'une part, les ANN sont "super gourmands en énergie", a déclaré Cornelia Fermüller , informaticienne à l'Université du Maryland. "Et l'autre problème est [leur] manque de transparence." De tels systèmes sont si compliqués que personne ne comprend vraiment ce qu'ils font, ou pourquoi ils fonctionnent si bien. Ceci, à son tour, rend presque impossible de les amener à raisonner par analogie, ce que font les humains - en utilisant des symboles pour les objets, les idées et les relations entre eux.

Ces lacunes proviennent probablement de la structure actuelle des RNA et de leurs éléments constitutifs : les neurones artificiels individuels. Chaque neurone reçoit des entrées, effectue des calculs et produit des sorties. Les RNA modernes sont des réseaux élaborés de ces unités de calcul, formés pour effectuer des tâches spécifiques.

Pourtant, les limites des RNA sont évidentes depuis longtemps. Considérez, par exemple, un ANN qui sépare les cercles et les carrés. Une façon de le faire est d'avoir deux neurones dans sa couche de sortie, un qui indique un cercle et un qui indique un carré. Si vous voulez que votre ANN discerne également la couleur de la forme - bleu ou rouge - vous aurez besoin de quatre neurones de sortie : un pour le cercle bleu, le carré bleu, le cercle rouge et le carré rouge. Plus de fonctionnalités signifie encore plus de neurones.

Cela ne peut pas être la façon dont notre cerveau perçoit le monde naturel, avec toutes ses variations. "Vous devez proposer que, eh bien, vous avez un neurone pour toutes les combinaisons", a déclaré Bruno Olshausen , neuroscientifique à l'Université de Californie à Berkeley. "Donc, vous auriez dans votre cerveau, [disons,] un détecteur Volkswagen violet."

Au lieu de cela, Olshausen et d'autres soutiennent que l'information dans le cerveau est représentée par l'activité de nombreux neurones. Ainsi, la perception d'une Volkswagen violette n'est pas codée comme les actions d'un seul neurone, mais comme celles de milliers de neurones. Le même ensemble de neurones, tirant différemment, pourrait représenter un concept entièrement différent (une Cadillac rose, peut-être).

C'est le point de départ d'une approche radicalement différente de l'informatique connue sous le nom d'informatique hyperdimensionnelle. La clé est que chaque élément d'information, comme la notion d'une voiture, ou sa marque, son modèle ou sa couleur, ou tout cela ensemble, est représenté comme une seule entité : un vecteur hyperdimensionnel.

Un vecteur est simplement un tableau ordonné de nombres. Un vecteur 3D, par exemple, comprend trois nombres : les coordonnées x , y et z d'un point dans l'espace 3D. Un vecteur hyperdimensionnel, ou hypervecteur, pourrait être un tableau de 10 000 nombres, par exemple, représentant un point dans un espace à 10 000 dimensions. Ces objets mathématiques et l'algèbre pour les manipuler sont suffisamment flexibles et puissants pour amener l'informatique moderne au-delà de certaines de ses limites actuelles et favoriser une nouvelle approche de l'intelligence artificielle.

"C'est ce qui m'a le plus enthousiasmé, pratiquement de toute ma carrière", a déclaré Olshausen. Pour lui et pour beaucoup d'autres, l'informatique hyperdimensionnelle promet un nouveau monde dans lequel l'informatique est efficace et robuste, et les décisions prises par les machines sont entièrement transparentes.

Entrez dans les espaces de grande dimension

Pour comprendre comment les hypervecteurs rendent le calcul possible, revenons aux images avec des cercles rouges et des carrés bleus. Nous avons d'abord besoin de vecteurs pour représenter les variables SHAPE et COLOR. Ensuite, nous avons également besoin de vecteurs pour les valeurs pouvant être affectées aux variables : CERCLE, CARRÉ, BLEU et ROUGE.

Les vecteurs doivent être distincts. Cette distinction peut être quantifiée par une propriété appelée orthogonalité, ce qui signifie être à angle droit. Dans l'espace 3D, il existe trois vecteurs orthogonaux entre eux : un dans la direction x , un autre dans la direction y et un troisième dans la direction z . Dans un espace à 10 000 dimensions, il existe 10 000 vecteurs mutuellement orthogonaux.

Mais si nous permettons aux vecteurs d'être presque orthogonaux, le nombre de ces vecteurs distincts dans un espace de grande dimension explose. Dans un espace à 10 000 dimensions, il existe des millions de vecteurs presque orthogonaux.

Créons maintenant des vecteurs distincts pour représenter FORME, COULEUR, CERCLE, CARRÉ, BLEU et ROUGE. Parce qu'il y a tellement de vecteurs presque orthogonaux possibles dans un espace de grande dimension, vous pouvez simplement assigner six vecteurs aléatoires pour représenter les six éléments ; ils sont presque garantis d'être presque orthogonaux. "La facilité de créer des vecteurs presque orthogonaux est une raison majeure d'utiliser la représentation hyperdimensionnelle", a écrit Pentti Kanerva , chercheur au Redwood Center for Theoretical Neuroscience de l'Université de Californie à Berkeley, dans un article influent de 2009.

L'article s'appuyait sur des travaux effectués au milieu des années 1990 par Kanerva et Tony Plate, alors étudiant au doctorat avec Geoff Hinton à l'Université de Toronto. Les deux ont développé indépendamment l'algèbre pour manipuler les hypervecteurs et ont fait allusion à son utilité pour le calcul en haute dimension.

Étant donné nos hypervecteurs pour les formes et les couleurs, le système développé par Kanerva et Plate nous montre comment les manipuler à l'aide de certaines opérations mathématiques. Ces actions correspondent à des manières de manipuler symboliquement des concepts.

La première opération est la multiplication. C'est une façon de combiner les idées. Par exemple, multiplier le vecteur FORME par le vecteur CERCLE lie les deux en une représentation de l'idée "LA FORME est CERCLE". Ce nouveau vecteur "lié" est presque orthogonal à la fois à SHAPE et à CIRCLE. Et les composants individuels sont récupérables - une caractéristique importante si vous souhaitez extraire des informations à partir de vecteurs liés. Étant donné un vecteur lié qui représente votre Volkswagen, vous pouvez dissocier et récupérer le vecteur pour sa couleur : VIOLET.

La deuxième opération, l'addition, crée un nouveau vecteur qui représente ce qu'on appelle une superposition de concepts. Par exemple, vous pouvez prendre deux vecteurs liés, "SHAPE is CIRCLE" et "COLOR is RED", et les additionner pour créer un vecteur qui représente une forme circulaire de couleur rouge. Là encore, le vecteur superposé peut être décomposé en ses constituants.

La troisième opération est la permutation ; cela implique de réorganiser les éléments individuels des vecteurs. Par exemple, si vous avez un vecteur tridimensionnel avec des valeurs étiquetées x , y et z , la permutation peut déplacer la valeur de x vers y , y vers z et z vers x. "La permutation vous permet de construire une structure", a déclaré Kanerva. "Ça permet de gérer des séquences, des choses qui se succèdent." Considérons deux événements, représentés par les hypervecteurs A et B. Nous pouvons les superposer en un seul vecteur, mais cela détruirait les informations sur l'ordre des événements. La combinaison de l'addition et de la permutation préserve l'ordre ; les événements peuvent être récupérés dans l'ordre en inversant les opérations.

Ensemble, ces trois opérations se sont avérées suffisantes pour créer une algèbre formelle d'hypervecteurs permettant un raisonnement symbolique. Mais de nombreux chercheurs ont été lents à saisir le potentiel de l'informatique hyperdimensionnelle, y compris Olshausen. "Cela n'a tout simplement pas été pris en compte", a-t-il déclaré.

Exploiter le pouvoir

En 2015, un étudiant d'Olshausen nommé Eric Weiss a démontré un aspect des capacités uniques de l'informatique hyperdimensionnelle. Weiss a compris comment représenter une image complexe comme un seul vecteur hyperdimensionnel contenant des informations sur tous les objets de l'image, y compris leurs propriétés, telles que les couleurs, les positions et les tailles.

"Je suis pratiquement tombé de ma chaise", a déclaré Olshausen. "Tout d'un coup, l'ampoule s'est allumée."

Bientôt, d'autres équipes ont commencé à développer des algorithmes hyperdimensionnels pour reproduire des tâches simples que les réseaux de neurones profonds avaient commencé à effectuer environ deux décennies auparavant, comme la classification d'images.

Considérons un ensemble de données annotées composé d'images de chiffres manuscrits. Un algorithme analyse les caractéristiques de chaque image en utilisant un schéma prédéterminé. Il crée ensuite un hypervecteur pour chaque image. Ensuite, l'algorithme ajoute les hypervecteurs pour toutes les images de zéro pour créer un hypervecteur pour l'idée de zéro. Il fait ensuite la même chose pour tous les chiffres, créant 10 hypervecteurs "de classe", un pour chaque chiffre.

Maintenant, l'algorithme reçoit une image non étiquetée. Il crée un hypervecteur pour cette nouvelle image, puis compare l'hypervecteur aux hypervecteurs de classe stockés. Cette comparaison détermine le chiffre auquel la nouvelle image ressemble le plus.

Pourtant, ce n'est que le début. Les points forts de l'informatique hyperdimensionnelle résident dans la capacité de composer et de décomposer des hypervecteurs pour le raisonnement. La dernière démonstration en date a eu lieu en mars, lorsqu'Abbas Rahimi et ses collègues d'IBM Research à Zurich ont utilisé l'informatique hyperdimensionnelle avec des réseaux de neurones pour résoudre un problème classique de raisonnement visuel abstrait - un défi important pour les RNA typiques, et même certains humains. Connu sous le nom de matrices progressives de Raven, le problème présente des images d'objets géométriques dans, disons, une grille 3 par 3. Une position dans la grille est vide. Le sujet doit choisir, parmi un ensemble d'images candidates, l'image qui correspond le mieux au blanc.

"Nous avons dit:" C'est vraiment ... l'exemple qui tue pour le raisonnement abstrait visuel, allons-y "", a déclaré Rahimi.

Pour résoudre le problème à l'aide de l'informatique hyperdimensionnelle, l'équipe a d'abord créé un dictionnaire d'hypervecteurs pour représenter les objets dans chaque image ; chaque hypervecteur du dictionnaire représente un objet et une combinaison de ses attributs. L'équipe a ensuite formé un réseau de neurones pour examiner une image et générer un hypervecteur bipolaire - un élément peut être +1 ou -1 - aussi proche que possible d'une superposition d'hypervecteurs dans le dictionnaire ; l'hypervecteur généré contient donc des informations sur tous les objets et leurs attributs dans l'image. "Vous guidez le réseau de neurones vers un espace conceptuel significatif", a déclaré Rahimi.

Une fois que le réseau a généré des hypervecteurs pour chacune des images de contexte et pour chaque candidat pour l'emplacement vide, un autre algorithme analyse les hypervecteurs pour créer des distributions de probabilité pour le nombre d'objets dans chaque image, leur taille et d'autres caractéristiques. Ces distributions de probabilité, qui parlent des caractéristiques probables à la fois du contexte et des images candidates, peuvent être transformées en hypervecteurs, permettant l'utilisation de l'algèbre pour prédire l'image candidate la plus susceptible de remplir l'emplacement vacant.

Leur approche était précise à près de 88 % sur un ensemble de problèmes, tandis que les solutions de réseau neuronal uniquement étaient précises à moins de 61 %. L'équipe a également montré que, pour les grilles 3 par 3, leur système était presque 250 fois plus rapide qu'une méthode traditionnelle qui utilise des règles de logique symbolique pour raisonner, car cette méthode doit parcourir un énorme livre de règles pour déterminer la bonne prochaine étape.

Un début prometteur

Non seulement l'informatique hyperdimensionnelle nous donne le pouvoir de résoudre symboliquement des problèmes, mais elle résout également certains problèmes épineux de l'informatique traditionnelle. Les performances des ordinateurs d'aujourd'hui se dégradent rapidement si les erreurs causées, par exemple, par un retournement de bit aléatoire (un 0 devient 1 ou vice versa) ne peuvent pas être corrigées par des mécanismes de correction d'erreurs intégrés. De plus, ces mécanismes de correction d'erreurs peuvent imposer une pénalité sur les performances allant jusqu'à 25 %, a déclaré Xun Jiao , informaticien à l'Université de Villanova.

Le calcul hyperdimensionnel tolère mieux les erreurs, car même si un hypervecteur subit un nombre important de retournements de bits aléatoires, il reste proche du vecteur d'origine. Cela implique que tout raisonnement utilisant ces vecteurs n'est pas significativement impacté face aux erreurs. L'équipe de Jiao a montré que ces systèmes sont au moins 10 fois plus tolérants aux pannes matérielles que les ANN traditionnels, qui sont eux-mêmes des ordres de grandeur plus résistants que les architectures informatiques traditionnelles. "Nous pouvons tirer parti de toute [cette] résilience pour concevoir du matériel efficace", a déclaré Jiao.

Un autre avantage de l'informatique hyperdimensionnelle est la transparence : l'algèbre vous indique clairement pourquoi le système a choisi la réponse qu'il a choisie. Il n'en va pas de même pour les réseaux de neurones traditionnels. Olshausen, Rahimi et d'autres développent des systèmes hybrides dans lesquels les réseaux de neurones cartographient les éléments du monde physique en hypervecteurs, puis l'algèbre hyperdimensionnelle prend le relais. "Des choses comme le raisonnement analogique vous tombent dessus", a déclaré Olshausen. "C'est ce que nous devrions attendre de tout système d'IA. Nous devrions pouvoir le comprendre comme nous comprenons un avion ou un téléviseur.

Tous ces avantages par rapport à l'informatique traditionnelle suggèrent que l'informatique hyperdimensionnelle est bien adaptée à une nouvelle génération de matériel extrêmement robuste et à faible consommation d'énergie. Il est également compatible avec les "systèmes informatiques en mémoire", qui effectuent le calcul sur le même matériel qui stocke les données (contrairement aux ordinateurs von Neumann existants qui transfèrent inefficacement les données entre la mémoire et l'unité centrale de traitement). Certains de ces nouveaux appareils peuvent être analogiques, fonctionnant à très basse tension, ce qui les rend économes en énergie mais également sujets aux bruits aléatoires. Pour l'informatique de von Neumann, ce caractère aléatoire est "le mur que vous ne pouvez pas franchir", a déclaré Olshausen. Mais avec l'informatique hyperdimensionnelle, "vous pouvez simplement percer".

Malgré ces avantages, l'informatique hyperdimensionnelle en est encore à ses balbutiements. "Il y a un vrai potentiel ici", a déclaré Fermüller. Mais elle souligne qu'il doit encore être testé contre des problèmes du monde réel et à des échelles plus grandes, plus proches de la taille des réseaux de neurones modernes.

"Pour les problèmes à grande échelle, cela nécessite un matériel très efficace", a déclaré Rahimi. "Par exemple, comment [faites-vous] une recherche efficace sur plus d'un milliard d'articles ?"

Tout cela devrait venir avec le temps, a déclaré Kanerva. "Il y a d'autres secrets [que] les espaces de grande dimension détiennent", a-t-il déclaré. "Je vois cela comme le tout début du temps pour le calcul avec des vecteurs."

Auteur: Ananthaswamy Anil

Info: https://www.quantamagazine.org/ Mais 2023

[ machine learning ]

 

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Chat GPT ou le perroquet grammairien

L’irruption des IA conversationnelles dans la sphère publique a conféré une pertinence supplémentaire aux débats sur le langage humain et sur ce qu’on appelle parler. Notamment, les IA redonnent naissance à un débat ancien sur la grammaire générative et sur l’innéisme des facultés langagières. Mais les grands modèles de langage et les IA neuronales nous offrent peut-être l’occasion d’étendre le domaine de la réflexion sur l’architecture des systèmes possibles de cognition, de communication et d’interaction, et considérant aussi la façon dont les animaux communiquent.

a capacité de ChatGPT à produire des textes en réponse à n’importe quelle requête a immédiatement attiré l’attention plus ou moins inquiète d’un grand nombre de personnes, les unes animées par une force de curiosité ou de fascination, et les autres, par un intérêt professionnel.

L’intérêt professionnel scientifique que les spécialistes du langage humain peuvent trouver aux Large Language Models ne date pas d’hier : à bien des égards, des outils de traduction automatique comme DeepL posaient déjà des questions fondamentales en des termes assez proches. Mais l’irruption des IA conversationnelles dans la sphère publique a conféré une pertinence supplémentaire aux débats sur ce que les Large Language Models sont susceptibles de nous dire sur le langage humain et sur ce qu’on appelle parler.

L’outil de traduction DeepL (ou les versions récentes de Google Translate) ainsi que les grands modèles de langage reposent sur des techniques d’" apprentissage profond " issues de l’approche " neuronale " de l’Intelligence Artificielle : on travaille ici sur des modèles d’IA qui organisent des entités d’information minimales en les connectant par réseaux ; ces réseaux de connexion sont entraînés sur des jeux de données considérables, permettant aux liaisons " neuronales " de se renforcer en proportion des probabilités de connexion observées dans le jeu de données réelles – c’est ce rôle crucial de l’entraînement sur un grand jeu de données qui vaut aux grands modèles de langage le sobriquet de " perroquets stochastiques ". Ces mécanismes probabilistes sont ce qui permet aussi à l’IA de gagner en fiabilité et en précision au fil de l’usage. Ce modèle est qualifié de " neuronal " car initialement inspiré du fonctionnement des réseaux synaptiques. Dans le cas de données langagières, à partir d’une requête elle-même formulée en langue naturelle, cette technique permet aux agents conversationnels ou aux traducteurs neuronaux de produire très rapidement des textes généralement idiomatiques, qui pour des humains attesteraient d’un bon apprentissage de la langue.

IA neuronales et acquisition du langage humain

Au-delà de l’analogie " neuronale ", ce mécanisme d’entraînement et les résultats qu’il produit reproduisent les théories de l’acquisition du langage fondées sur l’interaction avec le milieu. Selon ces modèles, généralement qualifiés de comportementalistes ou behavioristes car étroitement associés aux théories psychologiques du même nom, l’enfant acquiert le langage par l’exposition aux stimuli linguistiques environnants et par l’interaction (d’abord tâtonnante, puis assurée) avec les autres. Progressivement, la prononciation s’aligne sur la norme majoritaire dans l’environnement individuel de la personne apprenante ; le vocabulaire s’élargit en fonction des stimuli ; l’enfant s’approprie des structures grammaticales de plus en plus contextes ; et en milieu bilingue, les enfants apprennent peu à peu à discriminer les deux ou plusieurs systèmes auxquels ils sont exposés. Cette conception essentiellement probabiliste de l’acquisition va assez spontanément de pair avec des théories grammaticales prenant comme point de départ l’existence de patrons (" constructions ") dont la combinatoire constitue le système. Dans une telle perspective, il n’est pas pertinent qu’un outil comme ChatGPT ne soit pas capable de référer, ou plus exactement qu’il renvoie d’office à un monde possible stochastiquement moyen qui ne coïncide pas forcément avec le monde réel. Cela ne change rien au fait que ChatGPT, DeepL ou autres maîtrisent le langage et que leur production dans une langue puisse être qualifiée de langage : ChatGPT parle.

Mais ce point de vue repose en réalité sur un certain nombre de prémisses en théorie de l’acquisition, et fait intervenir un clivage lancinant au sein des sciences du langage. L’actualité de ces dernières années et surtout de ces derniers mois autour des IA neuronales et génératives redonne à ce clivage une acuité particulière, ainsi qu’une pertinence nouvelle pour l’appréhension de ces outils qui transforment notre rapport au texte et au discours. La polémique, comme souvent (trop souvent ?) quand il est question de théorie du langage et des langues, se cristallise – en partie abusivement – autour de la figure de Noam Chomsky et de la famille de pensée linguistique très hétérogène qui se revendique de son œuvre, généralement qualifiée de " grammaire générative " même si le pluriel (les grammaires génératives) serait plus approprié.

IA générative contre grammaire générative

Chomsky est à la fois l’enfant du structuralisme dans sa variante états-unienne et celui de la philosophie logique rationaliste d’inspiration allemande et autrichienne implantée sur les campus américains après 1933. Chomsky est attaché à une conception forte de la logique mathématisée, perçue comme un outil d’appréhension des lois universelles de la pensée humaine, que la science du langage doit contribuer à éclairer. Ce parti-pris que Chomsky qualifiera lui-même de " cartésien " le conduit à fonder sa linguistique sur quelques postulats psychologiques et philosophiques, dont le plus important est l’innéisme, avec son corollaire, l’universalisme. Selon Chomsky et les courants de la psychologie cognitive influencée par lui, la faculté de langage s’appuie sur un substrat génétique commun à toute l’espèce humaine, qui s’exprime à la fois par un " instinct de langage " mais aussi par l’existence d’invariants grammaticaux, identifiables (via un certain niveau d’abstraction) dans toutes les langues du monde.

La nature de ces universaux fluctue énormément selon quelle période et quelle école du " générativisme " on étudie, et ce double postulat radicalement innéiste et universaliste reste très disputé aujourd’hui. Ces controverses mettent notamment en jeu des conceptions très différentes de l’acquisition du langage et des langues. Le moment fondateur de la théorie chomskyste de l’acquisition dans son lien avec la définition même de la faculté de langage est un violent compte-rendu critique de Verbal Behavior, un ouvrage de synthèse des théories comportementalistes en acquisition du langage signé par le psychologue B.F. Skinner. Dans ce compte-rendu publié en 1959, Chomsky élabore des arguments qui restent structurants jusqu’à aujourd’hui et qui définissent le clivage entre l’innéisme radical et des théories fondées sur l’acquisition progressive du langage par exposition à des stimuli environnementaux. C’est ce clivage qui préside aux polémiques entre linguistes et psycholinguistes confrontés aux Large Language Models.

On comprend dès lors que Noam Chomsky et deux collègues issus de la tradition générativiste, Ian Roberts, professeur de linguistique à Cambridge, et Jeffrey Watumull, chercheur en intelligence artificielle, soient intervenus dans le New York Times dès le 8 mars 2023 pour exposer un point de vue extrêmement critique intitulée " La fausse promesse de ChatGPT ". En laissant ici de côté les arguments éthiques utilisés dans leur tribune, on retiendra surtout l’affirmation selon laquelle la production de ChatGPT en langue naturelle ne pourrait pas être qualifiée de " langage " ; ChatGPT, selon eux, ne parle pas, car ChatGPT ne peut pas avoir acquis la faculté de langage. La raison en est simple : si les Grands Modèles de Langage reposent intégralement sur un modèle behaviouriste de l’acquisition, dès lors que ce modèle, selon eux, est réfuté depuis soixante ans, alors ce que font les Grands Modèles de Langage ne peut être qualifié de " langage ".

Chomsky, trop têtu pour qu’on lui parle ?

Le point de vue de Chomsky, Roberts et Watumull a été instantanément tourné en ridicule du fait d’un choix d’exemple particulièrement malheureux : les trois auteurs avançaient en effet que certaines constructions syntaxiques complexes, impliquant (dans le cadre générativiste, du moins) un certain nombre d’opérations sur plusieurs niveaux, ne peuvent être acquises sur la base de l’exposition à des stimuli environnementaux, car la fréquence relativement faible de ces phénomènes échouerait à contrebalancer des analogies formelles superficielles avec d’autres tournures au sens radicalement différent. Dans la tribune au New York Times, l’exemple pris est l’anglais John is too stubborn to talk to, " John est trop entêté pour qu’on lui parle ", mais en anglais on a littéralement " trop têtu pour parler à " ; la préposition isolée (ou " échouée ") en position finale est le signe qu’un constituant a été supprimé et doit être reconstitué aux vues de la structure syntaxique d’ensemble. Ici, " John est trop têtu pour qu’on parle à [John] " : le complément supprimé en anglais l’a été parce qu’il est identique au sujet de la phrase.

Ce type d’opérations impliquant la reconstruction d’un complément d’objet supprimé car identique au sujet du verbe principal revient dans la plupart des articles de polémique de Chomsky contre la psychologie behaviouriste et contre Skinner dans les années 1950 et 1960. On retrouve même l’exemple exact de 2023 dans un texte du début des années 1980. C’est en réalité un exemple-type au service de l’argument selon lequel l’existence d’opérations minimales universelles prévues par les mécanismes cérébraux humains est nécessaire pour l’acquisition complète du langage. Il a presque valeur de shibboleth permettant de séparer les innéistes et les comportementalistes. Il est donc logique que Chomsky, Roberts et Watumull avancent un tel exemple pour énoncer que le modèle probabiliste de l’IA neuronale est voué à échouer à acquérir complètement le langage.

On l’aura deviné : il suffit de demander à ChatGPT de paraphraser cette phrase pour obtenir un résultat suggérant que l’agent conversationnel a parfaitement " compris " le stimulus. DeepL, quand on lui demande de traduire cette phrase en français, donne deux solutions : " John est trop têtu pour qu’on lui parle " en solution préférée et " John est trop têtu pour parler avec lui " en solution de remplacement. Hors contexte, donc sans qu’on sache qui est " lui ", cette seconde solution n’est guère satisfaisante. La première, en revanche, fait totalement l’affaire.

Le détour par DeepL nous montre toutefois la limite de ce petit test qui a pourtant réfuté Chomsky, Roberts et Watumull : comprendre, ici, ne veut rien dire d’autre que " fournir une paraphrase équivalente ", dans la même langue (dans le cas de l’objection qui a immédiatement été faite aux trois auteurs) ou dans une autre (avec DeepL), le problème étant que les deux équivalents fournis par DeepL ne sont justement pas équivalents entre eux, puisque l’un est non-ambigu référentiellement et correct, tandis que l’autre est potentiellement ambigu référentiellement, selon comment on comprend " lui ". Or l’argument de Chomsky, Roberts et Watumull est justement celui de l’opacité du complément d’objet… Les trois auteurs ont bien sûr été pris à défaut ; reste que le test employé, précisément parce qu’il est typiquement behaviouriste (observer extérieurement l’adéquation d’une réaction à un stimulus), laisse ouverte une question de taille et pourtant peu présente dans les discussions entre linguistes : y a-t-il une sémantique des énoncés produits par ChatGPT, et si oui, laquelle ? Chomsky et ses co-auteurs ne disent pas que ChatGPT " comprend " ou " ne comprend pas " le stimulus, mais qu’il en " prédit le sens " (bien ou mal). La question de la référence, présente dans la discussion philosophique sur ChatGPT mais peu mise en avant dans le débat linguistique, n’est pas si loin.

Syntaxe et sémantique de ChatGPT

ChatGPT a une syntaxe et une sémantique : sa syntaxe est homologue aux modèles proposés pour le langage naturel invoquant des patrons formels quantitativement observables. Dans ce champ des " grammaires de construction ", le recours aux données quantitatives est aujourd’hui standard, en particulier en utilisant les ressources fournies par les " grand corpus " de plusieurs dizaines de millions voire milliards de mots (quinze milliards de mots pour le corpus TenTen francophone, cinquante-deux milliards pour son équivalent anglophone). D’un certain point de vue, ChatGPT ne fait que répéter la démarche des modèles constructionalistes les plus radicaux, qui partent de co-occurrences statistiques dans les grands corpus pour isoler des patrons, et il la reproduit en sens inverse, en produisant des données à partir de ces patrons.

Corrélativement, ChatGPT a aussi une sémantique, puisque ces théories de la syntaxe sont majoritairement adossées à des modèles sémantiques dits " des cadres " (frame semantics), dont l’un des inspirateurs n’est autre que Marvin Minsky, pionnier de l’intelligence artificielle s’il en est : la circulation entre linguistique et intelligence artificielle s’inscrit donc sur le temps long et n’est pas unilatérale. Là encore, la question est plutôt celle de la référence : la sémantique en question est très largement notionnelle et ne permet de construire un énoncé susceptible d’être vrai ou faux qu’en l’actualisant par des opérations de repérage (ne serait-ce que temporel) impliquant de saturer grammaticalement ou contextuellement un certain nombre de variables " déictiques ", c’est-à-dire qui ne se chargent de sens que mises en relation à un moi-ici-maintenant dans le discours.

On touche ici à un problème transversal aux clivages dessinés précédemment : les modèles " constructionnalistes " sont plus enclins à ménager des places à la variation contextuelle, mais sous la forme de variables situationnelles dont l’intégration à la description ne fait pas consensus ; les grammaires génératives ont très longtemps évacué ces questions hors de leur sphère d’intérêt, mais les considérations pragmatiques y fleurissent depuis une vingtaine d’années, au prix d’une convocation croissante du moi-ici-maintenant dans l’analyse grammaticale, du moins dans certains courants. De ce fait, l’inscription ou non des enjeux référentiels et déictiques dans la définition même du langage comme faculté humaine représente un clivage en grande partie indépendant de celui qui prévaut en matière de théorie de l’acquisition.

À l’école du perroquet

La bonne question, en tout cas la plus féconde pour la comparaison entre les productions langagières humaines et les productions des grands modèles de langage, n’est sans doute pas de savoir si " ChatGPT parle " ni si les performances de l’IA neuronale valident ou invalident en bloc tel ou tel cadre théorique. Une piste plus intéressante, du point de vue de l’étude de la cognition et du langage humains, consiste à comparer ces productions sur plusieurs niveaux : les mécanismes d’acquisition ; les régularités sémantiques dans leur diversité, sans les réduire aux questions de référence et faisant par exemple intervenir la conceptualisation métaphorique des entités et situations désignées ; la capacité à naviguer entre les registres et les variétés d’une même langue, qui fait partie intégrante de la maîtrise d’un système ; l’adaptation à des ontologies spécifiques ou à des contraintes communicatives circonstancielles… La formule du " perroquet stochastique ", prise au pied de la lettre, indique un modèle de ce que peut être une comparaison scientifique du langage des IA et du langage humain.

Il existe en effet depuis plusieurs décennies maintenant une linguistique, une psycholinguistique et une pragmatique de la communication animale, qui inclut des recherches comparant l’humain et l’animal. Les progrès de l’étude de la communication animale ont permis d’affiner la compréhension de la faculté de langage, des modules qui la composent, de ses prérequis cognitifs et physiologiques. Ces travaux ne nous disent pas si " les animaux parlent ", pas plus qu’ils ne nous disent si la communication des corbeaux est plus proche de celle des humains que celle des perroquets. En revanche ils nous disent comment diverses caractéristiques éthologiques, génétiques et cognitives sont distribuées entre espèces et comment leur agencement produit des modes de communication spécifiques. Ces travaux nous renseignent, en nous offrant un terrain d’expérimentation inédit, sur ce qui fait toujours système et sur ce qui peut être disjoint dans la faculté de langage. Loin des " fausses promesses ", les grands modèles de langage et les IA neuronales nous offrent peut-être l’occasion d’étendre le domaine de la réflexion sur l’architecture des systèmes possibles de cognition, de communication et d’interaction. 



 

Auteur: Modicom Pierre-Yves

Info: https://aoc.media/ 14 nov 2023

[ onomasiologie bayésienne ] [ sémiose homme-animal ] [ machine-homme ] [ tiercités hors-sol ] [ signes fixés externalisables ]

 

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CAPACITÉS COGNITIVES DU DAUPHIN

Au-delà de leur physiologie cérébrale, les dauphins font preuve de capacités extrêmement rares dans le domaine animal. Comme les humains, les dauphins peuvent imiter, aussi bien sur le mode gestuel que sur le mode vocal, ce qui est soi est déjà exceptionnel. Si certains oiseaux peuvent imiter la voix, ils n’imitent pas les attitudes. Les singes, de leur côté, imitent les gestes et non les mots. Le dauphin est capable des deux. Les dauphins chassent les poissons et se nourrissent d’invertébrés, mais ils usent pour ce faire de techniques complexes et variables, acquises durant l’enfance grâce à l’éducation. L’usage des outils ne leur est pas inconnu : un exemple frappant de cette capacité est la façon dont deux dauphins captifs s’y sont pris pour extraire une murène cachée dans le creux d’un rocher à l’intérieur de leur bassin. L’un d’eux a d’abord attrapé un petit poisson scorpion très épineux, qui passait dans le secteur, et l’ayant saisi dans son rostre, s’en est servi comme d’un outil pour extraire la murène de sa cachette. S’exprimant à propos de leur intelligence, le Dr Louis M.Herman, Directeur du Kewalo Basin Marine Mammal Laboratory de l’Université d’Hawaii, note que les dauphins gardent en mémoire des événements totalement arbitraires, sans le moindre rapport avec leur environnement naturel et sans aucune incidence biologique quant à leur existence.

Recherches sur le langage des dauphins

Beaucoup d’humains trouvent intrigante l’idée de communiquer avec d’autres espèces. A cet égard, le dauphin constitue un sujet attractif, particulièrement dans le domaine du langage animal, du fait de ses capacités cognitives et de son haut degré de socialisation. Dès le début des années soixante, c’est le neurologue John Lilly qui, le premier, s’est intéressé aux vocalisations des cétacés. Les recherches de Lilly se poursuivirent durant toute une décennie, tout en devenant de moins en moins conventionnelles. Le savant alla même jusqu’à tester les effets du L.S.D. sur les émissions sonores des dauphins et dut finalement interrompre ses recherches en 1969, lorsque cinq de ses dauphins se suicidèrent en moins de deux semaines. Malheureusement, nombre de découvertes ou de déclarations de John Lilly sont franchement peu crédibles et ont jeté le discrédit sur l’ensemble des recherches dans le domaine du langage animal. De ce fait, ces recherches sont aujourd’hui rigoureusement contrôlées et très méticuleuses, de sorte que les assertions des scientifiques impliquées dans ce secteur restent désormais extrêmement réservées.

Louis Herman est sans doute l’un des plus importants chercheurs à mener des études sur la communication et les capacités cognitives des dauphins. Son instrument de travail privilégié est la création de langues artificielles, c’est-à-dire de langages simples crées pour l’expérience, permettant d’entamer des échanges avec les dauphins. Louis Herman a surtout concentré ses travaux sur le phénomène de la "compréhension" du langage bien plus que sur la "production" de langage, arguant que la compréhension est le premier signe d’une compétence linguistique chez les jeunes enfants et qu’elle peut être testée de façon rigoureuse. En outre, la structure grammaticale qui fonde les langages enseignés s’inspire le plus souvent de celle de l’anglais. Certains chercheurs ont noté qu’il aurait été mieux venu de s’inspirer davantage de langues à tons ou à flexions, comme le chinois, dont la logique aurait parue plus familière aux cétacés. Dans les travaux d’Herman, on a appris à deux dauphins, respectivement nommés Akeakamai (Ake) et Phoenix, deux langues artificielles. Phoenix a reçu l’enseignement d’un langage acoustique produit par un générateur de sons électroniques. Akeakamai, en revanche, a du apprendre un langage gestuel (version simplifiée du langage des sourds-muets), c’est-à-dire visuel. Les signaux de ces langues artificiels représentent des objets, des modificateurs d’objet (proche, loin, gros, petit, etc.) ou encore des actions. Ni les gestes ni les sons ne sont sensés représenter de façon analogique les objets ou les termes relationnels auxquels ils se réfèrent. Ces langages utilisent également une syntaxe, c’est-à-dire des règles de grammaire simples, ce qui signifie que l’ordre des mots influe sur le sens de la phrase. Phoenix a appris une grammaire classique, enchaînant les termes de gauche à droite (sujet-verbe-complément) alors que la grammaire enseignée à Ake allait dans l’autre sens et exigeait de sa part qu’elle voit l’ensemble du message avant d’en comprendre le sens correctement. Par exemple, dans le langage gestuel de Ake, la séquence des signaux PIPE-SURFBOARD-FETCH ("tuyau – planche à surf – apporter") indiquait l’ordre d’amener la planche de surf jusqu’au tuyau, alors que SURFBOARD-PIPE-FETCH ("planche-tuyau- rapporter") signifiait qu’il fallait, au contraire, amener le tuyau jusqu’ à la planche de surf. Phoenix et Ake ont ainsi appris environ 50 mots, lesquels, permutés l’un avec l’autre au sein de séquences courtes, leur permirent bientôt de se servir couramment de plus de mille phrases, chacune produisant une réponse neuve et non apprise.

Compte tenu de l’influence possible de la position dans l’espace des expérimentateurs sur l’expérimentation, les lieux d’apprentissage et les entraîneurs se voyaient changés de session en session. Dans le même temps, des observateurs "aveugles", qui ne connaissaient pas les ordres et ne voyaient pas les entraîneurs, notaient simplement le comportement des dauphins, afin de vérifier ensuite qu’il correspondait bien aux commandes annoncées. Les entraîneurs allaient jusqu’à porter des cagoules noires, afin de ne révéler aucune expression ou intention faciale et se tenaient immobiles, à l’exception des mains. Les dauphins se montrèrent capables de reconnaître les signaux du langage gestuels aussi bien lorsqu’il étaient filmés puis rediffusés sur un écran vidéo que lorsque ces mêmes signes étaient exécutés à l’air libre par l’entraîneur. Même le fait de ne montrer que des mains pâles sur un fond noir ou des taches de lumière blanche reproduisant la dynamique des mains, a largement suffi aux dauphins pour comprendre le message ! Il semble donc que les dauphins répondent davantage aux symboles abstraits du langage qu’à tout autre élément de la communication.

Par ailleurs, si les dauphins exécutent aisément les ordres qu’on leur donne par cette voie gestuelle, ils peuvent également répondre de façon correcte à la question de savoir si un objet précis est présent ou absent, en pressant le levier approprié (le clair pour PRESENT, le sombre pour ABSENT). Ceci démontre évidement leur faculté de "déplacement mental", qui consiste à manipuler l’image d’objets qui ne se trouvent pas dans les environs. Des expériences additionnelles ont conduit à préciser comment le dauphin conçoit l’étiquetage des objets, comment il les qualifie de son point de vue mental. "Nous avons constaté" nous apprend Louis Herman, "qu’au regard du dauphin, le signe CERCEAU n’est pas seulement le cerceau précis utilisé dans le cadre de cette expérience précise, c’est plutôt TOUT OBJET DE GRANDE TAILLE PERCE D’UN GRAND TROU AU MILIEU. Un seul concept général associe donc pour le dauphin les cerceaux ronds, carrés, grands et petits, flottants ou immergés, que l’on utilise généralement lors de la plupart des expériences". Parmi les choses que le Dr Herman estime n’avoir pu enseigner aux dauphins, il y a le concept du "non" en tant que modificateur logique. L’ordre de "sauter au-dessus d’une non-balle" indique en principe que le dauphin doit sauter au-dessus de n’importe quoi, sauf d’une balle ! Mais cela n’est pas compris, pas plus, affirme toujours Herman, que le concept de "grand" ou de "petit".

Communication naturelle chez les dauphins

On sait que les dauphins émettent de nombreux sifflements, de nature très diverse. La fonction de la plupart d’entre eux demeure toujours inconnue mais on peut affirmer aujourd’hui que la moitié d’entre eux au moins constitue des "signatures sifflées". Un tel signal se module dans une fourchette de 5 à 20 kilohertz et dure moins d’une seconde. Il se distingue des autres sifflements - et de la signature de tous les autres dauphins – par ses contours particuliers et ses variations de fréquences émises sur un temps donné, ainsi que le montrent les sonogrammes. Les jeunes développent leur propre signature sifflée entre l’âge de deux mois et d’un an. Ces sifflements resteront inchangés douze ans au moins et le plus souvent pour la durée entière de la vie de l’animal. Par ailleurs, au-delà de leur seule fonction nominative, certains des sifflements du dauphin apparaissent comme de fidèles reproductions de ceux de leurs compagnons et servent manifestement à interpeller les autres par leur nom. Lorsqu’ils sont encore très jeunes, les enfants mâles élaborent leur propre signature sifflée, qui ressemble fort à celle de leur mère. En revanche, les jeunes femelles doivent modifier les leurs, précisément pour se distinguer de leur mère.

Ces différences reflètent sans doute celles qui existent dans les modes de vie des femelles et des mâles. Puisque les filles élèvent leur propre enfant au sein du groupe maternel, un sifflement distinct est donc indispensable pour pouvoir distinguer la maman de la grand mère. La signature sifflée masculine, presque identique à celle de la mère, permet tout au contraire d’éviter l’inceste et la consanguinité. Le psychologue James Ralston et l’informaticien Humphrey Williams ont découvert que la signature sifflée pouvait véhiculer bien plus que la simple identité du dauphin qui l’émet. En comparant les sonogrammes des signatures sifflées durant les activités normales et lors de situations stressantes, ils découvrirent que la signature sifflée, tout en conservant sa configuration générale, pouvait changer en termes de tonalité et de durée et transmettre ainsi des informations sur l’état émotionnel de l’animal. Les modifications causé par cet état émotionnel sur les intonations de la signature varient en outre selon les individus. Les dauphins semblent donc utiliser les sifflement pour maintenir le contact lorsqu’ils se retrouvent entre eux ou lorsqu’ils rencontrent d’autres groupes, mais aussi, sans doute, pour coordonner leur activités collectives. Par exemple, des sifflements sont fréquemment entendus lorsque le groupe entier change de direction ou d’activité.

De son côté, Peter Tyack (Woods Hole Oceanographic Institute) a travaillé aux côtés de David Staelin, professeur d’ingénierie électronique au M.I.T., afin de développer un logiciel d’ordinateur capable de détecter les "matrices sonores" et les signaux répétitifs parmi le concert de couinements, piaulements et autres miaulements émis par les dauphins. Une recherche similaire est menée par l’Université de Singapore (Dolphin Study Group). Avec de tels outils, les chercheurs espèrent en apprendre davantage sur la fonction précise des sifflements.

Dauphins sociaux

Les observations menées sur des individus sauvages aussi bien qu’en captivité révèlent un très haut degré d’ordre social dans la société dauphin. Les femelles consacrent un an à leur grossesse et puis les trois années suivantes à élever leur enfant. Les jeunes s’éloignent en effet progressivement de leur mère dès leur troisième année, restant près d’elle jusqu’à six ou dix ans ! – et rejoignent alors un groupe mixte d’adolescents, au sein duquel ils demeurent plusieurs saisons. Parvenus à l’âge pleinement adulte, vers 15 ans en moyenne, les mâles ne reviennent plus que rarement au sein du "pod" natal. Cependant, à l’intérieur de ces groupes d’adolescents, des liens étroits se nouent entre garçons du même âge, qui peuvent persister la vie entière. Lorsque ces mâles vieillissent, ils ont tendance à s’associer à une bande de femelles afin d’y vivre une paisible retraite. Bien que les dauphins pratiquent bien volontiers la promiscuité sexuelle, les familles matriarcales constituent de fortes unités de base de la société dauphin. Lorsqu’une femelle donne naissance à son premier enfant, elle rejoint généralement le clan de sa propre mère et élève son delphineau en compagnie d’autres bébés, nés à la même saison. La naissance d’un nouveau-né donne d’ailleurs souvent lieu à des visites d’autres membres du groupe, mâles ou femelles, qui s’étaient séparés de leur mère depuis plusieurs années. Les chercheurs ont également observé des comportements de "baby-sitting", de vieilles femelles, des soeurs ou bien encore d’autres membres du groupe, voire même un ancien mâle prenant alors en charge la surveillance des petits. On a ainsi pu observer plusieurs dauphins en train de mettre en place une véritable "cour de récréation", les femelles se plaçant en U et les enfants jouant au milieu ! (D’après un texte du Dr Poorna Pal)

Moi, dauphin.

Mais qu’en est-il finalement de ce moi central au coeur de ce monde circulaire sans relief, sans couleurs constitué de pixels sonores ? C’est là que les difficultés deviennent insurmontables tant qu’un "contact" n’aura pas été vraiment établi par le dialogue car le "soi" lui-même, le "centre de la personne" est sans doute construit de façon profondément différente chez l’homme et chez le dauphin. H.Jerison parle carrément d’une "conscience collective". Les mouvements de groupe parfaitement coordonnés et quasi-simultanés, à l’image des bancs de poissons ou des troupeaux de gnous, que l’on observe régulièrement chez eux, suppose à l’évidence une pensée "homogène" au groupe, brusquement transformé en une "personne plurielle". On peut imaginer ce sentiment lors d’un concert de rock ou d’une manifestation, lorsqu’une foule entière se tend vers un même but mais ces attitudes-là sont grossières, globales, peu nuancées. Toute autre est la mise à l’unisson de deux, trois, cinq (les "gangs" de juvéniles mâles associés pour la vie) ou même de plusieurs centaines de dauphins ensemble (de formidables "lignes de front" pour la pêche, qui s’étendent sur des kilomètres) et là, bien sûr, nous avons un comportement qui traduit un contenu mental totalement inconnu de nous. On sait que lorsqu’un dauphin voit, tout le monde l’entend. En d’autres termes chaque fois qu’un membre du groupe focalise son faisceau de clicks sur une cible quelconque, l’écho lui revient mais également à tous ceux qui l’entourent. Imaginons que de la même manière, vous regardiez un beau paysage. La personne qui vous tournerait le dos et se tiendrait à l’arrière derrière vous pourrait le percevoir alors aussi bien que vous le faites. Cette vision commune, qui peut faire croire à de la télépathie, n’est pas sans conséquence sur le contenu mental de chaque dauphin du groupe, capable de fusionner son esprit à ceux des autres quand la nécessité s’en fait sentir. Ceci explique sans doute la formidable capacité d’empathie des dauphins mais aussi leur fidélité "jusqu’à la mort" quand il s’agit de suivre un compagnon qui s’échoue. Chez eux, on ne se sépare pas plus d’un ami en détresse qu’on ne se coupe le bras quand il est coincé dans une portière de métro ! En d’autres circonstances, bien sûr, le dauphin voyage seul et il "rassemble" alors sa conscience en un soi individualisé, qui porte un nom, fait des choix et s’intègre dans une lignée. Il en serait de même pour l’homme si les mots pouvaient faire surgir directement les images qu’ils désignent dans notre cerveau, sans passer par le filtre d’une symbolisation intermédiaire. Si quelqu’un me raconte sa journée, je dois d’abord déchiffrer ses mots, les traduire en image et ensuite me les "représenter". Notre système visuel étant indépendant de notre système auditif, un processus de transformation préalable est nécessaire à la prise de conscience du message. Au contraire, chez le dauphin, le système auditif est à la fois un moyen de communication et un moyen de cognition "constructiviste" (analyse sensorielle de l’environnement). La symbolisation n’est donc pas nécessaire aux transferts d’images, ce qui n’empêche nullement qu’elle puisse exister au niveau des concepts abstraits. Quant à cette conscience fusion-fission, cet "ego fluctuant à géométrie variable", ils préparent tout naturellement le dauphin à s’ouvrir à d’autres consciences que la sienne. D’où sans doute, son besoin de nous sonder, de nous comprendre et de nous "faire" comprendre. Un dauphin aime partager son cerveau avec d’autres, tandis que l’homme vit le plus souvent enfermé dans son crâne. Ces êtres-là ont décidément beaucoup à nous apprendre...

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homme-animal

Le processus d’encéphalisation
Parmi l’ensemble des animaux non-humains, les dauphins sont dotés du quotient encéphalique le plus élevé au monde, soit à peu près celui de l’être humain.
A ce petit jeu, d’ailleurs, le cachalot nous dépasse tous largement !
Une telle augmentation du volume cérébral, bien au-delà des simples besoins de la motricité ou de la sensorialité, est qualifiée "d’encéphalisation structurelle".
Ce phénomène n’est pas rare. Il semble que dès le Jurassique, des dinosauriens bipèdes de taille moyenne aient commencé à augmenter de manière encore timide leurs capacités cérébrales.
Au Tertiaire, les ancêtres des éléphants et des cétacés se sont lancés à leur tour dans la course au gros cerveau mais ce n’est qu’au Quaternaire, il y a de cela de trois à six millions d’années, que certains primates hominoïdes développent une boîte crânienne de type néoténique à fontanelles non suturées durant les premiers temps de l’enfance, afin de permettre une croissance ultérieure de l’un des cerveaux les plus puissants du monde.
Ce processus d’encéphalisation apparaît également chez certains oiseaux – corvidés, psittacidés – à peu près vers la même époque. A chaque fois, bien sûr, des comportements très élaborés sont toujours associés à un accroissement spectaculaire du tissu cérébral.
Une si curieuse convergence de formes, la survenance simultanée ou successive de tous ces "grands fronts", pose bien évidemment question en termes darwiniens.
Le ptérodactyle, la mouche, le colibri, la chauve-souris ont des ailes pour voler, la truite, l’ichtyosaure, le marsouin ont un corps fait pour nager, le grillon fouisseur et la taupe ont des pattes en forme de pelles pour creuser, etc.
Mais à quoi rime dès lors un vaste crâne et à quelle fonction est-il dévolu ?
Essentiellement à comprendre le monde et ceux qui le composent, en ce compris les membres de sa propre espèce, avec lesquels il faut sans cesse gérer une relation équilibrée.
Même les gros cerveaux les plus solitaires vivent en fait en société : tigres, baleines bleues, panthères, orangs-outans gardent des liens étroits, bien que distants ou différés, avec leur fratrie et leurs partenaires.
L’intelligence est à coup sûr l’arme suprême contre les aléas du monde, ses mutations incessantes, puisqu’elle permet notamment de gérer un groupe comme un seul corps mais aussi de pénétrer les lois subtiles qui sont à la base du mouvement des choses.
En augmentant d’un degré supérieur ces facultés par le moyen du langage, lequel conserve le savoir des générations mortes, l’homme et le cétacé ont sans doute franchi un nouveau pas vers une plus grande adaptabilité.
Le problème de l’humain, mais nous n’y reviendrons pas davantage, c’est qu’il ne s’est servi jusqu’à ce jour que d’une partie de son intelligence et qu’il se laisse ensevelir vivants dans ses propres déchets, et avec lui les reste du monde, pour n’avoir pas su contrôler sa propre reproduction ni la saine gestion de son environnement.
Intelligents ou non ? (Le point de vue de Ken Levasseur)
Dans un courrier CFN posté en avril 2003 relatif à l’utilisation de dauphins militaires en Irak, Ken Levasseur, l’un des meilleurs spécialistes actuels de cette question, a tenu à faire le point à propos de l’intelligence réelle ou supposée de ces mammifères marins. Aux questions que lui avait adressées un étudiant sur ce thème, Ken répond ici de manière définitive, sur la base de de son expérience et de ses intimes convictions.
Eu égard aux remarquables recherches menées par Ken depuis des années et au fait qu’il a travaillé longtemps aux côtés du professeur Louis Hermann, son point de vue n’est évidemment pas négligeable ni ses opinions sans fondements. On lira d’ailleurs sur ce site même son article en anglais relatif au cerveau du dauphin
Inutile de dire que le gestionnaire de ce site partage totalement le point de vue de Ken Levasseur, dont les travaux l’inspirent depuis de nombreuses années, au même titre que ceux de Wade Doak ou de Jim Nollman : tous ont en commun d’affirmer que les dauphins ne sont pas des animaux au sens strict mais bien l’équivalent marin de l’humanité terrestre.
Q- A quel niveau d’intelligence réelle les dauphins se situent-ils ? A celui du chien ? Du grand singe ? D’un être humain ?
R- Mon meilleur pronostic est qu’un jour prochain, nous pourrons prouver que la plupart des espèces de cétacés disposent d’une intelligence équivalente ou supérieure à celle d’un humain adulte.
Q- Quelles sont les preuves nous permettant d’affirmer que les dauphins sont intelligents ?
R- Il a été démontré depuis longtemps que les dauphins peuvent développer des capacités cognitives qui équivalent ou excèdent les possibilités mentales de l’être humain. Aujourd’hui, nous sommes à même de définir exactement en quoi consiste l’intelligence humaine. Une fois que nous parviendrons à définir l’intelligence d’une manière strictement objective et valable pour toutes les autres espèces, on permettra enfin aux cétacés de faire la preuve de la leur.
Q- Quelles preuves avons-nous que les dauphins ne sont PAS intelligents ?
R- Il n’y a aucune preuve scientifique qui tendrait à prouver que l’intelligence du dauphin serait située entre celle du chien et celle du chimpanzé (comme l’affirment les delphinariums et la marine américaine) .
Q- Est-ce que les dauphins possèdent un langage propre ?
R- La définition d’une "langue", comme celle de l’intelligence, repose sur des bases subjectives définies pour et par les humains. Une fois que nous pourrons disposer d’une définition plus objective de ce qu’est un langage, et que les recherches sur la communication des dauphins ne seront plus "classifiée" par les américains, il est fort probable que les chercheurs puissent enfin conduire les recherches appropriées et qu’ils reconnaissent que les dauphins disposent de langages naturels.
Q- Est-ce leur capacité à apprendre et à exécuter des tours complexes qui les rend plus intelligents ou non ?
R- La capacité du dauphin à apprendre à exécuter des tours complexes est surtout une indication de l’existence d’un niveau élevé des capacités mentales, interprétées comme synonymes d’une intelligence élevée.
Q- Jusqu’à quel point ont été menées les recherches sur les dauphins et leur intelligence ? Que savent vraiment les scientifiques à leur propos ?
R- La US Navy a "classifié" ses recherches sur les dauphins en 1967, au moment où l’acousticien Wayne Batteau est parvenu à développer des moyens efficaces pour communiquer avec des dauphins dressés. La communication et l’intelligence des dauphins constituent donc désormais des données militaires secrètes, qui ne peuvent plus être divulguées au public.
Q- Est-ce que les dauphins disposent d’un langage propre ? Y a t-il des recherches qui le prouvent ?
R- Vladimir Markov et V. M. Ostrovskaya en ont fourni la preuve en 1990 en utilisant la "théorie des jeux" pour analyser la communication des dauphins dans un environnement contrôlé et à l’aide de moyens efficaces. Il est donc très probable que les dauphins aient une langue naturelle.
Q- Les capacités tout à fait spéciales des dauphins en matière d’écholocation ont-elles quelque chose à voir avec leurs modes de communication?
R- A mon sens, les recherches futures fourniront la preuve que le langage naturel des cétacés est fondé sur les propriétés physiques de l’écholocation, de la même manière que les langues humaines se basent sur des bruits et des représentations.
Q- Quelle est VOTRE opinion à propos de l’intelligence des dauphins ?
R- Pendant deux ans, j’ai vécu à quinze pieds (1 Pied : 30 cm 48) d’un dauphin et à trente-cinq pieds d’un autre. À mon avis, les dauphins possèdent une intelligence équivalente à celle d’un être humain. Ils devraient bénéficier dès lors de droits similaires aux Droits de l’Homme et se trouver protégé des incursions humaines dans son cadre de vie.
Q- La ressemblance entre les humains et les dauphins a-t-elle quelque chose à voir avec leur intelligence commune ?
R- Les dauphins sont très éloignés des humains à de nombreux niveaux mais les ressemblances que nous pouvons noter sont en effet fondées sur le fait que les dauphins possèdent des capacités mentales plus élevées (que la plupart des autres animaux) et sont à ce titre interprétés en tant qu’intelligence de type humain.
Q- La grande taille de leur cerveau, relativement à celle de leur corps, est-elle un indicateur de leur haute intelligence ?
R- Le volume absolu d’un cerveau ne constitue pas une preuve d’intelligence élevée. Le coefficient encéphalique (taille du cerveau par rapport à la taille de corps) n’en est pas une non plus. Néanmoins, on pourrait dire que la taille absolue du cerveau d’une espèce donnée par rapport au volume global du corps constitue un bon indicateur pour comparer les capacités mentales de différentes espèces. Souvenons-nous par ailleurs que les cétacés ne pèsent rien dans l’eau, puisqu’ils flottent et qu’une grande part de leur masse se compose simplement de la graisse. Cette masse de graisse ne devrait pas être incluse dans l’équation entre le poids du cerveau et le poids du corps car cette graisse n’est traversée par aucun nerf ni muscle et n’a donc aucune relation de cause à effet avec le volume du cerveau.
Q- Est-ce que la capacité des dauphins à traiter des clics écholocatoires à une vitesse inouïe nous laisse-t-elle à penser qu’ils sont extrêmement intelligents ?
R- On a pu montrer que les dauphins disposaient, et de loin, des cerveaux les plus rapides du monde. Lorsqu’ils les observent, les humains leur semblent se mouvoir avec une extrême lenteur en émettant des sons extrêmement bas. Un cerveau rapide ne peut forcément disposer que de capacités mentales très avancées.
Q- Pensez-vous des scientifiques comprendront un jour complètement les dauphins?
R- Est-ce que nos scientifiques comprennent bien les humains? Si tout va bien, à l’avenir, les dauphins devraient être compris comme les humains se comprennent entre eux.
Q- Le fait que les dauphins possèdent une signature sifflée est-elle une preuve de l’existence de leur langage ?
R- Non. Cette notion de signature sifflée est actuellement mal comprise et son existence même est sujette à caution.
Q- Les dauphins font plein de choses très intelligentes et nous ressemblent fort. Est-ce parce qu’ils sont vraiment intelligents ou simplement très attractifs ?
R- La réponse à votre question est une question d’expérience et d’opinion. Ce n’est une question qui appelle une réponse scientifique, chacun a son opinion personnelle sur ce point.
Q- Pouvons-nous vraiment émettre des conclusions au sujet de l’intelligence des dauphins, alors que nous savons si peu à leur propos et qu’ils vivent dans un environnement si différent du nôtre ?
R- Jusqu’à présent, ce genre de difficultés n’a jamais arrêté personne. Chacun tire ses propres conclusions. Les scientifiques ne se prononcent que sur la base de ce qu’ils savent vrai en fonction des données expérimentales qu’ils recueillent.
Q- Est-ce que nous pourrons-nous jamais communiquer avec les dauphins ou même converser avec eux ?
R- Oui, si tout va bien, et ce seront des conversations d’adulte à adulte, rien de moins.
II. DAUPHIN : CERVEAU ET MONDE MENTAL
"Parmi l’ensemble des animaux non-humains, les dauphins disposent d’un cerveau de grande taille très bien développé, dont le coefficient encéphalique, le volume du néocortex, les zones dites silencieuses (non motrices et non sensorielles) et d’autres indices d’intelligence sont extrêmement proches de ceux du cerveau humain" déclare d’emblée le chercheur russe Vladimir Markov.
Lorsque l’on compare le cerveau des cétacés avec celui des grands primates et de l’homme en particulier, on constate en effet de nombreux points communs mais également des différences importantes :
– Le poids moyen d’un cerveau de Tursiops est de 1587 grammes.
Son coefficient encéphalique est de l’ordre de 5.0, soit à peu près le double de celui de n’importe quel singe. Chez les cachalots et les orques, ce même coefficient est de cinq fois supérieur à celui de l’homme.
– Les circonvolutions du cortex cervical sont plus nombreuses que celles d’un être humain. L’indice de "pliure" (index of folding) est ainsi de 2.86 pour l’homme et de 4.47 pour un cerveau de dauphin de taille globalement similaire.
Selon Sam Ridgway, chercheur "réductionniste de la vieille école", l’épaisseur de ce même cortex est de 2.9 mm en moyenne chez l’homme et de 1.60 à 1.76 mm chez le dauphin. En conséquence, continue-t-il, on peut conclure que le volume moyen du cortex delphinien (560cc) se situe à peu près à 80 % du volume cortical humain. Ce calcul est évidemment contestable puisqu’il ne tient pas compte de l’organisation très particulière du cerveau delphinien, mieux intégré, plus homogène et moins segmenté en zones historiquement distinctes que le nôtre.
Le fait que les cétacés possèdent la plus large surface corticale et le plus haut indice de circonvolution cérébral au monde joue également, comme on s’en doute, un rôle majeur dans le développement de leurs capacités cérébrales.
D’autres scientifiques, décidément troublés par le coefficient cérébral du dauphin, tentent aujourd’hui de prouver qu’un tel développement n’aurait pas d’autre usage que d’assurer l’écholocation. Voici ce que leur répond le neurologue H. Jerison : "La chauve-souris dispose à peu de choses près des mêmes capacités que le dauphin en matière d’écholocation, mais son cerveau est gros comme une noisette. L’outillage écholocatoire en tant que tel ne pèse en effet pas lourd. En revanche, le TRAITEMENT de cette même information "sonar" par les zones associatives prolongeant les zones auditives, voilà qui pourrait expliquer le formidable développement de cette masse cérébrale. Les poissons et tous les autres êtres vivants qui vivent dans l’océan, cétacés mis à part, se passent très bien d’un gros cerveau pour survivre et même le plus gros d’entre eux, le requin-baleine, ne dépasse pas l’intelligence d’une souris…"
La croissance du cerveau d’un cétacé est plus rapide et la maturité est atteinte plus rapidement que chez l’homme.
Un delphineau de trois ans se comporte, toutes proportions gardées, comme un enfant humain de huit ans. Cette caractéristique apparemment "primitive" est paradoxalement contredite par une enfance extrêmement longue, toute dévolue à l’apprentissage. Trente années chez le cachalot, vingt chez l’homme, douze à quinze chez le dauphin et environ cinq ans chez le chimpanzé.
Les temps de vie sont du même ordre : 200 ans en moyenne chez la baleine franche, 100 ans chez le cachalot, 80 chez l’orque, 78 ans chez l’homme, 60 chez le dauphin, sous réserve bien sûr des variations favorables ou défavorables de l’environnement.
Pourquoi un gros cerveau ?
"Nous devons nous souvenir que le monde mental du dauphin est élaboré par l’un des systèmes de traitement de l’information parmi les plus vastes qui ait jamais existé parmi les mammifères" déclare H.Jerison, insistant sur le fait que "développer un gros cerveau est extrêmement coûteux en énergie et en oxygène. Cet investissement a donc une raison d’être en terme d’évolution darwinienne. Nous devons dès lors considérer la manière dont ces masses importantes de tissu cérébral ont été investies dans le contrôle du comportement et de l’expérimentation du monde, ceci en comparaison avec l’usage qu’en font les petites masses cérébrales".
Un cerveau est par essence un organe chargé de traiter l’information en provenance du monde extérieur.
Les grands cerveaux exécutent cette tâche en tant qu’ensemble élaborés de systèmes de traitement, alors que le cerveau de la grenouille ou de l’insecte, par exemple, se contente de modules moins nombreux, dont la finesse d’analyse est comparativement plus simple.
Cela ne nous empêche pas cependant de retrouver des structures neuronales étonnamment semblables d’un animal à l’autre : lorsqu’un promeneur tombe nez à nez avec un crotale, c’est le même plancher sub-thalamique dévolue à la peur qui s’allume chez l’une et l’autre des ces créatures. Quant un chien ou un humain se voient soulagés de leurs angoisses par le même produit tranquillisant, ce sont évidemment les mêmes neuromédiateurs qui agissent sur les mêmes récepteurs neuronaux qui sont la cause du phénomène.
A un très haut niveau de cette hiérarchie, le traitement en question prend la forme d’une représentation ou d’un modèle du monde (Craik, 1943, 1967, Jerison, 1973) et l’activité neuronale se concentre en "paquets d’informations" (chunks) à propos du temps et de l’espace et à propos d’objets, en ce compris les autres individus et soi-même.
" Puisque le modèle du monde qui est construit de la sorte" insiste H.Jerison, "se trouve fondé sur des variables physiquement définies issues directement du monde externe et puisque ces informations sont traitées par des cellules nerveuses et des réseaux neuronaux structurellement semblables chez tous les mammifères supérieurs, les modèles du monde construits par différents individus d’une même espèce ou même chez des individus d’espèces différentes, ont de bonnes chances d’être également similaires".
Et à tout le moins compréhensibles l’un pour l’autre.

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transgressions verbales

Avant même de parler, nous jurions.

Furieux de ce qu'il considère comme une pandémie virtuelle de vulgarité verbale émanant de personnalités aussi diverses que Howard Stern, Bono de U2 et Robert Novak, le Sénat des États-Unis est sur le point d'examiner un projet de loi qui augmenterait fortement les sanctions pour obscénité à l'antenne.

En multipliant par quinze les amendes qui seraient infligées aux radiodiffuseurs contrevenants, pour atteindre un montant d'environ 500 000 dollars par diffusion de grossièretés, et en menaçant de révoquer les licences des contrevenants récidivistes, le Sénat cherche à redonner à la place publique la teneur plus douce d'antan, lorsque l'on entendait rarement des propos calomnieux et que les célébrités n'étaient pas grossières à longueur de journée.

Pourtant, les chercheurs qui étudient l'évolution du langage et la psychologie des jurons disent qu'ils n'ont aucune idée du modèle mystique de gentillesse linguistique que les critiques pourraient avoir en tête. Le juron, disent-ils, est un universel humain. Toutes les langues, tous les dialectes et tous les patois étudiés, vivants ou morts, parlés par des millions de personnes ou par une petite tribu, ont leur part d'interdits, une variante de la célèbre liste des sept gros mots qui ne doivent pas être prononcés à la radio ou à la télévision, établie par le comédien George Carlin.

Les jeunes enfants mémorisent cet inventaire illicite bien avant d'en saisir le sens, explique John McWhorter, spécialiste de la linguistique au Manhattan Institute et auteur de "The Power of Babel", et les géants de la littérature ont toujours construit leur art sur sa colonne vertébrale.

"Le dramaturge jacobéen Ben Jonson a parsemé ses pièces de fackings et de "Culs peremptoirs", et Shakespeare ne pouvait guère écrire une strophe sans insérer des blasphèmes de l'époque comme "zounds" ou "sblood" - contractions offensantes de "God's wounds" et "God's blood" - ou autre étonnant  jeu de mots sexuel.

Le titre "Much Ado About Nothing", dit son auteur le Dr McWhorter, est un jeu de mots sur "Much Ado About an O Thing", le O thing étant une référence aux organes génitaux féminins.

Même la quintessence du bon livre abonde en passages coquins comme les hommes de II Kings 18:27 qui, comme le dit la traduction relativement douce du King James, "mangent leur propre merde et boivent leur propre pisse".

En fait, selon Guy Deutscher, linguiste à l'université de Leyde, aux Pays-Bas, et auteur de "The Unfolding of Language : An Evolutionary Tour of Mankind's Greatest Invention", les premiers écrits, qui datent d'il y a 5 000 ans, comportent leur lot de descriptions colorées de la forme humaine et de ses fonctions encore plus colorées. Et les écrits ne sont que le reflet d'une tradition orale qui, selon le Dr Deutscher et de nombreux autres psychologues et linguistes évolutionnistes, remonte à l'apparition du larynx humain, si ce n'est avant.

Certains chercheurs sont tellement impressionnés par la profondeur et la puissance du langage grossier qu'ils l'utilisent comme un judas dans l'architecture du cerveau, comme un moyen de sonder les liens enchevêtrés et cryptiques entre les nouvelles régions "supérieures" du cerveau chargées de l'intellect, de la raison et de la planification, et les quartiers neuronaux plus anciens et plus "bestiaux" qui donnent naissance à nos émotions.

Les chercheurs soulignent que le fait de jurer est souvent un amalgame de sentiments bruts et spontanés et de ruse ciblée, à la dérobée. Lorsqu'une personne en insulte une autre, disent-ils, elle crache rarement des obscénités et des insultes au hasard, mais évalue plutôt l'objet de son courroux et adapte le contenu de son explosion "incontrôlable" en conséquence.

Étant donné que l'injure fait appel aux voies de la pensée et des sentiments du cerveau dans une mesure à peu près égale et avec une ferveur facilement évaluable, les scientifiques affirment qu'en étudiant les circuits neuronaux qui la sous-tendent, ils obtiennent de nouvelles informations sur la façon dont les différents domaines du cerveau communiquent - et tout cela pour une réplique bien sentie.

D'autres chercheurs se sont penchés sur la physiologie de l'injure, sur la façon dont nos sens et nos réflexes réagissent à l'audition ou à la vue d'un mot obscène. Ils ont déterminé que le fait d'entendre un juron suscite une réaction littérale chez les gens. Lorsque des fils électrodermiques sont placés sur les bras et le bout des doigts d'une personne pour étudier les schémas de conductivité de sa peau et que les sujets entendent ensuite quelques obscénités prononcées clairement et fermement, les participants montrent des signes d'excitation instantanée. La conductivité de leur peau augmente, les poils de leurs bras se dressent, leur pouls s'accélère et leur respiration devient superficielle.

Il est intéressant de noter, selon Kate Burridge, professeur de linguistique à l'université Monash de Melbourne, en Australie, qu'une réaction similaire se produit chez les étudiants universitaires et d'autres personnes qui se targuent d'être instruites lorsqu'elles entendent des expressions de mauvaise grammaire ou d'argot qu'elles considèrent comme irritantes, illettrées ou déclassées.

"Les gens peuvent se sentir très passionnés par la langue, dit-elle, comme s'il s'agissait d'un artefact précieux qu'il faut protéger à tout prix contre les dépravations des barbares et des étrangers lexicaux." 

Le Dr Burridge et un collègue de Monash, Keith Allan, sont les auteurs de "Forbidden Words : Taboo and the Censoring of Language", qui sera publié au début de l'année prochaine par la Cambridge University Press.

Les chercheurs ont également découvert que les obscénités peuvent s'insinuer dans la peau d'une personne qui a la chair de poule, puis ne plus bouger. Dans une étude, les scientifiques ont commencé par le célèbre test de Stroop, qui consiste à montrer à des sujets une série de mots écrits en différentes couleurs et à leur demander de réagir en citant les couleurs des mots plutôt que les mots eux-mêmes.

Si les sujets voient le mot "chaise" écrit en lettres jaunes, ils sont censés dire "jaune".

Les chercheurs ont ensuite inséré un certain nombre d'obscénités et de vulgarités dans la gamme standard. En observant les réponses immédiates et différées des participants, les chercheurs ont constaté que, tout d'abord, les gens avaient besoin de beaucoup plus de temps pour triller les couleurs des mots d'injures que pour des termes neutres comme "chaise".

L'expérience de voir un texte titillant détournait manifestement les participants de la tâche de codage des couleurs. Pourtant, ces interpolations osées ont laissé des traces. Lors de tests de mémoire ultérieurs, les participants ont non seulement été beaucoup plus aptes à se souvenir des vilains mots que des mots neutres, mais cette supériorité s'appliquait également aux teintes des mots vilains, ainsi qu'à leur sens.

Oui, il est difficile de travailler dans la pénombre des ordures idiomatiques. Dans le cadre d'une autre étude, des chercheurs ont demandé à des participants de parcourir rapidement des listes de mots contenant des obscénités, puis de se souvenir du plus grand nombre possible de ces mots. Là encore, les sujets se sont montrés plus aptes à se remémorer les injures, et moins aptes à se souvenir de tout ce qui était acceptable et qui précédait ou suivait les injures.

Pourtant, si le langage grossier peut donner un coup de fouet, il peut aussi aider à évacuer le stress et la colère. Dans certains contextes, la libre circulation d'un langage grossier peut signaler non pas l'hostilité ou une pathologie sociale, mais l'harmonie et la tranquillité.

"Des études montrent que si vous êtes avec un groupe d'amis proches, plus vous êtes détendu, plus vous jurez", a déclaré le Dr Burridge. "C'est une façon de dire : 'Je suis tellement à l'aise ici que je peux me défouler. Je peux dire ce que je veux".

Il est également prouvé que les jurons peuvent être un moyen efficace d'évacuer l'agressivité et de prévenir ainsi la violence physique.

Avec l'aide d'une petite armée d'étudiants et de volontaires, Timothy B. Jay, professeur de psychologie au Massachusetts College of Liberal Arts à North Adams et auteur de "Cursing in America" et "Why We Curse", a exploré en détail la dynamique du juron.

Les enquêteurs ont découvert, entre autres, que les hommes jurent généralement plus que les femmes, à moins que ces dernières ne fassent partie d'une sororité, et que les doyens d'université jurent plus que les bibliothécaires ou les membres du personnel de la garderie universitaire.

Selon le Dr Jay, peu importe qui jure ou quelle est la provocation, la raison de l'éruption est souvent la même.

"À maintes reprises, les gens m'ont dit que le fait de jurer était pour eux un mécanisme d'adaptation, une façon de réduire le stress", a-t-il déclaré lors d'un entretien téléphonique. "C'est une forme de gestion de la colère qui est souvent sous-estimée".

En effet, les chimpanzés se livrent à ce qui semble être une sorte de match de jurons pour évacuer leur agressivité et éviter un affrontement physique potentiellement dangereux.

Frans de Waal, professeur de comportement des primates à l'université Emory d'Atlanta, a déclaré que lorsque les chimpanzés sont en colère, "ils grognent, crachent ou font un geste brusque et ascendant qui, si un humain le faisait, serait reconnu comme agressif".

Ces comportements sont des gestes de menace, a déclaré le professeur de Waal, et ils sont tous de bon augure.

"Un chimpanzé qui se prépare vraiment à se battre ne perd pas de temps avec des gestes, mais va tout simplement de l'avant et attaque". De la même manière, a-t-il ajouté, rien n'est plus mortel qu'une personne trop enragée pour utiliser des jurons, qui prend une arme à feu et commence à tirer sans bruit.

Les chercheurs ont également examiné comment les mots atteignent le statut de discours interdit et comment l'évolution du langage grossier affecte les couches plus lisses du discours civil empilées au-dessus. Ils ont découvert que ce qui est considéré comme un langage tabou dans une culture donnée est souvent un miroir des peurs et des fixations de cette culture.

"Dans certaines cultures, les jurons sont principalement liés au sexe et aux fonctions corporelles, tandis que dans d'autres, ils sont principalement liés au domaine de la religion", a déclaré le Dr Deutscher.

Dans les sociétés où la pureté et l'honneur des femmes sont d'une importance capitale, "il n'est pas surprenant que de nombreux jurons soient des variations sur le thème "fils de pute" ou fassent référence de manière imagée aux organes génitaux de la mère ou des sœurs de la personne concernée".

Le concept même de juron ou de serment trouve son origine dans la profonde importance que les cultures anciennes accordaient au fait de jurer au nom d'un ou de plusieurs dieux. Dans l'ancienne Babylone, jurer au nom d'un dieu était censé donner une certitude absolue contre le mensonge, a déclaré le Dr Deutscher, "et les gens croyaient que jurer faussement contre un dieu attirerait sur eux la terrible colère de ce dieu." La mise en garde contre tout abus du serment sacré se reflète dans le commandement biblique selon lequel il ne faut pas "prendre le nom du Seigneur en vain", et aujourd'hui encore, les témoins dans les tribunaux jurent sur la Bible qu'ils disent toute la vérité et rien que la vérité.

Chez les chrétiens, cette interdiction de prendre le nom du Seigneur en vain s'étendait à toute allusion désinvolte envers le fils de Dieu ou à ses souffrances corporelles - aucune mention du sang, des plaies ou du corps, et cela vaut aussi pour les savantes contractions. De nos jours, l'expression "Oh, golly !" peut être considérée comme presque comiquement saine, mais il n'en a pas toujours été ainsi. "Golly" est une compaction de "corps de Dieu" et, par conséquent, était autrefois un blasphème.

Pourtant, ni les commandements bibliques, ni la censure victorienne la plus zélée ne peuvent faire oublier à l'esprit humain son tourment pour son corps indiscipliné, ses besoins chroniques et embarrassants et sa triste déchéance. L'inconfort des fonctions corporelles ne dort jamais, a déclaré le Dr Burridge, et le besoin d'une sélection toujours renouvelée d'euphémismes sur des sujets sales a longtemps servi de moteur impressionnant à l'invention linguistique.

Lorsqu'un mot devient trop étroitement associé à une fonction corporelle spécifique, dit-elle, lorsqu'il devient trop évocateur de ce qui ne devrait pas être évoqué, il commence à entrer dans le domaine du tabou et doit être remplacé par un nouvel euphémisme plus délicat.

Par exemple, le mot "toilette" vient du mot français "petite serviette" et était à l'origine une manière agréablement indirecte de désigner l'endroit où se trouve le pot de chambre ou son équivalent. Mais depuis, le mot "toilettes" désigne le meuble en porcelaine lui-même, et son emploi est trop brutal pour être utilisé en compagnie polie. Au lieu de cela, vous demanderez à votre serveur en smoking de vous indiquer les toilettes pour dames ou les toilettes ou, si vous le devez, la salle de bains.

De même, le mot "cercueil" (coffin) désignait à l'origine une boîte ordinaire, mais une fois qu'il a été associé à la mort, c'en fut fini du "cercueil à chaussures" ou de la "pensée hors du cercueil". Selon le Dr Burridge, le sens tabou d'un mot "chasse toujours les autres sens qu'il aurait pu avoir".

Les scientifiques ont récemment cherché à cartographier la topographie neuronale du discours interdit en étudiant les patients atteints du syndrome de Tourette qui souffrent de coprolalie, l'envie pathologique et incontrôlable de jurer. Le syndrome de Gilles de la Tourette est un trouble neurologique d'origine inconnue qui se caractérise principalement par des tics moteurs et vocaux chroniques, une grimace constante ou le fait de remonter ses lunettes sur l'arête du nez, ou encore l'émission d'un flot de petits glapissements ou de grognements.

Seul un faible pourcentage des patients atteints de la maladie de Gilles de la Tourette sont atteints de coprolalie - les estimations varient de 8 à 30 % - et les patients sont consternés par les représentations populaires de la maladie de Gilles de la Tourette comme une affection humoristique et invariablement scatologique. Mais pour ceux qui souffrent de coprolalie, dit le Dr Carlos Singer, directeur de la division des troubles du mouvement à la faculté de médecine de l'université de Miami, ce symptôme est souvent l'aspect le plus dévastateur et le plus humiliant de leur maladie.

Non seulement il peut être choquant pour les gens d'entendre une volée de jurons jaillir sans raison apparente, parfois de la bouche d'un enfant ou d'un jeune adolescent, mais les jurons peuvent aussi être provocants et personnels, des insultes fleuries contre la race, l'identité sexuelle ou la taille d'un passant, par exemple, ou des références obscènes délibérées et répétées au sujet d'un ancien amant dans les bras d'un partenaire ou d'un conjoint actuel.

Dans un rapport publié dans The Archives of General Psychiatry, le Dr David A. Silbersweig, directeur du service de neuropsychiatrie et de neuro-imagerie du Weill Medical College de l'université Cornell, et ses collègues ont décrit leur utilisation de la TEP pour mesurer le débit sanguin cérébral et identifier les régions du cerveau qui sont galvanisées chez les patients atteints de la maladie de Tourette pendant les épisodes de tics et de coprolalie. Ils ont constaté une forte activation des ganglions de la base, un quatuor de groupes de neurones situés dans le cerveau antérieur, à peu près au niveau du milieu du front, connus pour aider à coordonner les mouvements du corps, ainsi qu'une activation des régions cruciales du cerveau antérieur arrière gauche qui participent à la compréhension et à la production du langage, notamment l'aire de Broca.

Les chercheurs ont également constaté l'activation de circuits neuronaux qui interagissent avec le système limbique, le trône des émotions humaines en forme de berceau, et, de manière significative, avec les domaines "exécutifs" du cerveau, où les décisions d'agir ou de s'abstenir d'agir peuvent être prises : la source neuronale, selon les scientifiques, de la conscience, de la civilité ou du libre arbitre dont les humains peuvent se prévaloir.

Selon le Dr Silbersweig, le fait que le superviseur exécutif du cerveau s'embrase lors d'une crise de coprolalie montre à quel point le besoin de dire l'indicible peut être un acte complexe, et pas seulement dans le cas du syndrome de Tourette. La personne est saisie d'un désir de maudire, de dire quelque chose de tout à fait inapproprié. Les circuits linguistiques d'ordre supérieur sont sollicités pour élaborer le contenu de la malédiction. Le centre de contrôle des impulsions du cerveau s'efforce de court-circuiter la collusion entre l'envie du système limbique et le cerveau néocortical, et il peut y parvenir pendant un certain temps. 

Mais l'envie monte, jusqu'à ce que les voies de la parole se déchaînent, que le verboten soit prononcé, et que les cerveaux archaïques et raffinés en portent la responsabilité.

Auteur: Angier Natalie

Info: The New York Times, 20 septembre 2005

[ vocables pulsions ] [ onomasiologie ] [ tiercités réflexes ] [ jargon reptilien ] [ verbe soupape ]

 
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néo-darwinisme

Pour décoder la manipulation ou le marketing viral : la mémétique

Qu’y a-t-il de commun entre un drapeau de pirates, la chanson Happy birthday to you, un crucifix, des sigles courants (TV, USA, WC...), un jeu de Pokémon, un panneau stop, une histoire belge bien connue et le logo de Nike ? Ce sont des mèmes. C’est à dire des “entités réplicatives d’informations”, autrement dit des codes culturels qui, par imitation ou contagion, transmettent des solutions inventées par une population. Quand vous faites du marketing viral ou du lobbying, quand la télévision manipule votre “temps de cerveau humain disponible” à des fins commerciales ou idéologiques, vous êtes sans le savoir dans le champ de la mémétique comme M. Jourdain était dans celui de la prose.

La vraie vie n’est pas seulement faite de ce qu’on apprend à l’école ou à l’université... Les relations entre spécialités sont au moins aussi utiles que l’approfondissement d’une expertise spécifique... Ce n’est pas parce qu’une discipline n’a pas (encore) de reconnaissance académique qu’elle n’est pas sérieuse... Surtout quand la connaissance évolue plus vite que les mentalités, quand le fossé se creuse entre théorie et pratique, quand l’académisme dépend de normes formelles ou de chasses gardées plus que du progrès de la civilisation... La mémétique en est un bon exemple qui, malgré sa valeur scientifique et son utilité sociale, est méprisée comme ont pu l’être ses ancêtres darwiniens. Dommage, car si elle était mieux connue, nous serions moins faciles à manipuler.

LA MÉMÉTIQUE, C’EST SÉRIEUX !

Le mème est à la culture ce que le gène est à la nature. L’Oxford English Dictionary le définit comme un élément de culture dont on peut considérer qu’il se transmet par des moyens non génétiques, en particulier par l’imitation. Il a pour habitat ou pour vecteur l’homme lui-même ou tout support d’information. Dans les années 1970, des chercheurs de différentes disciplines s’interrogeaient sur la possible existence d’un équivalent culturel de l’ADN*. C’est en 1976, dans Le gène égoïste, que l’éthologiste Richard Dawkins baptisa le mème à partir d’une association entre gène et mimesis (du grec imitation), suggérant aussi les notions de mémoire, de ressemblance (du français même), de plus petite unité d’information. “Bref, un mot génial, bien trouvé, imparable. Un pur réplicateur qui s’ancre davantage dans votre mémoire chaque fois que vous essayez de l’oublier !” (Pascal Jouxtel).

La mémétique applique à la culture humaine des concepts issus de la théorie de l’évolution et envisage une analogie entre patrimoines culturels et génétique : il y a variation (mutation), sélection et transmission de codes culturels qui sont en concurrence pour se reproduire dans la société. Cette réplication a un caractère intra- et inter-humain. Elle dépend de la capacité du mème à se faire accepter : vous l’accueillez, l’hébergez, le rediffusez parce que vous en tirez une gratification aux yeux d’autrui, par exemple en termes d’image (vous avez le 4x4 vu à la télé), de rareté (il a une carte Pikatchu introuvable) ou autre avantage relationnel (petits objets transactionnels attractifs). Elle est stimulée par les technologies de l’information, qui renforcent le maillage des flux échangés et les accélèrent : la réplication est plus forte par les mass media (cf. les codes véhiculés par les émissions de téléréalité) et sur les réseaux (SMS ou Internet) que dans une société moins médiatisée où les flux sont moins foisonnants. 

On ne démontrera pas en quelques lignes la valeur ou l’intérêt de cette science, mais un ouvrage le fait avec talent : Comment les systèmes pondent, de P. Jouxtel (Le Pommier, Paris, 2005). On se bornera ici à extraire de ce livre un complément de définition : “la mémétique revendique une forme d’autonomie du pensé par rapport au penseur, d’antériorité causale des flux devant les structures, et se pose entre autres comme une science de l’auto-émergence du savoir par compétition entre les niveaux plus élémentaires de la pensée... Transdisciplinaire par nature, la mémétique est une branche extrême de l’anthropologie sociale croisée avec des résultats de l’intelligence artificielle, des sciences cognitives et des sciences de la complexité. Elle s’inscrit formellement dans le cadre darwinien tout en se démarquant des précédentes incursions de la génétique dans les sciences humaines classiques, comme la sociobiologie ou la psychologie évolutionniste, et s’oppose radicalement à toute forme vulgaire de darwinisme social”.

RESTER DANS LE JEU, JOUER À CÔTÉ OU AGIR SUR LE JEU ?

Jouxtel veut aussi promouvoir en milieu francophone une théorie qui y est un peu suspecte, coupable d’attaches anglo-saxonnes, masi qui pourtant trouve ses racines dans notre héritage culturel : autonomie du pensé, morphogenèse (apparition spontanée de formes élémentaires), évolution darwinienne dans la sphère immatérielle des concepts (Monod)... Le rejet observé en France tient aussi au divorce qu’on y entretient entre sciences sociales et sciences naturelles ou à la méfiance vis-à-vis de certains aspects de l’algorithme évolutionnaire (mutation, sélection, reproduction), en particulier “on fait une confusion terrible en croyant que la sélection s’applique aux gens alors qu’elle ne s’applique qu’aux règles du jeu”. De fait, cette forme d’intégration de la pensée s’épanouit mieux dans des cultures favorisant l’ouverture et les échanges que dans celles qui s’attachent à délimiter des territoires cloisonnés. Mais conforter notre fermeture serait renoncer à exploiter de précieuses ressources. Renoncer aussi à apporter une contribution de la pensée en langue française dans un champ aussi stratégique. Donc également renoncer à y exercer une influence.

Outre les enjeux de l’acceptation et des développements francophones de cette science, quels sont ceux de son utilisation ? De façon générale, ce sont des enjeux liés au libre-arbitre et à l’autonomie de la personne quand il s’agit de mettre en évidence les codages sous-jacents de comportements sociaux ou de pratiques culturelles. L’image du miroir éclaire cette notion : on peut rester dans la pièce en croyant que c’est là que se joue le jeu, ou passer derrière le miroir et découvrir d’autres dimensions - c’est ce que la mémétique nous aide à faire. De même dans le diaporama Zoom arrière (www.algoric.com/y/zoom.htm) où, après des images suggérant une perception de premier degré (scène du quotidien dans une cour de ferme), on découvre que la situation peut comporter d’autres dimensions... Plus précisément, pour illustrer l’utilité opérationnelle de la mémétique, on pourra regarder du côté des thèmes qui alimentent régulièrement cette chronique - innovation, marketing, communication stratégique, gouvernance... - autour de trois cas de figure : on peut jouer dans le jeu (idéal théorique souvent trahi par les joueurs), jouer à côté du jeu (égarés, tricheurs) ou agir sur le jeu (en changeant de niveau d’appréhension).

D’AUTRES DEGRÉS SUR LA PYRAMIDE DE MASLOW ?

Une analogie avec la pyramide de Maslow montre comment une situation peut être abordée à différents niveaux. Nos motivations varient sur une échelle de 1 (survie) à 5 (accomplissement) selon le contexte et selon notre degré de maturité. Ainsi, un marketing associé à l’argument mode ou paraître - voiture, téléphone, etc. - sera plus efficace auprès des populations visant les niveaux intermédiaires, appartenance et reconnaissance, que chez celles qui ont atteint le niveau 5. De même pour ce qui nous concerne ici : selon ses caractéristiques et son environnement, une personne ou un groupe prend plus ou moins de hauteur dans l’analyse d’une situation - or, moins on s’élève sur cette échelle, plus on est manipulable, surtout dans une société complexe et différenciée. Prenons par exemple la pétition de Philip Morris pour une loi anti-tabac. Quand j’invite un groupe à décoder cette initiative surprenante, j’obtiens des analyses plus ou moins distanciées, progressant de la naïveté (on y voit une initiative altruiste d’un empoisonneur repenti) à une approche de second degré (c’est un moyen d’empêcher les recours judiciaires de victimes du tabac) ou à une analyse affinée (lobbying de contre-feu pour faire obstacle à une menace plus grave). Plus on s’élève sur cette échelle, plus on voit de variables et plus on a de chances d’avoir prise sur le phénomène analysé. Une approche mémétique poursuivra la progression, par exemple en trouvant là des mèmes pondus par le “système pro-tabac” pour assurer sa descendance, à l’instar de ceux qu’il a pondus au cinéma pendant des années en faisant fumer les héros dans les films.

Il est facile de traiter au premier degré les attentats du 11 septembre 2001, par exemple en y voyant une victoire des forces de libération contre un symbole du libéralisme sauvage ou une attaque des forces du mal contre le rempart de la liberté - ce qui pour les mèmes revient au même car ce faisant, y compris avec des analyses un peu moins primaires, on alimente une diversion favorisant l’essor de macro-systèmes : “terrorisme international”, “capitalisme financier” ou autres. Ceux-ci dépassent les acteurs (Bush, Ben Laden...), institutions (Etat américain, Al-Qaida...) ou systèmes (démocratie, islamisme...), qui ne sont que des vecteurs de diffusion de mèmes dans un affrontement entre macro-systèmes.

QUAND CE DONT ON PARLE N’EST PAS CE DONT IL S’AGIT...

Autre cas intéressant de réplicateurs : les traditionnelles chaînes de l’amitié, consistant à manipuler un individu en exploitant sa naïveté, avec un emballage rudimentaire mais très efficace auprès de celui qui manque d’esprit critique : si tu brises la chaîne les foudres du ciel s’abattront sur toi, si tu la démultiplies tu connaîtras le bonheur, ou au moins la prospérité. On n’y croit pas, mais on ne sait jamais... Internet leur a donné une nouvelle vie - nous avons tous des amis pourtant très fréquentables qui tombent dans le piège et essaient de nous y entraîner ! - et a affiné la perversité de la manipulation avec les hoax et autres virus. Le marketing viral utilise ces ressorts. La réplication peut se faire de façon plus subtile, voire insidieuse, par exemple avec des formes de knowledge management (KM) “de premier degré” - en bref : la mondialisation induit un impératif d’innovation ; on veut dépasser les réactions quantitatives et malthusiennes qui s’attaquent aux coûts car elles jettent le bébé avec l’eau du bain en détruisant aussi les gisements de valeur ; on va donc privilégier la rapidité d’adaptation à un environnement changeant, donc innover en permanence, donc mobiliser le savoir et la créativité, donc fonctionner en réseau. Si l’on continue à gravir des échelons, on s’aperçoit que cette approche réactive reste “dans le jeu” alors qu’on a besoin de prendre du recul par rapport au jeu lui-même pour le remettre en question, voire le réinventer. La mémétique éclaire la complexité de cet exercice difficile où il faut pouvoir changer de logique, de paradigme, pour aborder un problème au niveau des processus du jeu et non plus au niveau de ses contenus. Comme dans la communication stratégique.

Déjà dans le lobbying classique, on savait depuis longtemps que le juriste applique la loi, le lobbyiste la change : le premier reste dans le jeu, quitte à tout faire pour contourner le texte ou en changer l’interprétation, alors que le second, constatant que la situation a évolué, s’emploie à faire changer les règles, voire le jeu lui-même. De même dans les appels d’offres, où certains suivent le cahier des charges quand d’autres contribuent à le définir en agissant en amont. De même dans le lobby-marketing, par exemple quand on s’attache à changer la nature de la relation plus que son contenu ou sa forme, pour passer de solliciteur à sollicité : faire que mon interlocuteur me prie de bien vouloir lui vendre ce que précisément je veux lui vendre... comme est aussi supposé le faire tout bon enseignant qui, ne se bornant pas à transférer des savoirs, veut donner envie d’apprendre ! Déjà difficile pour un lobbyiste néophyte, ce changement de perspective n’est pas naturel dans un “monde de l’innovation” où l’on privilégie un “rationnel plutôt cerveau gauche” qui ne prédispose pas à décoder le jeu pour pouvoir le mettre en question et le réinventer. 

L’interpellation mémétique peut conduire très loin, notamment quand elle montre comment l’essor des réseaux favorise des réplications de mèmes qui ne nous sont pas nécessairement favorables. Elle peut ainsi contredire des impulsions “évidentes” en KM, à commencer par celle qui fait admettre que pour innover et “s’adapter” il faut fonctionner en réseau et en réseaux de réseaux. Avec un peu de recul mémétique, on pourra considérer qu’il s’agit moins de s’adapter au système que d’adapter le système, donc pas nécessairement de suivre la course aux réseaux subis mais d’organiser l’adéquation avec des réseaux choisis, voire maîtrisés...

Aux origines de la mémétique

La possibilité que la sphère des humanités s’ouvre au modèle darwinien n’est pas nouvelle. Sans remonter à Démocrite, on la trouve chez le biochimiste Jacques Monod, dans Le hasard et la nécessité. La notion de monde des idées (noosphère) a été introduite par l’anthropologue Pierre Teilhard de Chardin. Alan Turing et Johannes Von Neumann, pères de l’informatique moderne, ont envisagé que les lois de la vie s’appliquent aussi à des machines ou créatures purement faites d’information. L’épistémologie évolutionnaire de Friedrich Von Hayek en est une autre illustration. D’autres parentés sont schématisées dans la carte ci-dessous.

De façon empirique, au quotidien, on peut observer la séparation du fait humain d’avec la nature, ainsi que son accélération : agriculture, urbanisation et autres activités sont visibles de l’espace, émissions de radio et autres expressions y sont audibles ; nos traces sont partout, livres, codes de lois, arts, technologies, religions… Est-ce l’homme qui a propulsé la culture ou celle-ci qui l’a tiré hors de son origine animale ?

En fait, grâce à ses outils, l’homme a favorisé une évolution combinée, un partenariat, un entraînement mutuel entre le biologique et le culturel. André Leroi-Gourhan raconte la co-évolution de l’outil, du langage et de la morphologie. Claude Lévi-Strauss parle de l’autonomie de l’organisation culturelle, par-delà les différences ethniques. Emile Durkheim revendique l’irréductibilité du fait social à la biologie. Parallèlement, l’observation des sociétés animales démontre que la nature produit des phénomènes collectifs, abstraits, allant bien au-delà des corps. Selon certaines extensions radicales de la sociobiologie à l’homme, toutes nos capacités seraient codées génétiquement, donc toute pratique culturelle - architecture, droit, économie ou art - ne serait qu’un phénotype étendu de l’homme. La réduction des comportements à leurs avantages évolutionnaires biologiques s’est atténuée. Le cerveau est modulaire, le schéma général de ses modules est inscrit dans les gènes, mais on a eu du mal à admettre que leur construction puisse se faire sur la base de flux cognitifs, d’apports d’expériences. 

Il y a des façons d’agir ou de penser qui au fil du temps ont contribué à la survie de ceux qui étaient naturellement aptes à les pratiquer : la peur du noir, la capacité de déguiser ses motivations, le désir de paraître riche ; ou plus subtilement la tendance à croire à une continuation de la vie après la mort, à une providence qui aide, à une vie dans l’invisible ; ou même le réflexe intellectuel consistant à supposer un but à toute chose. Mais il existe des idées, des modes de vie, des techniques, bref des éléments de culture indépendants de l’ADN, qui se transmettent par des moyens non génétiques, en particulier par l’imitation : c’est la thèse de Susan Blackmore, pour qui, entre ces mèmes en compétition, la sélection se fait en fonction de leur “intérêt propre” et non de celui des gènes.

L’argument de Pascal Jouxtel s’inspire d’une formule de Luca Cavalli-Sforza : l’évolution naturelle de l’homme est terminée car tous les facteurs naturels de sélection sont sous contrôle culturel. Tout ce qui pourrait influencer la fécondité ou la mortalité infantile est maîtrisé ou dépend de facteurs géopolitiques, économiques ou religieux. En revanche, la culture continue à évoluer : lois, art, technologies, réseaux de communication, structures de pouvoir, systèmes de valeurs. Le grand changement, c’est que les mèmes évoluent pour leur propre compte, en exploitant le terrain constitué par les réseaux de cerveaux humains, mais indépendamment, et parfois au mépris des besoins de leurs hôtes biologiques. 

“Ce sont des solutions mémétiquement évoluées qui sont aujourd’hui capables de breveter un génome. Il en va de même des religions et des systèmes politiques qui tuent. La plus majestueuse de toutes ces solutions s’appelle Internet, le cerveau global... Tout ce qui relie les humains est bon pour les mèmes. Il est logique, dans la même optique, de coder de façon de plus en plus digitalisée tous les modèles qui doivent être transmis, stockés et copiés. C’est ainsi que le monde se transforme de plus en plus en un vaste Leroy-Merlin culturel, au sein duquel il devient chaque jour plus facile de reproduire du prêt-à-penser, du prêt-à-vivre, du prêt-à-être. A mesure que l’on se familiarise avec l’hypothèse méméticienne, il devient évident qu’elle invite à un combat, à une résistance et à un dépassement. Elle nous montre que des modèles peuvent se reproduire dans le tissu social jusqu’à devenir dominants sans avoir une quelconque valeur de vérité ou d’humanité. Elle nous pose des questions comme : que valent nos certitudes ? De quel droit pouvons-nous imposer nos convictions et notre façon de vivre ?... Comment puis-je dire que je pense ?” (P. Jouxtel, www.memetique.org). Et bien sûr : comment les systèmes pondent-ils ?

Auteur: Quentin Jean-Pierre

Info: Critique du livre de Pascal Jouxtel "comment les systèmes..."

[ sociolinguistique ] [ PNL ]

 

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