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pronom personnel

Le tu est loin de s’adresser à une personne ineffable, à cette espèce d’au-delà dont les tendances sentimentalistes à la mode de l’existentialisme voudraient nous montrer l’accent premier. C’est tout à fait autre chose dans l’usage.

Le tu n'est pas toujours le tu plein dont on fait si grand état [...]. [...]

La deuxième personne est loin d’être toujours employée avec cet accent. Quand on dit dans l’usage le plus courant On ne peut pas se promener dans cet endroit sans qu’on vous aborde, il ne s’agit d’aucun tu, d’aucun vous, en réalité. Le vous est presque le réfléchi du on, il en est le correspondant.

Quelque chose de plus significatif encore – Quand on en vient à ce degré de sagesse, il ne vous reste plus qu’à mourir. Là aussi, de quel vous, de quel tu s’agit-il ? [...] Ce que vous vise, est tellement un autre que je dirai que c’est le reste de ceux qui s’obstineraient à vivre après ce discours [...]. Cela vous montre assez que la fonction de la deuxième personne en cette occasion est justement de viser ce qui est personne, ce qui se dépersonnalise.

En fait, ce tu qu'on tue là, c'est celui que nous connaissons parfaitement par la phénoménologie de la psychose, et par l'expérience commune, c'est le tu qui en nous dit tu, ce tu qui se fait toujours plus ou moins discrètement entendre, ce tu qui parle tout seul, et qui nous dit tu vois ou tu es toujours le même.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 433-434

[ indéfini ] [ personnaison ] [ discours permanent ]

 

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complexe d'Œdipe

[...] pour autant que le moi se trouve dans cette position de rejet de la part de l’Idéal du moi par exemple, il s’établit l’état mélancolique. [...] C’est pour autant que, de la part de l’Idéal du moi, le sujet dans sa réalité vivante peut se trouver lui-même dans une position d’exclusion de toute signification possible, que s’établit l’état dépressif comme tel.

Ce dont il s’agit dans la formation de l’Idéal du moi est un processus tout opposé. L’objet se trouve confronté à ce que nous avons appelé privation pour autant qu’il s’agit d’un désir négatif, que c’est un objet qui peut être demandé, que c’est sur le plan de la demande que le sujet se voit refuser son désir. La liaison entre le désir en tant que refusé et l’objet, voilà ce qui est au départ de la constitution de cet objet comme un certain signifiant qui prend une certaine place, qui se substitue au sujet, qui devient une métaphore du sujet.

Cela se produit dans l’identification à l’objet du désir, dans le cas où la fille s’identifie à son père. Ce père qu’elle a désiré et qui lui a refusé le désir de sa demande, vient à sa place. La formation de l’Idéal du moi a ainsi un caractère métaphorique, et de même que dans la métaphore, ce qui en résulte, c’est la modification d’un désir qui n’a rien à faire avec le désir intéressé dans la constitution de l’objet, un désir qui est ailleurs, celui qui avait lié la petite fille à sa mère.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, page 301

[ genèse ] [ rapports ] [ triade ]

 

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christianisme

"Au commencement était le Verbe", je suis bien d’accord. Mais avant le commencement, où est-ce qu’il était ? C’est cela qui est vraiment impénétrable. […]

Dans l’Ecriture juive, l’Ecriture sainte, on voit très bien à quoi sert que le Verbe ait été non pas au commencement, mais avant le commencement. C’est que, comme il était avant le commencement, Dieu se croit en droit de faire toutes sortes de petites semonces aux personnes à qui il a fait un petit cadeau, du genre "petit-petit-petit", comme on donne aux poulets. Il a appris à Adam à nommer les choses. Il ne lui a pas donné le Verbe, parce que ce serait une trop grosse affaire, il lui a appris à nommer. Ce n’est pas grand-chose que de nommer, c’est tout à fait à la mesure humaine. Les êtres humains ne demandent que ça, que les lumières soient tempérées. La lumière en soi, c’est absolument insupportable. […]

Je suis pour saint Jean et son "Au commencement était le Verbe", mais c’est un commentaire énigmatique. Cela veut dire ceci : pour cet être charnel, ce personnage répugnant qu’est un homme moyen, le drame ne commence que quand le Verbe est dans le coup, quand il s’incarne, comme dit la religion, la vraie*. C’est quand le Verbe s’incarne que ça commence à aller vachement mal. Il n’est plus du tout heureux, il ne ressemble plus du tout à un petit chien qui remue la queue, ni non plus à un brave singe qui se masturbe. Il ne ressemble plus à rien du tout. Il est ravagé par le Verbe.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans "Le triomphe de la religion", éd. du Seuil, Paris, 2005, pages 89-90, * c'est-à-dire, pour Lacan, la religion romaine, ainsi qu'il s'en explique dans cette citaiton

[ angoisse ] [ subversion intérieure du discours ] [ réel ] [ pouvoir sémantique ] [ puissance de l'imaginaire linguistique ] [ désordonnée mémétique ]

 

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principe psychanalytique

Reprenons par exemple le Wo Es war, soll Ich warden, traduit Là où C’était, là Je dois devenir.

Ceci est très précis. il s’agit du Ich, qui n’est pas das Ich, le moi. Ich est ici utilisé comme sujet de la phrase. Là où C’était, c’est là où ça parle, c’est-à-dire où, à l’instant d’avant, quelque chose était qui est le désir inconscient.

C’est là que Je dois me désigner, où Je dois être. Ce Je est le but, la fin, le terme, de l’analyse avant qu’il se nomme, se forme, s’articule – si tant est qu’il le fasse jamais, car aussi bien le soll Ich werden de la formule freudienne doit-il être entendu comme un dois-Je devenir. Le Je est le sujet d’un devenir, d’un devoir qui vous est proposé.

[...] Mais la question se pose – avant que ceci ne soit fait, qu’est-ce qui nous désigne, là où ça était, la place du Je qui doit venir au jour ? C’est, très exactement, l’index du désir. J’entends, du désir en tant que fonction et terme de ce dont il s’agit dans l’inconscient, le désir soutenu par la coexistence et l’opposition des deux termes, le S barré et le petit a.

A cette limite où l’inconscient commence, le sujet se perd. Il n’y a pas là, purement et simplement, privation de quelque chose qui s’appellerait la conscience. C’est une autre dimension qui commence, où il n’est plus possible au sujet de savoir ni qui, ni où il est. Ici s’arrête pour lui toute possibilité de se nommer.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre VI : Le désir et son interprétation", éditions de La Martinière et Le Champ Freudien éditeur, 2013, page 447

[ indice ] [ intermédiaire ] [ accès indirect ] [ signification ]

 
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structures incorporées du langage

Si effectivement, l’action spécifique qui vise à l’expérience de satisfaction, est une action dont la fin est de reproduire l’état, de retrouver das Ding, l’objet, nous comprendrons bien des modes de ce qui est le comportement névrotique, de la conduite de l’hystérique, si tant est qu’il s’agit, dans la conduite de l’hystérique, de recréer un état centré par l’objet en tant que cet objet, das Ding, est le centre et le support d’une aversion comme FREUD l’écrit quelque part.

C’est en tant que l’objet premier est objet d’insatisfaction que s’ordonne, s’organise l’Erlebnis spécifique de l’hystérique. Et c’est aussi pour autant que par une différence, une distinction, une opposition que FREUD a vue, la première, et qui n’a pas lieu d’être abandonnée que dans la névrose obsessionnelle, cet objet, das Ding, par rapport à quoi s’organise l’expérience de fond, l’expérience de plaisir, est un objet - FREUD l’a très bien perçu, cela a été sa première aperception de la névrose obsessionnelle - un objet qui littéralement apporte trop de plaisir.

Si vous regardez dans ses cheminements divers, dans tous ses ruisselets le comportement de l’obsessionnel : ce qu’il indique et ce qu’il signifie, ce comme quoi il apparaît sujet lui-même, c’est toujours ce quelque chose qui se règle pour éviter en fin de compte ce qu’il voit souvent assez clairement comme étant le but et la fin de son désir. Et pour l’éviter d’une façon dont la motivation est somme toute extraordinairement radicale, puisque effectivement le principe du plaisir nous est donné pour avoir un mode de fonctionnement qui est justement d’éviter cet excès, ce trop de plaisir.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 9 décembre 1959, L'éthique

[ définition ] [ hystérie ] [ choix de la névrose ]

 

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conjugaison

En allemand comme en français, ce fameux verbe être est loin d’être un verbe simple, et même d’être un seul verbe. Il est évident que la forme suis n’est pas de la même racine que es, est, êtes, et que fut, et il n’y a pas non plus stricte équivalence avec la forme été. Si fut a son équivalent en latin, ainsi que suis et la série de est, été vient d’une autre source, de stare. La répartition est également différente en allemand où sind se groupe avec bist, alors qu’en français la deuxième personne est groupée avec la troisième. On a à peu près dégagé pour les langues européennes trois racines, celles qui correspondent à sommes, à est et à fut, que l’on rapproche de la racine phusis en grec, qui se rapporte à l’idée de vie et de croissance. Pour les autres, M. Heidegger insiste sur les deux faces, Sten, qui se rapprocherait de stare, se tenir debout tout seul, et Verbahen, durer, ce sens étant tout de même rattaché à la source phusis. Pour M. Heidegger, l’idée de se tenir droit, l’idée de vie et l’idée de durer seraient donc ce que nous livrerait une analyse étymologique complétée par l’analyse grammaticale, et ce serait d’une espèce de réduction et d’indétermination jetée sur l'ensemble de ces sens, que surgirait la notion d'être.

[...] Je dois dire qu’une analyse de cet ordre est plutôt de nature à élider, à masquer ce à quoi essaie de nous initier M. Heidegger, à savoir ce qui est absolument irréductible dans la fonction du verbe être, la fonction purement et simplement copulatoire.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, page 472

[ implications philosophiques ] [ effets signifiants ] [ comparaison ] [ linguistique ] [ fonction motrice ] [ rhème ]

 
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maïeutique

Vous introduisez l’idée d’un point mort, que vous appelez résistance, et d’une force, qui fait que ça avance. Jusque-là, c’est tout à fait correct. Mais si vous allez de là à l’idée que la résistance est à liquider, [...] vous tombez dans l’absurdité pure et simple. Après avoir créé une abstraction, vous dites – il faut faire disparaître cette abstraction, il faut qu’il n’y ait pas d’inertie.

Il n’y a qu’une seule résistance, c’est la résistance de l’analyste. L’analyste résiste quand il ne comprend pas à quoi il a affaire. Il ne comprend pas à quoi il a affaire quand il croit qu’interpréter, c’est montrer au sujet que ce qu’il désire, c’est tel objet sexuel. Il se trompe. Ce qu’il s’imagine ici être objectif n’est qu’une pure et simple abstraction. C’est lui qui est en état d’inertie et de résistance.

Il s’agit au contraire d’apprendre au sujet à nommer, à articuler, à faire passer à l’existence, ce désir qui, littéralement, est en deçà de l’existence, et pour cela insiste. Si le désir n’ose pas dire son nom, c’est que ce nom, le sujet ne l’a pas encore fait surgir. 

Que le sujet en vienne à reconnaître et à nommer son désir, voilà quelle est l’action efficace de l’analyse. Mais il ne s’agit pas de reconnaître quelque chose qui serait là tout donné, prêt à être coapté. En le nommant, le sujet le crée, fait surgir, une nouvelle présence dans le monde. Il introduit la présence comme telle, et du même coup, creuse l’absence comme telle. C’est à ce niveau-là seulement qu’est concevable l’action de l’interprétation.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre II", "Le moi dans la théorie de Freud", pages 312-313

[ langage ] [ performatif ] [ psychanalyse ]

 

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souffrance

[...] dans l’organisation de la moelle épinière on trouve des neurones et des axones de la douleur au même niveau, à la même place, à certains étages qui est celle où, à d’autres étages, certains neurones, certains axones, liés essentiellement à la motricité tonique, se rencontrent.

Aussi bien, la douleur ne doit-elle pas être purement et simplement prise dans le registre des réactions sensorielles. Je dirai que ce que nous ont montré les incidences physiologiques, ce que la chirurgie de la douleur nous montre, c’est qu’il n’y a pas là quelque chose de simple qui puisse être considéré simplement comme une qualité de la réaction sensorielle, et que le caractère complexe - si l’on peut dire - intermédiaire entre l’afférent et l’efférent de la douleur, est quelque chose qui nous est suggéré par les résultats - il faut bien le dire - surprenants de telle ou telle section qui permet la conservation de la notion de douleur dans certaines affections internes - spécialement dans les affections cancéreuses - avec en même temps, la suppression, la levée, si l’on peut dire, d’une certaine qualité subjective qui en fait à proprement parler le caractère insupportable.

Bref, aussi bien ceci - qui est encore de l’ordre d’une exploration physiologique moderne qui ne nous permet pas encore de bien pleinement les articuler - ceci n’est que quelque chose où je vous prie de voir la suggestion que peut-être nous devons concevoir la douleur comme quelque chose qui dans l’ordre d’existence, est peut-être comme un champ qui s’ouvre, précisément, à la limite où il n’y a pas la possibilité pour l’être de se mouvoir.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre VII", L'éthique, 16 décembre 1959

[ excès ] [ inadéquation matérielle ] [ définie ]

 

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manque de l'objet

En mettant l’accent sur la notion de frustration, nous ne dérogeons pas beaucoup à la notion mise par Freud au centre de la conflictualité analytique, qui est celle de désir. [...]

La notion de frustration, quand elle est mise au premier plan de la théorie analytique, se rapporte au premier âge de la vie. Elle est liée à l’investigation des traumas, fixations, impressions, provenant d’expériences préœdipiennes. Cela n’implique pas qu’elle soit extérieure à l’Œdipe – elle en donne en quelque sorte le terrain préparatoire, la base et le fondement. [...]

Quel est le mode de relation à l’objet qui est en jeu dans la frustration ? Il introduit manifestement la question du réel. Voici en effet qu’avec la notion de frustration s’introduit dans le conditionnement, le développement du sujet, tout un cortège de notions que l’on traduit dans un langage de métaphores quantitatives – on parle de satisfaction, de gratification, d’une certaine somme de bienfaits adaptés, adéquats, à chacune des étapes du développement du jeune sujet, et dont la plus ou moins complète saturation, ou au contraire carence, est ainsi considérée comme un élément essentiel. [...]

La frustration est donc considérée comme un ensemble d’impressions réelles, vécues par le sujet à une période du développement où sa relation à l’objet réel est centrée d’habitude sur l’imago dite primordiale du sein maternel, par rapport à quoi vont se former chez lui ce que j’ai appelé tout à l’heure ses premiers versants et s’inscrire ses premières fixations, celles qui ont permis de décrire les types des différents stades instinctuels. [...] Bref, nous avons ici l’anatomie imaginaire du développement du sujet.

Auteur: Lacan Jacques

Info: dans le "Séminaire, Livre IV", "La relation d'objet", éditions du Seuil, 1994, pages 82 à 84

[ mythe psychanalytique ] [ inassouvissement ]

 
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philosophe

Je m’excuse si en ce lieu ouvert à tous, je demande à ceux qu’unit la même amitié, de porter leur pensée un instant vers un homme qui a été leur ami, mon ami, Maurice MERLEAU-PONTY, qui nous a été ravi mercredi dernier, le soir de mon dernier séminaire, en un instant, dont la mort nous a été apprise quelques heures après cet instant. Nous l’avons reçue en plein cœur.

Maurice MERLEAU-PONTY suivait son chemin, poursuivait sa recherche qui n’était pas la même que la nôtre. Nous étions partis de points différents, nous avions des visées différentes, et je dirai même que c’est de visées tout opposées que nous nous trouvions l’un et l’autre en posture d’enseigner.

Il avait toujours voulu et désiré enseigner, alors que je puis dire que c’est bien malgré moi, que j’occupe cette chaire. Je puis dire aussi que le temps nous aura manqué, en raison de cette fatalité mortelle, pour rapprocher plus nos formules et nos énoncés. Sa place, par rapport à ce que je vous enseigne aura été de sympathie. Et je crois après ces huit jours, où, croyez-le bien, l’effet de ce deuil profond que j’en aurai ressenti m’a fait m’interroger sur le niveau où je puis remplir cette place, et d’une façon telle que je puis me mettre devant moi-même en question, du moins me semble-t-il que de lui, par sa réponse, par son attitude, par ses propos amicaux chaque fois qu’il est venu ici, je recueille cette aide, ce confort, que je crois que nous avions en commun - de l’enseignement - cette idée qui écarte au plus loin toute infatuation de principe, et pour tout dire, tout pédantisme.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 10 mai 1961

[ hommage posthume ]

 

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