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sympathies protestantes

Rabelais a goûté l’Evangile, comme le déclare Calvin. Et de le goûter, en 1532, en 1534, il a conscience. Il se range, avec une sincérité dont rien ne permet de douter, aux côtés de ceux-là qui en vivent spirituellement. Par le Pantagruel, par le Gargantua, par les petits écrits conservés, il sert la cause de ces hommes ; il la traduit, la plaide avec tout son talent. Quelques-uns des principaux thèmes des novateurs, [...] il les illustre, il les développe puissamment. Sans illusions ? Voilà le vrai problème. Car on peut, à certaines heures, se tromper en tout bonne foi sur sa véritable nature – et se croire, se dire un Evangélique quand on est le père, le créateur, le plus parfait adepte du Pantagruélisme...

Rabelais a pu se dire, se croire Evangélique. Dans ces années troublées d’entre 1530 et 1535, il a pu prendre rang aux côtés de ces novateurs qui devaient, vingt ans plus tard, après bien des changements, reconnaître dans la Genève de Calvin leur patrie spirituelle. S’il s’était analysé avec exactitude, déjà, au fond de son esprit et de sa conscience, il aurait perçu tout ce qui le séparait de ceux qui, réellement, furent les Réformés. Les gaillardises ? Si l’on veut. [...] Son moralisme foncier, bien plutôt, la part énorme qu’il fait à cet idéal de perfection morale que ne cessent de proclamer ses raisonneurs. – Surtout, aussi fort que son incompréhension de tout esprit de pénitence, son refus d’être obsédé par un péché qui souille tout er pervertit l’être humain radicalement.

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, page 278

[ différences ] [ incompatibilité ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

inconscient

Préalablement à toute symbolisation - cette antériorité n'est pas chronologique, mais logique - il y a une étape, les psychoses le démontrent, où il se peut qu'une part de la symbolisation ne se fasse pas. Cette étape première précède toute la dialectique névrotique qui tient à ce que la névrose est une parole qui s'articule, pour autant que le refoulé et le retour du refoulé sont une seule et même chose. Il peut ainsi se faire que quelque chose de primordial quant à l’être du sujet n’entre pas dans la symbolisation, et soit, non pas refoulé, mais rejeté.

Ce n’est pas démontré. Ce n’est pas non plus une hypothèse. C’est une articulation du problème. La première étape n’est pas une étape que vous ayez à situer quelque part dans la genèse. [...] ne vous laissez pas fasciner par ce moment génétique. Le jeune enfant que vous voyez jouer à faire disparaître et revenir un objet, et qui s’exerce par là à l’appréhension du symbole, vous masque, si vous vous laissez fasciner par lui, le fait que le symbole est déjà là, énorme, l’englobant de toute part, que le langage existe, qu’il remplit les bibliothèques, qu’il en déborde, qu’il encercle toutes vos actions, qu’il les guide, qu’il les suscite, que vous êtes engagés, qu’il peut vous requérir à tout instant de vous déplacer, et vous mener quelque part. Tout cela, vous l’oubliez devant l’enfant en train de s’introduire dans la dimension symbolique. Donc, plaçons-nous au niveau de l’existence du symbole comme tel, en tant que nous y sommes immergés.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 131-132

[ forclusion ] [ origine du référentiel humain ]

 

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création monétaire

Les cinémas, c'est absolument spectaculaire. Les cinémas vides. C'est pas grave qu'ils soient pas pleins, Macron imprime de l'argent. Il distribue aux producteurs, il distribue aux salles de cinéma. Et on s'en fout s'il y a des gens dans les salles, c'est pas un problème. C'est comme en Union soviétique. C'est pas grave s'il n'y a personne dans les cinémas, on s'en fout. C'est des cinémas d'État. Ils vont quand même diffuser ce qu'ils ont à diffuser. Et c'est pareil pour les restaurants. Les restaurants, ils étaient peut-être fermés, mais l'État payait. Donc c'est quoi, c'est les cantines du parti ? Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Moi j'ai du mal à comprendre les contribuables. [...] Ca n'a aucune logique économique. Ca a une logique politique, mais ça n'a pas de logique économique, et ceux qui sont lésés c'est ceux qui se font piller, c'est les travailleurs parce que c'est leur argent qui est pris et qu'ils seront tenus de rembourser, ou leurs enfants ou leurs petits-enfants en tout cas a priori. Et tout est comme ça. Macron déverse énormément d'argent. [...] C'est pour ça qu'il ne se passe rien aussi. Pourquoi tout le monde se tient à carreaux face au démantèlement complet des libertés publiques et même des libertés anthropologiques - le fait de pouvoir sortir de chez soi pour aller dans l'espace public rencontrer des amis [...] ? Si les gens ne bronchent pas, c'est à cause de ces immenses masses d'argent qui sont imprimées, mais paradoxalement au quotidien, on n'a pas l'impression de crouler sous le fric.

Auteur: Anonyme

Info: Transcription d'un extrait du podcast de Démocratie participative S06E43

[ survie artificielle ] [ covid-19 ] [ effondrement ]

 

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gouvernement

Le luxe est un besoin des grands états et des grandes civilisations. Cependant il y a des heures où il ne faut pas que le peuple le voie. Mais qu'est-ce qu'un luxe qu'on ne voit pas ? Problème. Une magnificence dans l'ombre, une profusion dans l'obscurité, un faste qui ne se montre pas, une splendeur qui ne fait mal aux yeux à personne. Cela est-il possible ? Il faut y songer pourtant. Quand on montre le luxe au peuple dans des jours de disette et de détresse, son esprit, qui est un esprit d'enfant, franchit tout de suite une foule de degrés ; il ne se dit pas que ce luxe le fait vivre, que ce luxe lui est utile, que ce luxe lui est nécessaire. Il se dit qu'il souffre, et que voilà des gens qui jouissent. Il se demande pourquoi tout cela n'est pas à lui. Il examine toutes ces choses non avec sa pauvreté qui a besoin de travail et par conséquent besoin des riches, mais avec son envie. Ne croyez pas qu'il conclura de là : Eh bien ! Cela va me donner des semaines de salaire, et de bonnes journées. Non, il veut, lui aussi, non le travail, non le salaire, mais du loisir, du plaisir, des voitures, des chevaux, des laquais, des duchesses. Ce n'est pas du pain qu'il veut, c'est du luxe. Il étend la main en frémissant vers toutes ces réalités resplendissantes qui ne seraient plus que des ombres s'il y touchait. Le jour où la misère de tous saisit la richesse de quelques-uns, la nuit se fait, il n'y a plus rien.

Auteur: Hugo Victor

Info: Choses vues, Histoire, Robert Laffont, Bouquins 1987 <p.718-719>

 

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dominants-dominés

L’obéissance civile ; eh bien, c’est ce dont nous allons parler, c’est notre problème. La loi est très importante. Nous parlons ici d’obéissance à la loi – la loi, cette merveilleuse invention des temps modernes, que nous attribuons à la civilisation occidentale et dont nous parlons avec fierté. Le droit, oh, comme ils sont extraordinaires tous ces cours sur la civilisation occidentale, donnés dans tout le pays. Souvenez-vous de l’époque sinistre où la population était exploitée par le régime féodal. Tout était abominable au Moyen-âge, mais maintenant, nous avons la civilisation occidentale, l’état de droit. Le droit a normalisé et exploité au maximum l’injustice qui existait avant lui, c’est cela qu’a fait le droit. Examinons tout d’abord le système de manière réaliste et non pas avec cette satisfaction métaphysique avec laquelle nous le considérons depuis toujours.



Quand, dans tous les pays du monde, le droit est le chouchou des dirigeants et un fléau pour le peuple, alors nous devons commencer à reconnaître ceci. Nous devons dépasser les frontières nationales dans notre réflexion. Nixon et Brejnev ont plus en commun entre eux que nous avec Nixon. J. Edgar Hoover a plus en commun avec le chef de la police secrète soviétique qu’avec nous. C’est cet engagement international aux lois qui crée de solides liens d’amitié entre eux. C’est pour cela que nous sommes toujours surpris de voir que, lorsqu’ils se retrouvent, ils sourient, se serrent la main, fument le cigare ensemble, s’apprécient mutuellement, et cela, indépendamment de leurs discours officiels. C’est comme les partis républicain et démocrate, qui prétendent qu’il y aura un grand changement si l’un ou l’autre l’emporte, et pourtant, c’est toujours la même chose. Au bout du compte, c’est eux contre nous.

Auteur: Zinn Howard

Info: Introduction au débat à l’université Johns Hopkins prononcée en mai 1970

[ usure des structures ] [ cénacles dirigeants ] [ maintien des privilèges ] [ oppositions politiques trompeuses ]

 

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isolement

Leo s'est endormi presque instantanément et j'ai dû affronter seule la tempête qui se déchaînait en moi.
Je n'ai pas allumé; j'ai tisonné le feu et ajouté un peu de charbon puis je me suis assise, vêtue d'un pull et de ma culotte, avec Bell, le chat sur les genoux.
Je répétais à mon coeur: Cesse de brûler, cesse de me faire mal, calme-toi, il n'y a aucun remède à ton angoisse et à tes regrets. Je savais que le sexe était bon pour le moral et que je pouvais m'estimer heureuse, parce que beaucoup de célibataires - et sans doute de personnes mariées- de mon âge n'avaient que trop peu d'occasions de faire l'amour. Et j'appréciais pleinement ma chance. Mais le Temps s'était invité dans le lit avec nous - mon ventre mou sur la hanche anguleuse de Leo, son bras osseux autour de moi. Et à présent la dure leçon du Temps sur l'impuissance d'autrui à apaiser notre souffrance se rappelait à moi. Je ne pouvais pas dire à Leo: Me retrouver si près de toi me fait sentir encore plus cruellement ma solitude ordinaire.
Chacun doit grandir sans importuner les autres.
C'était mon problème. Moi seule trimballais le souvenir de ce qui avait été - la gloire du monde tel que je l'imaginais quand j'étais jeune, quand la passion semblait me faire accéder à un immense royaume, quand, parfois, j'avais l'impression de quitter la terre pour m'élancer dans l'univers et y scintiller de tout mon être. Quand je ne me posais aucune question sur moi-même. Quand j'avais foi en tout.
Oh, rendez-moi cela! ai-je supplié la pièce obscure et silencieuse. Oh, rendez-le moi ! que je puisse revivre ma vie avec ce que je sais maintenant! Rendez-moi un commencement!

Auteur: O'Faolain Nuala

Info: Best love Rosie

[ littérature ] [ couple ] [ désillusion ] [ assumer ]

 

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néologisme

Il y a un champ de FLP qui a posé problème. Celui de certaines manifestations récurrentes qui nous dépassent (pour l'instant).

Dans le cadre des observations humaines, en général scientifiques, émergent des constats, certaines proportions, ou formes ou nombres... reviennent, souvent à diverses échelles - c'est étonnant. Des phénomènes (des lois ?) qui semblent immuables. Le nombre d'or (1,618) vient à l'esprit ici. Ou le septénaire.

Ou cet exemple concernant les requins, race demeurée stable depuis plus de 100 millions d'années. Il semble établi que les requins ont pu se maintenir grâce à une magnifique adéquation avec le biotope qui serait due principalement à leur furtivité (leur proies se font surprendre). Mais on a aussi pu montrer que ce qui est "resté" le plus longtemps, ce qui semble avoir stabilisé et assuré la pérennité de cette forme "requin" dans son ADN (un ADN sans cesse changeant au cours des âges), est une petite fonction de maintien de l'ordre. Une fonction "flic", demeurée identique sur des dizaines de millions d'années. Maintien de l'ordre à une échelle éonique, ou projection du point de vue humain ?

Donc, pour ce champ que FLP s’essaye à préciser, qui serait celui d'un ordre supérieur que les hommes constatent et décrivent dans certaines manifestations du réel, nous avons choisi le terme/catégorie/tag de "méta-moteur".

Pour mieux caractériser ce concept on utilisera aussi des mots-tags comme : guidage, pilotage, ordre, invariant, lamanage, loi de la nature, archétype... Cependant "Méta-moteur" reste notre préféré...

En décidant ceci on peut presque parler de la création d'un signe (au sens de C.S. Peirce) qui permet d'isoler un concept. Ce qui permettra peut-être de préciser et d'approfondir certaines formes d'organisation que nous pensons percevoir, sans en savoir plus. Elle se se dévoileront éventuellement mieux avec le temps. Tout ceci étant probablement du à notre "jeunesse" intrinsèque et aux niveaux/échelles à partir desquels ces manifestations sont discernables.

Un peu comme si nous vivions dans un film en 3D et qu'il s'agirait de comprendre un peu mieux les mécanismes du projecteur ou, encore plus fou, le (ou les) projectionniste(s), pour reprendre l'idée de Vallée.

Auteur: Mg

Info: 14 sept. 2015

[ organisation ] [ quête ] [ horizon ] [ conservation ] [ mémoire ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ] [ pérennisation ]

 
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magasin

A l'épicerie, dans la rangée huit, une petite dame bloque le passage avec son énorme chariot qui couvre à peine la largeur de son impressionnant derrière. Qu'elle m'empêche de circuler est une chose, plutôt normal même, vu les pyramides précaires d'articles en tout genre entassés dans le milieu de l'allée, mais qu'elle ne s'en rende pas compte et ne fasse même pas semblant d'essayer de se pousser un peu me tue. Son visage est crispé dans une moue de dédain apparemment provoquée par l'insatisfaction que lui inspire la lecture des ingrédients des produits sans exception. Elle les attrape un à un, les tourne dans tous les sens, s'attarde à tous les petits pourcentages de gras, de sucre, de sel et ne semble jamais trouvé là son bonheur ou quelque chose qui satisfasse son désir de se faire du bien. Son pouce et son index pincent sa bouche aux commissures pâteuses et viennent se rejoindre au centre de sa lèvre inférieure après avoir râclé les peaux mortes, les croutes séchées d'un rouge à lèvres à moitié effacé dans les teintes de mauve. Des traces tenaces d'un mauvais vin rouge bu la veille, peut-être. Par réflexe, fort de cette seule trace probablement mal interprétée, mon cerveau la transforme en une vieille alcoolique pas fine, facile à détester. Je m'avance en me traînant les pieds, pour faire du bruit, mais elle ne bouge pas. Sourde en plus. J'ai besoin d'aller tout droit, d'atteindre la section des desserts maison, pour ramasser trois tartes aux pets-de-soeur de la boulangerie Bouchard de L'Isle-aux-Coudres. [...] Une personne qui dort à peu près normalement se résigne sans regimber à changer de rangée pour éviter le problème. Je n'en suis pas. En passant près d'elle, en la frôlant sans délicatesse, dans ma tête je lui crie de toutes mes forces : "Mange de la laitue bio, crisse !" J'ai une voix intérieure qui porte, elle bouge, se dirige vers l'allée des légumes. Je me rends jusqu'au bout de la rangée, prends mes tartes, les paie et sors, sans détruire quoi que ce soit, sans tuer personne. Je suis parfois capable d'un contrôle absolument épatant.

Auteur: Lavoie Marie-Renée

Info: Le syndrome de la vis

[ personnage ] [ self contrôle ] [ encombrement ]

 

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politique

Pas que je dise que le capitalisme ne serve à rien. Non. Le capitalisme sert justement à quelque chose et nous ne devrions pas l’oublier. C’est les choses qu’il fait qui ne servent à rien, mais ça c’est une toute autre affaire. C’est justement son problème.

Enfin, ce sur quoi il s’appuie - et c’est une grande force - devrait s’éclairer. Elle joue dans le même sens que celui que je vous disais tout à l’heure, elle va contre le pouvoir. Elle est d’une autre nature. Et elle donne au pouvoir de grands embarras.

Là aussi, c’est évidemment nachträglich, c’est après coup qu’il faut voir le sens de ce qui se passe. Le capitalisme a tout à fait changé les habitudes du pouvoir. Elles sont peut­-être devenues plus abusives, mais enfin, elles sont changées.

Le capitalisme a introduit ceci, qu’on n’avait jamais vu, ce qu’on appelle le pouvoir libéral.

Il y a des choses très simples dont après tout je ne peux parler que d’expérience très personnelle.

Observez ceci : de mémoire d’historien on n’a jamais entendu parler d’organe de gouvernement qu’on quitte en donnant sa démission.

Là où des pouvoirs authentiques, sérieux, subsistants, existent, on ne donne pas sa démission, parce que c’est très grave comme conséquence. Ou alors c’est une simple façon de s’exprimer, on donne sa démission, mais on vous abat à la sortie.

J’appelle ça des endroits où le pouvoir est sérieux. L’idée de considérer comme un progrès, et encore libéral, les institutions où, quand quelqu’un a bien saboté tout ce qu’il avait à faire pendant trois ou six mois et s’est révélé un incapable,

il n’a qu’à donner sa démission et il ne lui arrive rien.

Au contraire, on lui dit d’attendre pour qu’il revienne la prochaine fois : ça veut quand même dire quoi ?

On n’a jamais vu ça à Rome, enfin ! Aux endroits où c’était sérieux ! On n’a jamais vu un consul donner sa démission, ni un tribun du peuple ! C’est à proprement parler, inimaginable. Ça veut simplement dire que le pouvoir est ailleurs.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 19 mars 1969

[ discours capitaliste ] [ nom-du-père ] [ ordre symbolique ] [ destitution ]

 

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déresponsabilisation politique

(IT) - Certaines des technologies que vous qualifiez de "solutionnistes" sont utiles à de nombreuses personnes. Par exemple, des gadgets d'autosurveillance qui encouragent les gens à faire de l'exercice, à surveiller leur tension artérielle ou à les prévenir de leurs habitudes de conduite pour réduire leurs primes d'assurance.

(EM) - Les gens qui commencent à s'auto-surveiller ont du succès et n'ont rien à perdre. Si vous pouvez vous auto-suivre et prouver que vous êtes meilleur que la moyenne des gens - que vous êtes en meilleure santé ou que vous conduisez plus prudemment - vous pouvez obtenir une meilleure offre et réclamer certains avantages. Et là nous finirons par arriver au point où les gens qui décident de ne pas s'auto-suivre seront vus comme des gens qui ont quelque chose à cacher. Alors ils n'auront d'autre choix que de commencer à le faire. Très souvent, les gens de la Silicon Valley qui font la promotion de ces technologies disent que nous avons le choix, que nous avons une autonomie complète, et je dis que c'est un mythe.

(IT) - Mais ça peut quand même résoudre des problèmes ?

(EM) - Très souvent, les solutions d’auto-suivi sont commercialisées comme moyens de résoudre un problème. Vous pouvez surveiller combien de calories vous consommez, combien d'électricité vous utilisez. Ce qui semble bien en théorie, mais je crains que beaucoup de décideurs politiques préfèrent utiliser l'option de l’auto-suivi comme alternative à la réglementation de l'industrie alimentaire plutôt qu'engager des réformes plus structurelles, pour le changement climatique par exemple.

Toutes les solutions ont un coût. Le transfert d'une grande partie de la responsabilité à l'individu est une approche très conservatrice qui vise à préserver le système actuel au lieu de le réformer. Avec l’auto-suivi, nous finissons par optimiser notre comportement dans le cadre des contraintes existantes plutôt que de modifier les contraintes au départ. Tout ceci nous met dans une position de consommateurs plutôt que citoyens. Je crains que les décideurs politiques ne trouvent qu'il est beaucoup plus facile, moins cher et plus sexy d'inviter des gens comme Google à s'engager dans la résolution de certains de ces problèmes plutôt que de faire quelque chose de beaucoup plus ambitieux et radical.

Auteur: Morozov Evgeny

Info: "Auteur : Réfléchissez à deux fois à " l'Internet ". Entretien avec Ian Tucker, www.theguardian.com, 9 mars 2013

[ sociologie ] [ conformité assurantielle ] [ big brother assuranciel ]

 

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