LE "FÉMINISME" D'EXTRÊME DROITE : AUTOPSIE D'UN OXYMORE
Leçon de "féminisme d'extrême droite" : "L'utilité première d'une femme est de donner accès au sexe à l'homme qu'elle sélectionne. C'est uniquement pour ça que les hommes supportent de se coltiner des femmes ingrates, agaçantes, capricieuses. Elles n'ont sinon aucun intérêt".
À l'heure où la fachosphère pousse des cris d'orfraie devant "l'invasion woke" et souffle un vent de panique morale sur un pays qui serait tombé aux mains des dangereuses féministes, il est bon de rappeler une chose : le féminisme d'extrême droite n'existe pas. Thaïs d'Escufon, militante néofasciste, ancienne de Génération Identitaire – groupuscule dissout en 2021 en raison de son racisme et sa violence – devenue influenceuse sur Youtube, nous en fait la preuve par ses propos.
Pourtant ce qu'on appelle le fémonationalisme connaît une popularité croissante en France. En effet, le vote RN s'est massivement féminisé ces dernières années. Cette pseudo prise en charge de la défense des droits des femmes face à une menace venue des étrangers participe pleinement de la stratégie de dédiabolisation de l'extrême droite afin de toucher de plus larges pans de la société. Le fait que ce soit des femmes jeunes, via les réseaux sociaux, leur donnent en outre une nouvelle audience.
La militante d'extrême droite Thaïs d'Escufon avait par exemple été recrutée par Cyril Hanouna dans son émission "On marche sur la tête" comme simple " Chroniqueuse de droite" . Cette dernière est un argument marketing pour attirer de nouvelles parts d'électorat féminin tout en flattant les hommes conservateurs et effrayés par le féminisme.
Jordan Bardella en a montré également l'exemple flagrant lors de son discours en juin dernier : " Demain, je serai le premier ministre qui garantira de manière indéfectible à chaque fille et à chaque femme de France ses droits et ses libertés ". Sauf que, comme souvent avec le RN, il y a les discours, et puis il y a la réalité. Quelques exemples de la "défense des droits des femmes" made in RN : plus de la moitié des député-es RN n'ont pas voté l'inscription de l'IVG dans la Constitution, n'ont pas voté la loi sur l'égalité salariale, n'ont pas voté la loi renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et la liste est longue.
Essentialisation de la femme dans l'idéologie de l'extrême droite et fonction reproductrice
La femme tient une place centrale dans l'idéologie raciste de l'extrême droite. Pour l'Allemagne nazie, l'Italie fasciste, l’État français pétainiste, et plus proches de nous la Hongrie d'Orban ou l'Italie de Georgia Meloni, elle est la cellule de base de la famille et la vectrice de l'héritage biologique et culturel. Dans l'Allemagne nazie par exemple, les lebensborn étaient des nurseries spéciales, véritables machines à créer des petits aryens, où des femmes répondant aux critères de sélection nazie et enceintes d'officiers SS pouvaient passer les mois de leur grossesse et accoucher de manière anonyme.
Autre exemple, depuis l'élection de Georgia Meloni en Italie, les anti-avortement peuvent accéder librement aux cliniques publiques pour harceler le personnel soignant et les patientes. La femme blanche, chrétienne (en tout cas non musulmane) a une mission reproductrice quasi sacrée : elle doit mettre au monde des enfants blancs pour perpétuer la "race" et lutter contre le "grand remplacement". C'est pourquoi le RN ne se bat pas pour l'égalité salariale par exemple : la femme ne devrait pas travailler puisque sa fonction est reproductrice.
Le député RN Jocelyn Dessigny déclarait en 2022 : "Nous partons du principe qu’une mère au foyer, elle est peut-être mieux à la maison à s’occuper des enfants". Dans cette logique, la mode venue des USA des " tradwife ", femmes " traditionnelles " qui se présentent dans des vidéos comme heureuses de rester à la maison, à faire la cuisine et s'occuper des enfants, inonde les réseaux sociaux.
L'extrême droite promeut donc en ce sens une politique nataliste raciste. Sébastien Chenu en 2023 déclarait : " Moi, je préfère qu’on fabrique des travailleurs français plutôt qu’on les importe ". On retrouve dans le programme du RN la constitution "d'une part fiscale complète dès le deuxième enfant, ainsi que la création d’un prêt public à taux zéro transformé en subvention pour les couples qui ont un troisième enfant", dispositif qui reprend celui de Viktor Orban en Hongrie.
En 2021, Marion Maréchal et Éric Zemmour s'étaient d'ailleurs rendu-es au Sommet de la démographie organisé chaque année en Hongrie par le président du pays. En 2022 le RN avait déposé une proposition de résolution pour "faire de l’année 2024 une année dédiée à la relance de la natalité française". Emmanuel Macron, lors d'une conférence de presse où il appelait à un "réarmement démographique", avait repris presque mot pour mot ce discours nataliste raciste de l'extrême droite, révélant encore une fois l'absence de différence de nature entre l'idéologie macroniste et l'idéologie du RN.
"Faire le choix de la natalité, c’est s’engager à assurer la continuité de la Nation, et la perpétuation de notre civilisation" peut-on lire dans le Livre sur la Famille du programme du RN. C'est pour cette même raison que l'extrême droite combat la théorie du genre et est fondamentalement homophobe et transphobe.
Le fémonationalisme, une instrumentalisation raciste du sexisme
La sociologue féministe marxiste Sara Farris définit ainsi le fémonationalisme : " Défendre des mesures ou des politiques xénophobes et racistes sous prétexte qu’elles seraient nécessaires à la libération des femmes ". Ainsi, l'extrême droite instrumentalise des faits divers afin de racialiser le sexisme. Les collectifs comme le groupuscule identitaire Nemesis ne vont s'intéresser qu'aux féminicides ou violences sexistes et sexuelles commis par des étrangers afin de servir leur discours raciste. En revanche, elles ne dénoncent évidemment jamais Éric Zemmour, champion de l'extrême droite, dénoncé par pas moins de 8 femmes pour des agressions sexuelles.
Elles s'en prennent avant tout à un soi-disant "impact dangereux de l’immigration de masse sur les femmes occidentales". En outre, leur position vis-à-vis des femmes non blanches est binaire, comme le précise Kaoutar Archi dans la revue la Déferlante : "Si les femmes adultes migrantes et précaires continuent d’être perçues comme des sujets féminins dignes de " pitié ", pour les jeunes filles musulmanes françaises instruites, la structure de domination sexiste et raciste se reconfigure pour en faire des ennemies intérieures qui ne méritent plus le nom de " femme" . Les femmes musulmanes deviennent des " musulmans comme les autres" , et sont perçues comme menaçant l’ordre national français". C'est pourquoi elles se battent contre le port du voile ou l'abaya à l'école.
Les liens sont étroits entre ces collectifs et l'extrême droite : en novembre dernier, une soixante d'entre elles étaient au manoir des Le Pen pour préparer leur action à la manifestation du 23 novembre. Ce jour là, 80.000 personnes avaient défilé contre les violences sexistes et sexuelles, et Nemesis avait squatté la fin du cortège, sous haute protection policière, pour scander des slogans racistes.
À l'heure où les idées nauséabondes de l'extrême droite sont de plus en plus présentes, rappelons-le : l'extrême droite est l'ennemi des femmes, comme de toutes les minorités.