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butée

Kierkegaard, qui était, comme vous le savez, un humoriste, a bien parlé de la différence du monde païen et du monde de la grâce, que le christianisme introduit. […]
Kierkegaard veut échapper à des problèmes qui sont précisément ceux de son accession à un ordre nouveau, et il rencontre le barrage de ses réminiscences, de ce qu’il croit être et de ce qu’il sait qu’il ne pourra pas devenir. Il essaie alors de faire l’expérience de la répétition. Il retourne à Berlin où, lors de son dernier séjour il a eu un infini plaisir, et il remet ses pas dans ses pas. Vous verrez ce qu’il lui arrive, à chercher son bien dans l’ombre de son plaisir. L’expérience échoue totalement. Mais à la suite de ça, il nous mène sur le chemin de notre problème, à savoir, comment et pourquoi tout ce qui est d’un progrès essentiel pour l’être humain doit passer par la voie d’une répétition obstinée.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre II", page 110

[ résumé ] [ philosophie ] [ intégration ] [ boucle itérative ] [ question ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

activité scientifique

[...] c’est à proprement parler de Verwerfung* [forclusion] qu’il s’agit dans le discours de la science qui, si l’on peut dire, rejette la perspective et la présence de la Chose. 

Et le discours de la science, en somme, est de nous profiler l’idéal dans sa perspective du " savoir absolu ", c’est-à-dire de quelque chose qui pose la Chose quand même, tout en n’en faisant pas état, et dont chacun sait que c’est cette perspective qui s’avoue en fin de compte, et s’avère dans l’histoire, comme représentant un échec.

Ce discours de la science peut se profiler comme déterminé par cette Verwerfung. C’est probablement cela qui, selon la formule que je vous donne, que "Ce qui est rejeté dans le symbolique reparaît dans le réel", la science se trouve déboucher sur une perspective où c’est bien tout de même quelque chose d’aussi énigmatique que la Chose qui s’avère se profiler, apparaître au terme de la physique.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 3 février 1960. " rejet " en allemand, désigne le mécanisme de défense à l'origine de la psychose.

[ inconscient ] [ retour du refoulé ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

barbarie

Le Réel et l'impossible sont antithétiques; ils ne peuvent aller ensemble. L'analyse pousse le sujet vers l'impossible, elle lui suggère de considérer le monde comme il est vraiment, c'est-à-dire imaginaire et sans aucun sens. Alors que le Réel, comme un oiseau vorace, ne fait que se nourrir de choses sensées, d'actions qui ont un sens. On entend toujours répéter qu'il faut donner un sens à ceci et à cela, à ses propres pensées, à ses propres aspirations, aux désirs, au sexe, à la vie. Mais de la vie nous ne savons rien de rien, comme s'essoufflent à l'expliquer les scientifiques. Ma peur est que par leur faute, le Réel, chose monstrueuse qui n'existe pas, finira par prendre le dessus. La science est en train de se substituer à la religion, avec autant de despotisme, d'obscurité et d'obscurantisme. 

Il y a un Dieu atome, un Dieu espace ... Si la science ou la religion l'emportent, la psychanalyse est finie.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 1974

[ organisation technique ] [ barrières mentales ] [ absolutisme ] [ croyances rationnelles ] [ humains secondéités sources ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

décalage existentiel

Être psychanalyste, c’est simplement ouvrir les yeux sur cette évidence qu’il n’y a rien de plus cafouilleux que la réalité humaine. si vous croyez avoir un moi bien adapté, raisonnable, qui sait naviguer, reconnaître ce qu’il y a à faire et ce qu’il y a à ne pas faire, tenir compte des réalités, il n’y a plus qu’à vous envoyer loin d’ici. La psychanalyse […] vous montre qu’il n’y a rien de plus bête qu’une destinée humaine, à savoir qu’on est toujours blousé. Même quand on fait quelque chose qui réussit, ce n’est justement pas ce qu’on voulait. Il n’y a rien de plus déçu qu’un monsieur qui arrive soi-disant au comble de ses vœux, il suffit de parler trois minutes avec lui, franchement, comme peut-être seul l’artifice du divan psychanalytique le permet, pour savoir qu’en fin de compte, ce truc-là, c’est justement le truc dont il se moque, et qu’il est plus particulièrement ennuyé par toutes sortes de choses.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, page 134

[ farce ] [ à côté ] [ loupé ] [ au-delà des apparences ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

chaîne des signifiants

Ainsi, ce que signifie le conte de la Lettre volée [d'Edgar Allan Poe], c’est que le destin, ou la causalité, n’est rien qui puisse se définir en fonction de l’existence. On peut dire que, quand les personnages s’emparent de cette lettre, quelque chose les prend et les entraîne qui domine de beaucoup leurs particularités individuelles. Quels qu’ils soient, à chaque étape de la transformation symbolique de la lettre, ils seront définis uniquement par leur position envers ce sujet radical, par leur position dans un des CH3. Cette position n’est pas fixe. Pour autant qu’ils sont entrés dans la nécessité, dans le mouvement propre à la lettre, ils deviennent chacun, au cours des scènes successives, fonctionnellement différents par rapport à la réalité essentielle qu’elle constitue. En d’autres termes, à prendre cette histoire sous son jour exemplaire, pour chacun la lettre est son inconscient. C’est son inconscient avec toutes ses conséquences, c’est-à-dire qu’à chaque mouvement du circuit symbolique, chacun devient un autre homme.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre II", page 231

[ interprétation ] [ théâtre humain ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

division

L'ego comme fonction imaginaire est loin de se confondre avec le sujet (...) Parce que le sujet parlant, nous devons forcément l'admettre comme sujet pour une seule raison: qu'il est capable de mentir, c'est-à-dire qu'il est distinct de ce qu'il dit (....) Et bien, cette dimension du sujet parlant, et du sujet parlant en tant que trompeur, est ce que Freud nous découvre dans l'inconscient (...) Freud nous montre que non seulement dans le sujet humain il y a quelque chose qui parle, mais qui parle au plein sens du mot parler, il y a quelque chose qui ment, en connaissance de cause, et hors de l'apport de la conscience (...) Mais cette dimension du sujet, du même coup ne se confond plus du tout avec l'ego. Le moi est déchu de ce fait même de sa position absolue dans le sujet, le moi est un mirage, comme le reste, un élément des relations objectales du sujet.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Séminaire du 19 mai 1954

[ recouvrement partiel ] [ psychanalyse ] [ structure ]

 

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fonction phatique*

Dans un pays aussi vaste que les Etats-Unis, c’est très important d’économiser quelques fils, et de faire passer les fadaises qui se véhiculent généralement sur ces sortes d’appareils de transmission par le moins de fils possibles. C’est à partir de là qu’on a commencé à quantifier la communication. On est donc parti, vous le voyez bien, de quelque chose qui est très loin de ce que nous appelons ici la parole. Il ne s’agissait pas du tout de savoir si ce que les gens se racontent avait un sens. D’ailleurs, ce qui se dit au téléphone, vous l’avez remarqué par expérience, n’en a strictement jamais aucun. Mais on communique, on reconnaît la modulation d’une voix humaine, et on a ainsi cette apparence de compréhension qui résulte du fait qu’on reconnaît les mots déjà connus. Il s’agit de savoir quelles sont les conditions les plus économiques qui permettent de transmettre des mots que les gens reconnaissent. Le sens, personne ne s’en occupe.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre II", pages 104-105. *Rôle que joue un énoncé dans l'interaction sociale entre le locuteur et le locuté, par opposition à l'information effectivement contenue dans le message.

[ technologisation ] [ quantitatif-qualitatif ] [ sarcastique ]

 

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castration

Chacun sait que Freud était un grossier matérialiste. D’où vient alors qu’il n’ait pas su résoudre le problème, pourtant si facile, de l’instance morale par le recours classique de l’utilitarisme ?

Ce recours, c’est, en somme, l’habitude dans la conduite, recommandable pour le bien-être du groupe. C’est si simple, et en plus, c’est vrai. L’attrait de l’utilité est irrésistible, au point que l’on voit des gens se damner pour le plaisir de donner leurs commodités à ceux dont ils se sont mis en tête qu’ils ne pourraient vivre sans leur secours. […]

Il n’y a qu’une chose qui fait difficulté, c’est que, quels que soient le bienfait de l’utilité et l’extension de son règne, cela n’a strictement rien à faire avec la morale, qui consiste primordialement – comme Freud l’a vu, articulé et n’en a jamais varié, au contraire de bien des moralistes classiques, voire traditionalistes, voire socialistes – dans la frustration d’une jouissance, posée en loi apparemment avide.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans "Le triomphe de la religion", éd. du Seuil, Paris, 2005, pages 31-32

[ préjugé ] [ psychanalyse ] [ belle âme ] [ inconscient ]

 

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parole

Avec Freud apparaît pour la première fois une théorie de l’homme dont le principe est en contradiction fondamentale avec le principe hédoniste. Un accent tout différent est donné au plaisir, pour autant que, chez lui, ce signifiant même est contaminé de l’accent spécial avec lequel se présente the lust, la Lust, la convoitise, le désir.

Contrairement à ce qu’une idée harmonique, optimiste, du développement humain pourrait après tout nous conduire à supposer, il n’y a pas d’accord préformé entre le désir et le champ du monde. Ce n’est pas ainsi que s’organise, que se compose le désir. L’expérience analytique nous l’apprend, les choses vont dans un sens tout différent. Comme nous l’avons ici énoncé, l’analyse nous engage dans une voie d’expérience dont le développement même nous fait perdre l’accent de l’instinct primordial, invalide pour nous son affirmation.

C’est à savoir que l’histoire du désir s’organise en un discours qui se développe dans l’insensé. Ceci, c’est l’inconscient.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre VI : Le désir et son interprétation", éditions de La Martinière et Le Champ Freudien éditeur, 2013, pages 425-426

[ psychanalyse ] [ décentrage ] [ rupture philosophique ]

 
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tremendum fascinans

La crainte de Dieu [...] est principe d’une sagesse et fondement de l’amour de Dieu. [...]

La crainte de Dieu est un signifiant qui ne traîne pas partout. Il a fallu quelqu’un pour l’inventer, et proposer aux hommes, comme remède à un monde fait de terreurs multiples, de redouter un être qui ne peut, après tout, exercer ses sévices que par les maux qui sont là, multiplement présents, dans la vie humaine. Remplacer les craintes innombrables par la crainte d’un être unique qui n’a d’autre moyen de manifester sa puissance que par ce qui est craint derrière ces innombrables craintes, c’est fort. [...]

Cette fameuse crainte de Dieu accomplit le tour de passe-passe de transformer, d’une minute à l’autre, toutes les craintes en un parfait courage. Toutes les craintes – Je n’ai point d’autre crainte – sont échangées contre ce qui s’appelle la crainte de Dieu, qui, si contraignante que ce soit, est le contraire d’une crainte.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 420-421

[ effets ] [ changement de perspective ] [ individuel-universel ]

 

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