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homme-animal

Le processus d’encéphalisation
Parmi l’ensemble des animaux non-humains, les dauphins sont dotés du quotient encéphalique le plus élevé au monde, soit à peu près celui de l’être humain.
A ce petit jeu, d’ailleurs, le cachalot nous dépasse tous largement !
Une telle augmentation du volume cérébral, bien au-delà des simples besoins de la motricité ou de la sensorialité, est qualifiée "d’encéphalisation structurelle".
Ce phénomène n’est pas rare. Il semble que dès le Jurassique, des dinosauriens bipèdes de taille moyenne aient commencé à augmenter de manière encore timide leurs capacités cérébrales.
Au Tertiaire, les ancêtres des éléphants et des cétacés se sont lancés à leur tour dans la course au gros cerveau mais ce n’est qu’au Quaternaire, il y a de cela de trois à six millions d’années, que certains primates hominoïdes développent une boîte crânienne de type néoténique à fontanelles non suturées durant les premiers temps de l’enfance, afin de permettre une croissance ultérieure de l’un des cerveaux les plus puissants du monde.
Ce processus d’encéphalisation apparaît également chez certains oiseaux – corvidés, psittacidés – à peu près vers la même époque. A chaque fois, bien sûr, des comportements très élaborés sont toujours associés à un accroissement spectaculaire du tissu cérébral.
Une si curieuse convergence de formes, la survenance simultanée ou successive de tous ces "grands fronts", pose bien évidemment question en termes darwiniens.
Le ptérodactyle, la mouche, le colibri, la chauve-souris ont des ailes pour voler, la truite, l’ichtyosaure, le marsouin ont un corps fait pour nager, le grillon fouisseur et la taupe ont des pattes en forme de pelles pour creuser, etc.
Mais à quoi rime dès lors un vaste crâne et à quelle fonction est-il dévolu ?
Essentiellement à comprendre le monde et ceux qui le composent, en ce compris les membres de sa propre espèce, avec lesquels il faut sans cesse gérer une relation équilibrée.
Même les gros cerveaux les plus solitaires vivent en fait en société : tigres, baleines bleues, panthères, orangs-outans gardent des liens étroits, bien que distants ou différés, avec leur fratrie et leurs partenaires.
L’intelligence est à coup sûr l’arme suprême contre les aléas du monde, ses mutations incessantes, puisqu’elle permet notamment de gérer un groupe comme un seul corps mais aussi de pénétrer les lois subtiles qui sont à la base du mouvement des choses.
En augmentant d’un degré supérieur ces facultés par le moyen du langage, lequel conserve le savoir des générations mortes, l’homme et le cétacé ont sans doute franchi un nouveau pas vers une plus grande adaptabilité.
Le problème de l’humain, mais nous n’y reviendrons pas davantage, c’est qu’il ne s’est servi jusqu’à ce jour que d’une partie de son intelligence et qu’il se laisse ensevelir vivants dans ses propres déchets, et avec lui les reste du monde, pour n’avoir pas su contrôler sa propre reproduction ni la saine gestion de son environnement.
Intelligents ou non ? (Le point de vue de Ken Levasseur)
Dans un courrier CFN posté en avril 2003 relatif à l’utilisation de dauphins militaires en Irak, Ken Levasseur, l’un des meilleurs spécialistes actuels de cette question, a tenu à faire le point à propos de l’intelligence réelle ou supposée de ces mammifères marins. Aux questions que lui avait adressées un étudiant sur ce thème, Ken répond ici de manière définitive, sur la base de de son expérience et de ses intimes convictions.
Eu égard aux remarquables recherches menées par Ken depuis des années et au fait qu’il a travaillé longtemps aux côtés du professeur Louis Hermann, son point de vue n’est évidemment pas négligeable ni ses opinions sans fondements. On lira d’ailleurs sur ce site même son article en anglais relatif au cerveau du dauphin
Inutile de dire que le gestionnaire de ce site partage totalement le point de vue de Ken Levasseur, dont les travaux l’inspirent depuis de nombreuses années, au même titre que ceux de Wade Doak ou de Jim Nollman : tous ont en commun d’affirmer que les dauphins ne sont pas des animaux au sens strict mais bien l’équivalent marin de l’humanité terrestre.
Q- A quel niveau d’intelligence réelle les dauphins se situent-ils ? A celui du chien ? Du grand singe ? D’un être humain ?
R- Mon meilleur pronostic est qu’un jour prochain, nous pourrons prouver que la plupart des espèces de cétacés disposent d’une intelligence équivalente ou supérieure à celle d’un humain adulte.
Q- Quelles sont les preuves nous permettant d’affirmer que les dauphins sont intelligents ?
R- Il a été démontré depuis longtemps que les dauphins peuvent développer des capacités cognitives qui équivalent ou excèdent les possibilités mentales de l’être humain. Aujourd’hui, nous sommes à même de définir exactement en quoi consiste l’intelligence humaine. Une fois que nous parviendrons à définir l’intelligence d’une manière strictement objective et valable pour toutes les autres espèces, on permettra enfin aux cétacés de faire la preuve de la leur.
Q- Quelles preuves avons-nous que les dauphins ne sont PAS intelligents ?
R- Il n’y a aucune preuve scientifique qui tendrait à prouver que l’intelligence du dauphin serait située entre celle du chien et celle du chimpanzé (comme l’affirment les delphinariums et la marine américaine) .
Q- Est-ce que les dauphins possèdent un langage propre ?
R- La définition d’une "langue", comme celle de l’intelligence, repose sur des bases subjectives définies pour et par les humains. Une fois que nous pourrons disposer d’une définition plus objective de ce qu’est un langage, et que les recherches sur la communication des dauphins ne seront plus "classifiée" par les américains, il est fort probable que les chercheurs puissent enfin conduire les recherches appropriées et qu’ils reconnaissent que les dauphins disposent de langages naturels.
Q- Est-ce leur capacité à apprendre et à exécuter des tours complexes qui les rend plus intelligents ou non ?
R- La capacité du dauphin à apprendre à exécuter des tours complexes est surtout une indication de l’existence d’un niveau élevé des capacités mentales, interprétées comme synonymes d’une intelligence élevée.
Q- Jusqu’à quel point ont été menées les recherches sur les dauphins et leur intelligence ? Que savent vraiment les scientifiques à leur propos ?
R- La US Navy a "classifié" ses recherches sur les dauphins en 1967, au moment où l’acousticien Wayne Batteau est parvenu à développer des moyens efficaces pour communiquer avec des dauphins dressés. La communication et l’intelligence des dauphins constituent donc désormais des données militaires secrètes, qui ne peuvent plus être divulguées au public.
Q- Est-ce que les dauphins disposent d’un langage propre ? Y a t-il des recherches qui le prouvent ?
R- Vladimir Markov et V. M. Ostrovskaya en ont fourni la preuve en 1990 en utilisant la "théorie des jeux" pour analyser la communication des dauphins dans un environnement contrôlé et à l’aide de moyens efficaces. Il est donc très probable que les dauphins aient une langue naturelle.
Q- Les capacités tout à fait spéciales des dauphins en matière d’écholocation ont-elles quelque chose à voir avec leurs modes de communication?
R- A mon sens, les recherches futures fourniront la preuve que le langage naturel des cétacés est fondé sur les propriétés physiques de l’écholocation, de la même manière que les langues humaines se basent sur des bruits et des représentations.
Q- Quelle est VOTRE opinion à propos de l’intelligence des dauphins ?
R- Pendant deux ans, j’ai vécu à quinze pieds (1 Pied : 30 cm 48) d’un dauphin et à trente-cinq pieds d’un autre. À mon avis, les dauphins possèdent une intelligence équivalente à celle d’un être humain. Ils devraient bénéficier dès lors de droits similaires aux Droits de l’Homme et se trouver protégé des incursions humaines dans son cadre de vie.
Q- La ressemblance entre les humains et les dauphins a-t-elle quelque chose à voir avec leur intelligence commune ?
R- Les dauphins sont très éloignés des humains à de nombreux niveaux mais les ressemblances que nous pouvons noter sont en effet fondées sur le fait que les dauphins possèdent des capacités mentales plus élevées (que la plupart des autres animaux) et sont à ce titre interprétés en tant qu’intelligence de type humain.
Q- La grande taille de leur cerveau, relativement à celle de leur corps, est-elle un indicateur de leur haute intelligence ?
R- Le volume absolu d’un cerveau ne constitue pas une preuve d’intelligence élevée. Le coefficient encéphalique (taille du cerveau par rapport à la taille de corps) n’en est pas une non plus. Néanmoins, on pourrait dire que la taille absolue du cerveau d’une espèce donnée par rapport au volume global du corps constitue un bon indicateur pour comparer les capacités mentales de différentes espèces. Souvenons-nous par ailleurs que les cétacés ne pèsent rien dans l’eau, puisqu’ils flottent et qu’une grande part de leur masse se compose simplement de la graisse. Cette masse de graisse ne devrait pas être incluse dans l’équation entre le poids du cerveau et le poids du corps car cette graisse n’est traversée par aucun nerf ni muscle et n’a donc aucune relation de cause à effet avec le volume du cerveau.
Q- Est-ce que la capacité des dauphins à traiter des clics écholocatoires à une vitesse inouïe nous laisse-t-elle à penser qu’ils sont extrêmement intelligents ?
R- On a pu montrer que les dauphins disposaient, et de loin, des cerveaux les plus rapides du monde. Lorsqu’ils les observent, les humains leur semblent se mouvoir avec une extrême lenteur en émettant des sons extrêmement bas. Un cerveau rapide ne peut forcément disposer que de capacités mentales très avancées.
Q- Pensez-vous des scientifiques comprendront un jour complètement les dauphins?
R- Est-ce que nos scientifiques comprennent bien les humains? Si tout va bien, à l’avenir, les dauphins devraient être compris comme les humains se comprennent entre eux.
Q- Le fait que les dauphins possèdent une signature sifflée est-elle une preuve de l’existence de leur langage ?
R- Non. Cette notion de signature sifflée est actuellement mal comprise et son existence même est sujette à caution.
Q- Les dauphins font plein de choses très intelligentes et nous ressemblent fort. Est-ce parce qu’ils sont vraiment intelligents ou simplement très attractifs ?
R- La réponse à votre question est une question d’expérience et d’opinion. Ce n’est une question qui appelle une réponse scientifique, chacun a son opinion personnelle sur ce point.
Q- Pouvons-nous vraiment émettre des conclusions au sujet de l’intelligence des dauphins, alors que nous savons si peu à leur propos et qu’ils vivent dans un environnement si différent du nôtre ?
R- Jusqu’à présent, ce genre de difficultés n’a jamais arrêté personne. Chacun tire ses propres conclusions. Les scientifiques ne se prononcent que sur la base de ce qu’ils savent vrai en fonction des données expérimentales qu’ils recueillent.
Q- Est-ce que nous pourrons-nous jamais communiquer avec les dauphins ou même converser avec eux ?
R- Oui, si tout va bien, et ce seront des conversations d’adulte à adulte, rien de moins.
II. DAUPHIN : CERVEAU ET MONDE MENTAL
"Parmi l’ensemble des animaux non-humains, les dauphins disposent d’un cerveau de grande taille très bien développé, dont le coefficient encéphalique, le volume du néocortex, les zones dites silencieuses (non motrices et non sensorielles) et d’autres indices d’intelligence sont extrêmement proches de ceux du cerveau humain" déclare d’emblée le chercheur russe Vladimir Markov.
Lorsque l’on compare le cerveau des cétacés avec celui des grands primates et de l’homme en particulier, on constate en effet de nombreux points communs mais également des différences importantes :
– Le poids moyen d’un cerveau de Tursiops est de 1587 grammes.
Son coefficient encéphalique est de l’ordre de 5.0, soit à peu près le double de celui de n’importe quel singe. Chez les cachalots et les orques, ce même coefficient est de cinq fois supérieur à celui de l’homme.
– Les circonvolutions du cortex cervical sont plus nombreuses que celles d’un être humain. L’indice de "pliure" (index of folding) est ainsi de 2.86 pour l’homme et de 4.47 pour un cerveau de dauphin de taille globalement similaire.
Selon Sam Ridgway, chercheur "réductionniste de la vieille école", l’épaisseur de ce même cortex est de 2.9 mm en moyenne chez l’homme et de 1.60 à 1.76 mm chez le dauphin. En conséquence, continue-t-il, on peut conclure que le volume moyen du cortex delphinien (560cc) se situe à peu près à 80 % du volume cortical humain. Ce calcul est évidemment contestable puisqu’il ne tient pas compte de l’organisation très particulière du cerveau delphinien, mieux intégré, plus homogène et moins segmenté en zones historiquement distinctes que le nôtre.
Le fait que les cétacés possèdent la plus large surface corticale et le plus haut indice de circonvolution cérébral au monde joue également, comme on s’en doute, un rôle majeur dans le développement de leurs capacités cérébrales.
D’autres scientifiques, décidément troublés par le coefficient cérébral du dauphin, tentent aujourd’hui de prouver qu’un tel développement n’aurait pas d’autre usage que d’assurer l’écholocation. Voici ce que leur répond le neurologue H. Jerison : "La chauve-souris dispose à peu de choses près des mêmes capacités que le dauphin en matière d’écholocation, mais son cerveau est gros comme une noisette. L’outillage écholocatoire en tant que tel ne pèse en effet pas lourd. En revanche, le TRAITEMENT de cette même information "sonar" par les zones associatives prolongeant les zones auditives, voilà qui pourrait expliquer le formidable développement de cette masse cérébrale. Les poissons et tous les autres êtres vivants qui vivent dans l’océan, cétacés mis à part, se passent très bien d’un gros cerveau pour survivre et même le plus gros d’entre eux, le requin-baleine, ne dépasse pas l’intelligence d’une souris…"
La croissance du cerveau d’un cétacé est plus rapide et la maturité est atteinte plus rapidement que chez l’homme.
Un delphineau de trois ans se comporte, toutes proportions gardées, comme un enfant humain de huit ans. Cette caractéristique apparemment "primitive" est paradoxalement contredite par une enfance extrêmement longue, toute dévolue à l’apprentissage. Trente années chez le cachalot, vingt chez l’homme, douze à quinze chez le dauphin et environ cinq ans chez le chimpanzé.
Les temps de vie sont du même ordre : 200 ans en moyenne chez la baleine franche, 100 ans chez le cachalot, 80 chez l’orque, 78 ans chez l’homme, 60 chez le dauphin, sous réserve bien sûr des variations favorables ou défavorables de l’environnement.
Pourquoi un gros cerveau ?
"Nous devons nous souvenir que le monde mental du dauphin est élaboré par l’un des systèmes de traitement de l’information parmi les plus vastes qui ait jamais existé parmi les mammifères" déclare H.Jerison, insistant sur le fait que "développer un gros cerveau est extrêmement coûteux en énergie et en oxygène. Cet investissement a donc une raison d’être en terme d’évolution darwinienne. Nous devons dès lors considérer la manière dont ces masses importantes de tissu cérébral ont été investies dans le contrôle du comportement et de l’expérimentation du monde, ceci en comparaison avec l’usage qu’en font les petites masses cérébrales".
Un cerveau est par essence un organe chargé de traiter l’information en provenance du monde extérieur.
Les grands cerveaux exécutent cette tâche en tant qu’ensemble élaborés de systèmes de traitement, alors que le cerveau de la grenouille ou de l’insecte, par exemple, se contente de modules moins nombreux, dont la finesse d’analyse est comparativement plus simple.
Cela ne nous empêche pas cependant de retrouver des structures neuronales étonnamment semblables d’un animal à l’autre : lorsqu’un promeneur tombe nez à nez avec un crotale, c’est le même plancher sub-thalamique dévolue à la peur qui s’allume chez l’une et l’autre des ces créatures. Quant un chien ou un humain se voient soulagés de leurs angoisses par le même produit tranquillisant, ce sont évidemment les mêmes neuromédiateurs qui agissent sur les mêmes récepteurs neuronaux qui sont la cause du phénomène.
A un très haut niveau de cette hiérarchie, le traitement en question prend la forme d’une représentation ou d’un modèle du monde (Craik, 1943, 1967, Jerison, 1973) et l’activité neuronale se concentre en "paquets d’informations" (chunks) à propos du temps et de l’espace et à propos d’objets, en ce compris les autres individus et soi-même.
" Puisque le modèle du monde qui est construit de la sorte" insiste H.Jerison, "se trouve fondé sur des variables physiquement définies issues directement du monde externe et puisque ces informations sont traitées par des cellules nerveuses et des réseaux neuronaux structurellement semblables chez tous les mammifères supérieurs, les modèles du monde construits par différents individus d’une même espèce ou même chez des individus d’espèces différentes, ont de bonnes chances d’être également similaires".
Et à tout le moins compréhensibles l’un pour l’autre.

Auteur: Internet

Info: http://www.dauphinlibre.be/dauphins-cerveau-intelligence-et-conscience-exotiques

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solipsismes confrontés

Bonsoir tout le monde,

Question, délicate ou ridiculement évidente, c'est selon, de ce qu'on peut qualifier d'interprétation subjective et personnelle versus ce qu'on pourrait identifier comme "objectif" dans les différents plans dans lesquels on voyage astralement.. 

Pour prendre un exemple enfonçons une porte ouverte liée à nos sens basiques, la synesthésie est un phénomène neurologique qui fait qu'un sens est associé - ou fusionné - systématiquement à un autre, pour faire court. J'en suis atteinte, et dans mon cas c'est les sons qui sont associés à des formes en couleur et en texture, avec une charge émotionnelle. Par exemple, le son du piano a pour moi une forme blanche laiteuse, opaque, concave, avec des bords plus ou moins colorés, alors que le violoncelle est rouge foncé mais lumineux, convexe, trace des lignes en s'approchant dans l'espace, etc.

Les études qui ont été faites là-dessus montrent que oh surprise, si c'est systématique et stable pour chacun (le piano se présente toujours blanc opaque pour moi)  c'est aussi complètement différent en fonction des personnes - pour quelqu'un d'autre qui présente ces caractéristiques neurologiques, le piano sera toujours vert+ autres attributs constants pour elle. Et bien sûr ce phénomène est présent à des degrés plus ou moins élevés, allant de l'inaperçu a l'handicap, finalement chez pas mal de gens.

Ca a déjà été dit et répété dans le groupe, mais j'ai aussi lu pas mal de posts/commentaires qui semblent difficilement prendre ce facteur en compte, en traitant des autres plans de conscience et des diverses expériences dont on parle ici.

J'ai aussi pu expérimenter et vérifié une ou deux fois que dans les autres plans de conscience, et au niveau énergétique, la même chose s'appliquait : sans en faire une généralité, on était 2 à percevoir un même phénomène, mais de façon très différente.

Et pourtant, il y a aussi des constantes qui semblent ressortir, le plan éthérique étant décrit comme bleu à la quasi unanimité par exemple... ou les "cavernes brunes du bas-astral ou tout est lent et pèse un tonne" (bon ça c'est peut-être moins consensuel, mais vu et vécu avec, à peu de choses près, la même description).

Du coup les amis... Comment mettez-vous des repères là-dedans ? En général, et dans les fils de discussion du groupe ? Est-ce important pour vous ? Ou à valeur nulle ? Je me suis bien fait ma petite idée, mais je suis assez curieuse d'autres perspectives... 

J'en profite aussi pour remercier chaleureusement Marc Auburn et les contributeurs de ce groupe, qui défrichent avec brio ces terra incognita...

Loïc Dubuckingham@ Auteur1. Moi je dirais que c'est simplement humain de vouloir que tout soit "repérable" et contrôler. Vous avez de la chance de pouvoir effectuer ces voyages là alors prenez la chance aussi de lâcher prise en m'étant un peu de côté l'obsession humaine de vouloir tout expliquer pour mieux comprendre. Ce n'est pas un reproche que je vous fait la mais une suggestion.

Auteur 1 @ Loïc Dubuckingham. Bonjour, je ne crois pas chercher à tout repérer et contrôler, et surtout pas dans ce genre de sujet... lâcher prise, bien sûr, mais de mon côté ça ne m’empêche pas de temps à autres d’essayer de comprendre ce que je vis. Jusqu’ici, ça ne m’a pas tellement joué de mauvais tours ??

Callirhoé Déicoon @ Loïc Dubuckingham. Je pense que la curiosité et l'envie de comprendre sont plutôt des moteurs sains. De + les divers témoignages et communications avec des entités laissent entendre que ce moteur est universel en tant que base de l'évolution des consciences, et non juste humain (désolée de déterrer ce fil 1 an après)

Marc Auburn@. Oui, la synesthésie est l'état naturel du corps de lumière. Toute perception suscite une correspondance avec toutes les autres perceptions, et pourtant en même temps on fait parfaitement le distinguo.

Auteur 1@ Marc Auburn. Oui, la distinction est claire. Ce que j’en retenais surtout, c’était le côté subjectif et propre à chacun, et j’avais tendance à partir du principe que si même un son est perçu différemment selon la personne, c’était logiquement pareil puissance X dans d’autres dimensions... mais, bon... je me prends peut être un peu la tête pas dans le bon sens ??

Callirhoé Déicoon @ Auteur 1. Au contraire, vous ne vous prenez pas la tête pour rien, c'est justement une question centrale… et éminemment complexe. Je ne sais pas mais on dirait que c'est comme s'il y avait une réalité archétypale dans l'astral, c'est-à-dire que les gens y voient la "même chose" (le même concept) mais avec des apparences qui varient…

Denis Cottard. Mon approche des réalités énergétiques est avant tout une approche par le sens, par l’intensité de signification, car curieusement, bien souvent, la sensation pure n’est pas centrale. Il y a des cas où elle l’est, quand il s’agit de situations fortement reliées au plan physique et où il faut des éléments qui puissent nous faire des repères, mais sinon je sais que c’est moi qui met le truc en image parce que c’est plus simple pour se souvenir et garder, et je reste d’ailleurs conscient de le faire. Donc, je conçois que chacun puisse "imager" à sa façon car chacun a sa sensibilité, certains sont plus visuels, d’autres tactiles, etc... et qu’il y a un symbolisme de représentation qui peut être très personnel. L’important étant que çà fasse sens pour celle ou celui qui fait l’expérience.

Donc je ne me fixe pas trop sur la forme des expériences (même si pour certains, c’est encore celle-ci qui est l’aspect le plus fascinant) car dès lors qu’on quitte la réalité matérielle, on évolue dans une réalité qui n’a aucune raison d’être particulièrement objective, et qu’à partir de certains plans d’existence, il n’y a tout simplement plus de forme ou alors, il y a quelque chose mais qui ne témoigne en rien de ce que nos sens pourrait témoigner. C’est en cela que j’affectionne particulièrement les sorties en tandem car au retour, la reconstruction s’effectue à deux et c’est très amusant : c’est un peu comme peindre un tableau à deux mains. C’est également ce que j’apprécie dans les témoignages des uns et des autres dans ce groupe, c’est que çà fait autant de point de vue différents sur des expériences qui sont souvent semblables. Là encore, je trouve que le sens s’enrichit.

Auteur 1 @ Denis Cottard. J’ai un peu la même façon d’aborder ça en principe. Mais j’ai été un peu secouée en lisant Dolores Cannon, de trouver des descriptions quand même très ressemblantes entre elles, et en particulier une description vraiment très similaire à une de mes expériences de sortie... et justement, jusque dans la forme... ça fout un peu une baffe à mon approche ?? - mais sinon, qu’est ce que c’est chouette de pouvoir lire tous ces points de vue, merci !  D'ailleurs Denis Cottard comment on fait des sorties en tandem ??

Denis Cottard @ Auteur 1. Alors, pour faire une sortie en tandem, il faut utiliser un protocole de sortie qui démarre comme une projection de conscience dans laquelle on s’investit progressivement. Il est bien de faire çà avec quelqu’un qu’on connaît bien, dont on a une signature énergétique, claire car tant qu’on ne sait pas se faire un véhicule à 2 places (qui peut se résumer à une bulle de taille adéquate), on peut se perdre et partir chacun dans son coin. D’autre part, au début, on est chacun bien calé dans un fauteuil mais on peut se parler si nécessaire et c’est très aidant pour savoir où est l’autre. Au fil de l’exploration, on se fait happé par la situation, et on ne se parle plus physiquement, mais on continue de se parler mentalement, car çà maintient le lien : c’est du genre : t’es là ? Oui et toi ? ?? on se fait nos commentaires, on se donne des indications de déplacement.

J’ai appris çà en cours de parapsychologie car c’était un exercice assez ludique qu’on faisait à chaque fin de cours. Il y avait une personne qui notait sur un papier, des lieux qu’elle allait visiter en esprit, et les autres n’avaient qu’à suivre son empreinte énergétique et dire à la fin, les sites dans lesquels ils avaient été, et on pouvait vérifier avec ce qui avait été inscrit. Surprenant ! Une de mes filles était excellente à ce jeu -là. Essayez, vous allez voir, déjà, c’est sympa comme tout, et puis, c’est la base pour effectuer une sortie à deux.

Dans ces sorties à deux, on peut décider de ce qu’on veut visiter, ou se laisser aller au hasard. Je sais que nombre d’entre vous vont penser : Bof, c’est que du remote viewing ! Mais faites-le et on en reparle : vous allez voir que c’est bien plus que çà, et que, un des intérêts de la chose, en dehors du fait qu’on peut confronter les deux expériences a posteriori, c’est que la conscience y est particulièrement vive et les perceptions très claires. ( à part peut-être qu’on peut y voir à l’envers - pas systématiquement mais çà peut arriver - c’est à dire comme l’image dans un miroir ce qui rend toute lecture particulièrement fastidieuse!!).

Avec l’habitude, on peut même le faire à distance de la personne. Il faut juste fixer un jour et une heure et on s’y met. On se donne RV là où on a "parqué" la bulle qui nous sert à voyager ensemble, et on se met dedans et quand l’autre y est aussi, on bouge.

Il y a une quinzaine d’année, avec une amie on était très désireux de savoir à quoi s’en tenir à propos de la 9 eme planète, ce corps qui fou le bordel dans les orbites des planètes extérieures. On s’y est rendu de cette façon là, et à l’époque on a été très surpris de rencontrer un corps noir comme l’encre et qui semblait même absorber toute lumière. Il faut dire que dans le soit-disant  "vide spatial" c’est très éclairé parce qu’on voit mille fois plus d’étoiles et ce corps se repère parce qu’il masque les étoiles sur son passage. Nous nous sommes rapproché et très honnêtement, ce truc tout noir , un peu grouillant (il y avait du mouvement, un peu comme de l’eau ou un quelque chose de fluide) n’était pas très engageant, et courageux mais pas téméraires, dans le doute on s’est tiré de là vite fait. J’ai lu cette semaine que des astronomes très sérieux envisagent que ce corps puisse être un mini trou noir. Tiens, tiens ...

Auteur 1 @ Denis Cottard ça à l’air très chouette et ça me rend curieuse, tout en me demandant avec qui j’aurais envie de faire ça ?? ... je sais pas... merci pour le partage.

Denis Cottard@auteur 1. Il faut faire çà avec quelqu'un que vous connaissez bien, parce qu'on est vraiment à poil !!! on entend tout ce que l'autre pense ou ressent. Heureusement, quand on est en esprit, on a pas trop de pulsion sexuelles, pour ne pas dire niveau zéro. Mais enfin, çà fait partie de ces voyages où l'on garde une certaine apparence, pour ne pas se perdre, on se voit aussi. çà pourrait être gênant !! ??

Auteur1 @ Denis Cottard. Certes ??

Reinald Durand. Pour revenir à ce qui est dit plus haut, évoquer l'objectivité et des constantes, des repères qui seraient fixes nous fait entrer sur un terrain glissant. La perception, de même que la connaissance, n'est jamais neutre. La perception est orientée, colorée par nos croyances, nos intentions, nos attentes, nos états intérieurs. Comme on dit, on voit ce qu'on veut voir, même si on n'en est pas toujours conscient ou qu'on a oublié la chose. Et si on fait intervenir des petits hommes gris ou des figures sombres encapuchonnées autour de son lit, il y a peut être une raison, qui n'a pas nécessairement à être jugée d'ailleurs en termes de bien ou de mal. Maintenant, on peut surtout en prendre conscience pour changer la nature de ses aventures... C'est la même chose dans la vie de tous les jours, je pense. Il peut être utile de prendre le temps d'examiner certaines choses: est-ce que ce sont des projections, est-ce qu'on n'en rajoute pas une couche, est-ce qu'on peut relier ce qu'on voit à des croyances, des intentions, des états intérieurs? Il y a un monde intérieur d'où jaillit cette réalité qu'il faut reconnaitre, à défaut on croira que tout cela nous arrive, indépendamment de notre volonté ( innocente victime, va!) que ce soit dans le rêve, dans les sorties hors corps, dans son quotidien, et si on change l'intérieur l'extérieur se met changer...??

Denis Cottard. Je suis bien d’accord, il ne faut pas oublier le caractère hautement subjectif d’expériences de ce genre.

C’est d’ailleurs tout l’intérêt de chercher à vérifier dans "la vie réelle", ce qui est vérifiable, et même de s’efforcer d’orienter nos sorties dans ce sens afin d’avoir une idée du pourcentage d’entre elles qui est validable et trouver le juste recul qu’il convient d’avoir à cet égard, car on va tous expérimenter un jour ou l’autre, ce truc de ouf qui va nous obliger à convenir qu’il y a bien là, un outil incroyable qui nous ouvre réellement des voies de connaissance objective, mais çà n’implique pas pour autant que toutes nos sorties soient des expériences de ce type.

J’ai longtemps pratiqué la radiesthésie, et j’y retrouve le même problème, et je pense que c’est encore la même chose avec la médiumnité. Toutes ces voies provoquent réellement une amplification de notre champ de perception mais dont il faut se garder de considérer la pertinence comme acquise une fois pour toute.

Denis Cottard. C'est comme pour "vu à la télé", çà ne veux pas dire que c'est juste à tous les coups.

Reinald Durand. Oui, qu'est qui est réel, qu'est-ce qui ne l'est pas ? l'imagination pourrait être réelle... Qu'est-ce qui va faire la différence? Pour moi, ça tourne autour de consensus, de conventions, d'accords souvent tacites reposant sur des objectifs communs... et une manière de camoufler les choses, filtrage propres à chaque monde ou dimension sur quelque chose d'infini. Alors il y a peut-être simplement moins de réalité lorsqu'on se trompe, lorsqu'on s'écarte de ce qu'on est profondément et qu'on souffre... Je ne nie pas le besoin d'objectivité, mais, comme tu dis, c'est essayer de voir deux fois. ??

Sofiane Thoulon. Bonjour, comme vous j'ai des synesthesies. Chez moi elles s'expriment beaucoup par les voyelles qui sont directement reliées à des couleurs (i rouge, a blanc, etc...) j'ai aussi des mots dont la sonorité se rapportent à des formes géométriques etc...

J'ai vécu lors d'une sortie l'été dernier, un phénomène que je dirais de cet ordre : alors que j'étais en train de sortir de mon corps, des entités sont venues autour de moi, je ne les voyais pas mais je sentais qu'elles étaient plusieurs. J'ai senti qu'elles me touchaient, elles faisaient une sorte d'expérience. Bref, rien de très rassurant sur le coup, d'autant plus que j'avais parlé quelques jours auparavant, avec une personne médium qui avait subie des attaques et qui voulait m'avertir du danger. Elle m'avait donc conseillé de les insulter sans relâche jusqu'à ce qu'elles partent. J'ai donc fait ça et, non seulement elles ne partaient pas, mais j'ai alors vu dans mon ''écran visuel'' une sorte d'onde verticale faite de lumière rose-rouge en mouvement et assez anguleuse. C'était clairement pour moi, la conversion visuelle de l'onde des insultes. Je n'ai même pas vraiment voulu interpréter, mais cette info est venue immédiatement après l'expérience. Pour en conclure, derrière n'importe quel Objet physique, de quelque nature qu'il soit, il y a un champ d'information d'ordre quantique et je pense que les synesthesies sont une sorte de perception de cette information quantique, que le cerveau humain essaie de convertir pour en comprendre l'essence. Mais finalement, ce qui fait la subjectivité des synesthesies, c'est peut-être bien cette conversion faite par le cerveau de chacun, pour comprendre l'essence des choses. Haha je ne sais même pas si je suis claire ??? je crois que je m'embrouille moi même !

Claude-Samuel Levine @ Sofiane Thoulon. Si c'est clair, je comprend bien. Du fait que moi même j'ai toujours eu des synesthésies très précises.

Lettres, chiffres, nombres, heures, jours de la semaine, mois, notes de musiques et orchestrations. D'ailleurs ce n'est pas qu'une association "couleur" ,la couleur envoit à une véritable ambiance. Exemple : une musique en LA majeur : La vert, Do# jaune doré => forêt au soleil, ou lumière de l'au-delà sur paysage, et avec la joie liée à la lumière. Le "Metal" : violence, rouge sombre noir avec lignes cassantes et les barres des rythmes.

Auteur: Anonymes pseudos

Info: Fil de discussion sur Explorateurs du réel avec Marc Auburn, octobre 2019

[ réalités individuelles ] [ cerveau filtre ] [ ésotérisme ] [ occultisme ]

 

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refus

Jours, années, vies. Les arbres avaient perdu leurs parures multicolores. C’était ça : elle se trouvait pile à cette conjonction des trois boucles. L’entame du dernier quart. La journée avait dépassé sa dix-neuvième heure, l’hiver était là et Emma se préparait à fêter ses soixante et un ans. Anniversaire dont elle avait fait le symbolique début de l’hiver de sa vie.

Encore récemment elle avait le sentiment de commencer à jouir de la sérénité de son âge. Jusqu’à l’arrivée du gosse.

Emma l’albanaise n’en revenait pas.

Imaginez : vous êtes en charge du service psychiatrique d’un hôpital Suisse. On vous amène un petit garçon, noiraud aux cheveux ondulés, Jean-Sébastien. Enfant sans aucun problème apparent selon toutes les informations et surtout ses proches. Un gosse qui a été éduqué tout à fait correctement dans ce pays, dans son pays : la Suisse. Diagnostic du corps médical : anorexie mentale. Le gosse refuse de s’alimenter et même, surprise, a sa propre auto-évaluation, affirmée : je refuse de vivre mon général. Un credo presque annoncé avec humour.

Après quelques jours tout le personnel de l’immense hôpital en parlait. Une anorexie à neuf ans, c’était déjà exceptionnel, quoi qu’on commençait à en voir apparaître dans les statistiques occidentales, mais ce gosse avait une telle tranquillité, une conscience, comme si son regard et ses appréciations liquidaient d’un coup la raison d’être, l’existence même de la structure hospitalière. Et tout le reste. Une gifle pour le Monde. Pour tous. Les êtres humains. Un déni.

Le tapis de feuilles mortes rassemblées devant les escaliers par un jardinier l’obligea à faire un crochet. Elle lança un sourire à l’homme au balai qui le lui rendit.

Selon le garçonnet, la vie ne valait pas la peine d’être vécue, point. Et les bipèdes adultes de son espèce, malgré tous leurs efforts, n’y changeraient rien. L’amour conjugué de ses proches, les visites de ses camarades, l’abnégation souriante des infirmières, l’attention soutenue de la doctoresse en chef… rien n’avait pu infléchir sa décision. L’enfant au regard foncé répétait et déclinait en souriant :

- Je ne suis pas fait pour vivre.. je suis de trop, c’est évident…

Les infirmières comprenaient confusément que le gosse ne voyait pas pourquoi ce monde méritait encore d’être connu, exploré. C’était juste une non envie d’entrer en matière. Ses parents, elle secrétaire, lui mécanicien, n’avaient rien de particulier. Des gens simples, adorables. Le fiston l’assurait lui-même : il n’avait rien à leur reprocher, surtout pas de l’avoir amené à la vie, au contraire, surtout pas…. Son expérience restait irremplaçable. Il insistait : irremplaçable. Leur expliquant : vous n’y pouvez rien, mes amours, mes chéris… c’est comme ça. Il parvenait à même leur remonter le moral.

Dans le hall, l’hôtesse d’accueil lui adressa le salut matinal routinier derrière son grand vitrage.

Une semaine après l’arrivée du malade, un collègue d’Emma, Pierre B, vieux médecin, était venu trouver l’enfant sous un prétexte imaginaire. Quelques heures plus tard il prenait la doctoresse à part au détour d’un couloir :
- Je suis bouleversé, je reviens des Andes… ici les magasins, les rues, tout m’inspire une aversion irraisonnée. Les fêtes qui approchent, la foule des acheteurs, les corps pétant de cholestérol, le fric… C’est affreux, le seul endroit où je me sens mieux c’est ici, à l’hôpital. L’argent me gêne, il envahit tout… je ne vois plus des personnes, mais de petits amas de pognon, de mesquines solitudes feutrées, comme si les gens n’avaient pas besoin les uns des autres, comme s’il n’y avait plus de communauté…

La médecin chef lui répondit sur le ton de la plaisanterie, expliquant que ce n’était pas professionnel, qu’il fallait maîtriser ses émotions.

Elle se dirigeait vers la chambre du petit, ses pas étouffés par l’épais revêtement de linoléum gris. Emma, qui avait réussi, à force de volonté, à se faire sa place de médecin dans la société occidentale, se disait que dans son pays, en Albanie - elle y retournait chaque année - ce genre de syndrome n’apparaissait pas. Jamais. Encore moins chez des êtres si jeunes.

L’infirmière de garde lui indiqua que le petit venait de s’endormir.

Tous pouvaient observer, impuissants, les parents du môme déployer des trésors d’imagination pour essayer de le sortir de ce qu’ils voyaient comme une torpeur incompréhensible. Ils avaient proposé, l’air de rien, d’aller observer un volcan en éruption, d’affronter les cinquantièmes hurlants en catamaran…. Lui les remerciait d’un sourire. Il comprenait parfaitement la démarche, leur expliquait que d’autres que lui seraient enchantés d’aller suivre en direct les ébats amoureux des baleines au large de la Californie, ajoutant que ce devrait être facile d’emmener des enfants défavorisés jouer dans l’eau avec des dauphins. Pas lui.

***

Ce soir là, au sortir de son travail elle croisa la gérante du petit supermarché voisin, une femme d’âge mûr aux grands cheveux frisés, pleine d’ardeur, avec qui elle avait de bons rapports. Elle ne put s’empêcher de lui parler de l’enfant. La dame la transperça de son regard bleu. Deux vrilles sous la masse crépue.

- Mon Dieu, le pauvre chéri… il est trop intelligent….

Elle avait tout dit. Et puis elle rentra. Il fallait prendre le courrier, faire manger les enfants. Il faisait déjà nuit.

***

Le lendemain en fin de matinée la doctoresse quitta son service un peu plus tôt qu’à l’accoutumée, préoccupée. Elle était de plus en plus frustrée parce que depuis plusieurs jours le gamin sommeillait durant la journée alors qu’elle aurait vraiment voulu essayer de communiquer avec lui. Ce qui l’amena à couper la priorité à’un automobiliste, qui, après avoir ouvert sa vitre latérale lui lança, rigolard. "Je comprends maintenant pourquoi vous êtes passée devant un million de spermatozoïdes, vous êtes un hymne à la précipitation… à l’engouffrement". Elle se surprit à sourire, libérée pour un instant du monologue intérieur nourris par l’image du jeune être en train de se faner. Elle se sentait comme enceinte mentalement de lui. De cet homme. Oui, c’était bien un homme… puisqu’il était en fin de parcours, sur sa propre décision. Puisqu’il leur parlait autrement, couché dans son lit trop grand, comme une sorte d’enseignant cosmique, loin de leurs volontés absurdes de vouloir avoir une prise sur le réel. Il avait annoncé la couleur à son arrivée à l’hôpital :

- Je ne veux pas me soigner parce que plus je vais mal mieux je me porte.

Ainsi, après deux semaines d’hospitalisation il avait nettement faibli. Il fallait maintenant faire un effort d’attention pour le comprendre, lui parler doucement et distinctement. Lui restait imperturbable, ses grands yeux marrons brillants d’une sérénité de fer.

***

Emma avait accepté de dîner avec son ami Miguel, helvète de vieille souche, qu’elle appréciait pour cette raison mais aussi parce que son humour self destructeur l’amusait. Il l’accueillit, goguenard, après avoir brièvement jaugé la voiture qu’elle venait de s’acheter.

- Attention ! Je ne vais bientôt plus accepter de te voir, notre amitié va s’achever… regardes-toi un peu, tu es déjà plus Suisse que moi…. mon Dieu la bourgeoise ! J’ose pas t’imaginer dans dix piges ?
- Tu veux dire ?
- Que tu es de plus en plus organisée, aseptisée, maintenant presque riche…. Il ne te manque plus qu’un peu d’inhibition.. Peut-être aussi de réprobation dans l’attitude.
- T'es dur Miguel
- Tu sais bien que le succès et l’argent nous éloignent de l’essentiel.
- C’est quoi l’essentiel ?
- La vie
- Tu en es sûr ?

Elle ne lui parla pas du gosse.

***

De retour à l’hôpital elle aperçut Pierre B. en discussion avec les parents de Jean-Sébastien. Tous se firent un petit signe de loin. Elle monta dans son service, traversa les couloirs déserts pour aller le voir. Il somnolait et réagit mollement lorsqu’elle lui prit la main, esquissant une moue. Elle resta ainsi, assise sur le lit arrosé par l’éclairage crû.

Qui avait chanté un jour que la lumière ne fait pas de bruit ?

Son regard glissait sur les choses. Elle pensait à sa vie, à la vie. Pourquoi se retrouvait-elle médecin… dans ce pays ? Fourmi parmi les autres fourmis. Quelle était la société qui pouvait produire de tel effet sur ses petits ?… Sa pensée se fixa sur des connaissances côtoyées récemment ; une clique d’artistes quadra et quinquagénaires, presque tous issus de la bourgeoisie locale qui, malgré la mise en place de façades plus ou moins réussies, assorties de quelques petites excentricités d’habillement, représentaient pour elle la société dans laquelle elle vivait. Ils formaient un de ces clans ou les individus se rassemblent plutôt par crainte de la marginalité et de la solitude que par de réelles affinités. Sérail ou l’on se fait la bise comme les stars de la télévision ; pour marquer sa différence, son appartenance à un cercle qui serait plus humain, plus averti. Tels étaient donc les révoltés ?… Les artistes ?... quelles étaient donc leur réflexions ?. Assise sur le lit sa main autour de celle du gosse Emma se demandait s’il ne fallait pas voir chez eux une forme d’élitisme atroce, imbécile, destructeur, soumis aux conventions, aux diplômes, loin de la vie, la vraie, celle avec les excréments, les coups, le sang, les hurlements. Vivaient-ils réellement, ces gens encoconnés qu’elle avait vu ignorer ostensiblement ici une caissière édentée ou là un clodo en pleine cuite. Qui, lors des fêtes réunissant les familles, paraissaient tout de suite excédés par leurs enfants, comme s’ils ne les avaient pondus que par convention, par simple peur de la mort, par ennui. Dans son pays à elle la jeunesse était synonyme de joie, de plaisir.

… mais qu’ont-ils de différents des autres humains, somme toute... ne suis-je pas comme eux ?

Jean-Sébastien gardait les yeux fermés, la respiration régulière. Elle caressa doucement le maigre avant-bras que la perfusion prolongeait de manière incongrue.

***

Cette nuit là elle eut ce rêve : Il y avait, lors d’une grande réunion de diverses familles, une scène de discussion animée entre adultes. Les enfants présents - les siens y étaient, tout comme Jean-Sébastien - enthousiastes comme toujours amenaient continuellement des interruptions qui dérangent la continuité des phrases, si sérieuses, des adultes. Coupures qui, à la longue, entraînèrent quelques haussements de voix puis, finalement, l’enfermement de Jean-Sébastien dans une voiture. Il y eut alors un zoom arrière et les humains se transformèrent en arbres. C’étaient les mêmes individus mais qui en sapin, en hêtre, etc.. Et, dans un film accéléré, elle put alors contempler la nouvelle forêt ainsi formée endurer la douce agression des jeunes pousses qui, après s’être hardiment insinuées au pied des grands troncs, s’accrochaient ensuite au premières frondaisons, avant de vaillamment titiller les niveaux supérieurs et d’émerger au sommet pour faire partie de la Pangée. Voir le soleil.

Elle se retrouva assise sur son lit, en nage. Et l’enfant dans la voiture ?… Pourquoi ces plages temporelles mélangées ?… Pourquoi Jean-Sébastien n’avait-il plus cette volonté de monter, de toucher les crêtes… cette curiosité de la vie ?


***

Les forces du gosse déclinaient doucement, implacablement. L’esprit imperturbable et sans tristesse il continuait de communiquer au maximum de ses possibilités, c’est à dire qu’à ce stade il ne faisait plus qu’acquiescer ou rejeter. Mais il observait. Emma, incrédule, attendait quelque chose. Elle ne savait pas exactement quoi : une forme de culpabilisation du gosse, des parents… de grands transports d’émotion avec la famille. De culpabilisation elle n’en vit point. Quand à l’émotion, il y en avait. Beaucoup. Mais tout le monde se maîtrisait.

On le sentait se détacher, comme un fruit. Le temps du silence mûrissait.

***

Il y eut alors ce colloque, une journée/rencontre prévue de longue date où le professeur P., grande ponte allemand de pédopsychiatrie, fit état de l’augmentation sensible des cas d’anorexie chez les enfants en occident. Dans la continuité ils reçurent communication du travail d’une équipe de chercheurs Hindous où étaient explicitées la progression et l'incidence constante des problèmes psychiques de la jeunesse dans les sociétés industrielles. Un médecin psychiatre japonais vint ensuite parler des difficultés rencontrées dans son pays. On commençait à y voir de plus en plus de groupes de discussion sur Internet qui amenaient - et poussaient parfois - de jeunes nippons à se suicider ensemble. Puis il y eut ce rapport sur une maladie mystérieuse affectant plus de 400 enfants de requérants d'asile en Suède, issus la plupart du temps de l'ancienne union Soviétique et des états yougoslaves. Ces enfants tombaient dans une dépression profonde et perdaient la volonté de vivre. Pour finir une intervenante vint expliquer comment les résultats de son étude sociologique de la Suède montraient que la courbe des suicides était inversement proportionnelle aux difficultés économiques. En bref, lors de temps difficiles les gens se suicidaient moins….

Tout ce monde se retrouva ce soir là au milieu de la chaude et joviale l’atmosphère d’une brasserie pour un repas en commun bigarré qui concluait le colloque. Les participants à la conférence confabulèrent bruyamment de tout, sauf de problèmes professionnels. Emma aimait ce genre de brouhaha. Il était passé minuit quand elle rentra. Excitée par l’alcool elle se prépara un grand verre d’eau, prit la zappette et s’installa devant la télévision. Les informations présentaient un sujet sur les prévisions alarmistes quand au réchauffement de la planète. Apparut ensuite sur le plateau l’abbé X qui se faisait le porte-parole des voix innombrables dénonçant le petit nombre de riches - toujours plus riches - et celui, toujours plus grand, des pauvres - toujours plus pauvres. Puis ce fut l’interview d’un politicien qui exprima les craintes suscitées par le comportement paranoïaque de l’empire américain. La rubrique suivante montra une manifestation écologiste européenne. On pouvait y voir des manifestant défiler avec des pancartes qui disaient : "Ressources de la terre en danger " "Consommation galopante, Halte !". "Surpopulation, manque de contrôle !". Le journal se termina par les infos économiques et la progression boursière spectaculaire d’une entreprise pharmaceutique qui développait un médicament contre le diabète, maladie en constante progression chez l’individu moyen - trop gros - des populations américaines et européennes, phénomène qu’on voyait maintenant émerger en Asie. Tous les espoirs étaient permis pour la jeune entreprise.

Dans la salle de bain elle posa cette question muette à son reflet, dans la glace : - Jean-Sébastien entend-il la même mélodie du monde que toi ?

Son mari grogna légèrement lorsqu’elle lui imposa sa présence dans le lit, le forçant à se déplacer.


***


Elle démarrait fréquemment sa matinée par cette pensée de la tradition zen : "un jour, une vie". Après le départ des enfants pour l’école, elle pouvait profiter d’un petit printemps personnel réservé, enfance de sa journée. Moments d’énergie, de fraîcheur, d’optimisme. Tout ce que Jean-Sébastien aurait normalement du vivre en cette période matinale de son existence de jeune mammifère. Alors qu’en réalité il était comme avant d’aller se coucher. Certes son cycle d’existence, sa fin de vie coïncidaient avec la saison hivernale, mais pas avec la bonne synchronisation. Pas du tout.

Elle se confectionna un nouveau café.

Emma avait toujours perçu les mômes comme de grands initiés, dotés d’un sens aigu du mystère, au bénéfice de la fraîcheur de perception qu’ont les étrangers qui pénètrent une contrée inconnue. Confrontée à Jean-Sébastien elle en arrivait à se demander s’il n’avait apporté avec lui les souvenirs de quelque chose d’antérieur, les réminiscences d’une source fabuleuse. Quels pouvaient donc bien être ses critères de jugement ?… en avait-il ?… était-ce du pur instinct, du laisser aller ?. Il avait l’air si équilibré… Ou alors, était-ce diabolique ?… Non, il était trop jeune, trop dans le timing. Trop conscient.

Elle ne savait comment exprimer son sentiment. Ce garçon était comme au delà - ou en deçà - des mots. Un pur poète. Comme s’il avait affirmé que les bateaux ne flottent que depuis Archimède et que tout le monde ait acquiescé. Comme s’il avait décrété que le vent est créé par les arbres sans que personne n’en doute.

Elle voyait vivre ses enfants dans un monde qui n’était pas le sien, celui des grands. Ils n’avaient qu’un intérêt restreint pour la politique, la philosophie de la vie et de ce genre de choses. Leur occupation sérieuse principale c’était le jeu. En tout cas en apparence. Elle ne pouvait se résoudre à leur parler de Jean-Sébastien, d’abord pour garder sa vie privée intacte de ses activités professionnelles. Et puis quelle pouvait être la famille ou l’on aurait abordé de pareils sujets philosophique sérieusement, longuement et profondément, avec les enfants ?... Les siens posaient des questions certes, son mari et elles y répondaient, mais cela restait superficiel. Ces sujets intéressent les mômes mais leurs réflexions lui paraissaient trop courtes. Ou alors leurs forces de vies leurs interdisaient de s’arrêter sur ce genre de réflexions

Mais comment un gosse qui ne voyait plus la réalité avec aucun étonnement s’était-il forgé ?… D’où venaient ses certitudes ?… Était-ce possible qu’un de ses enfants un jour ?…

Elle rassembla ses affaire : sac, clefs, s’habilla. Il fallait en tout cas encore essayer. Encore.

***

Ce vingt décembre Jean-Sébastien dormait si profondément, en état comateux, qu’Emma invita ses parents à la cafétéria pour un café. La communication entre eux ne nécessitait presque plus de mots, artificielles constructions sans intérêt. Au réfectoire ils eurent à subir les activités sauvageonnes d’un groupe d’enfants. Jeunes excités, en mal de cette existence avérée que conforte la réaction témoin de grandes personnes prises en otage-spectateur-cible. Elles ressentit beaucoup de gratitude à l’endroit des emplâtres gesticulants et bruyants qui tentaient d’accaparer attention et champ de vision des adultes.

**

Au milieu de tous ses questionnements, Emma eut l’honnêteté de s’avouer qu’elle l’admirait. Mais quel était son secret… Qui était ce vieux maître… ce fou ?… Elle ne parvenait pas à le voir comme un malade et ressentait même quelque chose qui ressemblait à de la reconnaissance. La jeune créature lui permettait de rétablir une sorte de connexion avec un infini qu’elle avait oublié, trop absorbée par sa vie, par ses obligations. La vitesse.

Le mioche lui dilatait la conscience.

**

Jean-Sébastien mourut la veille de Noël.

Enfin pur esprit.

Auteur: Mg

Info: Jean-Sébastien. D'après une histoire vécue. 2002.

[ histoire courte ] [ automne ]

 
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rapetissement

Des mathématiciens identifient le seuil à partir duquel les formes cèdent. Une nouvelle preuve établit la limite à laquelle une forme devient si ondulée qu'elle ne peut être écrasée plus avant.

En ajoutant un nombre infini de torsions aux courbes d'une sphère, il est possible de la réduire en une minuscule boule sans en déformer les distances.

Dans les années 1950, quatre décennies avant qu'il ne remporte le prix Nobel pour ses contributions à la théorie des jeux et que son histoire n'inspire le livre et le film "A Beautiful Mind", le mathématicien John Nash a démontré l'un des résultats les plus remarquables de toute la géométrie. Ce résultat impliquait, entre autres, que l'on pouvait froisser une sphère pour en faire une boule de n'importe quelle taille sans jamais la déformer. Il a rendu cela possible en inventant un nouveau type d'objet géométrique appelé " inclusion ", qui situe une forme à l'intérieur d'un espace plus grand, un peu comme lorsqu'on insère un poster bidimensionnel dans un tube tridimensionnel.

Il existe de nombreuses façons d'encastrer une forme. Certaines préservent la forme naturelle - comme l'enroulement de l'affiche dans un cylindre - tandis que d'autres la plissent ou la découpent pour l'adapter de différentes manières.

De manière inattendue, la technique de Nash consiste à ajouter des torsions à toutes les courbes d'une forme, rendant sa structure élastique et sa surface ébouriffée. Il a prouvé que si l'on ajoutait une infinité de ces torsions, on pouvait réduire la sphère en une minuscule boule. Ce résultat avait étonné les mathématiciens qui pensaient auparavant qu'il fallait des plis nets pour froisser la sphère de cette manière.

Depuis, les mathématiciens ont cherché à comprendre précisément les limites des techniques pionnières de Nash. Il avait montré que l'on peut froisser la sphère en utilisant des torsions, mais n'avait pas démontré exactement la quantité de torsions nécessaire, au minimum, pour obtenir ce résultat. En d'autres termes, après Nash, les mathématiciens ont voulu quantifier le seuil exact entre planéité et torsion, ou plus généralement entre douceur et rugosité, à partir duquel une forme comme la sphère commence à se froisser.

Et dans une paire de parutions récentes ils l'ont fait, au moins pour une sphère située dans un espace de dimension supérieure. Dans un article publié en septembre 2018 et en mars 2020, Camillo De Lellis, de l'Institute for Advanced Study de Princeton, dans le New Jersey, et Dominik Inauen, de l'université de Leipzig, ont identifié un seuil exact pour une forme particulière. Des travaux ultérieurs, réalisés en octobre 2020 par Inauen et Wentao Cao, aujourd'hui de l'Université normale de la capitale à Pékin, ont prouvé que le seuil s'appliquait à toutes les formes d'un certain type général.

Ces deux articles améliorent considérablement la compréhension des mathématiciens des inclusions de Nash. Ils établissent également un lien insolite entre les encastrements et les flux de fluides.

"Nous avons découvert des points de contact étonnants entre les deux problèmes", a déclaré M. De Lellis.

Les rivières tumultueuses peuvent sembler n'avoir qu'un vague rapport avec les formes froissées, mais les mathématiciens ont découvert en 2009 qu'elles pouvaient en fait être étudiées à l'aide des mêmes techniques. Il y a trois ans, des mathématiciens, dont M. De Lellis, ont utilisé les idées de Nash pour comprendre le point auquel un écoulement devient turbulent. Ils ont ré-imaginé un fluide comme étant composé d'écoulements tordus et ont prouvé que si l'on ajoutait juste assez de torsions à ces écoulements, le fluide prenait soudainement une caractéristique clé de la turbulence.

Les nouveaux travaux sur les inclusion(embeddings) s'appuient sur une leçon cruciale tirée de ces travaux antérieurs sur la turbulence, suggérant que les mathématiciens disposent désormais d'un cadre général pour identifier des points de transition nets dans toute une série de contextes mathématiques. 

Maintenir la longueur

Les mathématiciens considèrent aujourd'hui que les formes, comme la sphère, ont leurs propres propriétés géométriques intrinsèques : Une sphère est une sphère quel que soit l'endroit où vous la trouvez.

Mais vous pouvez prendre une forme abstraite et l'intégrer dans un espace géométrique plus grand. Lorsque vous l'intégrez, vous pouvez vouloir préserver toutes ses propriétés. Vous pouvez également exiger que seules certaines propriétés restent constantes, par exemple, que les longueurs des courbes sur sa surface restent identiques. De telles intégrations sont dites "isométriques".

Les incorporations isométriques conservent les longueurs mais peuvent néanmoins modifier une forme de manière significative. Commencez, par exemple, par une feuille de papier millimétré avec sa grille de lignes perpendiculaires. Pliez-la autant de fois que vous le souhaitez. Ce processus peut être considéré comme un encastrement isométrique. La forme obtenue ne ressemblera en rien au plan lisse de départ, mais la longueur des lignes de la grille n'aura pas changé.

(En illustration est montré  un gros plan de la forme sinueuse et ondulante d'un encastrement de Nash., avec ce commentaire - Les encastrements tordus de Nash conservent un degré surprenant de régularité, même s'ils permettent de modifier radicalement une surface.)

Pendant longtemps, les mathématiciens ont pensé que les plis nets étaient le seul moyen d'avoir les deux caractéristiques à la fois : une forme froissée avec des longueurs préservées.

"Si vous permettez aux plis de se produire, alors le problème est beaucoup plus facile", a déclaré Tristan Buckmaster de l'université de Princeton.

Mais en 1954, John Nash a identifié un type remarquablement différent d'incorporation isométrique qui réussit le même tour de force. Il utilisait des torsions hélicoïdales plutôt que des plis et des angles vifs.

Pour avoir une idée de l'idée de Nash, recommencez avec la surface lisse d'une sphère. Cette surface est composée de nombreuses courbes. Prenez chacune d'entre elles et tordez-la pour former une hélice en forme de ressort. Après avoir reformulé toutes les courbes de la sorte, il est possible de comprimer la sphère. Cependant, un tel processus semble violer les règles d'un encastrement isométrique - après tout, un chemin sinueux entre deux points est toujours plus long qu'un chemin droit.

Mais, de façon remarquable, Nash a montré qu'il existe un moyen rigoureux de maintenir les longueurs même lorsque l'on refabrique des courbes à partir de torsades. Tout d'abord, rétrécissez la sphère de manière uniforme, comme un ballon qui se dégonfle. Ensuite, ajoutez des spirales de plus en plus serrées à chaque courbe. En ajoutant un nombre infini de ces torsions, vous pouvez finalement redonner à chaque courbe sa longueur initiale, même si la sphère originale a été froissée.

Les travaux de Nash ont nécessité une exploration plus approfondie. Techniquement, ses résultats impliquent que l'on ne peut froisser une sphère que si elle existe en quatre dimensions spatiales. Mais en 1955, Nicolaas Kuiper a étendu les travaux de Nash pour qu'ils s'appliquent à la sphère standard à trois dimensions. À partir de là, les mathématiciens ont voulu comprendre le point exact auquel, en tordant suffisamment les courbes d'une sphère, on pouvait la faire s'effondrer.

Fluidité de la forme

Les formes pliées et tordues diffèrent les unes des autres sur un point essentiel. Pour comprendre comment, vous devez savoir ce que les mathématiciens veulent dire lorsqu'ils affirment que quelque chose est "lisse".

Un exemple classique de régularité est la forme ascendante et descendante d'une onde sinusoïdale, l'une des courbes les plus courantes en mathématiques. Une façon mathématique d'exprimer cette régularité est de dire que vous pouvez calculer la "dérivée" de l'onde en chaque point. La dérivée mesure la pente de la courbe en un point, c'est-à-dire le degré d'inclinaison ou de déclin de la courbe.

En fait, vous pouvez faire plus que calculer la dérivée d'une onde sinusoïdale. Vous pouvez également calculer la dérivée de la dérivée ou, la dérivée "seconde", qui saisit le taux de changement de la pente. Cette quantité permet de déterminer la courbure de la courbe - si la courbe est convexe ou concave près d'un certain point, et à quel degré.

Et il n'y a aucune raison de s'arrêter là. Vous pouvez également calculer la dérivée de la dérivée de la dérivée (la "troisième" dérivée), et ainsi de suite. Cette tour infinie de dérivées est ce qui rend une onde sinusoïdale parfaitement lisse dans un sens mathématique exact. Mais lorsque vous pliez une onde sinusoïdale, la tour de dérivées s'effondre. Le long d'un pli, la pente de la courbe n'est pas bien définie, ce qui signifie qu'il est impossible de calculer ne serait-ce qu'une dérivée première.

Avant Nash, les mathématiciens pensaient que la perte de la dérivée première était une conséquence nécessaire du froissement de la sphère tout en conservant les longueurs. En d'autres termes, ils pensaient que le froissement et la régularité étaient incompatibles. Mais Nash a démontré le contraire.

En utilisant sa méthode, il est possible de froisser la sphère sans jamais plier aucune courbe. Tout ce dont Nash avait besoin, c'était de torsions lisses. Cependant, l'infinité de petites torsions requises par son encastrement rend la notion de courbure en dérivée seconde insensée, tout comme le pliage détruit la notion de pente en dérivée première. Il n'est jamais clair, où que ce soit sur une des surfaces de Nash, si une courbe est concave ou convexe. Chaque torsion ajoutée rend la forme de plus en plus ondulée et rainurée, et une surface infiniment rainurée devient rugueuse.

"Si vous étiez un skieur sur la surface, alors partout, vous sentiriez des bosses", a déclaré Vincent Borrelli de l'Université de Lyon, qui a travaillé en 2012 avec des collaborateurs pour créer les premières visualisations précises des encastrements de Nash.

Les nouveaux travaux expliquent la mesure exacte dans laquelle une surface peut maintenir des dérivés même si sa structure cède.

Trouver la limite

Les mathématiciens ont une notation précise pour décrire le nombre de dérivées qui peuvent être calculées sur une courbe.

Un encastrement qui plie une forme est appelé C0. Le C représente la continuité et l'exposant zéro signifie que les courbes de la surface encastrée n'ont aucune dérivée, pas même une première. Il existe également des encastrements avec des exposants fractionnaires, comme C0,1/2, qui plissent encore les courbes, mais moins fortement. Puis il y a les incorporations C1 de Nash, qui écrasent les courbes uniquement en appliquant des torsions lisses, conservant ainsi une dérivée première.

(Un graphique à trois panneaux illustre les différents degrés de lissage des lettres O, U et B. DU simple au complexe)

Avant les travaux de Nash, les mathématiciens s'étaient principalement intéressés aux incorporations isométriques d'un certain degré d'uniformité standard, C2 et plus. Ces encastrements C2 pouvaient tordre ou courber des courbes, mais seulement en douceur. En 1916, l'influent mathématicien Hermann Weyl a émis l'hypothèse que l'on ne pouvait pas modifier la forme de la sphère à l'aide de ces courbes douces sans détruire les distances. Dans les années 1940, les mathématiciens ont résolu le problème de Weyl, en prouvant que les encastrements isométriques en C2 ne pouvaient pas froisser la sphère.

Dans les années 1960, Yurii Borisov a découvert qu'un encastrement C1,1/13 pouvait encore froisser la sphère, alors qu'un encastrement C1,2/3 ne le pouvait pas. Ainsi, quelque part entre les enrobages C1 de Nash et les enrobages C2 légèrement courbés, le froissement devient possible. Mais pendant des décennies après les travaux de Borisov, les mathématiciens n'ont pas réussi à trouver une limite exacte, si tant est qu'elle existe.

"Une nouvelle vision fondamentale [était] nécessaire", a déclaré M. Inauen.

Si les mathématiciens n'ont pas pu progresser, ils ont néanmoins trouvé d'autres applications aux idées de Nash. Dans les années 1970, Mikhael Gromov les a reformulées en un outil général appelé "intégration convexe", qui permet aux mathématiciens de construire des solutions à de nombreux problèmes en utilisant des sous-structures sinueuses. Dans un exemple, qui s'est avéré pertinent pour les nouveaux travaux, l'intégration convexe a permis de considérer un fluide en mouvement comme étant composé de nombreux sous-flux tordus.

Des décennies plus tard, en 2016, Gromov a passé en revue les progrès progressifs réalisés sur les encastrements de la sphère et a conjecturé qu'un seuil existait en fait, à C1,1/2. Le problème était qu'à ce seuil, les méthodes existantes s'effondraient.

"Nous étions bloqués", a déclaré Inauen.

Pour progresser, les mathématiciens avaient besoin d'un nouveau moyen de faire la distinction entre des incorporations de douceur différente. De Lellis et Inauen l'ont trouvé en s'inspirant de travaux sur un phénomène totalement différent : la turbulence.

Une énergie qui disparaît

Tous les matériaux qui entrent en contact ont un frottement, et nous pensons que ce frottement est responsable du ralentissement des choses. Mais depuis des années, les physiciens ont observé une propriété remarquable des écoulements turbulents : Ils ralentissent même en l'absence de friction interne, ou viscosité.

En 1949, Lars Onsager a proposé une explication. Il a supposé que la dissipation sans frottement était liée à la rugosité extrême (ou au manque de douceur) d'un écoulement turbulent : Lorsqu'un écoulement devient suffisamment rugueux, il commence à s'épuiser.

En 2018, Philip Isett a prouvé la conjecture d'Onsager, avec la contribution de Buckmaster, De Lellis, László Székelyhidi et Vlad Vicol dans un travail séparé. Ils ont utilisé l'intégration convexe pour construire des écoulements tourbillonnants aussi rugueux que C0, jusqu'à C0,1/3 (donc sensiblement plus rugueux que C1). Ces flux violent une règle formelle appelée conservation de l'énergie cinétique et se ralentissent d'eux-mêmes, du seul fait de leur rugosité.

"L'énergie est envoyée à des échelles infiniment petites, à des échelles de longueur nulle en un temps fini, puis disparaît", a déclaré Buckmaster.

Des travaux antérieurs datant de 1994 avaient établi que les écoulements sans frottement plus lisses que C0,1/3 (avec un exposant plus grand) conservaient effectivement de l'énergie. Ensemble, les deux résultats ont permis de définir un seuil précis entre les écoulements turbulents qui dissipent l'énergie et les écoulements non turbulents qui conservent l'énergie.

Les travaux d'Onsager ont également fourni une sorte de preuve de principe que des seuils nets pouvaient être révélés par l'intégration convexe. La clé semble être de trouver la bonne règle qui tient d'un côté du seuil et échoue de l'autre. De Lellis et Inauen l'ont remarqué.

"Nous avons pensé qu'il existait peut-être une loi supplémentaire, comme la [loi de l'énergie cinétique]", a déclaré Inauen. "Les enchâssements isométriques au-dessus d'un certain seuil la satisfont, et en dessous de ce seuil, ils pourraient la violer".

Après cela, il ne leur restait plus qu'à aller chercher la loi.

Maintenir l'accélération

La règle qu'ils ont fini par étudier a trait à la valeur de l'accélération des courbes sur une surface. Pour la comprendre, imaginez d'abord une personne patinant le long d'une forme sphérique avant qu'elle ne soit encastrée. Elle ressent une accélération (ou une décélération) lorsqu'elle prend des virages et monte ou descend des pentes. Leur trajectoire forme une courbe.

Imaginez maintenant que le patineur court le long de la même forme après avoir été incorporé. Pour des encastrements isométriques suffisamment lisses, qui ne froissent pas la sphère ou ne la déforment pas de quelque manière que ce soit, le patineur devrait ressentir les mêmes forces le long de la courbe encastrée. Après avoir reconnu ce fait, De Lellis et Inauen ont ensuite dû le prouver : les enchâssements plus lisses que C1,1/2 conservent l'accélération.

En 2018, ils ont appliqué cette perspective à une forme particulière appelée la calotte polaire, qui est le sommet coupé de la sphère. Ils ont étudié les enchâssements de la calotte qui maintiennent la base de la calotte fixe en place. Puisque la base de la calotte est fixe, une courbe qui se déplace autour d'elle ne peut changer d'accélération que si la forme de la calotte au-dessus d'elle est modifiée, par exemple en étant déformée vers l'intérieur ou l'extérieur. Ils ont prouvé que les encastrements plus lisses que C1,1/2 - même les encastrements de Nash - ne modifient pas l'accélération et ne déforment donc pas le plafond. 

"Cela donne une très belle image géométrique", a déclaré Inauen.

En revanche, ils ont utilisé l'intégration convexe pour construire des enrobages de la calotte plus rugueux que C1,1/2. Ces encastrements de Nash tordent tellement les courbes qu'ils perdent la notion d'accélération, qui est une quantité dérivée seconde. Mais l'accélération de la courbe autour de la base reste sensible, puisqu'elle est fixée en place. Ils ont montré que les encastrements en dessous du seuil pouvaient modifier l'accélération de cette courbe, ce qui implique qu'ils déforment également le plafond (car si le plafond ne se déforme pas, l'accélération reste constante ; et si l'accélération n'est pas constante, cela signifie que le plafond a dû se déformer).

Deux ans plus tard, Inauen et Cao ont prolongé l'article précédent et prouvé que la valeur de C1,1/2 prédite par Gromov était en fait un seuil qui s'appliquait à toute forme, ou "collecteur", avec une limite fixe. Au-dessus de ce seuil, les formes ne se déforment pas, au-dessous, elles se déforment. "Nous avons généralisé le résultat", a déclaré Cao.

L'une des principales limites de l'article de Cao et Inauen est qu'il nécessite l'intégration d'une forme dans un espace à huit dimensions, au lieu de l'espace à trois dimensions que Gromov avait en tête. Avec des dimensions supplémentaires, les mathématiciens ont gagné plus de place pour ajouter des torsions, ce qui a rendu le problème plus facile.

Bien que les résultats ne répondent pas complètement à la conjecture de Gromov, ils fournissent le meilleur aperçu à ce jour de la relation entre l'aspect lisse et le froissement. "Ils donnent un premier exemple dans lequel nous voyons vraiment cette dichotomie", a déclaré M. De Lellis.

À partir de là, les mathématiciens ont un certain nombre de pistes à suivre. Ils aimeraient notamment résoudre la conjecture en trois dimensions. En même temps, ils aimeraient mieux comprendre les pouvoirs de l'intégration convexe.

Cet automne, l'Institute for Advanced Study accueillera un programme annuel sur le sujet. Il réunira des chercheurs issus d'un large éventail de domaines dans le but de mieux comprendre les idées inventées par Nash. Comme l'a souligné Gromov dans son article de 2016, les formes sinueuses de Nash ne faisaient pas simplement partie de la géométrie. Comme cela est désormais clair, elles ont ouvert la voie à un tout nouveau "pays" des mathématiques, où des seuils aigus apparaissent en de nombreux endroits.

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/mathematicians-identify-threshold-at-which-shapes-give-way-20210603/Mordechai Rorvig, rédacteur collaborateur, , 3 juin 2021

[ ratatinement ] [ limite de conservation ] [ apparences ] [ topologie ] [ recherche ] [ densification ]

 

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physique fondamentale

La "problèmatique de la mesure" en théorie quantique pourrait être une pilule empoisonnée pour la réalité objective

La résolution d'un problème quantique notoire pourrait nécessiter l'abandon de certaines des hypothèses les plus chères à la science concernant le monde physique.

Imaginez qu'un physicien observe un système quantique dont le comportement s'apparente à celui d'une pièce de monnaie : qui peut tomber sur pile ou face. Il effectue le jeu de pile ou face quantique et obtient pile. Pourrait-il être certain que son résultat est un fait objectif, absolu et indiscutable sur le monde ? Si la pièce était simplement du type de celles que nous voyons dans notre expérience quotidienne, le résultat du lancer serait le même pour tout le monde : pile ou face ! Mais comme pour la plupart des choses en physique quantique, le résultat d'un jeu de pile ou face quantique serait un "ça dépend" beaucoup plus compliqué. Il existe des scénarios théoriquement plausibles dans lesquels un autre observateur pourrait trouver que le résultat de la pièce de notre physicien est pile ou face.

Au cœur de cette bizarrerie se trouve ce que l'on appelle le problème de la mesure. La mécanique quantique standard rend compte de ce qui se passe lorsque l'on mesure un système quantique : en substance, la mesure provoque l'"effondrement" aléatoire des multiples états possibles du système en un seul état défini. Mais cette comptabilité ne définit pas ce qui constitue une mesure, d'où le problème de la mesure.

Les tentatives visant à éviter le problème de la mesure, par exemple en envisageant une réalité dans laquelle les états quantiques ne s'effondrent pas du tout, ont conduit les physiciens sur un terrain étrange où les résultats des mesures peuvent être subjectifs. "L'un des principaux aspects du problème de la mesure est l'idée que les événements observés ne sont pas absolus", explique Nicholas Ormrod, de l'université d'Oxford. En bref, c'est la raison pour laquelle notre pile ou face quantique imaginaire pourrait être pile d'un point de vue et face d'un autre.

Mais ce scénario apparemment problématique est-il physiquement plausible ou s'agit-il simplement d'un artefact de notre compréhension incomplète du monde quantique ? Pour répondre à ces questions, il faut mieux comprendre les théories dans lesquelles le problème de la mesure peut se poser. C'est exactement ce qu'Ormrod, Vilasini Venkatesh de l'École polytechnique fédérale de Zurich et Jonathan Barrett d'Oxford ont réussi à faire. Dans une prépublication récente, le trio a prouvé un théorème qui montre pourquoi certaines théories, comme la mécanique quantique, ont un problème de mesure en premier lieu et comment on pourrait développer des théories alternatives pour l'éviter, préservant ainsi l'"absoluité" de tout événement observé. De telles théories banniraient, par exemple, la possibilité qu'une pièce de monnaie soit tirée à pile ou face par un observateur et qu'elle soit tirée à pile ou face par un autre.

Mais leurs travaux montrent également que la préservation d'un tel caractère absolu a un coût que de nombreux physiciens jugeraient prohibitif. "C'est la démonstration qu'il n'existe pas de solution indolore à ce problème", explique M. Ormrod. "Si nous parvenons un jour à retrouver l'absoluité, nous devrons alors renoncer à certains principes physiques qui nous tiennent vraiment à cœur".

 L'article d'Ormrod, Venkatesh et Barrett "aborde la question de savoir quelles catégories de théories sont incompatibles avec l'absoluité des événements observés et si l'absoluité peut être maintenue dans certaines théories, en même temps que d'autres propriétés souhaitables", explique Eric Cavalcanti, de l'université Griffith, en Australie. (M. Cavalcanti, le physicien Howard Wiseman et leurs collègues ont défini le terme "absoluité des événements observés" dans des travaux antérieurs qui ont jeté les bases de l'étude d'Ormrod, Venkatesh et Barrett).

S'en tenir à l'absoluité des événements observés pourrait signifier que le monde quantique est encore plus étrange que ce que nous savons.

LE CŒUR DU PROBLÈME

Pour comprendre ce qu'Ormrod, Venkatesh et Barrett ont réalisé, il faut suivre un cours accéléré sur les arcanes des fondations quantiques. Commençons par considérer notre système quantique hypothétique qui, lorsqu'il est observé, peut donner soit pile, soit face.

Dans les manuels de théorie quantique, avant l'effondrement, on dit que le système se trouve dans une superposition de deux états, et cet état quantique est décrit par une construction mathématique appelée fonction d'onde, qui évolue dans le temps et l'espace. Cette évolution est à la fois déterministe et réversible : étant donné une fonction d'onde initiale, on peut prédire ce qu'elle sera à un moment donné, et on peut en principe remonter l'évolution pour retrouver l'état antérieur. La mesure de la fonction d'onde entraîne cependant son effondrement, mathématiquement parlant, de sorte que le système de notre exemple apparaît comme étant soit pile, soit face.

Ce processus d'effondrement est la source obscure du problème de la mesure : il s'agit d'une affaire irréversible et unique, et personne ne sait même ce qui définit le processus ou les limites de la mesure. Qu'est-ce qu'une "mesure" ou, d'ailleurs, un "observateur" ? Ces deux éléments ont-ils des contraintes physiques, telles que des tailles minimales ou maximales ? Doivent-ils également être soumis à divers effets quantiques difficiles à saisir, ou peuvent-ils être considérés comme immunisés contre de telles complications ? Aucune de ces questions n'a de réponse facile et acceptée, mais les théoriciens ne manquent pas de solutions.

Étant donné le système de l'exemple, un modèle qui préserve l'absoluité de l'événement observé - c'est-à-dire que c'est soit pile, soit face pour tous les observateurs - est la théorie de Ghirardi-Rimini-Weber (GRW). Selon cette théorie, les systèmes quantiques peuvent exister dans une superposition d'états jusqu'à ce qu'ils atteignent une taille encore indéterminée, à partir de laquelle la superposition s'effondre spontanément et aléatoirement, indépendamment de l'observateur. Quel que soit le résultat - pile ou face dans notre exemple - il sera valable pour tous les observateurs.

Mais la théorie GRW, qui appartient à une catégorie plus large de théories de "l'effondrement spontané", semble aller à l'encontre d'un principe physique chéri depuis longtemps : la préservation de l'information. Tout comme un livre brûlé pourrait, en principe, être lu en réassemblant ses pages à partir de ses cendres (en ignorant l'émission initiale de rayonnement thermique du livre brûlé, pour des raisons de simplicité), la préservation de l'information implique que l'évolution d'un système quantique dans le temps permette de connaître ses états antérieurs. En postulant un effondrement aléatoire, la théorie GRW détruit la possibilité de savoir ce qui a conduit à l'état d'effondrement, ce qui, selon la plupart des témoignages, signifie que l'information sur le système avant sa transformation est irrémédiablement perdue. "La théorie GRW serait un modèle qui renonce à la préservation de l'information, préservant ainsi l'absoluité des événements", explique M. Venkatesh.

Un contre-exemple qui autorise la non-absoluité des événements observés est l'interprétation de la mécanique quantique selon le principe des "mondes multiples". Selon cette interprétation, la fonction d'onde de notre exemple se ramifiera en de multiples réalités contemporaines, de sorte que dans un "monde", le système sortira pile, tandis que dans un autre, il sortira face. Dans cette conception, il n'y a pas d'effondrement. "La question de savoir ce qui se passe n'est donc pas absolue ; elle est relative à un monde", explique M. Ormrod. Bien entendu, en essayant d'éviter le problème de mesure induit par l'effondrement, l'interprétation des mondes multiples introduit la ramification abrutissante des fonctions d'onde et la prolifération galopante des mondes à chaque bifurcation de la route quantique - un scénario désagréable pour beaucoup.

Néanmoins, l'interprétation des mondes multiples est un exemple de ce que l'on appelle les théories perspectivistes, dans lesquelles le résultat d'une mesure dépend du point de vue de l'observateur.

ASPECTS CRUCIAUX DE LA RÉALITÉ

Pour prouver leur théorème sans s'embourber dans une théorie ou une interprétation particulière, mécanique quantique ou autre, Ormrod, Venkatesh et Barrett se sont concentrés sur les théories perspectivistes qui obéissent à trois propriétés importantes. Une fois encore, il nous faut un peu de courage pour saisir l'importance de ces propriétés et pour apprécier le résultat plutôt profond de la preuve des chercheurs.

La première propriété est appelée nonlocalité de Bell (B). Elle fut identifiée pour la première fois en 1964 par le physicien John Bell dans un théorème éponyme et s'est avérée être un fait empirique incontesté de notre réalité physique. Supposons qu'Alice et Bob aient chacun accès à l'une des deux particules décrites par un état unique. Alice et Bob effectuent des mesures individuelles de leurs particules respectives et le font pour un certain nombre de paires de particules préparées de manière similaire. Alice choisit son type de mesure librement et indépendamment de Bob, et vice versa. Le fait qu'Alice et Bob choisissent leurs paramètres de mesure de leur plein gré est une hypothèse importante. Ensuite, lorsqu'ils compareront leurs résultats, le duo constatera que les résultats de leurs mesures sont corrélés d'une manière qui implique que les états des deux particules sont inséparables : connaître l'état de l'une permet de connaître l'état de l'autre. Les théories capables d'expliquer de telles corrélations sont dites non locales de Bell.

La deuxième propriété est la préservation de l'information (I). Les systèmes quantiques qui présentent une évolution déterministe et réversible satisfont à cette condition. Mais la condition est plus générale. Imaginez que vous portiez aujourd'hui un pull-over vert. Dans une théorie préservant l'information, il devrait toujours être possible, en principe, de retrouver la couleur de votre pull dans dix ans, même si personne ne vous a vu le porter. Mais "si le monde ne préserve pas l'information, il se peut que dans 10 ans, il n'y ait tout simplement aucun moyen de savoir de quelle couleur était le pull que je portais", explique M. Ormrod.

La troisième est une propriété appelée dynamique locale (L). Considérons deux événements dans deux régions de l'espace-temps. S'il existe un cadre de référence dans lequel les deux événements semblent simultanés, on dit que les régions de l'espace sont "séparées comme dans l'espace". La dynamique locale implique que la transformation d'un système dans l'une de ces régions ne peut affecter causalement la transformation d'un système dans l'autre région à une vitesse supérieure à celle de la lumière, et vice versa, une transformation étant toute opération qui prend un ensemble d'états d'entrée et produit un ensemble d'états de sortie. Chaque sous-système subit sa propre transformation, de même que le système dans son ensemble. Si la dynamique est locale, la transformation du système complet peut être décomposée en transformations de ses parties individuelles : la dynamique est dite séparable. "La [contrainte] de la dynamique locale permet de s'assurer que l'on ne simule pas Bell [la non-localité]", explique M. Venkatesh.

Dans la théorie quantique, les transformations peuvent être décomposées en leurs éléments constitutifs. "La théorie quantique est donc dynamiquement séparable", explique M. Ormrod. En revanche, lorsque deux particules partagent un état non local de Bell (c'est-à-dire lorsque deux particules sont intriquées, selon la théorie quantique), on dit que l'état est inséparable des états individuels des deux particules. Si les transformations se comportaient de la même manière, c'est-à-dire si la transformation globale ne pouvait pas être décrite en termes de transformations de sous-systèmes individuels, alors le système entier serait dynamiquement inséparable.

Tous les éléments sont réunis pour comprendre le résultat du trio. Le travail d'Ormrod, Venkatesh et Barrett se résume à une analyse sophistiquée de la manière dont les théories "BIL" (celles qui satisfont aux trois propriétés susmentionnées) traitent une expérience de pensée faussement simple. Imaginons qu'Alice et Bob, chacun dans son propre laboratoire, effectuent une mesure sur l'une des deux particules. Alice et Bob effectuent chacun une mesure, et tous deux effectuent exactement la même mesure. Par exemple, ils peuvent tous deux mesurer le spin de leur particule dans le sens haut-bas.

Charlie et Daniela observent Alice et Bob et leurs laboratoires de l'extérieur. En principe, Charlie et Daniela devraient pouvoir mesurer le spin des mêmes particules, par exemple dans le sens gauche-droite. Dans une théorie préservant l'information, cela devrait être possible.

Prenons l'exemple spécifique de ce qui pourrait se produire dans la théorie quantique standard. Charlie, par exemple, considère Alice, son laboratoire et la mesure qu'elle effectue comme un système soumis à une évolution déterministe et réversible. En supposant qu'il contrôle totalement le système dans son ensemble, Charlie peut inverser le processus de manière à ce que la particule revienne à son état d'origine (comme un livre brûlé qui serait reconstitué à partir de ses cendres). Daniela fait de même avec Bob et son laboratoire. Charlie et Daniela effectuent maintenant chacun une mesure différente sur leurs particules respectives dans le sens gauche-droite.

En utilisant ce scénario, l'équipe a prouvé que les prédictions de toute théorie de la BIL pour les résultats des mesures des quatre observateurs contredisent le caractère absolu des événements observés. En d'autres termes, "toutes les théories de la BIL ont un problème de mesure", explique M. Ormrod.

CHOISISSEZ VOTRE POISON

Les physiciens se trouvent donc dans une impasse désagréable : soit ils acceptent le caractère non absolu des événements observés, soit ils renoncent à l'une des hypothèses de la théorie de la BIL.

Venkatesh pense qu'il y a quelque chose de convaincant dans le fait de renoncer à l'absoluité des événements observés. Après tout, dit-elle, la physique a réussi à passer d'un cadre newtonien rigide à une description einsteinienne de la réalité, plus nuancée et plus fluide. "Nous avons dû ajuster certaines notions de ce que nous pensions être absolu. Pour Newton, l'espace et le temps étaient absolus", explique M. Venkatesh. Mais dans la conception de l'univers d'Albert Einstein, l'espace et le temps ne font qu'un, et cet espace-temps unique n'est pas quelque chose d'absolu mais peut se déformer d'une manière qui ne correspond pas au mode de pensée newtonien.

D'autre part, une théorie perspectiviste qui dépend des observateurs crée ses propres problèmes. En particulier, comment peut-on faire de la science dans les limites d'une théorie où deux observateurs ne peuvent pas se mettre d'accord sur les résultats des mesures ? "Il n'est pas évident que la science puisse fonctionner comme elle est censée le faire si nous ne parvenons pas à des prédictions pour des événements observés que nous considérons comme absolus", explique M. Ormrod.

Donc, si l'on insiste sur le caractère absolu des événements observés, il faut faire un compromis. Ce ne sera pas la non-localité de Bell ou la préservation de l'information : la première repose sur des bases empiriques solides, et la seconde est considérée comme un aspect important de toute théorie de la réalité. L'accent est mis sur la dynamique locale, en particulier sur la séparabilité dynamique.

La séparabilité dynamique est "une sorte d'hypothèse du réductionnisme", explique M. Ormrod. "On peut expliquer les grandes choses en termes de petits morceaux.

Le fait de préserver le caractère absolu des événements observés pourrait signifier que ce réductionnisme ne tient pas : tout comme un état non local de Bell ne peut être réduit à certains états constitutifs, il se peut que la dynamique d'un système soit également holistique, ce qui ajoute un autre type de nonlocalité à l'univers. Il est important de noter que le fait d'y renoncer ne met pas une théorie en porte-à-faux avec les théories de la relativité d'Einstein, tout comme les physiciens ont soutenu que la non-localité de Bell ne nécessite pas d'influences causales superluminales ou non locales, mais simplement des états non séparables.

"Peut-être que la leçon de Bell est que les états des particules distantes sont inextricablement liés, et que la leçon des nouveaux théorèmes est que leur dynamique l'est aussi", ont écrit Ormrod, Venkatesh et Barrett dans leur article.

"J'aime beaucoup l'idée de rejeter la séparabilité dynamique, car si cela fonctionne, alors ... nous aurons le beurre et l'argent du beurre", déclare Ormrod. "Nous pouvons continuer à croire ce que nous considérons comme les choses les plus fondamentales du monde : le fait que la théorie de la relativité est vraie, que l'information est préservée, et ce genre de choses. Mais nous pouvons aussi croire à l'absoluité des événements observés".

Jeffrey Bub, philosophe de la physique et professeur émérite à l'université du Maryland, College Park, est prêt à avaler quelques pilules amères si cela signifie vivre dans un univers objectif. "Je voudrais m'accrocher à l'absoluité des événements observés", déclare-t-il. "Il me semble absurde d'y renoncer simplement à cause du problème de la mesure en mécanique quantique. À cette fin, Bub pense qu'un univers dans lequel les dynamiques ne sont pas séparables n'est pas une si mauvaise idée. "Je pense que je serais provisoirement d'accord avec les auteurs pour dire que la non-séparabilité [dynamique] est l'option la moins désagréable", déclare-t-il.

Le problème est que personne ne sait encore comment construire une théorie qui rejette la séparabilité dynamique - à supposer qu'elle soit possible à construire - tout en conservant les autres propriétés telles que la préservation de l'information et la non-localité de Bell.

UNE NON LOCALITÉ PLUS PROFONDE

Howard Wiseman, de l'université Griffith, qui est considéré comme une figure fondatrice de ces réflexions théoriques, apprécie l'effort d'Ormrod, Venkatesh et Barrett pour prouver un théorème qui s'applique à la mécanique quantique sans lui être spécifique. "C'est bien qu'ils poussent dans cette direction", déclare-t-il. "Nous pouvons dire des choses plus générales sans faire référence à la mécanique quantique.

 Il souligne que l'expérience de pensée utilisée dans l'analyse ne demande pas à Alice, Bob, Charlie et Daniela de faire des choix - ils font toujours les mêmes mesures. Par conséquent, les hypothèses utilisées pour prouver le théorème n'incluent pas explicitement une hypothèse sur la liberté de choix, car personne n'exerce un tel choix. Normalement, moins il y a d'hypothèses, plus la preuve est solide, mais ce n'est peut-être pas le cas ici, explique Wiseman. En effet, la première hypothèse, selon laquelle la théorie doit tenir compte de la non-localité de Bell, exige que les agents soient dotés d'un libre arbitre. Tout test empirique de la non-localité de Bell implique qu'Alice et Bob choisissent de leur plein gré les types de mesures qu'ils effectuent. Par conséquent, si une théorie est nonlocale au sens de Bell, elle reconnaît implicitement le libre arbitre des expérimentateurs. "Ce que je soupçonne, c'est qu'ils introduisent subrepticement une hypothèse de libre arbitre", déclare Wiseman.

Cela ne veut pas dire que la preuve est plus faible. Au contraire, elle aurait été plus forte si elle n'avait pas exigé une hypothèse de libre arbitre. En l'occurrence, le libre arbitre reste une exigence. Dans ces conditions, la portée la plus profonde de ce théorème pourrait être que l'univers est non local d'une manière entièrement nouvelle. Si tel est le cas, cette nonlocalité serait égale ou supérieure à la nonlocalité de Bell, dont la compréhension a ouvert la voie aux communications quantiques et à la cryptographie quantique. Personne ne sait ce qu'un nouveau type de nonlocalité - suggéré par la non-séparabilité dynamique - signifierait pour notre compréhension de l'univers.

En fin de compte, seules les expériences permettront de trouver la bonne théorie, et les physiciens quantiques ne peuvent que se préparer à toute éventualité. "Indépendamment de l'opinion personnelle de chacun sur la meilleure [théorie], toutes doivent être explorées", déclare M. Venkatesh. "En fin de compte, nous devrons examiner les expériences que nous pouvons réaliser. Cela pourrait être dans un sens ou dans l'autre, et il est bon de s'y préparer."

Auteur: Internet

Info: https://www.scientificamerican.com, Par Anil Ananthaswamy le 22 mai 2023

[ enchevêtrement quantique ] [ régions de l'espace-temps ] [ monde subatomique ]

 

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discussion entre quêteurs métaphysiques

Eric Durieux : - Je prends le clavier ce soir pour rédiger un post un peu dérangeant. S'il n'est pas publié par les modérateurs je comprendrai. J'ai cependant besoin de  vous faire part de ma frustration. J’ai presque honte de ce que je vais écrire mais je crois qu’il est possible que ça soit utile.

Voici le problème : depuis ces quelques mois passés dans ce groupe, je me retrouve dans une situation où je suis d’avantage sceptique quant à l’existence et la réalité des shc qu’avant d’entrer dans le groupe. Je trouve la plupart des témoignages très oniriques et irrationnels, reflétant souvent la même incohérence que dans les rêves. Ils suscitent en moi une multitude de questionnements qui me fait de plus en plus douter de ces voyages (je veux dire du caractère simplement non onirique de ceux-ci). Quelques exemples :

1) La corde d’argent. Pourquoi doit elle être épaisse près du corps biologique et ultra fine à une certaine distance, alors qu’elle semble pouvoir s’étirer à l’infini. Ne peut elle pas être d’office fine dès le départ ? Puisque infinie… Ou épaisse tout le temps ? Et pourquoi ne diminue-t-elle pas proportionnellement à la distance de façon régulière si c’est la distance qui l’étire et la fait changer de taille ?

2) Autre point, les constructions et les bâtiments dans les autres mondes, qui semblent parfois défier les lois de la physique. Ok, mais si les lois de la physique sont différentes, pourquoi faire des bâtiments qui ont tout de même l’air de reposer sur une partie de ces lois ? Et pourquoi s’abriter dans des bâtiments si les habitants de ces mondes sont immatériels donc n’ont pas besoin de la protection matérielle des bâtiments.

3) Le côté candide et naïf de certaines situations qui ressemblent presque à des dessins animés. Des rencontres d’archétypes, d’êtres étrangement limités à des rôles prédéfinis comme dans les livres d’enfants.

4) Les projections, qui ont bon dos et permettent d’expliquer un peu n’importe quoi et n’importe quelles incohérences.

5) L’infinité des mondes (ça c’est  "normal") mais l’impossibilité de retourner facilement dans le même monde ou d’y retrouver un autre voyageur comme dans un rendez-vous fixé au préalable.

6) La manipulation des médiums par des êtres énergétiques. Rien ne dit, du coup, que le même phénomène ne se produit pas à un échelon supérieur et que les voyages ne sont pas une manipulation par une catégorie d'êtres encore supérieurs qui sont capables de nous faire croire à la lucidité et aux shc...

Si au final ces voyages ne sont rien de plus que des rêves, avec l’incohérence des rêves, mais de la lucidité en plus, ce ne sont que des rêves ultra lucides et pas de la sortie de corps. D’autant que les sorties dans le monde proche montrent régulièrement des incohérences par rapport au monde tangible biologique (meubles différents, objets à d’autres places). N’est-il pas possible d’au moins pouvoir voyager dans le même plan tel qu’il est exactement dans le corps afin de vérifier les choses rationnellement ?

Ou alors, est-ce que ce qui caractérise notre monde physique est précisément la rationalité et que celle-ci n’existe pas ailleurs ? Auquel cas on aurait LA raison pour laquelle les mondes physiques existent.

J'ai d'autres questionnements du même type mais je m'arrête là, plus le temps passe plus je suis perdu. Il y a pire qu'être quelqu'un qui ne croit pas aux shc parce qu'il ne veut pas y croire (le sceptique de base zététicien), Il y a celui qui comme moi commence à ne plus y croire parce qu'il a tellement envie d'y croire qu'il remarque tout ce qui nourrit sa peur que ce soit du vent.

Marc Auburn : - C'est quelque chose de très commun, et de très logique. Tant qu'on n'experimente pas soi-même, on ne peut être que sur des opinions, des avis, des croyances, des analyses. On ne peut strictement rien comprendre, et on pose des questions à l'infini.

Quelques soient les réponses qui sont fournies par les Voyageurs, elles ne seront pas comprises par beaucoup, et ils le savent. C'est pourquoi l'essentiel des Voyageurs demeurent silencieux. C'est une question récurrente pour moi: à quoi sert une telle page?

Ceux qui savent, qui sont de véritables Voyageurs peuvent échanger entre eux, et sélectionner UNIQUEMENT dans le groupe ces personnes là fut ma première idée, qui par ailleurs me revient régulièrement en tête.

Il y a aussi ceux qui s'interrogent non stop, qui sont parfois des "EXPERTS" du sujet, mais qui n'ont pas la moindre expérience et qui s'enferment dans des idées réductrices, ils ne peuvent pas concevoir que la structure de leur mental est la CAUSE unique de leur absence d'expérience.

Je vais ici dévoiler quelque chose : j'ai observé et compris qu'il existe une catégorie qui a de très faibles chances de Voyager durant la vie biologique, et qui devraient laisser tomber ce sujet: ceux dont le mental réduit à l'impuissance par une sur-activité "rationnelle" qui est en réalité une profonde méconnaissance souvent doublée de nœuds psychologiques bien serrés issus de traumas complexes.

Cette catégorie là constitue moins de 1%, mais elle devrait s'intéresser à autre chose, au moins tant que leur mental est verrouillé aussi fermement.

Quand leur "mort" viendra, ce qu'ils auront lu, entendu leur servira, mais probablement pas avant.

Du point de vue des Voyageurs, ces profils là sont ceux qui posent le plus de questions, qui analysent et déduisent non stop, et dont les réponses qui leurs sont apportées ne leur servent aucunement, par contre elles vont servir AUX AUTRES PROFILS.

Dans ces groupes sociaux, il y a ceux qui sont là pour se distraire, pour rêver. Les sujets leurs paraissent sympa, mais ils ne mettent rien en œuvre pour expérimenter eux-mêmes.

Et puis il y a les autres, ceux qui vont pouvoir vivre le Voyage, par un procédé ou un autre, au terme d'un mois ou de 5 ans, peu importe.

C'est pour ceux-ci que je garde cette page ouverte aux non Voyageurs.

Sinon ce serait une page de vierges qui parleraient sans cesse de sexualité et d'amour sans jamais pratiquer. Une sorte de réunion de loosers...

Néanmoins, pour TOUS les followers sans exception, je SAIS que ce qui est décrit ici servira immanquablement, au moment de la destruction de leur corps biologique, l'auteur de ce post y compris.

Mais bien amicalement, je lui conseille de s'intéresser à autre chose et d'oublier le Voyage pour le restant de son incarnation.

Aucune des réponses à ses incessantes questions ne lui permettra de vivre lui-même la chose, à un moment il faut laisser tomber, comme moi pour le dessin, le piano, le bricolage et un million d'autres trucs.

Borvo Conscience : - Eric Durieux Ton post n'est pas dérangeant, on voit que tu es une personne réfléchie. Seulement, on pressent bien qu'à travers les questionnements, tu cherches à te convaincre, où tu souhaites être rassuré. À un niveau individuel, il n'y a pas d'enjeu majeur, ce n'est pas grave, let go. Si tu ne crois plus, tant mieux, tu vas pouvoir commencer le vrai taff et expérimenter sans te prendre la tête quand tu as envie et comme tu as envie ou pas du tout.

Je te réponds sur les points, mais ça ne sera pas exhaustif. Marc a raison sur le fait que certains traits favorisent la production de sortie hors du corps comme l'absorption, l'imagination, susceptibilité hypnotique et quelques autres qui vont travailler ensemble et permettre à un sujet de :

- Se relaxer vite et bien,

- Calmer ses pensées vite et bien,

-  Avoir une imagination plus puissante (à considérer comme un organe de la conscience)

Si on n'a pas les traits adéquats, cela sera plus difficile, mais pas impossible.

Concernant le rêve et la sortie hors du corps, des études ont quand même été menés quand les neuroscientifiques/psychiatre/psychologue en avait quelque chose à faire.

On a les expériences avec des sujets voyageurs des Dr Twemlow, Tart ou Krippner. Je donne les noms au cas où tu souhaiterais regarder).

En se fondant sur leurs expériences sur des sujets doués, ils ont pu remarquer que l'activité corticale n'était pas la même entre la sortie hors du corps et le rêve.

SHC :

- Activité corticale diversifiée par rapport aux rêves (theta, Delta Alphaloide pour la SHC et principalement Beta et Theta pour le rêve)

- Peut se dérouler à n'importe quel stade du sommeil, même depuis l'éveil.

- Pas de MOR (mouvement oculaire rapide) pendant la SHC

- Processus secondaire (cohérence dans la sensation de réalité) contrairement au rêve (processus primaire)

- Si stimulus extérieur, la shc s'arrête aussitôt, tandis que durant le rêve et le rêve lucide, il y a une intégration du stimulus dans le scénario du rêve/rêve lucide

On a quand même des indices objectifs que la shc et le rêve/rêve lucide sont deux choses différentes. Bon, ça, c'est si on veut rester à raz la pâquerette, l'expérimentation nous donne des données en plus qu'on n'aurait pas autrement.

Enfin, et cela ne concerne que moi. La nature de l'environnement onirique et l'environnement du voyageur est la même. C'est une substance psychique qui réagit à nos pensées et nos émotions. Elle prend la forme d'instance personnelle lors des rêves et se nourrit de nos expériences. Le rêveur lucide restera sous l'empire de cette instance, le voyageur hors du corps accède lui aux réseaux psychiques dans sa globalité. Un réseau qui dans sa nature est une sorte de conscience globale qu'on peut appeler Cosmos ou Akasha. C'est pour cette raison que le rêve et la sortie hors du corps sont par ailleurs proches et très distinctes simultanément.

Je fais avec la numérotation de tes questions pour essayer t'apporter un point de vue. Toutefois, je n'aurai pas les réponses estampillées 100 % pure vérité. On est bien incapable de le faire, mais on ne peut pas non plus nous le reprocher, tu me diras. Mais j'espère que ça t'aidera :

1) Tu sembles penser que la corde d'argent doit obéir à une logique, on peut l'observer et la toucher. On est donc sûr des observations subjectives, on n'a aucune idée de l'anatomie de ce truc s'il y en a une.

Déjà d'autres expérienceurs ne voit pas de corde d'argent, qui nous dit que ce n'est pas une forme pensée, une croyance matérialisée ? Enfin, quand tu prends du caramel chaud et que tu le travailles en l'étirant, tu observes bien que la pâte épaisse s'affine. Analogiquement, cela correspond et on peut que spéculer.

2) Je n'ai jamais eu d'habitation dans la contrepartie éthérique qui défiait les lois de la physique classique personnellement. Concernant les extraphysiques qui ont besoin de bâtiments, je dirai simplement qu'il serait assez naïf de penser que la réalité que nous expérimentons avec ce corps physique soit le seul à être tangible.

3) Idem, si ça sort des expériences du groupe, je ne pourrai pas y répondre. Personnellement, les êtres que j'ai pu rencontrer sont loin d'être limités xD

4) Les projections sont une dynamique importante, pas une explication qu'on invente. C'est un vécu. Comme je le répète souvent, la sortie hors du corps permet d'accéder à un espace psychique qui relit tout le vivant dans un genre d'arrière monde, un espace PSYCHIQUE. Les projections sont juste la conséquence de l'activité d'un organe imaginatif de la conscience qui tend à s'exprimer (peur et désir).

Avec l'expérience, on projette moins. Seulement ce sujet mérite beaucoup de développement pour en expliquer tous les détails, mais de façon concise, oui la projection a un bon dos bien musclé.

5) Les rendez-vous ne sont pas impossibles. Mais, écoutes, il faut des amis déjà ;-).

On ne contrôle pas tous la translocalisation. Généralement, tu vas poser une intention pour un lieu et cela sera l'intention sous-jacente ou inconsciente qui aura la priorité. Il faut rendre visite aux amis à vol d'oiseau si je puis me permettre.

6) Bah non, on peut atteindre des pointes de lucidité qu'on peut à peine concevoir et qui ferait passer ton expérience de la réalité pour une blague onirique. Combien de guides ou de pseudos gars haut dans la hiérarchie céleste, j'ai laissé derrière moi ? Ce que tu nous dis là est plutôt à mettre en rapport avec la personnalité de base du voyageur.

Autant le médium à pas forcément le choix, il capte l'info et c'est tout. Autant un voyageur peut prendre par le col un extraphysique. Cela dépendra vraiment de qui tu es à la base, une personne qui va facilement s'intégrer dans des systèmes (maitre/apprentis dominé/dominant). Ainsi, sans vouloir généraliser, parce qu'on est tous différents, on va vers plus d'indépendance, même si on n'est jamais à l'abri.

Enfin, si on est quand même manipulé comme tu le dis, et alors ?

Dans ce scénario-là, on s'en rendrait pas compte, on fait quoi alors ? On arrête de voyager et de se poser des questions ? On se convertit aux gnosticismes en espérant un jour cassé la gueule au démiurge ?

Pour conclure, si les témoignages t'ont mis dans une détresse intellectuelle par rapport à la SHC, c'est positif. Si tu étais venu gober tout et n'importe quoi, cela aurait été déprimant. Ce qu'il faut retenir c'est qu'un témoignage n'est qu'un témoignage. Le mien n'a pas plus de valeur parce que je serai un voyageur. On vit des choses, on est assez intelligent pour voir qu'il y a une ù^$*ù^ dans le potager et que c'est plus qu'un rêve lucide (principe de comparaison).

Mais, ce sont uniquement des témoignages pouvant servir de base à une réflexion sur la conscience, la réalité et notre rapport à la vie et rien d'autre. Par ailleurs, il est indéniable que certains vont prendre un rêve particulièrement lucide pour une sortie hors du corps sur le groupe, mais ce n'est pas grave.

Je pense que tu serais intéressé par la lecture de Thomas Campbell, c'est un physicien et un voyageur hors du corps. Le fait qu'il soit physicien est une plus-value intéressante également Ervin Laszlo, un philosophe des sciences qui a développé une réflexion sur le champ Akashique comme toile de fond d'un web cosmique. Une toile accessible via diverses expériences comme le rêve, rêve lucide, sortie hors du corps et autres.

J'avais une tasse de café et un peu de temps pour répondre, en espérant que cela ait été utile.

Callirhoé Déicoon : - Merci Eric pour ce post. Je pense que chaque niveau de réalité est un leurre à dépasser car la compréhension progresse et s’affine. Et qu’il faut admettre que quand on est à un niveau A, le niveau B est en dehors de notre compréhension.

“j’ai eu l'illusion de regarder un coucher du soleil, ce qui m'a laissé à penser que l'horizon pourrait être le bout. Mais tout cela n'est qu'illusion, parce que, si l'on progresse dans les niveaux, de nouveaux niveaux apparaissent.”

La zone d’après-vie contiendrait des environnements terrestres créés pour un certain but, du moins c’est comme ça que c’est décrit dans les bouquins de Monroe. Ce n’est en aucun cas la “réalité ultime”. Juste un leurre de plus, fait pour accueillir les décédés. Donc, c’est conforme à leurs habitudes. “to ease their mind”…

Les yogi le disent aussi, qu’il y a une zone très attractive mais que le but n’est pas d’y rester. Qu’il faut aller de l’avant.

Le problème c’est que c’est une zone immense donc on a l’impression qu’il n’y a que ça au-delà de notre plan, or ce n’est pas vrai, des gens ont ramené des témoignages d’une zone d’énergie pure qui se “situe” après une seconde mort mais, c’est si “loin” et difficile d’en ramener des informations qu’il n’y a presque rien à ce sujet.

Je ne parle pas ici d’autres mondes/dimensions que Marc semble parcourir et qu’il est impossible de situer sur la cartographie Monroe. Le problème est bien là d’ailleurs, les voyageurs n’ont pas vraiment les moyens de savoir où ils sont exactement. Je comprends bien le principe des bulles de réalité locales décrit par Marc mais, ça ne m’aide pas à concevoir la big picture. Cependant je pense que c'est très difficile de donner rdv dans un monde X ou Y à quelqu'un qui lui même n'y a pas été d'abord tout seul ! Or il semble qu'on aille à tel ou tel endroit pour des raisons qui nous échappent et qui sont peut-être liées à notre itinéraire personnel... Donc on comprend la difficulté du truc. Des sorties collectives ont été effectuées par des TMI graduates mais, dans des zones connues par eux au préalable et "proches" du plan physique.

En tout cas. Pour ceux qui arrivent à voyager sans charge epsilon… c’est génial et probablement la meilleure expérience de ce qu’on peut avoir en étant incarné. Mais eux aussi ils auront leur propre progression à faire une fois morts. De ce qu’on peut avoir comme réponses d’entités d’autres dimensions, ça semble infini. Moi je m’interroge sur la subjectivité de tout ça. Je ne remets pas en question la réalité de ça mais justement, je me demande si l’univers n’est pas en fait perceptible uniquement de façon subjective. Même si les consciences désincarnées communiquent peut-être sur leurs perceptions individuelles, je me demande si la compréhension progressive de la réalité n’est pas en fait quelque chose de subjectif et intime dans son essence. Et si les différents consensus n’ont une solidité qui n’est en fait que le fruit d’une subjectivité qui s’accorde entre les consciences à tel instant et tel endroit. Et qui dépend aussi du niveau de “densification” (cf consensus relatifs sur la zone d’après-vie, par exemple sur la Library et son emplacement, mais vue avec différentes architectures par les gens : donc on pourrait dire, consensus archétypal avec variantes subjectives sur l’apparence)

Par contre je ne remets pas en question l'existence des projections puisque pour moi c'est tout-à-fait logique notre propre conscience créatrice (et mal entraînée, surtout au début des OBE) mette un peu le dawa mais il y a des techniques pour différencier les projections d'une rencontre avec une autre entité aussi réelle que soi.

Pour ce qui est du plan physique qui semble présenter des différences d’un point de vue out of body, en effet c’est troublant mais ça peut s’expliquer je pense par des caractéristiques de la conscience qui sont encore mal cernées. Ça n’exclut pas la présence d’éléments vérifiables qui permettent donc de faire des reality checks une fois le retour dans le corps effectué. Plein de gens l’ont fait  ;-).

Il y a aussi la vision de son propre corps éthérique par ses yeux physiques qui peut arriver, comme Thomas Moine l’a dit dans son super com et comme Robert Bruce l’a vécu aussi et le raconte dans Astral Dynamics.

Mais, c’est sûr que si tu es venu sur ce groupe en pensant trouver des preuves par A plus B, et des témoignages tous concordants sur les mêmes zones de l’univers mental, etc etc… Tu es forcément déçu et perdu, mais c’est parce que la conscience et les créations qui en sont issus (les univers) ne fonctionnent pas comme notre cerveau physique appréhende les choses.

Je suis d’accord avec Marie-Jeanne, je ne pense pas qu’essayer de comprendre comment fonctionne tout ça aide à faire des expériences, au contraire. Donc dans l’idéal, il faudrait se concentrer sur la pratique. Mais je te comprends car je suis comme toi, j’ai pas pu m’empêcher d’essayer de comprendre de façon intellectuelle, et donc je me suis plongée dans Robert Monroe, et Robert Bruce, entre autres. Hyper intéressant. Mais, la partie qui m’a aidée à sortir n’a pas été le descriptif de comment c’est foutu là-bas, je suppose même que c’était contre-productif puisque j’ai gambergé à mort là-dessus (j’ai même fait un énorme mapping de l’astral sur un schéma). La partie qui m’a aidée a été l’information et les techniques pratico-pratiques que ces 2 auteurs fournissent également en parallèle. Et je pense que quand on se lance dans ce training, il vaut mieux laisser tomber les circonvolutions théoriques. Car on ne pourra pas tout comprendre anyway, la cogitation sera sans fin. Alors que ce qu’on cherche à activer est l’“autre cerveau”.

Auteur: Internet

Info: Fil FB de Marc Auburn, 21 août 2023

[ métempsychose ] [ décorporation ] [ voyage hors du corps ] [ dubitation ]

 

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évolution subatomique

Une nouvelle idée pour assembler la vie         (Avec l'aimable autorisation de Lee Cronin)

Si nous voulons comprendre des constructions complexes, telles que nous-mêmes, la théorie de l'assemblage affirme que nous devons tenir compte de toute l'histoire de la création de ces entités, du pourquoi et comment elles sont ce qu'elles sont.

La théorie de l'assemblage explique pourquoi, étant donné les possibilités combinatoires apparemment infinies, nous n'observons qu'un certain sous-ensemble d'objets dans notre univers.

La vie sur d'autres mondes - si elle existe - pourrait être si étrangère qu'elle en serait méconnaissable. Il n'est pas certain que la biologie extraterrestre utilise la même chimie que celle de la Terre, avec des éléments constitutifs familiers tels que l'ADN et les protéines. Avec cette approche les scientifiques pourraient même repérer les signatures de ces formes de vie sans savoir qu'elles sont le fruit de la biologie.

Ce problème est loin d'être hypothétique. En avril, la sonde Juice de l'Agence spatiale européenne a décollé de la Guyane française en direction de Jupiter et de ses lunes. L'une de ces lunes, Europe, abrite un océan profond et saumâtre sous sa croûte gelée et figure parmi les endroits les plus prometteurs du système solaire pour la recherche d'une vie extraterrestre. L'année prochaine, le vaisseau spatial Europa Clipper de la NASA sera lancé, lui aussi en direction d'Europe. Les deux engins spatiaux sont équipés d'instruments embarqués qui rechercheront les empreintes de molécules organiques complexes, signe possible de vie sous la glace. En 2027, la NASA prévoit de lancer un hélicoptère ressemblant à un drone, appelé Dragonfly, pour survoler la surface de Titan, une lune de Saturne, un monde brumeux, riche en carbone, avec des lacs d'hydrocarbures liquides qui pourraient être propices à la vie, mais pas telle que nous la connaissons.

Ces missions et d'autres encore se heurteront au même obstacle que celui auquel se heurtent les scientifiques depuis qu'ils ont tenté pour la première fois de rechercher des signes de biologie martienne avec les atterrisseurs Viking dans les années 1970 : Il n'y a pas de signature définitive de la vie.

C'est peut-être sur le point de changer. En 2021, une équipe dirigée par Lee Cronin, de l'université de Glasgow, en Écosse, et Sara Walker, de l'université d'État de l'Arizona, a proposé une méthode très générale pour identifier les molécules produites par les systèmes vivants, même ceux qui utilisent des chimies inconnues. Leur méthode suppose simplement que les formes de vie extraterrestres produisent des molécules dont la complexité chimique est similaire à celle de la vie sur Terre.

Appelée théorie de l'assemblage, l'idée qui sous-tend la stratégie des deux chercheurs a des objectifs encore plus ambitieux. Comme l'indique une récente série de publications, elle tente d'expliquer pourquoi des choses apparemment improbables, telles que vous et moi, existent. Et elle cherche cette explication non pas, à la manière habituelle de la physique, dans des lois physiques intemporelles, mais dans un processus qui imprègne les objets d'histoires et de souvenirs de ce qui les a précédés. Elle cherche même à répondre à une question qui laisse les scientifiques et les philosophes perplexes depuis des millénaires : qu'est-ce que la vie, de toute façon ?

Il n'est pas surprenant qu'un projet aussi ambitieux ait suscité le scepticisme. Ses partisans n'ont pas encore précisé comment il pourrait être testé en laboratoire. Et certains scientifiques se demandent si la théorie de l'assemblage peut même tenir ses promesses les plus modestes, à savoir distinguer la vie de la non-vie et envisager la complexité d'une nouvelle manière.

La théorie de l'assemblage a évolué, en partie, pour répondre au soupçon de Lee Cronin selon lequel "les molécules complexes ne peuvent pas simplement émerger, parce que l'espace combinatoire est trop vaste".

Mais d'autres estiment que la théorie de l'assemblage n'en est qu'à ses débuts et qu'il existe une réelle possibilité qu'elle apporte une nouvelle perspective à la question de la naissance et de l'évolution de la complexité. "Il est amusant de s'engager dans cette voie", a déclaré le théoricien de l'évolution David Krakauer, président de l'Institut Santa Fe. Selon lui, la théorie de l'assemblage permet de découvrir l'histoire contingente des objets, une question ignorée par la plupart des théories de la complexité, qui ont tendance à se concentrer sur la façon dont les choses sont, mais pas sur la façon dont elles sont devenues telles. Paul Davies, physicien à l'université de l'Arizona, est d'accord avec cette idée, qu'il qualifie de "nouvelle, susceptible de transformer notre façon de penser la complexité".

Sur l'ordre des choses

La théorie de l'assemblage est née lorsque M. Cronin s'est demandé pourquoi, compte tenu du nombre astronomique de façons de combiner différents atomes, la nature fabrique certaines molécules et pas d'autres. C'est une chose de dire qu'un objet est possible selon les lois de la physique, c'en est une autre de dire qu'il existe une voie réelle pour le fabriquer à partir de ses composants. "La théorie de l'assemblage a été élaborée pour traduire mon intuition selon laquelle les molécules complexes ne peuvent pas simplement émerger parce que l'espace combinatoire est trop vaste", a déclaré M. Cronin.

Walker, quant à lui, s'est penché sur la question de l'origine de la vie - une question étroitement liée à la fabrication de molécules complexes, car celles des organismes vivants sont bien trop complexes pour avoir été assemblées par hasard. Walker s'est dit que quelque chose avait dû guider ce processus avant même que la sélection darwinienne ne prenne le dessus.

Cronin et Walker ont uni leurs forces après avoir participé à un atelier d'astrobiologie de la NASA en 2012. "Sara et moi discutions de la théorie de l'information, de la vie et des voies minimales pour construire des machines autoreproductibles", se souvient M. Cronin. "Et il m'est apparu très clairement que nous convergions tous les deux sur le fait qu'il manquait une 'force motrice' avant la biologie."

Aujourd'hui, la théorie de l'assemblage fournit une explication cohérente et mathématiquement précise de l'apparente contingence historique de la fabrication des objets - pourquoi, par exemple, ne peut-on pas développer de fusées avant d'avoir d'abord la vie multicellulaire, puis l'homme, puis la civilisation et la science. Il existe un ordre particulier dans lequel les objets peuvent apparaître.

"Nous vivons dans un univers structuré de manière récursive*", a déclaré M. Walker. "La plupart des structures doivent être construites à partir de la mémoire du passé. L'information se construit au fil du temps.

Cela peut sembler intuitivement évident, mais il est plus difficile de répondre à certaines questions sur l'ordre des choses. Les dinosaures ont-ils dû précéder les oiseaux ? Mozart devait-il précéder John Coltrane ? Peut-on dire quelles molécules ont nécessairement précédé l'ADN et les protéines ?

Quantifier la complexité

La théorie de l'assemblage repose sur l'hypothèse apparemment incontestable que les objets complexes résultent de la combinaison de nombreux objets plus simples. Selon cette théorie, il est possible de mesurer objectivement la complexité d'un objet en examinant la manière dont il a été fabriqué. Pour ce faire, on calcule le nombre minimum d'étapes nécessaires pour fabriquer l'objet à partir de ses ingrédients, que l'on quantifie en tant qu'indice d'assemblage (IA).

En outre, pour qu'un objet complexe soit intéressant d'un point de vue scientifique, il faut qu'il y en ait beaucoup. Des objets très complexes peuvent résulter de processus d'assemblage aléatoires - par exemple, on peut fabriquer des molécules de type protéine en reliant n'importe quels acides aminés en chaînes. En général, cependant, ces molécules aléatoires ne feront rien d'intéressant, comme se comporter comme une enzyme. En outre, les chances d'obtenir deux molécules identiques de cette manière sont extrêmement faibles.

En revanche, les enzymes fonctionnelles sont fabriquées de manière fiable à maintes reprises en biologie, car elles sont assemblées non pas au hasard, mais à partir d'instructions génétiques transmises de génération en génération. Ainsi, si le fait de trouver une seule molécule très complexe ne vous dit rien sur la manière dont elle a été fabriquée, il est improbable de trouver plusieurs molécules complexes identiques, à moins qu'un processus orchestré - peut-être la vie - ne soit à l'œuvre.

Cronin et Walker ont calculé que si une molécule est suffisamment abondante pour être détectable, son indice d'assemblage peut indiquer si elle a été produite par un processus organisé et réaliste. L'intérêt de cette approche est qu'elle ne suppose rien sur la chimie détaillée de la molécule elle-même, ni sur celle de l'entité vivante qui l'a produite. Elle est chimiquement agnostique. C'est ce qui la rend particulièrement précieuse lorsque nous recherchons des formes de vie qui pourraient ne pas être conformes à la biochimie terrestre, a déclaré Jonathan Lunine, planétologue à l'université Cornell et chercheur principal d'une mission proposée pour rechercher la vie sur la lune glacée de Saturne, Encelade.

"Il est bien qu'au moins une technique relativement agnostique soit embarquée à bord des missions de détection de la vie", a déclaré Jonathan Lunine.

Il ajoute qu'il est possible d'effectuer les mesures requises par la théorie de l'assemblage avec des techniques déjà utilisées pour étudier la chimie des surfaces planétaires. "La mise en œuvre de mesures permettant l'utilisation de la théorie de l'assemblage pour l'interprétation des données est éminemment réalisable", a-t-il déclaré.

La mesure du travail d'une vie

Ce qu'il faut, c'est une méthode expérimentale rapide et facile pour déterminer l'IA (indice d'assemblage) de certaines molécules. À l'aide d'une base de données de structures chimiques, Cronin, Walker et leurs collègues ont conçu un moyen de calculer le nombre minimum d'étapes nécessaires à la fabrication de différentes structures moléculaires. Leurs résultats ont montré que, pour les molécules relativement petites, l'indice d'assemblage est à peu près proportionnel au poids moléculaire. Mais pour les molécules plus grandes (tout ce qui est plus grand que les petits peptides, par exemple), cette relation est rompue.

Dans ces cas, les chercheurs ont découvert qu'ils pouvaient estimer l'IA à l'aide de la spectrométrie de masse, une technique déjà utilisée par le rover Curiosity de la NASA pour identifier les composés chimiques à la surface de Mars, et par la sonde Cassini de la NASA pour étudier les molécules qui jaillissent d'Encelade.

La spectrométrie de masse décompose généralement les grosses molécules en fragments. Cronin, Walker et leurs collègues ont constaté qu'au cours de ce processus, les grosses molécules à IA élevé se fracturent en mélanges de fragments plus complexes que celles à IA faible (comme les polymères simples et répétitifs). Les chercheurs ont ainsi pu déterminer de manière fiable l'IA (indice d'assemblage) en fonction de la complexité du spectre de masse de la molécule.

Lorsque les chercheurs ont ensuite testé la technique, ils ont constaté que les mélanges complexes de molécules produites par des systèmes vivants - une culture de bactéries E. coli, des produits naturels comme le taxol (un métabolite de l'if du Pacifique aux propriétés anticancéreuses), de la bière et des cellules de levure - présentaient généralement des IA moyens nettement plus élevés que les minéraux ou les simples substances organiques.

L'analyse est susceptible de donner lieu à des faux négatifs : certains produits issus de systèmes vivants, tels que le scotch Ardbeg single malt, ont des IA qui suggèrent une origine non vivante. Mais ce qui est peut-être plus important encore, c'est que l'expérience n'a produit aucun faux positif : Les systèmes abiotiques ne peuvent pas obtenir des IA suffisamment élevés pour imiter la biologie. Les chercheurs ont donc conclu que si un échantillon doté d'un IA moléculaire élevé est mesuré sur un autre monde, il est probable qu'il ait été fabriqué par une entité que l'on pourrait qualifier de vivante.

(Photo-schéma : Une échelle de la vie)

Les chercheurs ont établi/estimé l'indice d'assemblage (IA) de substance variées par des mesures répétés de leurs structures moléculaires, Seules celles assemblées biologiquement ont un AI au-dessus d'un certain palier. 

Non biologique        (vert)

Indice               bas        moyen       haut

charbon             10...    12

quarz                    11... 12

granit                 10  ..   12..   15

Biologique               (jaune)

levure                10                         24

urine                9                          ...   27

eau de mer      9                                 ....28

e-Coli                                    15                        31

bière                 10                                 ..            34

(Merrill Sherman/Quanta Magazine ; source : https://doi.org/10.1038/s41467-021-23258-x)

La spectrométrie de masse ne fonctionnerait que dans le cadre de recherches astrobiologiques ayant accès à des échantillons physiques, c'est-à-dire des missions d'atterrissage ou des orbiteurs comme Europa Clipper, qui peuvent ramasser et analyser des molécules éjectées de la surface d'un monde. Mais Cronin et ses collègues viennent de montrer qu'ils peuvent mesurer l'IA moléculaire en utilisant deux autres techniques qui donnent des résultats cohérents. L'une d'entre elles, la spectroscopie infrarouge, pourrait être utilisée par des instruments tels que ceux du télescope spatial James Webb, qui étudient à distance la composition chimique de mondes lointains.

Cela ne veut pas dire que ces méthodes de détection moléculaire offrent un instrument de mesure précis permettant de passer de la pierre au reptile. Hector Zenil, informaticien et biotechnologue à l'université de Cambridge, a souligné que la substance présentant l'IA le plus élevé de tous les échantillons testés par le groupe de Glasgow - une substance qui, selon cette mesure, pourrait être considérée comme la plus "biologique" - n'était pas une bactérie.

C'était de la bière.

Se débarrasser des chaînes du déterminisme

La théorie de l'assemblage prédit que des objets comme nous ne peuvent pas naître isolément - que certains objets complexes ne peuvent émerger qu'en conjonction avec d'autres. C'est intuitivement logique : l'univers n'a jamais pu produire un seul être humain. Pour qu'il y ait des êtres humains, il faut qu'il y en ait beaucoup.

La physique traditionnelle n'a qu'une utilité limitée lorsqu'il s'agit de prendre en compte des entités spécifiques et réelles telles que les êtres humains en général (et vous et moi en particulier). Elle fournit les lois de la nature et suppose que des résultats spécifiques sont le fruit de conditions initiales spécifiques. Selon ce point de vue, nous devrions avoir été codés d'une manière ou d'une autre dans les premiers instants de l'univers. Mais il faut certainement des conditions initiales extrêmement bien réglées pour que l'Homo sapiens (et a fortiori vous) soit inévitable.

La théorie de l'assemblage, selon ses défenseurs, échappe à ce type d'image surdéterminée. Ici, les conditions initiales n'ont pas beaucoup d'importance. Les informations nécessaires à la fabrication d'objets spécifiques tels que nous n'étaient pas présentes au départ, mais se sont accumulées au cours du processus d'évolution cosmique, ce qui nous dispense de faire porter toute la responsabilité à un Big Bang incroyablement bien réglé. L'information "est dans le chemin", a déclaré M. Walker, "pas dans les conditions initiales".

Cronin et Walker ne sont pas les seuls scientifiques à tenter d'expliquer que les clés de la réalité observée pourraient bien ne pas résider dans des lois universelles, mais dans la manière dont certains objets sont assemblés et se transforment en d'autres. La physicienne théorique Chiara Marletto, de l'université d'Oxford, développe une idée similaire avec le physicien David Deutsch. Leur approche, qu'ils appellent la théorie des constructeurs et que Marletto considère comme "proche dans l'esprit" de la théorie de l'assemblage, examine quels types de transformations sont possibles et lesquels ne le sont pas.

"La théorie des constructeurs parle de l'univers des tâches capables d'effectuer certaines transformations", explique M. Cronin. "On peut considérer qu'elle limite ce qui peut se produire dans le cadre des lois de la physique. La théorie de l'assemblage, ajoute-t-il, ajoute le temps et l'histoire à cette équation.

Pour expliquer pourquoi certains objets sont fabriqués et d'autres non, la théorie de l'assemblage identifie une hiérarchie imbriquée de quatre "univers" distincts.

1 Dans l'univers de l'assemblage, toutes les permutations des éléments de base sont autorisées. 2 Dans l'univers de l'assemblage possible, les lois de la physique limitent ces combinaisons, de sorte que seuls certains objets sont réalisables. 3 L'univers de l'assemblage contingenté élague alors le vaste éventail d'objets physiquement autorisés en sélectionnant ceux qui peuvent effectivement être assemblés selon des chemins possibles. 4 Le quatrième univers est l'assemblage observé, qui comprend uniquement les processus d'assemblage qui ont généré les objets spécifiques que nous voyons actuellement.

(Photo - schéma montrant l'univers de l'assemblage dès son origine via un entonnoir inversé présentant ces 4 étapes, qui élargissent en descendant)

1 Univers assembleur

Espace non contraint contenant toutes les permutations possibles des blocs de base de l'univers

2 Assemblage possibles

Seuls les objets physiquement possibles existent, limités par les lois de la physique.

3 Assemblages contingents

Objets qui peuvent effectivement être assemblés en utilisant des chemins possibles

4 Assemblage dans le réel

Ce que nous pouvons observer

(Merrill Sherman/Quanta Magazine ; source : https://doi.org/10.48550/arXiv.2206.02279)

La théorie de l'assemblage explore la structure de tous ces univers, en utilisant des idées tirées de l'étude mathématique des graphes, ou réseaux de nœuds interconnectés. Il s'agit d'une "théorie de l'objet d'abord", a déclaré M. Walker, selon laquelle "les choses [dans la théorie] sont les objets qui sont effectivement fabriqués, et non leurs composants".

Pour comprendre comment les processus d'assemblage fonctionnent dans ces univers notionnels, prenons le problème de l'évolution darwinienne. Conventionnellement, l'évolution est quelque chose qui "s'est produit" une fois que des molécules répliquées sont apparues par hasard - un point de vue qui risque d'être une tautologie (affirmation/certitude), parce qu'il semble dire que l'évolution a commencé une fois que des molécules évolutives ont existé. Les partisans de la théorie de l'assemblage et de la théorie du constructeur recherchent au contraire "une compréhension quantitative de l'évolution ancrée dans la physique", a déclaré M. Marletto.

Selon la théorie de l'assemblage, pour que l'évolution darwinienne puisse avoir lieu, il faut que quelque chose sélectionne de multiples copies d'objets à forte intelligence artificielle dans l'assemblage possible. Selon M. Cronin, la chimie à elle seule pourrait en être capable, en réduisant des molécules relativement complexes à un petit sous-ensemble. Les réactions chimiques ordinaires "sélectionnent" déjà certains produits parmi toutes les permutations possibles parce que leur vitesse de réaction est plus rapide.

Les conditions spécifiques de l'environnement prébiotique, telles que la température ou les surfaces minérales catalytiques, pourraient donc avoir commencé à vidanger/filtrer le pool des précurseurs moléculaires de la vie parmi ceux de l'assemblage possible. Selon la théorie de l'assemblage, ces préférences prébiotiques seront "mémorisées" dans les molécules biologiques actuelles : Elles encodent leur propre histoire. Une fois que la sélection darwinienne a pris le dessus, elle a favorisé les objets les plus aptes à se répliquer. Ce faisant, ce codage de l'histoire s'est encore renforcé. C'est précisément la raison pour laquelle les scientifiques peuvent utiliser les structures moléculaires des protéines et de l'ADN pour faire des déductions sur les relations évolutives des organismes.

Ainsi, la théorie de l'assemblage "fournit un cadre permettant d'unifier les descriptions de la sélection en physique et en biologie", écrivent Cronin, Walker et leurs collègues. Plus un objet est "assemblé", plus il faut de sélections successives pour qu'il parvienne à l'existence.

"Nous essayons d'élaborer une théorie qui explique comment la vie naît de la chimie", a déclaré M. Cronin, "et de le faire d'une manière rigoureuse et vérifiable sur le plan empirique".

Une mesure pour tous les gouverner ?

Krakauer estime que la théorie de l'assemblage et la théorie du constructeur offrent toutes deux de nouvelles façons stimulantes de réfléchir à la manière dont les objets complexes prennent naissance. "Ces théories sont davantage des télescopes que des laboratoires de chimie", a-t-il déclaré. "Elles nous permettent de voir les choses, pas de les fabriquer. Ce n'est pas du tout une mauvaise chose et cela pourrait être très puissant".

Mais il prévient que "comme pour toute la science, la preuve sera dans le pudding".

Zenil, quant à lui, estime que, compte tenu de l'existence d'une liste déjà considérable de mesures de la complexité telles que la complexité de Kolmogorov, la théorie de l'assemblage ne fait que réinventer la roue. Marletto n'est pas d'accord. "Il existe plusieurs mesures de la complexité, chacune capturant une notion différente de cette dernière", a-t-elle déclaré. Mais la plupart de ces mesures ne sont pas liées à des processus réels. Par exemple, la complexité de Kolmogorov suppose une sorte d'appareil capable d'assembler tout ce que les lois de la physique permettent. Il s'agit d'une mesure appropriée à l'assemblage possible, a déclaré Mme Marletto, mais pas nécessairement à l'assemblage observé. En revanche, la théorie de l'assemblage est "une approche prometteuse parce qu'elle se concentre sur des propriétés physiques définies de manière opérationnelle", a-t-elle déclaré, "plutôt que sur des notions abstraites de complexité".

Selon M. Cronin, ce qui manque dans les mesures de complexité précédentes, c'est un sens de l'histoire de l'objet complexe - les mesures ne font pas la distinction entre une enzyme et un polypeptide aléatoire.

Cronin et Walker espèrent que la théorie de l'assemblage permettra à terme de répondre à des questions très vastes en physique, telles que la nature du temps et l'origine de la deuxième loi de la thermodynamique. Mais ces objectifs sont encore lointains. "Le programme de la théorie de l'assemblage n'en est qu'à ses débuts", a déclaré Mme Marletto. Elle espère voir la théorie mise à l'épreuve en laboratoire. Mais cela pourrait aussi se produire dans la nature, dans le cadre de la recherche de processus réalistes se déroulant sur des mondes extraterrestres.

 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/a-new-theory-for-the-assembly-of-life-in-the-universe-20230504?mc_cid=088ea6be73&mc_eid=78bedba296 - Philip Ball , contributing Writer,  4 mai 2023. *Qui peut être répété un nombre indéfini de fois par l'application de la même règle.

[ ergodicité mystère ] [ exobiologie ] [ astrobiologie ] [ exploration spatiale ] [ origine de la vie ] [ xénobiologie ] [ itération nécessaire ] [ ordre caché ] [ univers mécanique ] [ théorie-pratique ] [ macromolécules ] [ progression orthogonale ] [ décentrement anthropique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

intrications

Vers une science de la complexité
La physique quantique n’est pas une théorie de l’univers ; elle n’est qu’un formalisme génial qui permet d’abandonner les vieilles notions simplistes d’objet physique et de force physique, au centre de la physique de Galilée, Newton et Einstein, pour migrer vers les notions plus riches et plus souples de fonctions d’état (que l’on continue d’appeler, à tort, fonctions d’onde) et d’opérateurs. Il n’y a plus d’objet (ni d’onde, ni de particule, ni rien) : il y a un processus qui, à un moment donné, est décrit par une fonction d’état. Cette fonction évolue dans le temps. Faire une mesure (une observation quantifiée) consiste à appliquer à cette fonction d’état un opérateur qui spécifie la mesure que l’on fait, mais qui, en retour, modifie la fonction d’état. Ce formalisme ne dit rien de l’évolution réelle du Réel. Il permet seulement, dans certains cas, de prédire le résultat d’une mesure spécifique sur le Réel.

Le piège relativiste et le piège quantique.
Pour le dire en suivant Niels Bohr, la physique quantique n’est pas une ontologie : elle ne dit rien du Réel, mais explicite seulement certains de nos rapports avec le Réel. Ceci résume d’un mot la célèbre controverse entre ces deux Juifs géniaux que furent Einstein et Bohr. Einstein voulait fonder une ontologie post-newtonienne ("Connaître la pensée de Dieu"), alors que Bohr ne voulait que développer une phénoménologie opératoire et avait renoncé, dans une posture typiquement kantienne, à toute forme d’ontologie ("Ne dites pas à Dieu ce qu’Il doit faire").

Le problème, tel qu’il se présente aujourd’hui, se résume à ceci. L’ontologie relativiste, parce qu’elle n’a pas su quitter le mécanicisme déterministe et analytique des modernes, aboutit à des impasses monstrueuses qui, pour sauver le modèle, appellent des hypothèses de plus en plus invraisemblables et abracadabrantesques. Quant à la phénoménologie quantique, si elle se cantonne à demeurer une pure phénoménologie, elle se réduit à une technique mathématique plus ou moins efficiente dans les cas les plus simples et elle n’est guère satisfaisante pour l’esprit qui, toujours, a soif d’ontologie ; mais, si elle se laisse tenter à se prendre pour une ontologie (ce qui est de plus en plus souvent le cas, surtout en physique des hautes énergies et des "particules" élémentaires), elle aboutit à des absurdités logiques, et des "théories" fumeuses (comme la supersymétrie, les cordes, etc.) tentent en vain de masquer les inconsistances.

Nous sommes au seuil de ce que Thomas Kuhn appela une "mutation paradigmatique" majeure dans le monde de la science fondamentale. Spiritualité et physique sont en train de converger.

Notre époque appelle à refonder radicalement une nouvelle ontologie qui devra prendre garde à éviter, à la fois, le piège relativiste (l’ontologie mécaniciste) et le piège quantique (la phénoménologie subjectiviste). La physique complexe est la seule voie connue actuellement qui puisse tenter de relever ce défi. Mais les institutions physiciennes en place veillent à ne pas laisser saccager leur fonds de commerce. Nous sommes au seuil de ce que Thomas Kuhn appela une "mutation paradigmatique" majeure dans le monde de la science fondamentale. Spiritualité et physique sont en train de converger.

Les sciences modernes.
Toutes les sciences modernes se sont construites à partir du refus de la Renaissance de continuer le paradigme aristotélicien d’un univers organiciste, finaliste, géocentrique, limité, divisé en monde céleste et en monde sublunaire et dirigé par le principe de l’harmonie des sphères. Parmi les premiers, Galilée et Descartes éradiquèrent ce paradigme aristotélicien et le remplacèrent par un paradigme platonicien (donc pythagoricien et atomiste) qui allait devenir le moteur de la pensée entre 1500 et 2000. Ce paradigme moderne repose tout entier sur le mécanicisme. Plongé dans un espace et un temps infinis, l’univers serait un assemblage de briques élémentaires appelées "atomes", interagissant entre eux au moyen de forces élémentaires partout les mêmes (un univers isotrope) et parfaitement quantifiables (un univers mathématique) où tout effet a une cause et où cause et effet sont proportionnés selon des rapports mesurables et permanents, soumis à des lois mathématiques éternelles. Le hasard y joue le rôle central de moteur des évolutions.

Cette vision du monde fut fructueuse et permit de grandes avancées, dont les très nombreuses retombées techniques ont radicalement transformé le monde des hommes et leur ont permis, dans bien des cas, de les libérer des contraintes "naturelles" qui pesaient sur eux. Cependant, les sciences modernes, dès la fin du XIXe siècle, mais surtout depuis 1950, se sont heurtées, partout, au "mur de la complexité".

Le mur de la complexité.
Ce "mur de la complexité" a fait prendre conscience que certains systèmes où le nombre des ingrédients et les densités d’interaction entre eux étaient très grands ne pouvaient plus être compris selon le paradigme mécaniste : ils ne sont pas que des assemblages d’élémentaires, car leur tout est irréductible à la simple somme de leurs parties ; là s’observent des propriétés émergentes qui n’appartiennent à aucun des ingrédients impliqués et qui surgissent sans cause particulière, comme solution globale à un problème global. Aristote ressuscite, et les traditions indiennes et chinoises viennent à sa rescousse…

Ce fut la thermodynamique qui, la première, osa les questions de fond dont la toute première, résolument contradictoire avec les sciences mécanistes, fut celle de l’irréversibilité ; celle de la flèche du temps, celle du Devenir en lieu et place de l’Etre. L’univers réel n’est pas une machine mécanique réversible, soumise à des lois mécaniques prédictibles.

Pour le dire autrement, les sciences classiques font des merveilles pourvu que les systèmes auxquels elles s’intéressent soient d’un niveau de complexité très bas. Alors, l’approximation mécaniste peut être efficace et donne de bons résultats, parfois spectaculaires (il est plus facile d’envoyer une fusée sur Mars que de modéliser la préparation d’un bon cassoulet). Après la thermodynamique, les sciences de la vie et l’étude des sociétés vivantes ont bien dû constater que le "mur de la complexité" était, pour elles aussi, infranchissable si elles restaient à l’intérieur du paradigme mécaniste. Disons-le tout cru : la Vie n’est pas réductible à la Matière, ni la Pensée à la Vie… On commence maintenant à comprendre que même la Matière n’est réductible ni à elle-même, ni à de l’énergie pure. Au fond : rien n’est réductible à rien. Tout ce qui existe n’existe que par soi et pour soi ; c’est l’émergence locale d’un flux cosmique de devenir. Mais tout ce qui existe est aussi partie prenante d’un tout plus grand qui l’englobe… Et tout ce qui existe est, en même temps, le résultat des interactions infinies entre les ingrédients multiples qui le constituent en interagissant entre eux. Rien de ce qui existe n’est un assemblage construit "de l’extérieur", mais bien plutôt quelque chose qui "pousse de l’intérieur".

Cette dernière remarque permet d’alimenter une réflexion de fond. Nous avons pris l’habitude de parler et de penser en termes d’objets : cette table, ce chien, ce nuage, etc. Et il nous semble naturel de faire de ces mots les images de ce qui existe, en leur gardant une atemporalité abstraite et idéalisante qui ne correspond à rien de réel. Cette table, ce chien et ce nuage auront changé – un peu, beaucoup, énormément – dans trois minutes, dans trois jours, dans trois ans, etc. Rien n’est permanent dans le réel, même si nos habitudes de pensée, par l’usage de mots figés et abstraits, alimentent notre illusion que tout reste "fondamentalement" identique à soi. Ce qui est notoirement faux.

Tout cela relève d’un débat métaphysique qui n’a pas vraiment sa place ici. Disons seulement que la philosophie occidentale est obsédée par la notion d’un Etre immuable qui se cacherait "derrière" les accidents et évolutions de tout ce qui existe. Le pensée complexe prend l’exact contre-pied de cette croyance. Il n’y a pas d’Etre ; tout est processus. Ce chien appelé "Médor" est l’image, ici et maintenant, d’un processus canin particulier (un individu chien singulier) qui exprime un processus canin global (une lignée canine remontant à des ancêtres chacals, loups et renards) qui, à son tour, est un mode particulier d’expression du processus Vie sur notre petite Terre. Et cette terre elle-même constitue un processus planétaire, lié au processus solaire, lié au processus d’une galaxie parmi d’autres, appelée "voie lactée". Le processus chien appelé "Médor" est la résultante de milliards de processus cellulaires qui furent tous déclenchés par la rencontre d’un ovule fertile et d’un spermatozoïde.

Les mots s’arrêtent à la surface des choses.
Ce que nos mots appellent un "objet" n’est que la photographie extérieure et instantanée d’un processus qui a commencé, comme tout le reste, avec le big-bang. Il n’y a au fond qu’un seul processus unique : le cosmos pris comme un tout. Ce processus cosmique engendre des processus particuliers, de plus en plus complexes, de plus en plus intriqués les uns aux autres, qui sont autant de processus émergeants. Nous appelons "objet" la surface extérieure apparente d’un processus volumique intérieur qui engendre cette surface. Cette surface objectale n’est que l’emballage apparent de la réalité processuelle sous-jacente.

Les mots s’arrêtent à la surface des choses, à leur apparence, que notre mental débarrasse de tout ce qui change pour n’en garder que les caractéristiques atemporelles qui ne changent pas ou peu. Médor est ce chien qui est un berger noir et feu, couché là au soleil, avec quatre pattes, une queue touffue, une truffe noire, deux yeux pétillants, deux oreilles dressées, etc. "Médor" désigne l’ensemble de ces caractéristiques objectales censées être temporairement permanentes. Mais, en fait, "Médor" désigne l’entrelacs de milliers de milliards de processus cellulaires intriqués et corrélés, fédérés par l’intention commune de survivre le mieux possible, dans un environnement peu maîtrisé mais globalement favorable, appelé domesticité.

La méthode analytique, mise à l’honneur par René Descartes, part d’un principe parfaitement arbitraire – et qui se révèlera faux – que le tout est l’exacte somme de ses parties. Que pour comprendre un système, il "suffit" de le démonter en ses constituants, puis ceux-ci en les leurs, et ainsi de suite, pour atteindre les élémentaires constitutifs du tout et les comprendre, pour, ensuite, les remonter, étage par étage, afin d’obtenir "logiquement" la compréhension du tout par la compréhension de chacune de ses parties. On trouve là le fondement ultime du mécanicisme qui fait de tout, à l’instar de la machine, un assemblage de parties ayant et gardant une identité propre irréfragable. Le piston et la soupape sont piston et soupape qu’ils soient, ou non, montés ensemble ou démontés séparément.

Tout l’analycisme repose sur cette hypothèse largement fausse que les interactions entre éléments n’altèrent pas la nature de ces éléments. Ils restent intègres et identifiables qu’il y ait, ou non, des interactions avec d’autres "objets". Encore une fois, l’analycisme est une approche qui n’est jouable que pour les systèmes rudimentaires où l’hypothèse mécaniste est approximativement acceptable, c’est-à-dire à des niveaux de complexité ridiculement bas.

Un bon exemple de système complexe "simple" où le principe d’analycité est mis à mal est la mayonnaise. Rien de plus simple, en effet : trois ingrédients et un battage à bonne température. Une fois que la réaction d’émulsion s’est enclenchée et que la mayonnaise a pris, on ne pourra pas la faire "déprendre", même en battant le tout en sens inverse. Il y a là une irréversibilité liée aux relations émulsives qui unissent entre elles, selon des schémas complexes, des milliards de molécules organiques intriquées les unes aux autres par des ponts "hydrogène", des forces de van der Waals, des quasi-cristallisations, etc. Dans l’émulsion "mayonnaise", il n’y a plus de molécules d’huile, de molécules de jaune d’œuf, etc. Il y a un tout inextricablement corrélé et intriqué, un magma biochimique où plus aucune molécule ne garde sa propre identité. Le tout a absorbé les particularités constitutives des parties pour engendrer, par émergence, quelque chose de neuf appelé "mayonnaise" qui est tout sauf un assemblage de molécules distinctes.

Un autre exemple typique est fourni par les modèle "en goutte liquide" des noyaux atomiques. Le noyau d’hélium n’est pas un assemblage de deux protons et de deux neutrons (comme le neutron n’est pas un assemblage d’un proton avec un électron avec quelques bricoles de plus). Un noyau d’hélium est une entité unitaire, unique et unitive que l’on peut engendrer en faisant se télescoper violemment nos quatre nucléons. Ceux-ci, une fois entrés en interaction forte, constituent un objet à part entière où plus aucun neutron ou proton n’existe comme tel. Si l’on percute ce noyau d’hélium avec suffisamment de violence, il peut se faire qu’il vole en éclat et que ces fragments, après un très court temps d’instabilité, reconstituent protons et neutrons. Cela donne l’illusion que ces protons et neutrons seraient restés entiers au sein du noyau. Il n’en est rien.

Un système devient d’autant plus complexe que la puissance des interactions en son sein transforme radicalement la nature et l’identité des ingrédients qui y interviennent. De là, deux conséquences majeures. Primo : un système vraiment complexe est un tout sans parties distinctes discernables, qui se comporte et évolue comme un tout unique, sans composant. Les méthodes analytiques y sont donc inopérantes. Secundo : lorsqu’on tente de "démonter" un système vraiment complexe, comme le préconise Descartes, on le tue purement et simplement, pour la bonne raison qu’en le "démontant", on détruit les interactions qui en constituent l’essentiel.

Le processus d’émergence.
Tout ce qui existe pousse "du dedans" et rien n’est assemblé "du dehors". Tout ce qui existe est le développement, par prolifération interne, d’un germe initial (que ce soit un nuage, un flocon de neige, un cristal, un brin d’herbe, un arbre, une méduse, un chien ou un être humain). Rien dans la Nature n’est assemblé comme le seraient les diverses pièces usinées d’un moteur d’automobile. Seuls les artéfacts humains sont des produits d’assemblage qui appellent deux éléments n’existant pas dans le Nature : des pièces usinées préfabriquées et un ouvrier ou robot monteur. Dans la nature, il n’existe pas de pièces préfabriquées exactement selon le plan de montage. Il n’y a d’ailleurs aucun plan de montage. La Nature procède par émergence, et non pas par assemblage.

Le processus d’émergence se nourrit des matériaux qu’il trouve à son contact. Il n’y a pas de plan préconçu et, souvent, la solution trouvée naturellement est approximative et imprécise ; l’à-peu-près est acceptable dans la Nature. Par exemple, il est bien rare qu’un cristal naturel soit exempt d’anomalies, de disruptions, d’anisotropies, d’inhomogénéité, etc.

Si l’on veut bien récapituler, au contraire des procédés d’assemblage des artefacts humains, les processus d’émergence qui forgent tout ce qui existe dans la Nature ne connaissent ni plan de montage, ni pièces préfabriquées, ni ouvrier monteur, ni outillage externe, ni banc d’essai. Tout s’y fait de proche en proche, par essais et erreurs, avec les matériaux qui sont là. C’est d’ailleurs la présence dense des matériaux utiles qui, le plus souvent, sera le déclencheur d’un processus d’émergence. C’est parce qu’une solution est sursaturée qu’un processus de cristallisation pourra se mettre en marche autour d’un germe – souvent hétérogène, d’ailleurs – ; c’est un petit grain de poussière, présent dans un nuage sursaturé et glacial, qui permettra au flocon de neige de se développer et de produire ses fascinantes et fragiles géométries.

Le cerveau humain est autre chose qu’un ordinateur.
Il en va de même dans le milieu humain, où les relations se tissent au gré des rencontres, selon des affinités parfois mystérieuses ; un groupe organisé peut émerger de ces rencontres assez fortuites. Des organisations pourront se mettre en place. Les relations entre les humains pourront rester lâches et distantes, mais des processus quasi fusionnels pourront aussi s’enclencher autour d’une passion commune, par exemple autour d’un projet motivant ou autour d’une nécessité locale de survie collective, etc. La vie quotidienne regorge de telles émergences humaines. Notamment, l’émergence d’une rumeur, d’un buzz comme on dit aujourd’hui, comme celle d’Orléans qu’a étudiée Edgar en 1969 : il s’agit d’un bel exemple, typique d’un processus d’émergence informationnelle qu’aucune technique analytique ou mécanique ne permet de démanteler.

L’assemblage et l’émergence ne participent pas du tout de la même logique. Essayer de comprendre une logique d’émergence au moyen d’une analogie assembliste, est voué à l’échec. Ainsi, toutes les fausses analogies entre le fonctionnement assembliste ou programmatique d’un ordinateur et le fonctionnement émergentiste de la pensée dans un cerveau humain sont définitivement stériles. De façon symétrique, il est absurde de rêver d’un arbre, produit d’on ne sait quelles vastes mutations génétiques, dont les fruits seraient des automobiles toutes faites, pendant au bout de ses branches.

Parce que l’assemblisme est une démarche additive et programmatique, les mathématiques peuvent y réussir des merveilles de modélisation. En revanche, l’émergentisme n’est pas mathématisable puisqu’il n’est en rien ni additif, ni programmatique ; c’est probablement la raison profonde pour laquelle les sciences classiques ne s’y intéressent pas. Pourtant, tout ce qui existe dans l’univers est le fruit d’une émergence !

L’illusion du principe de causalité.
Toute la physique classique et, derrière elle, une bonne part de la pensée occidentale acceptent l’idée de la détermination mécanique de l’évolution de toute chose selon des lois causales universelles et imprescriptibles. Des quatre causes mises en évidence par Aristote, la science moderne n’a retenu que la cause initiale ou efficiente. Tout ce qui se produit serait le résultat d’une cause qui lui serait antérieure. Ceci semble du bon sens, mais l’est bien moins qu’il n’y paraît.

De plus, la vulgate scientifique moderne insiste : tout ce qui se produit serait le résultat d’une cause identifiable, ce qui permet de représenter l’évolution des choses comme des chaînes linéaires de causes et d’effets. Chaque effet est effet de sa cause et cause de ses effets. Cette concaténation des causes et des effets est une représentation commode, par son mécanisme même, mais fausse.

Tout ce qui arrive ici et maintenant est un résultat possible de tout ce qui est arrivé partout, depuis toujours.

Chaque événement local est le résultat d’une infinité de causes. Par exemple, Paul, par dépit amoureux, lance une pierre dans le carreau de la chambre de Virginie. L’effet est le bris de la vitre ; la cause est la pierre. Problème résolu ? Il suffit de poser toute la séries des "pourquoi" pour se rendre compte qu’il faut encore savoir pourquoi la maison de Virginie est là, pourquoi sa chambre donne sur la rue, pourquoi un caillou traînait sur le trottoir, pourquoi Paul a rencontré Virginie et pourquoi il en est tombé amoureux, et pourquoi il a été débouté par Virginie (dont le cœur bat pour Pierre : pourquoi donc ?), pourquoi Paul le prend mal, pourquoi il est violent, pourquoi il veut se venger, pourquoi il lance le caillou efficacement et pourquoi celui-ci atteint sa cible, etc., à l’infini. Si l’on veut bien prendre la peine de continuer ces "pourquoi", on en arrive très vite à l’idée que la vitre de la fenêtre de Virginie a volé en éclat parce que tout l’univers, depuis le big-bang, a comploté pour qu’il en soit ainsi. Pour le dire autrement : tout ce qui arrive ici et maintenant est un résultat possible de tout ce qui est arrivé partout, depuis toujours. Cette conclusion est l’essence même du processualisme, qui s’oppose dans toutes ses dimensions au déterminisme mécaniste.

Processualisme contre déterminisme.
Tout effet possède une vraie infinité de causes… et donc n’en possède aucune ! Toutes ces "causes" potentielles qui convergent en un lieu donné, à un moment donné, induisent un événement contingent et non pas nécessaire. Une myriade de bonnes raisons auraient pu faire que la vitre de Virginie ne soit pas brisée, ne serait-ce que parce que la fenêtre eût été ouverte ou le volet baissé. De plus, lorsqu’une infinité de causes se présentent, on comprend qu’il y ait rarement un seul et unique scénario qui puisse y répondre (ce cas rare est précisément celui du déterminisme mécaniste, qui n’opère que dans des univers pauvres et rudimentaires, sans mémoire locale). En fait, dans un monde complexe, un tel faisceau causal ouvre un faisceau de possibles parmi lesquels un choix devra se faire.

Chacun n’est que cela : le point de jonction entre le cône convergent de tous ses héritages venant du passé et le cône divergent de tous ses legs allant vers le futur.

Dans un petit ouvrage magnifique intitulé Le sablier, Maurice Maeterlinck proposait une vision pouvant se résumer ainsi. Chacun de nous est le goulot étroit d’un sablier avec, au-dessous, tout le sable accumulé venu de tout l’univers, depuis l’aube des temps, qui converge vers soi, et, au-dessus, l’éventail de toutes les influences qui engendreront, au fil du temps, des êtres, des choses, des idées, des conséquences. Chacun n’est que cela : le point de jonction entre le cône convergent de tous ses héritages venant du passé et le cône divergent de tous ses legs allant vers le futur.

Le paragraphe précédent a posé un problème qui a été esquivé et sur lequel il faut revenir : le cône convergent des causes infinies induit, ici et maintenant, un cône divergent de possibles entre lesquels le processus devra choisir. Cette notion de choix intrinsèque est évidemment incompatible avec quelque vision mécaniste et déterministe que ce soit. Mais, qui plus est, elle pose la question des critères de choix. Quels sont-ils ? Pourquoi ceux-là et non d’autres ? S’il y a des choix à faire et que ces choix visent une optimisation (le meilleur choix), cela signifie qu’il y a une "économie" globale qui préside à la logique d’évolution du processus. Chaque processus possède une telle logique intrinsèque, une telle approche économique globale de soi. A un instant donné, le processus est dans un certain état global qui est son présent et qui inclut tout son passé (donc toute sa mémoire). Cet état intrinsèque est confronté à un milieu qui offre des matériaux, des opportunités, des champs causaux, plus ou moins riches. De cette dialectique entre le présent du processus et son milieu, lui aussi au présent, naîtra un champ de possibles (plus ou moins riche selon la complexité locale). Il existe donc une tension intérieure entre ce que le processus est devenu au présent, et ce qu’il pourrait devenir dans son futur immédiat. Cette tension intérieure doit être dissipée (au sens qu’Ilya Prigogine donna à sa notion de "structure dissipative"). Et cette dissipation doit être optimale (c’est là que surgit l’idée d’économie logique, intrinsèque du processus).

L’intention immanente du monde.
Il faut donc retenir que cette tension intérieure est une in-tension, c’est-à-dire une intention. La pensée complexe implique nécessairement un intentionnalisme qui s’oppose farouchement aussi bien au déterminisme qu’au hasardisme propres à la science moderne. "Ni hasard, ni nécessité" fut d’ailleurs le titre d’un de mes ouvrages, publié par Oxus en 2013 et préfacé par… mon ami Edgar Morin – il n’y a pas de hasard !

Cette idée d’intention est violemment rejetée par les sciences modernes qui, malicieusement, mais erronément, y voient une forme d’intervention divine au sein de la machinerie cosmique. Bien entendu, rien de tel n’est supposé dans la notion d’intention qu’il faut comprendre comme résolument intrinsèque et immanente, sans aucun Deus ex machina. Mais quelle est donc cette "intention" cosmique qui guide tous les choix, à tous les niveaux, du plus global (l’univers pris comme un tout) au plus local (chaque processus particulier, aussi infime et éphémère soit-il) ? La plus simple du monde : accomplir tout ce qui est accomplissable, ici et maintenant. Rien de plus. Rien de moins.

Mon lecteur l’aura compris, la pensée complexe repose sur cinq notions-clés (processualisme, holisme, émergentisme, indéterminisme et intentionnalisme) qui, chacune, se placent à l’exact opposé des fondements de la science moderne : atomisme, analycisme, assemblisme, mécanicisme et hasardisme. Cette opposition incontournable marque une profonde révolution épistémologique et une immense mutation paradigmatique.

Auteur: Halévy Marc

Info: 30 mars 2019

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Comment la vie (et la mort) naissent du désordre

On a longtemps pensé que la vie obéissait à ses propres règles. Mais alors que des systèmes simples montrent des signes de comportement réaliste, les scientifiques se demandent si cette apparente complexité n'est pas simplement une conséquence de la thermodynamique.

Quelle est la différence entre physique et biologie ? Prenez une balle de golf et un boulet de canon et déposez-les au sommet de la Tour de Pise. Les lois de la physique vous permettent de prédire leurs trajectoires avec autant de précision que vous pourriez le souhaiter.

Maintenant, refaites la même expérience, mais remplacez le boulet de canon par un pigeon.

Les systèmes biologiques ne défient pas les lois physiques, bien sûr, mais celles-ci ne semblent pas non plus pouvoir les prédire. En revanche, ils sont orientés vers un objectif : survivre et se reproduire. On peut dire qu’ils ont un but – ou ce que les philosophes appellent traditionnellement une téléologie – qui guide leur comportement.De la même manière, la physique nous permet désormais de prédire, à partir de l’état de l’univers un milliardième de seconde après le Big Bang, ce à quoi il ressemble aujourd’hui. Mais personne n’imagine que l’apparition des premières cellules primitives sur Terre a conduit de manière prévisible à la race humaine. Il semble qu'il n'y ait pas de loi qui dicte le cours de l’évolution.

La téléologie et la contingence historique de la biologie, a déclaré le biologiste évolutionniste Ernst Mayr, la rendent uniques qui parmi les sciences. Ces deux caractéristiques découlent peut-être du seul principe directeur général de la biologie : l’évolution. Qui dépend du hasard et des aléas, mais la sélection naturelle lui donne l’apparence d’une intention et d’un but. Les animaux ne sont pas attirés vers l’eau par une attraction magnétique, mais par leur instinct, leur intention de survivre. Les jambes servent, entre autres, à nous emmener à l'eau.

Mayr affirmait que ces caractéristiques rendent la biologie exceptionnelle – une loi en soi. Mais les développements récents en physique hors équilibre, en science des systèmes complexes et en théorie de l’information remettent en question cette vision.

Une fois que nous considérons les êtres vivants comme des agents effectuant un calcul – collectant et stockant des informations sur un environnement imprévisible – les capacités et les considérations telles que la réplication, l’adaptation, l’action, le but et la signification peuvent être comprises comme découlant non pas d’une improvisation évolutive, mais comme d'inévitables corollaires aux lois physiques. En d’autres termes, il semble y avoir une sorte de physique selon laquelle les choses font des choses et évoluent pour faire des choses. Le sens et l’intention – considérés comme les caractéristiques déterminantes des systèmes vivants –  émergeant naturellement à travers les lois de la thermodynamique et de la mécanique statistique.

En novembre dernier, des physiciens, des mathématiciens et des informaticiens se sont réunis avec des biologistes évolutionnistes et moléculaires pour discuter – et parfois débattre – de ces idées lors d'un atelier à l'Institut de Santa Fe au Nouveau-Mexique, la Mecque de la science des " systèmes complexes ". La question était  : à quel point la biologie est-elle spéciale (ou non) ?

Il n’est guère surprenant qu’il n’y ait pas eu de consensus. Mais un message qui est ressorti très clairement est que, s’il existe une sorte de physique derrière la téléologie et l’action biologiques, elle a quelque chose à voir avec le même concept qui semble s’être installé au cœur de la physique fondamentale elle-même : l’information.

Désordre et démons

La première tentative d’introduire l’information et l’intention dans les lois de la thermodynamique a eu lieu au milieu du XIXe siècle, lorsque la mécanique statistique fut inventée par le scientifique écossais James Clerk Maxwell. Maxwell a montré comment l’introduction de ces deux ingrédients semblait permettre de réaliser des choses que la thermodynamique proclamait impossibles.

Maxwell avait déjà montré comment les relations mathématiques prévisibles et fiables entre les propriétés d’un gaz – pression, volume et température – pouvaient être dérivées des mouvements aléatoires et inconnaissables d’innombrables molécules secouées frénétiquement par l’énergie thermique. En d’autres termes, la thermodynamique – la nouvelle science du flux de chaleur, qui unissait les propriétés de la matière à grande échelle comme la pression et la température – était le résultat de la mécanique statistique à l’échelle microscopique des molécules et des atomes.

Selon la thermodynamique, la capacité à extraire du travail utile des ressources énergétiques de l’univers est en constante diminution. Les poches d’énergie diminuent, les concentrations de chaleur s’amenuisent. Dans tout processus physique, une certaine énergie est inévitablement dissipée sous forme de chaleur inutile, perdue au milieu des mouvements aléatoires des molécules. Ce caractère aléatoire est assimilé à la quantité thermodynamique appelée entropie – une mesure du désordre – qui est toujours croissante. C'est la deuxième loi de la thermodynamique. Finalement, l’univers en entier sera réduit à un fouillis uniforme et ennuyeux : un état d’équilibre, dans lequel l’entropie est maximisée et où rien de significatif ne se reproduira plus jamais.

Sommes-nous vraiment condamnés à ce triste sort ? Maxwell était réticent à y croire et, en 1867, il entreprit, comme il le disait, de " faire un trou " dans la deuxième loi. Son objectif était de commencer avec une boîte emplie de molécules désordonnée qui s'agitaient de manière aléatoire, puis de séparer les molécules rapides des molécules lentes, réduisant ainsi l'entropie.

Imaginez une petite créature – le physicien William Thomson l'appellera plus tard, au grand désarroi de Maxwell, un démon – qui peut voir chaque molécule individuelle dans la boîte. Le démon sépare la boîte en deux compartiments, avec une porte coulissante dans le mur entre eux. Chaque fois qu'il aperçoit une molécule particulièrement énergétique s'approcher de la porte depuis le compartiment de droite, il l'ouvre pour la laisser passer. Et chaque fois qu’une molécule lente et "froide " s’approche par la gauche, il la laisse passer également. Enfin, il dispose d'un compartiment de gaz froid à droite et de gaz chaud à gauche : un réservoir de chaleur sur lequel on peut puiser pour effectuer des travaux, compenser, etc.

Cela n'est possible que pour deux raisons. Premièrement, le démon possède plus d’informations que nous : il peut voir toutes les molécules individuellement, plutôt que de se limiter à des moyennes statistiques. Et deuxièmement, il a une intention : un plan pour séparer le chaud du froid. En exploitant intentionnellement ses connaissances, il peut défier les lois de la thermodynamique.

Du moins, semble-t-il. Il a fallu cent ans pour comprendre pourquoi le démon de Maxwell ne peut en fait vaincre la deuxième loi et éviter le glissement inexorable vers un équilibre mortel et universel. Et la raison montre qu’il existe un lien profond entre la thermodynamique et le traitement de l’information – ou en d’autres termes, le calcul. Le physicien germano-américain Rolf Landauer a montré que même si le démon peut recueillir des informations et déplacer la porte (sans friction) sans coût d'énergie, il reste quand même quelque chose à payer. Parce qu'il ne peut pas y avoir une mémoire illimitée de chaque mouvement moléculaire, il faut occasionnellement effacer sa mémoire – oublier ce qu'il a vu et recommencer – avant de pouvoir continuer à récolter de l'énergie. Cet acte d’effacement d’informations a un prix inévitable : il dissipe de l’énergie, et donc augmente l’entropie. Tous les gains réalisés contre la deuxième loi grâce au travail astucieux du démon sont annulés par cette " limite de Landauer " : le coût fini de l'effacement de l'information (ou plus généralement, de la conversion de l'information d'une forme vers une autre).

Les organismes vivants ressemblent plutôt au démon de Maxwell. Alors qu’un récipient empli de produits chimiques en interactions finira par dépenser son énergie pour tomber dans une stase et un équilibre ennuyeux, les systèmes vivants évitent collectivement l’état d’équilibre du non vivant depuis l’origine de la vie il y a environ trois milliards et demi d’années. Ils récupèrent l’énergie de leur environnement pour maintenir cet état de non-équilibre, et ils le font avec " une intention ". Même les simples bactéries se déplacent avec " intention " vers les sources de chaleur et de nutrition. Dans son livre de 1944, Qu'est-ce que la vie ?, le physicien Erwin Schrödinger l’a exprimé en disant que les organismes vivants se nourrissent d’ " entropie négative ".

Ils y parviennent, explique Schrödinger, en capturant et en stockant des informations. Certaines de ces informations sont codées dans leurs gènes et transmises d’une génération à l’autre : un ensemble d’instructions pour continuer de récolter l’entropie négative. Schrödinger ne savait pas où les informations sont conservées ni comment elles sont codées, mais son intuition selon laquelle elles sont écrites dans ce qu'il nomme un " cristal apériodique* " a inspiré Francis Crick, lui-même physicien de formation, et James Watson lorsqu'en 1953, ils pensèrent comment l'information génétique peut être codée dans la structure moléculaire de la molécule d'ADN.

Un génome est donc, au moins en partie, un enregistrement des connaissances utiles qui ont permis aux ancêtres d'un organisme – jusqu'à un passé lointain – de survivre sur notre planète. Selon David Wolpert, mathématicien et physicien de l'Institut de Santa Fe qui a organisé le récent atelier, et son collègue Artemy Kolchinsky, le point clé est que les organismes bien adaptés sont corrélés à cet environnement. Si une bactérie nage de manière fiable vers la gauche ou la droite lorsqu’il y a une source de nourriture dans cette direction, elle est mieux adaptée et s’épanouira davantage qu’une bactérie qui nage dans des directions aléatoires et ne trouve donc la nourriture que par hasard. Une corrélation entre l’état de l’organisme et celui de son environnement implique qu’ils partagent des informations en commun. Wolpert et Kolchinsky affirment que c'est cette information qui aide l'organisme à rester hors équilibre, car, comme le démon de Maxwell, il peut adapter son comportement pour extraire le travail des fluctuations de son environnement. S’il n’acquérait pas cette information, l’organisme retrouverait progressivement cet équilibre : il mourrait.

Vue sous cet angle, la vie peut être considérée comme un calcul visant à optimiser le stockage et l’utilisation d’informations significatives. Et la vie s’avère extrêmement efficace dans ce domaine. La résolution par Landauer de l'énigme du démon de Maxwell a fixé une limite inférieure absolue à la quantité d'énergie requise par un calcul à mémoire finie : à savoir le coût énergétique de l'oubli. Les meilleurs ordinateurs d’aujourd’hui gaspillent bien plus d’énergie que cela, consommant et dissipant généralement plus d’un million de fois plus. Mais selon Wolpert, " une estimation très prudente de l’efficacité thermodynamique du calcul total effectué par une cellule est qu’elle n’est qu’environ 10 fois supérieure à la limite de Landauer ".

L’implication, dit-il, est que " la sélection naturelle s’est énormément préoccupée de minimiser le coût thermodynamique du calcul. Elle fera tout son possible pour réduire la quantité totale de calculs qu’une cellule doit effectuer. En d’autres termes, la biologie (à l’exception peut-être de nous-mêmes) semble prendre grand soin de ne pas trop réfléchir au problème de la survie. Cette question des coûts et des avantages de l'informatique tout au long de la vie, a-t-il déclaré, a été largement négligée en biologie jusqu'à présent.

Darwinisme inanimé

Ainsi, les organismes vivants peuvent être considérés comme des entités qui s’adaptent à leur environnement en utilisant l’information pour récolter de l’énergie et échapper à l’équilibre. On pensera ce qu'on veut de cette phrase mais on remarquera qu'elle ne dit rien sur les gènes et l’évolution, que Mayr, comme de nombreux biologistes, pensait subordonnés à une intention et des but biologiques.

Jusqu’où cette image peut-elle alors nous mener ? Les gènes perfectionnés par la sélection naturelle sont sans aucun doute au cœur de la biologie. Mais se pourrait-il que l’évolution par sélection naturelle ne soit en elle-même qu’un cas particulier d’un impératif plus général vers une fonction et un but apparent qui existe dans l’univers purement physique ? ça commence à ressembler à cela.

L’adaptation a longtemps été considérée comme la marque de l’évolution darwinienne. Mais Jeremy England, du Massachusetts Institute of Technology, a soutenu que l'adaptation à l'environnement peut se produire même dans des systèmes non vivants complexes.

L’adaptation a ici une signification plus spécifique que l’image darwinienne habituelle d’un organisme bien équipé pour survivre. L’une des difficultés de la vision darwinienne est qu’il n’existe aucun moyen de définir un organisme bien adapté sauf rétrospectivement. Les " plus aptes " sont ceux qui se sont révélés meilleurs en termes de survie et de réplication, mais on ne peut pas prédire ce qu'implique les conditions physiques. Les baleines et le plancton sont bien adaptés à la vie marine, mais d’une manière qui n’a que peu de relations évidentes entre eux.

La définition anglaise de " l'adaptabilité " est plus proche de celle de Schrödinger, et même de celle de Maxwell : une entité bien adaptée peut absorber efficacement l'énergie d'un environnement imprévisible et fluctuant. C'est comme la personne qui garde l'équilibre sur un navire qui tangue alors que d'autres tombent parce qu'elle sait mieux s'adapter aux fluctuations du pont. En utilisant les concepts et les méthodes de la mécanique statistique dans un contexte de non-équilibre, England et ses  collègues soutiennent que ces systèmes bien adaptés sont ceux qui absorbent et dissipent l'énergie de l'environnement, générant ainsi de l'entropie.

Les systèmes complexes ont tendance à s’installer dans ces états bien adaptés avec une facilité surprenante, a déclaré England :  "La matière qui fluctue thermiquement se modèle souvent spontanément via des formes qui absorbent bien le travail d'un environnement qui varie dans le temps."

Rien dans ce processus n’implique une adaptation progressive à l’environnement par le biais des mécanismes darwiniens de réplication, de mutation et d’héritage des traits. Il n'y a aucune réplication du tout. "Ce qui est passionnant, c'est que cela signifie que lorsque nous donnons un aperçu physique des origines de certaines des structures d'apparence adaptée que nous voyons, il n'est pas nécessaire qu'elles aient eu des parents au sens biologique habituel", a déclaré England. " On peut expliquer l'adaptation évolutive à l'aide de la thermodynamique, même dans des cas intrigants où il n'y a pas d'auto-réplicateurs et où la logique darwinienne s'effondre " - à condition que le système en question soit suffisamment complexe, polyvalent et sensible pour répondre aux fluctuations de son environnement.

Mais il n’y a pas non plus de conflit entre l’adaptation physique et l’adaptation darwinienne. En fait, cette dernière peut être considérée comme un cas particulier de la première. Si la réplication est présente, alors la sélection naturelle devient la voie par laquelle les systèmes acquièrent la capacité d'absorber le travail – l'entropie négative de Schrödinger – de l'environnement. L’auto-réplication est en fait un mécanisme particulièrement efficace pour stabiliser des systèmes complexes, et il n’est donc pas surprenant que ce soit ce que la biologie utilise. Mais dans le monde non vivant où la réplication ne se produit généralement pas, les structures dissipatives bien adaptées ont tendance à être très organisées, comme les ondulations de sable et les dunes cristallisant à partir de la danse aléatoire du sable soufflé par le vent. Vue sous cet angle, l’évolution darwinienne peut être considérée comme un exemple spécifique d’un principe physique plus général régissant les systèmes hors équilibre.

Machines à prévoir

Cette image de structures complexes s’adaptant à un environnement fluctuant nous permet également de déduire quelque chose sur la manière dont ces structures stockent l’information. En bref, tant que de telles structures – qu’elles soient vivantes ou non – sont obligées d’utiliser efficacement l’énergie disponible, elles sont susceptibles de devenir des " machines à prédiction ".

C'est presque une caractéristique déterminante de la vie que les systèmes biologiques changent d'état en réponse à un signal moteur provenant de l'environnement. Quelque chose se passe ; vous répondez. Les plantes poussent vers la lumière ; elles produisent des toxines en réponse aux agents pathogènes. Ces signaux environnementaux sont généralement imprévisibles, mais les systèmes vivants apprennent de leur expérience, stockant des informations sur leur environnement et les utilisant pour orienter leurs comportements futurs. (Photo : les gènes, sur cette image, donnent simplement les éléments essentiels de base à usage général.)

La prédiction n’est cependant pas facultative. Selon les travaux de Susanne Still de l'Université d'Hawaï, de Gavin Crooks, anciennement du Lawrence Berkeley National Laboratory en Californie, et de leurs collègues, prédire l'avenir semble essentiel pour tout système économe en énergie dans un environnement aléatoire et fluctuant.

Still et ses collègues démontrent que le stockage d'informations sur le passé qui n'ont aucune valeur prédictive pour l'avenir a un coût thermodynamique. Pour être le plus efficace possible, un système doit être sélectif. S'il se souvient sans discernement de tout ce qui s'est passé, il subit un coût énergétique important. En revanche, s'il ne prend pas la peine de stocker la moindre information sur son environnement, il aura constamment du mal à faire face aux imprévus. "Une machine thermodynamiquement optimale doit équilibrer la mémoire et la prédiction en minimisant sa nostalgie - les informations inutiles sur le passé", a déclaré un co-auteur, David Sivak, maintenant à l'Université Simon Fraser à Burnaby, en Colombie-Britannique. En bref, il doit être capable de récolter des informations significatives, celles qui sont susceptibles d'être utiles à la survie future.

On pourrait s’attendre à ce que la sélection naturelle favorise les organismes qui utilisent efficacement l’énergie. Mais même les dispositifs biomoléculaires individuels, comme les pompes et les moteurs de nos cellules, devraient, d’une manière ou d’une autre, tirer les leçons du passé pour anticiper l’avenir. Pour acquérir leur remarquable efficacité, dit Still, ces appareils doivent " implicitement construire des représentations concises du monde qu’ils ont rencontré jusqu’à présent,  afin de pouvoir anticiper ce qui va arriver ".

Thermodynamique de la mort

Même si certaines de ces caractéristiques fondamentales de traitement de l'information des systèmes vivants existent déjà, en l'absence d'évolution ou de réplication, grâce à cette thermodynamique de non-équilibre, on pourrait imaginer que des caractéristiques plus complexes - l'utilisation d'outils, par exemple, ou la coopération sociale - doivent émerger à un certain moment de l'évolution.

Eh bien, ne comptez pas là-dessus. Ces comportements, généralement considérés comme du domaine exclusif de la niche évolutive très avancée qui comprend les primates et les oiseaux, peuvent être imités dans un modèle simple constitué d'un système de particules en interaction. L’astuce est que le système est guidé par une contrainte : il agit de manière à maximiser la quantité d’entropie (dans ce cas, définie en termes de différents chemins possibles que les particules pourraient emprunter) qu’il génère dans un laps de temps donné. 

La maximisation de l’entropie a longtemps été considérée comme une caractéristique des systèmes hors équilibre. Mais le dispositif-système de ce modèle obéit à une règle qui lui permet de maximiser l’entropie sur une fenêtre de temps fixe qui s’étend dans le futur. En d’autres termes, il fait preuve de prévoyance. En effet, le modèle examine tous les chemins que les particules pourraient emprunter et les oblige à adopter le chemin qui produit la plus grande entropie. En gros, c’est généralement la voie qui laisse ouverte le plus grand nombre d’options quant à la manière dont les particules pourraient se déplacer ultérieurement. (mis en italique par Mg)

On pourrait dire que le système de particules éprouve une sorte de besoin de préserver sa liberté d’action future, et que ce besoin guide son comportement à tout moment. Les chercheurs qui ont développé le modèle – Alexander Wissner-Gross de l’Université Harvard et Cameron Freer, mathématicien du Massachusetts Institute of Technology – appellent cela une " force entropique causale ". Dans les simulations informatiques de configurations de particules en forme de disque se déplaçant dans des contextes particuliers, cette force crée des résultats qui suggèrent étrangement l’intelligence.

Dans un cas, un grand disque a pu " utiliser " un petit disque pour extraire un deuxième petit disque d’un tube étroit – un processus qui ressemblait à l’utilisation d’un outil. Libérer le disque augmentait l'entropie du système. Dans un autre exemple, deux disques placés dans des compartiments séparés ont synchronisé leur comportement pour tirer un disque plus grand vers le bas afin qu'ils puissent interagir avec lui, donnant ainsi l'apparence d'une coopération sociale.

Bien entendu, ces simples agents en interaction bénéficient d’un aperçu de l’avenir. La vie, en règle générale, ne le fait pas. Alors, dans quelle mesure est-ce pertinent pour la biologie ? Ce n’est pas clair, même si Wissner-Gross a déclaré qu’il travaillait actuellement à établir " un mécanisme pratique et biologiquement plausible pour les forces entropiques causales ". En attendant, il pense que cette approche pourrait avoir des retombées pratiques, offrant un raccourci vers l’intelligence artificielle. " Je prédis qu'un moyen plus rapide d'y parvenir sera de d'abord  identifier un tel comportement, puis de travailler à rebours à partir des principes et contraintes physiques, plutôt que de travailler vers l'avant à partir de techniques de calcul ou de prédiction particulières ", a-t-il déclaré. En d’autres termes, trouvez d’abord un système qui fait ce que vous voulez qu’il fasse, puis déterminez comment il le fait.

Le vieillissement est également traditionnellement considéré comme un trait dicté par l’évolution. Les organismes ont une durée de vie qui crée des opportunités de reproduction, raconte l'histoire, sans inhiber les perspectives de survie de la progéniture du fait que les parents restent trop longtemps et se disputent les ressources. Cela semble sûrement faire partie de l'histoire, mais Hildegard Meyer-Ortmanns, physicienne à l'Université Jacobs de Brême, en Allemagne, pense qu'en fin de compte, le vieillissement est un processus physique et non biologique, régi par la thermodynamique de l'information.

Ce n’est certainement pas simplement une question d’usure. "La plupart des matériaux souples dont nous sommes constitués sont renouvelés avant d'avoir la chance de vieillir", a déclaré Meyer-Ortmanns. Mais ce processus de renouvellement n'est pas parfait. La thermodynamique de la copie de l'information dicte qu'il doit y avoir un compromis entre précision et énergie. Un organisme dispose d’une réserve d’énergie limitée, donc les erreurs s’accumulent nécessairement avec le temps. L’organisme doit alors dépenser une énergie de plus en plus importante pour réparer ces erreurs. Le processus de renouvellement finit par produire des copies trop défectueuses pour fonctionner correctement ; la mort suit.

Les preuves empiriques semblent le confirmer. On sait depuis longtemps que les cellules humaines en culture semblent capables de se répliquer au maximum 40 à 60 fois (appelée limite de Hayflick ) avant de s'arrêter et de devenir sénescentes. Et des observations récentes sur la longévité humaine suggèrent qu'il pourrait y avoir une raison fondamentale pour laquelle les humains ne peuvent pas survivre bien au-delà de 100 ans .

Il y a un corollaire à ce besoin apparent de systèmes prédictifs, organisés et économes en énergie qui apparaissent dans un environnement fluctuant hors d’équilibre. Nous sommes nous-mêmes système de ce genre, comme le sont tous nos ancêtres jusqu’à la première cellule primitive. Et la thermodynamique hors équilibre semble nous dire que c’est exactement ce que fait la matière dans de telles circonstances. En d’autres termes, l’apparition de la vie sur une planète comme la Terre primitive, imprégnée de sources d’énergie telles que la lumière du soleil et l’activité volcanique qui maintiennent les choses hors d’équilibre, ressemble moins à un événement extrêmement improbable, comme de nombreux scientifiques l’ont supposé, mais pratiquement inévitable. En 2006, Eric Smith et feu Harold Morowitz de l'Institut de Santa Fe ont soutenu que la thermodynamique des systèmes hors équilibre rend l'émergence de systèmes organisés et complexes beaucoup plus probable sur une Terre prébiotique loin de l'équilibre qu'elle ne le serait si les ingrédients chimiques bruts étaient juste assis dans un " petit étang chaud " (comme le disait Charles Darwin) en mijotant doucement.

Au cours de la décennie qui a suivi la première apparition de cet argument, les chercheurs ont ajouté des détails et des perspectives à l’analyse. Les qualités qu’Ernst Mayr considérait comme essentielles à la biologie – le sens et l’intention – pourraient émerger comme une conséquence naturelle des statistiques et de la thermodynamique. Et ces propriétés générales peuvent à leur tour conduire naturellement à quelque chose comme la vie.

Dans le même temps, les astronomes nous ont montré combien de mondes existent – ​​selon certaines estimations, ils se chiffrent en milliards – en orbite autour d’autres étoiles de notre galaxie. Beaucoup sont loin de l’équilibre, et au moins quelques-uns ressemblent à la Terre. Et les mêmes règles s’appliquent sûrement là aussi. 



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/how-life-and-death-spring-from-disorder-20170126/ Philip Ball, 26 janv 2017 (Trad Mg) *Un cristal apériodique est comme un papier peint dont le motif se répète à grande échelle, mais avec des irrégularités subtiles. Il n'y a pas de motif exact qui se répète à l'infini, mais il y a tout de même un ordre caché dans sa structure.  Comme le Penrose tiling: un pavage avec des formes de pentagones et de losanges,  qui vient des artisans du Moyen-Orient.  Pavage qui ne peut  se répéter à l'infini de manière classique, mais possède un ordre à grande échelle. On peut le diviser en grandes "tuiles" qui se répètent, mais les motifs à l'intérieur de ces tuiles ne s'alignent pas parfaitement. C'est un exemple de cristal apériodique appelé "quasi-cristal". En bref c'est un ordre à grande échelle, mais sans motif répétitif exact à l'infini. (Voir aussi le lien avec les dialogues avec l'ange "aller vers le nouveau")

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trickster

Les mondes multiples d'Hugh Everett

Il y a cinquante ans, Hugh Everett a conçu l'interprétation de la mécanique quantique en l'expliquant par des mondes multiples, théorie dans laquelle les effets quantiques engendrent d'innombrables branches de l'univers avec des événements différents dans chacune. La théorie semble être une hypothèse bizarre, mais Everett l'a déduite des mathématiques fondamentales de la mécanique quantique. Néanmoins, la plupart des physiciens de l'époque la rejetèrent, et il dût abréger sa thèse de doctorat sur le sujet pour éviter la controverse. Découragé, Everett quitta la physique et travailla sur les mathématiques et l'informatique militaires et industrielles. C'était un être émotionnellement renfermé et un grand buveur. Il est mort alors qu'il n'avait que 51 ans, et ne put donc pas voir le récent respect accordé à ses idées par les physiciens.

Hugh Everett III était un mathématicien brillant, théoricien quantique iconoclaste, puis ensuite entrepreneur prospère dans la défense militaire ayant accès aux secrets militaires les plus sensibles du pays. Il a introduit une nouvelle conception de la réalité dans la physique et a influencé le cours de l'histoire du monde à une époque où l'Armageddon nucléaire semblait imminent. Pour les amateurs de science-fiction, il reste un héros populaire : l'homme qui a inventé une théorie quantique des univers multiples. Pour ses enfants, il était quelqu'un d'autre : un père indisponible, "morceau de mobilier assis à la table de la salle à manger", cigarette à la main. Alcoolique aussi, et fumeur à la chaîne, qui mourut prématurément.

L'analyse révolutionnaire d'Everett a brisé une impasse théorique dans l'interprétation du "comment" de la mécanique quantique. Bien que l'idée des mondes multiples ne soit pas encore universellement acceptée aujourd'hui, ses méthodes de conception de la théorie présagèrent le concept de décohérence quantique - explication moderne du pourquoi et comment la bizarrerie probabiliste de la mécanique quantique peut se résoudre dans le monde concret de notre expérience. Le travail d'Everett est bien connu dans les milieux de la physique et de la philosophie, mais l'histoire de sa découverte et du reste de sa vie l'est relativement moins. Les recherches archivistiques de l'historien russe Eugène Shikhovtsev, de moi-même et d'autres, ainsi que les entretiens que j'ai menés avec les collègues et amis du scientifique décédé, ainsi qu'avec son fils musicien de rock, révèlent l'histoire d'une intelligence radieuse éteinte trop tôt par des démons personnels.

Le voyage scientifique d'Everett commença une nuit de 1954, raconte-t-il deux décennies plus tard, "après une gorgée ou deux de sherry". Lui et son camarade de classe de Princeton Charles Misner et un visiteur nommé Aage Petersen (alors assistant de Niels Bohr) pensaient "des choses ridicules sur les implications de la mécanique quantique". Au cours de cette session Everett eut l'idée de base fondant la théorie des mondes multiples, et dans les semaines qui suivirent, il commença à la développer dans un mémoire. L'idée centrale était d'interpréter ce que les équations de la mécanique quantique représentent dans le monde réel en faisant en sorte que les mathématiques de la théorie elle-même montrent le chemin plutôt qu'en ajoutant des hypothèses d'interprétation aux mathématiques existantes sur le sujet. De cette façon, le jeune homme a mis au défi l'establishment physique de l'époque en reconsidérant sa notion fondamentale de ce qui constitue la réalité physique. En poursuivant cette entreprise, Everett s'attaqua avec audace au problème notoire de la mesure en mécanique quantique, qui accablait les physiciens depuis les années 1920.

En résumé, le problème vient d'une contradiction entre la façon dont les particules élémentaires (comme les électrons et les photons) interagissent au niveau microscopique quantique de la réalité et ce qui se passe lorsque les particules sont mesurées à partir du niveau macroscopique classique. Dans le monde quantique, une particule élémentaire, ou une collection de telles particules, peut exister dans une superposition de deux ou plusieurs états possibles. Un électron, par exemple, peut se trouver dans une superposition d'emplacements, de vitesses et d'orientations différentes de sa rotation. Pourtant, chaque fois que les scientifiques mesurent l'une de ces propriétés avec précision, ils obtiennent un résultat précis - juste un des éléments de la superposition, et non une combinaison des deux. Nous ne voyons jamais non plus d'objets macroscopiques en superposition. Le problème de la mesure se résume à cette question : Comment et pourquoi le monde unique de notre expérience émerge-t-il des multiples alternatives disponibles dans le monde quantique superposé ? Les physiciens utilisent des entités mathématiques appelées fonctions d'onde pour représenter les états quantiques. Une fonction d'onde peut être considérée comme une liste de toutes les configurations possibles d'un système quantique superposé, avec des nombres qui donnent la probabilité que chaque configuration soit celle, apparemment choisie au hasard, que nous allons détecter si nous mesurons le système. La fonction d'onde traite chaque élément de la superposition comme étant également réel, sinon nécessairement également probable de notre point de vue. L'équation de Schrödinger décrit comment la fonction ondulatoire d'un système quantique changera au fil du temps, une évolution qu'elle prédit comme lisse et déterministe (c'est-à-dire sans caractère aléatoire).

Mais cette élégante mathématique semble contredire ce qui se passe lorsque les humains observent un système quantique, tel qu'un électron, avec un instrument scientifique (qui lui-même peut être considéré comme un système quantique). Car au moment de la mesure, la fonction d'onde décrivant la superposition d'alternatives semble s'effondrer en un unique membre de la superposition, interrompant ainsi l'évolution en douceur de la fonction d'onde et introduisant la discontinuité. Un seul résultat de mesure émerge, bannissant toutes les autres possibilités de la réalité décrite de manière classique. Le choix de l'alternative produite au moment de la mesure semble arbitraire ; sa sélection n'évolue pas logiquement à partir de la fonction d'onde chargée d'informations de l'électron avant la mesure. Les mathématiques de l'effondrement n'émergent pas non plus du flux continu de l'équation de Schrödinger. En fait, l'effondrement (discontinuité) doit être ajouté comme un postulat, comme un processus supplémentaire qui semble violer l'équation.

De nombreux fondateurs de la mécanique quantique, notamment Bohr, Werner Heisenberg et John von Neumann, se sont mis d'accord sur une interprétation de la mécanique quantique - connue sous le nom d'interprétation de Copenhague - pour traiter le problème des mesures. Ce modèle de réalité postule que la mécanique du monde quantique se réduit à des phénomènes observables de façon classique et ne trouve son sens qu'en termes de phénomènes observables, et non l'inverse. Cette approche privilégie l'observateur externe, le plaçant dans un domaine classique distinct du domaine quantique de l'objet observé. Bien qu'incapables d'expliquer la nature de la frontière entre le domaine quantique et le domaine classique, les Copenhagueistes ont néanmoins utilisé la mécanique quantique avec un grand succès technique. Des générations entières de physiciens ont appris que les équations de la mécanique quantique ne fonctionnent que dans une partie de la réalité, la microscopique, et cessent d'être pertinentes dans une autre, la macroscopique. C'est tout ce dont la plupart des physiciens ont besoin.

Fonction d'onde universelle. Par fort effet contraire, Everett s'attaqua au problème de la mesure en fusionnant les mondes microscopique et macroscopique. Il fit de l'observateur une partie intégrante du système observé, introduisant une fonction d'onde universelle qui relie les observateurs et les objets dans un système quantique unique. Il décrivit le monde macroscopique en mécanique quantique imaginant que les grands objets existent également en superpositions quantiques. Rompant avec Bohr et Heisenberg, il n'avait pas besoin de la discontinuité d'un effondrement de la fonction ondulatoire. L'idée radicalement nouvelle d'Everett était de se demander : Et si l'évolution continue d'une fonction d'onde n'était pas interrompue par des actes de mesure ? Et si l'équation de Schrödinger s'appliquait toujours et s'appliquait aussi bien à tous les objets qu'aux observateurs ? Et si aucun élément de superposition n'est jamais banni de la réalité ? A quoi ressemblerait un tel monde pour nous ? Everett constata, selon ces hypothèses, que la fonction d'onde d'un observateur devrait, en fait, bifurquer à chaque interaction de l'observateur avec un objet superposé. La fonction d'onde universelle contiendrait des branches pour chaque alternative constituant la superposition de l'objet. Chaque branche ayant sa propre copie de l'observateur, copie qui percevait une de ces alternatives comme le résultat. Selon une propriété mathématique fondamentale de l'équation de Schrödinger, une fois formées, les branches ne s'influencent pas mutuellement. Ainsi, chaque branche se lance dans un avenir différent, indépendamment des autres. Prenons l'exemple d'une personne qui mesure une particule qui se trouve dans une superposition de deux états, comme un électron dans une superposition de l'emplacement A et de l'emplacement B. Dans une branche, la personne perçoit que l'électron est à A. Dans une branche presque identique, une copie de la personne perçoit que le même électron est à B. Chaque copie de la personne se perçoit comme unique et considère que la chance lui a donné une réalité dans un menu des possibilités physiques, même si, en pleine réalité, chaque alternative sur le menu se réalise.

Expliquer comment nous percevons un tel univers exige de mettre un observateur dans l'image. Mais le processus de ramification se produit indépendamment de la présence ou non d'un être humain. En général, à chaque interaction entre systèmes physiques, la fonction d'onde totale des systèmes combinés aurait tendance à bifurquer de cette façon. Aujourd'hui, la compréhension de la façon dont les branches deviennent indépendantes et ressemblent à la réalité classique à laquelle nous sommes habitués est connue sous le nom de théorie de la décohérence. C'est une partie acceptée de la théorie quantique moderne standard, bien que tout le monde ne soit pas d'accord avec l'interprétation d'Everett comme quoi toutes les branches représentent des réalités qui existent. Everett n'a pas été le premier physicien à critiquer le postulat de l'effondrement de Copenhague comme inadéquat. Mais il a innové en élaborant une théorie mathématiquement cohérente d'une fonction d'onde universelle à partir des équations de la mécanique quantique elle-même. L'existence d'univers multiples a émergé comme une conséquence de sa théorie, pas par un prédicat. Dans une note de bas de page de sa thèse, Everett écrit : "Du point de vue de la théorie, tous les éléments d'une superposition (toutes les "branches") sont "réels", aucun n'est plus "réel" que les autres. Le projet contenant toutes ces idées provoqua de remarquables conflits dans les coulisses, mis au jour il y a environ cinq ans par Olival Freire Jr, historien des sciences à l'Université fédérale de Bahia au Brésil, dans le cadre de recherches archivistiques.

Au printemps de 1956 le conseiller académique à Princeton d'Everett, John Archibald Wheeler, prit avec lui le projet de thèse à Copenhague pour convaincre l'Académie royale danoise des sciences et lettres de le publier. Il écrivit à Everett qu'il avait eu "trois longues et fortes discussions à ce sujet" avec Bohr et Petersen. Wheeler partagea également le travail de son élève avec plusieurs autres physiciens de l'Institut de physique théorique de Bohr, dont Alexander W. Stern. Scindages La lettre de Wheeler à Everett disait en autre : "Votre beau formalisme de la fonction ondulatoire reste bien sûr inébranlable ; mais nous sentons tous que la vraie question est celle des mots qui doivent être attachés aux quantités de ce formalisme". D'une part, Wheeler était troublé par l'utilisation par Everett d'humains et de boulets de canon "scindés" comme métaphores scientifiques. Sa lettre révélait l'inconfort des Copenhagueistes quant à la signification de l'œuvre d'Everett. Stern rejeta la théorie d'Everett comme "théologique", et Wheeler lui-même était réticent à contester Bohr. Dans une longue lettre politique adressée à Stern, il explique et défend la théorie d'Everett comme une extension, non comme une réfutation, de l'interprétation dominante de la mécanique quantique : "Je pense que je peux dire que ce jeune homme très fin, capable et indépendant d'esprit en est venu progressivement à accepter l'approche actuelle du problème de la mesure comme correcte et cohérente avec elle-même, malgré quelques traces qui subsistent dans le présent projet de thèse d'une attitude douteuse envers le passé. Donc, pour éviter tout malentendu possible, permettez-moi de dire que la thèse d'Everett ne vise pas à remettre en question l'approche actuelle du problème de la mesure, mais à l'accepter et à la généraliser."

Everett aurait été en total désaccord avec la description que Wheeler a faite de son opinion sur l'interprétation de Copenhague. Par exemple, un an plus tard, en réponse aux critiques de Bryce S. DeWitt, rédacteur en chef de la revue Reviews of Modern Physics, il écrivit : "L'Interprétation de Copenhague est désespérément incomplète en raison de son recours a priori à la physique classique... ainsi que d'une monstruosité philosophique avec un concept de "réalité" pour le monde macroscopique qui ne marche pas avec le microcosme." Pendant que Wheeler était en Europe pour plaider sa cause, Everett risquait alors de perdre son permis de séjour étudiant qui avait été suspendu. Pour éviter d'aller vers des mesures disciplinaires, il décida d'accepter un poste de chercheur au Pentagone. Il déménagea dans la région de Washington, D.C., et ne revint jamais à la physique théorique. Au cours de l'année suivante, cependant, il communiqua à distance avec Wheeler alors qu'il avait réduit à contrecœur sa thèse au quart de sa longueur d'origine. En avril 1957, le comité de thèse d'Everett accepta la version abrégée - sans les "scindages". Trois mois plus tard, Reviews of Modern Physics publiait la version abrégée, intitulée "Relative State' Formulation of Quantum Mechanics".("Formulation d'état relatif de la mécanique quantique.") Dans le même numéro, un document d'accompagnement de Wheeler loue la découverte de son élève. Quand le papier parut sous forme imprimée, il passa instantanément dans l'obscurité.

Wheeler s'éloigna progressivement de son association avec la théorie d'Everett, mais il resta en contact avec le théoricien, l'encourageant, en vain, à faire plus de travail en mécanique quantique. Dans une entrevue accordée l'an dernier, Wheeler, alors âgé de 95 ans, a déclaré qu' "Everett était déçu, peut-être amer, devant les non réactions à sa théorie. Combien j'aurais aimé continuer les séances avec lui. Les questions qu'il a soulevées étaient importantes." Stratégies militaires nucléaires Princeton décerna son doctorat à Everett près d'un an après qu'il ait commencé son premier projet pour le Pentagone : le calcul des taux de mortalité potentiels des retombées radioactives d'une guerre nucléaire. Rapidement il dirigea la division des mathématiques du Groupe d'évaluation des systèmes d'armes (WSEG) du Pentagone, un groupe presque invisible mais extrêmement influent. Everett conseillait de hauts responsables des administrations Eisenhower et Kennedy sur les meilleures méthodes de sélection des cibles de bombes à hydrogène et de structuration de la triade nucléaire de bombardiers, de sous-marins et de missiles pour un impact optimal dans une frappe nucléaire. En 1960, participa à la rédaction du WSEG n° 50, un rapport qui reste classé à ce jour. Selon l'ami d'Everett et collègue du WSEG, George E. Pugh, ainsi que des historiens, le WSEG no 50 a rationalisé et promu des stratégies militaires qui ont fonctionné pendant des décennies, notamment le concept de destruction mutuelle assurée. Le WSEG a fourni aux responsables politiques de la guerre nucléaire suffisamment d'informations effrayantes sur les effets mondiaux des retombées radioactives pour que beaucoup soient convaincus du bien-fondé d'une impasse perpétuelle, au lieu de lancer, comme le préconisaient certains puissants, des premières attaques préventives contre l'Union soviétique, la Chine et d'autres pays communistes.

Un dernier chapitre de la lutte pour la théorie d'Everett se joua également dans cette période. Au printemps 1959, Bohr accorda à Everett une interview à Copenhague. Ils se réunirent plusieurs fois au cours d'une période de six semaines, mais avec peu d'effet : Bohr ne changea pas sa position, et Everett n'est pas revenu à la recherche en physique quantique. L'excursion n'avait pas été un échec complet, cependant. Un après-midi, alors qu'il buvait une bière à l'hôtel Østerport, Everett écrivit sur un papier à l'en-tête de l'hôtel un raffinement important de cet autre tour de force mathématique qui a fait sa renommée, la méthode généralisée du multiplicateur de Lagrange, aussi connue sous le nom d'algorithme Everett. Cette méthode simplifie la recherche de solutions optimales à des problèmes logistiques complexes, allant du déploiement d'armes nucléaires aux horaires de production industrielle juste à temps en passant par l'acheminement des autobus pour maximiser la déségrégation des districts scolaires. En 1964, Everett, Pugh et plusieurs autres collègues du WSEG ont fondé une société de défense privée, Lambda Corporation. Entre autres activités, il a conçu des modèles mathématiques de systèmes de missiles anti-missiles balistiques et de jeux de guerre nucléaire informatisés qui, selon Pugh, ont été utilisés par l'armée pendant des années. Everett s'est épris de l'invention d'applications pour le théorème de Bayes, une méthode mathématique de corrélation des probabilités des événements futurs avec l'expérience passée. En 1971, Everett a construit un prototype de machine bayésienne, un programme informatique qui apprend de l'expérience et simplifie la prise de décision en déduisant les résultats probables, un peu comme la faculté humaine du bon sens. Sous contrat avec le Pentagone, le Lambda a utilisé la méthode bayésienne pour inventer des techniques de suivi des trajectoires des missiles balistiques entrants. En 1973, Everett quitte Lambda et fonde une société de traitement de données, DBS, avec son collègue Lambda Donald Reisler. Le DBS a fait des recherches sur les applications des armes, mais s'est spécialisée dans l'analyse des effets socio-économiques des programmes d'action sociale du gouvernement. Lorsqu'ils se sont rencontrés pour la première fois, se souvient M. Reisler, Everett lui a demandé timidement s'il avait déjà lu son journal de 1957. J'ai réfléchi un instant et j'ai répondu : "Oh, mon Dieu, tu es cet Everett, le fou qui a écrit ce papier dingue", dit Reisler. "Je l'avais lu à l'université et avais gloussé, le rejetant d'emblée." Les deux sont devenus des amis proches mais convinrent de ne plus parler d'univers multiples.

Malgré tous ces succès, la vie d'Everett fut gâchée de bien des façons. Il avait une réputation de buveur, et ses amis disent que le problème semblait s'aggraver avec le temps. Selon Reisler, son partenaire aimait habituellement déjeuner avec trois martinis, dormant dans son bureau, même s'il réussissait quand même à être productif. Pourtant, son hédonisme ne reflétait pas une attitude détendue et enjouée envers la vie. "Ce n'était pas quelqu'un de sympathique", dit Reisler. "Il apportait une logique froide et brutale à l'étude des choses... Les droits civils n'avaient aucun sens pour lui." John Y. Barry, ancien collègue d'Everett au WSEG, a également remis en question son éthique. Au milieu des années 1970, Barry avait convaincu ses employeurs chez J. P. Morgan d'embaucher Everett pour mettre au point une méthode bayésienne de prévision de l'évolution du marché boursier. Selon plusieurs témoignages, Everett avait réussi, puis il refusa de remettre le produit à J. P. Morgan. "Il s'est servi de nous", se souvient Barry. "C'était un individu brillant, innovateur, insaisissable, indigne de confiance, probablement alcoolique." Everett était égocentrique. "Hugh aimait épouser une forme de solipsisme extrême", dit Elaine Tsiang, ancienne employée de DBS. "Bien qu'il eut peine à éloigner sa théorie [des monde multiples] de toute théorie de l'esprit ou de la conscience, il est évident que nous devions tous notre existence par rapport au monde qu'il avait fait naître." Et il connaissait à peine ses enfants, Elizabeth et Mark. Alors qu'Everett poursuivait sa carrière d'entrepreneur, le monde de la physique commençait à jeter un regard critique sur sa théorie autrefois ignorée. DeWitt pivota d'environ 180 degrés et devint son défenseur le plus dévoué. En 1967, il écrivit un article présentant l'équation de Wheeler-DeWitt : une fonction d'onde universelle qu'une théorie de la gravité quantique devrait satisfaire. Il attribue à Everett le mérite d'avoir démontré la nécessité d'une telle approche. DeWitt et son étudiant diplômé Neill Graham ont ensuite publié un livre de physique, The Many-Worlds Interpretation of Quantum Mechanics, qui contenait la version non informatisée de la thèse d'Everett. L'épigramme "mondes multiples" se répandit rapidement, popularisée dans le magazine de science-fiction Analog en 1976. Toutefois, tout le monde n'est pas d'accord sur le fait que l'interprétation de Copenhague doive céder le pas. N. David Mermin, physicien de l'Université Cornell, soutient que l'interprétation d'Everett traite la fonction des ondes comme faisant partie du monde objectivement réel, alors qu'il la considère simplement comme un outil mathématique. "Une fonction d'onde est une construction humaine", dit Mermin. "Son but est de nous permettre de donner un sens à nos observations macroscopiques. Mon point de vue est exactement le contraire de l'interprétation des mondes multiples. La mécanique quantique est un dispositif qui nous permet de rendre nos observations cohérentes et de dire que nous sommes à l'intérieur de la mécanique quantique et que la mécanique quantique doive s'appliquer à nos perceptions est incohérent." Mais de nombreux physiciens avancent que la théorie d'Everett devrait être prise au sérieux. "Quand j'ai entendu parler de l'interprétation d'Everett à la fin des années 1970, dit Stephen Shenker, physicien théoricien à l'Université Stanford, j'ai trouvé cela un peu fou. Maintenant, la plupart des gens que je connais qui pensent à la théorie des cordes et à la cosmologie quantique pensent à quelque chose qui ressemble à une interprétation à la Everett. Et à cause des récents développements en informatique quantique, ces questions ne sont plus académiques."

Un des pionniers de la décohérence, Wojciech H. Zurek, chercheur au Los Alamos National Laboratory, a commente que "l'accomplissement d'Everett fut d'insister pour que la théorie quantique soit universelle, qu'il n'y ait pas de division de l'univers entre ce qui est a priori classique et ce qui est a priori du quantum. Il nous a tous donné un ticket pour utiliser la théorie quantique comme nous l'utilisons maintenant pour décrire la mesure dans son ensemble." Le théoricien des cordes Juan Maldacena de l'Institute for Advanced Study de Princeton, N.J., reflète une attitude commune parmi ses collègues : "Quand je pense à la théorie d'Everett en mécanique quantique, c'est la chose la plus raisonnable à croire. Dans la vie de tous les jours, je n'y crois pas."

En 1977, DeWitt et Wheeler invitèrent Everett, qui détestait parler en public, à faire une présentation sur son interprétation à l'Université du Texas à Austin. Il portait un costume noir froissé et fuma à la chaîne pendant tout le séminaire. David Deutsch, maintenant à l'Université d'Oxford et l'un des fondateurs du domaine de l'informatique quantique (lui-même inspiré par la théorie d'Everett), était là. "Everett était en avance sur son temps", dit Deutsch en résumant la contribution d'Everett. "Il représente le refus de renoncer à une explication objective. L'abdication de la finalité originelle de ces domaines, à savoir expliquer le monde, a fait beaucoup de tort au progrès de la physique et de la philosophie. Nous nous sommes irrémédiablement enlisés dans les formalismes, et les choses ont été considérées comme des progrès qui ne sont pas explicatifs, et le vide a été comblé par le mysticisme, la religion et toutes sortes de détritus. Everett est important parce qu'il s'y est opposé." Après la visite au Texas, Wheeler essaya de mettre Everett en contact avec l'Institute for Theoretical Physics à Santa Barbara, Californie. Everett aurait été intéressé, mais le plan n'a rien donné. Totalité de l'expérience Everett est mort dans son lit le 19 juillet 1982. Il n'avait que 51 ans.

Son fils, Mark, alors adolescent, se souvient avoir trouvé le corps sans vie de son père ce matin-là. Sentant le corps froid, Mark s'est rendu compte qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir jamais touché son père auparavant. "Je ne savais pas quoi penser du fait que mon père venait de mourir, m'a-t-il dit. "Je n'avais pas vraiment de relation avec lui." Peu de temps après, Mark a déménagé à Los Angeles. Il est devenu un auteur-compositeur à succès et chanteur principal d'un groupe de rock populaire, Eels. Beaucoup de ses chansons expriment la tristesse qu'il a vécue en tant que fils d'un homme déprimé, alcoolique et détaché émotionnellement. Ce n'est que des années après la mort de son père que Mark a appris l'existence de la carrière et des réalisations de son père. La sœur de Mark, Elizabeth, fit la première d'une série de tentatives de suicide en juin 1982, un mois seulement avant la mort d'Everett. Mark la trouva inconsciente sur le sol de la salle de bain et l'amena à l'hôpital juste à temps. Quand il rentra chez lui plus tard dans la soirée, se souvient-il, son père "leva les yeux de son journal et dit : Je ne savais pas qu'elle était si triste."" En 1996, Elizabeth se suicida avec une overdose de somnifères, laissant une note dans son sac à main disant qu'elle allait rejoindre son père dans un autre univers. Dans une chanson de 2005, "Things the Grandchildren Should Know", Mark a écrit : "Je n'ai jamais vraiment compris ce que cela devait être pour lui de vivre dans sa tête". Son père solipsistiquement incliné aurait compris ce dilemme. "Une fois que nous avons admis que toute théorie physique n'est essentiellement qu'un modèle pour le monde de l'expérience, conclut Everett dans la version inédite de sa thèse, nous devons renoncer à tout espoir de trouver quelque chose comme la théorie correcte... simplement parce que la totalité de l'expérience ne nous est jamais accessible."

Auteur: Byrne Peter

Info: 21 octobre 2008, https://www.scientificamerican.com/article/hugh-everett-biography/. Publié à l'origine dans le numéro de décembre 2007 de Scientific American

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