Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 381
Temps de recherche: 0.0445s

écrivain-sur-écrivain

Je crois que, apparemment très loin de ce que l’on a pu, ces dernières décennies, aimer, lire ou écrire, Borges est pourtant un des noms éminents de ce qu’il faudrait cesser d’appeler la modernité, un de ces points cardinaux à partir desquels se redéfinit l’horizon contemporain tourmenté de la littérature. […] En un sens, Borges est une métaphore pour exprimer le tombeau de pas mal d’illusions, à commencer par ce à quoi on attribue une autonomie sous les noms de temps modernes ou modernisme. […]

Que sait-on de lui ? Qu’il a fait un rapide passage par l’avant-garde dans les années 20 (ça s’appelait "l’ultraïsme" en Argentine) ; que ses prises de position politiques ont été bien souvent regrettables ; qu’il avoue une sympathie pour Jung couplée à une antipathie vieillotte contre Freud dont il trouve que les théories peuvent se ramener à "quelques faits désagréables" (ce qui ne veut pas dire, d’ailleurs, qu’il se trompe complètement sur le fondateur de la psychanalyse puisqu’il émet cette hypothèse que Freud, lui au moins, ne prenait peut-être pas trop au sérieux ses propres découvertes ; après tout, comme Freud, Borges est prodigieusement doué pour ce que ce dernier appelait le "consentement fragmentaire", finalement le seul art de vivre supportable) ; qu’il n’est pas très chaud non plus pour le christianisme, et c’est peut-être sa seule vraie faiblesse d’Argentin, de quoi le rendre sympathique aux Européens… 

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", le Zimzoum (tsim-tsum) de Borges, éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, pages 178-179

[ portrait intellectuel ] [ psychanalyse ] [ monde des lettres ] [ judaïsme vs protestantisme ]

 
Commentaires: 4
Ajouté à la BD par Coli Masson

bordel

Ce qui voulait dire que s'en était fini des dérives dans les nuits fébriles de Bangkok, de toutes ces fois où je rentrais saoul pendu à ton cou, vacillant titubant parmi les lumières de couleur qui font de tout homme un immortel provisoire, de ces nuits où je commençais à m'habituer aux poses provocantes des voyous protecteurs de bars; aux obscénités con-cul-pissantes des filles de bars à gogo, les filles les moins vêtues au monde, qui se contorsionnent lascives au rythme de la musique et qui, parfois, quand elles ôtent sournoisement leur dernière frusque, lèvent haut la jambe pour frapper du pied un mobile fait de coquillages accroché au plafond bas; à la solitude des filles au coeur brisé, qui vernissent de gaieté feinte leur esseulement d'oiseau loin du nid; aux débits de boissons aux serveuses aux seins nus et aux débits de boissons qui ont un miroir pour plancher et des serveuses en minijupe sans sous-vêtement et aux bordels en tout genre qui pullulent, autant d'endroits où la morale est raide morte, mais c'est dans ces putains d'établissements qu'on voyait une barquette d'offrande aux bonzes dont l'arbuste artificiel était fleuri de billets de banque de dénominations diverses que les papillons de la nuit iraient offrir à quelque monastère, celui de leur village natal probablement. Telle était la beauté triste de la vie. Peut-être avait-elle toutes sortes d'autres beautés cachées, mais toutes tristes.

Auteur: Saneh Sangsuk

Info: L'Ombre blanche : Portrait de l'artiste en jeune vaurien, p. 317

[ littérature ]

 

Commentaires: 0

portrait

Un jour de juillet dernier, dans ce journal [Libération], à la veille de la Love Parade de Berlin, apparut ainsi la photo d’un personnage trentenaire dont la physionomie abondamment piercée se montrait en couleurs. Pourquoi nous parlait-on de cet inconnu ? Parce que c’était un raver et qu’il allait précisément se rendre, cette année encore, à la Love Parade de Berlin. Il s’agissait donc d’un héros de notre temps, et chacun sait qu’il vaut mieux survivre avec son temps que mourir dans les ténèbres. Au fil de l’article, dans lequel il était question de "danseurs fluo-délire" et de boutiques de "boisson tchaï", on apprenait que cet homme de Nulle-Part-Land, végétarien comme il se doit, ne buvait que des choses saines car il comptait bien danser toute sa vie, qu’il était généralement habillé d’une "mégatunique psychédélique ornée d’une spirale de sphères orange, jaunes, violettes" afin de se mettre des couleurs plein la tête, qu’il était membre d’une association de ravers préventifs, Techno plus, prônant la rave propre, sans drogues, qu’il avait découvert Trotski, Marx et Proudhon au rayon Histoire de la Fnac, et qu’il avait ensuite "poussé la révolte jusqu’à se manifester au cri de "Libérez Marie-Jeanne, enfermez Jean-Marie"". Un bon petit diable, en somme, un mouton à cinq pattes comme on s’exprime dans la néo-presse quand on veut faire l’éloge de ceux que possède au plus haut point le frisson sacré de l’enthousiasme fraternel. 

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, page 128

[ caricature ] [ cliché ambulant ] [ homo festivus ] [ fêtard sans frontières ] [ ironie ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

syntaxe

Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c'est l'ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. Le français nomme d'abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l'action, et enfin l'objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l'objet qui frappe le premier. C'est pourquoi tous les peuples, abandonnant l'ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l'harmonie des mots l'exigeaient ; et l'inversion a prévalu sur la terre, parce que l'homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la raison. Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l'ordre direct, comme s'il était tout raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu'il existe ; et c'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l'ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n'est pas clair n'est pas français ; ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin.

Auteur: Rivarol Antoine de

Info: Pensées, répliques et portraits

[ langage ] [ Gaule ]

 

Commentaires: 0

instant présent

Je me rappelle quand tu auras un mois ; je sortirai du lit tant bien que mal pour ton lait de deux heures du matin. Ta chambre d'enfant "sentira le bébé" : un mélange de talc et de pommade, et un relent ammoniaqué issu de la poubelle à couches-culottes. Je me pencherai sur ton berceau pour te soulever dans un concert de braillements et je m'assiérai dans le fauteuil à bascule pour t'allaiter.

"Enfant" dérive d'un mot latin qui signifie "incapable de parler", mais tu seras parfaitement capable de dire une chose sans la moindre lassitude, sans la moindre hésitation : "Je souffre". J'admirerai ta détermination à effectuer cette déclaration. En sanglot, tu deviendras l'outrage incarné ; chaque fibre de ton corps servira à exprimer cette émotion. C'est curieux : calme, tu paraîtras irradier la lumière. Si on te dessinait dans ces moments-là, j'insisterais pour qu'on te coiffe d'un halo. Malheureuse, tu deviendras un klaxon, conçu pour émettre un bruit ; une sirène d'incendie pourrait alors te tenir lieu de portrait.

À ce stade de ta vie, il n'y aura pour toi ni passé ni futur. Jusqu'à ce que je te donne le sein, tu ne te souviendras pas d'avoir été repue et tu n'attendras pas de soulagement. Quand tu téteras, la situation s'inversera, et tout ira bien. Tu ne percevras que le MAINTENANT. Tu vivras au présent. Sous bien des aspects, c'est un état enviable.

Auteur: Chiang Ted

Info: La tour de Babylone, L'histoire de ta vie

[ étymologie ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

personnage

Cet homme, plus connu sous le nom de Tigre de Malaisie, qui piratait et saccageait la côte malaisienne depuis dix ans, devait avoir une bonne trentaine. Il était grand de taille, bien bâti, doté de muscles puissants, comme tissés de fils d'acier, avec des traits énergiques, une âme inaccessible à toute peur, agile comme un singe, féroce comme le tigre de la jungle malaisienne, et généreux et courageux comme le lion des déserts africains.

Il présentait un visage légèrement bronzé et d'une beauté incomparable, rendue sinistre par une barbe noire, un large front, encadré de cheveux luisants et bouclés cascadant dans un pittoresque désordre sur ses fortes épaules. Deux yeux d'une brillance inégalée, qui magnétisaient, attiraient, et pouvaient devenir aussi mélancoliques que ceux d'une jeune fille, mais qui souvent clignotaient et éclaboussaient comme des flammes. Des lèvres fines, propres aux hommes énergiques, d'où sortait dans les moments de combat une voix forte et métallique qui dominait le rugissement des canons, mais qui pouvaient  se transformer en un sourire mélancolique, avant de peu à peu revenir vers un sourire moqueur pour bientôt retrouver le sourire du Tigre de Malaisie, comme si elles goûtaient le sang humain.

D'où venait cet homme terrible qui, à la tête de deux cents tigres pas moins intrépide que lui, avait réussi en quelques années à se faire une si terrible réputation ? Personne n'aurait pu le dire. Sa propre communauté l'ignorait elle-même.  

Auteur: Salgari Emilio

Info: Le tigre de Mompracem

[ portrait ] [  description ] [ héros épique ] [ caricature ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

texte-image

Dans la Revue Blanche, pour illustrer un article de Paul Adam "L’assaut malicieux", qui expliquant avec une certaine compassion le cas néo-grec d’Oscar Wilde, Lautrec en a donné un croquis à la plume. Debout, de profil, sanglé dans sa redingote, la main gauche tenant un papier, l’esthète est en attitude de combat devant la cour. … Ce portrait est une chose des plus mordantes et fixe bien l’être étrange qu’était Wilde.

Traité comme un sujet de fresque, ce gros homme, gras, bouffi, blafard, est de face, et tient au premier plan, en buste, toute la mise en page, avec, au loin, dans la brume, la Tour de Westminster et la Tamise. Il respire la suffisance, l’arrogance.

La tache blanche des chairs, du plastron de la chemise et la filasse des cheveux, se détachant sur le noir et les violets du col et du smoking, avaient fait la joie de Lautrec. Si l’on n’a point regardé le faciès à bajoues, le dessin de la bouche petite, ronde et sensuelle, les yeux aigus sous les boursouflures et les poches, le nez d’oiseau de proie, les cheveux collés à plat et séparés par une raie au milieu de la tête, on ne peut nullement comprendre "l’Esthète" rempli de génie à ses heures, maintenant une des gloires de la littérature anglaise, qui fut en même temps tout orgueil et cabotinisme et peut-être un parfait incompréhensif des choses d’art dont il parlait si bien.

Auteur: Joyant Maurice

Info: Henri De Toulouse-Lautrec 1864 -1901

[ personnage ]

 
Mis dans la chaine

Commentaires: 0

vieillard

J’ai connu un homme, un simple fermier, père de cinq fils,

A leur tour pères de fils, pères de fils à leur tour.



C’était un homme d’une vigueur, d’une beauté, d’une sérénité merveilleuses,

Le profil de son visage, le jaune pâlissant de ses cheveux, des poils de sa barbe, l’infinie profondeur de ses yeux noirs, la générosité affectueuse de son commerce

Etaient les buts de ma visite en allant le voir, et puis il avait la sagesse,

Cet homme de quatre-vingt ans, haut de six pieds, que ses fils costauds, barbus, soignés, hâlés, bien faits,

Ainsi que ses filles adoraient, d’ailleurs tout le monde l’adorait,

Ne l’adorait pas par obligeance mais d’un engagement personnel,

Il ne buvait que de l’eau, le sang pigmentait d’écarlate le cuivre clair de son teint,

Maniait fréquemment le fusil, la canne à pêche, il pilotait aussi son propre bateau, splendide voilier à lui offert en cadeau par un charpentier, et d’autres amis lui avaient fait présent de ses canardières,

Quand vous le voyiez partir chasser au milieu de ses cinq fils et sa horde de petits fils c’était sans conteste lui dont on remarquait en premier la beauté et la vigueur,

Ah quel immense plaisir de pouvoir marcher longtemps à ses côtés, de pouvoir s’asseoir dans le bateau et d’être en contact physique vous avec lui !

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Descendance d'Adam, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002

[ portrait ] [ admiration ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

manger

De cette époque, je garde une recette que je n'ai jamais oubliée. Pour ma soeur et moi, il reste LE gâteau, la gâteau de mémé, le gâteau de notre enfance. [...] Je continue de le fabriquer pour les Noëls et anniversaires, une manière de célébrer un vestige, de perpétuer l'unique tradition familiale.
Une fois la fête passée, nous avons tout le loisir, ma soeur et moi, de déguster ce gâteau fabuleux au petit déjeuner, puis à tous les repas, puis au goûter, et ceci pendant plusieurs jours en mémoire de notre grand-mère, car sa teneur en calories défiant tous les records le rend indigeste pour d'autres estomacs que les nôtres... Voici de quoi se compose la chose:
Une purée de châtaignes mélangée de chocolat noir fondu, liés par une crème au beurre et de sucre à poids égal, puis de la poudre d'amande parfumée au kirsch. Le tout, décoré de cerneaux de noix, est mis au réfrigérateur une nuit (c'est le beurre qui fait prendre corps au bloc) et finalement nappé d'une crème anglaise (douze jaunes d'oeufs pour un litre de lait environ). Tout y est. C'est magnifique. Aucun être humain normal ne peut en ingurgiter plus de trois cuillères, nous, on vide un compotier sans problème. La nostalgie de l'enfance aurait-elle une influence sur les sucs gastriques ?
Ce gâteau, c'est tout le portrait de ma grand-mère, délicieux et lourd, rassurant à souhait et relativement dangereux pour les constitutions fragiles - gare au KO hépatique.

Auteur: Duperey Anny

Info: Le voile noir

[ recette ]

 

Commentaires: 0

classes sociales

Dostoïevski est particulièrement sensible à une caractéristique de sa nation. Depuis Pierre le Grand, qui a joué la carte de l’européanisation brutale, la structure de la société a été assez profondément modifiée. Certes il existe, probablement depuis toujours, une opposition entre deux grandes classes. Ce qui est relativement nouveau, depuis Pierre le Grand, tient en deux traits importants.

D’une part la noblesse recrute largement, s’enrichit de nouvelles ouailles, depuis que l’administration, dominée par la logique de la "table des rangs", confère la noblesse aux plus gradés, automatiquement, sans considérer les traditions familiales. Pouchkine n’est sans doute pas le seul à avoir signalé le phénomène, dont il estime avoir lui-même à souffrir. On assiste à des conflits à l’intérieur de la classe privilégiée. Certaines pages de L’Idiot peignent avec précision cet état de choses. Une fois de plus, la cohérence de l’objet dont on parle demanderait un examen sérieux.

D’autre part, la nouvelle aristocratie qui mêle ancienne noblesse et vilains savonnés, construit son unité de façade autour d’un style de vie qu’ignorait l’ancienne Russie. L’histoire de la barbe, qui peut faire rire, est hautement symbolique. Les gentilshommes, comme le disent Pouchkine et bien d’autres, sont rasés. Il est vrai qu’au début du XIXe siècle, une évolution s’est produite. Les perruques disparaissent. Les portraits exhibent des moustaches, des favoris voire des barbes entières. Cette évolution du système pileux dans l’aristocratie ne signifie pas un retour aux mœurs traditionnelles. C’est l’effet d’une mode venue de l’Occident.

Auteur: Backès Jean-Louis

Info: "Dostoïevski et la logique", YCMA-Press, Paris, 2021, pages 310-311

[ historique ] [ occidentalisation ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson