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manque

On ne peut aimer qu’à se faire comme n’ayant pas, même si l’on a. L’amour comme réponse implique le domaine du non-avoir. […]

Ce n’est pas moi, c’est Platon qui l’a inventé – qui a inventé que seule la misère, Pénia, peut concevoir l’Amour, et l’idée de se faire engrosser un soir de fête. Et en effet, donner ce qu’on a, c’est la fête, ce n’est pas l’amour. 

D’où […] pour le riche – ça existe, et même, on y pense – aimer nécessite toujours de refuser.

C’est même ce qui agace. Il n’y a pas que ceux à qui on refuse qui sont agacés. Ceux qui refusent, les riches, ne sont pas plus à l’aise. […]

Je dirai même plus pendant que j’y suis – les riches n’ont pas bonne presse. Autrement dit, nous autres progressistes, nous ne les aimons pas beaucoup. Méfions-nous. Peut-être que cette haine du riche participe par une voie secrète à une révolte contre l’amour, tout simplement. Autrement dit, à une négation, à une Verneinung des vertus de la pauvreté, qui pourrait bien être à l’origine d’une certaine méconnaissance de ce que c’est que l’amour. [….]

Bref il est tout à fait certain pour un analyste qu’il y a chez le riche une grande difficulté d’aimer […]. Il vaut peut-être mieux le plaindre, le riche, sur ce point plutôt que le haïr, à moins qu’après tout, le haïr ne soit un mode de l’aimer, ce qui est bien possible.

Ce qu’il y a de certain, c’est que la richesse a une tendance à rendre impuissant. […] Et c’est ce qui explique tout de même des choses. La nécessité, par exemple, de détours. Le riche est forcé d’acheter, puisqu’il est riche. Et pour se rattraper, pour essayer de retrouver la puissance, il s’efforce, en achetant, de dévaloriser. […] Ainsi, quelquefois, il espère provoquer ce qu’il ne peut jamais acquérir directement, à savoir le désir de l’Autre. [...]

Le saint est un riche. Il fait bien tout ce qu’il peut pour avoir l’air pauvre, c’est vrai, […] mais c’est en cela justement qu’il est un riche […].

Le saint se déplace tout entier dans le domaine de l’avoir. Le saint renonce peut-être à quelques petites choses, mais c’est pour posséder tout.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, livre VIII - Le transfert" pages 415 à 417

[ amant ] [ métaphore du désirant ] [ comblé ]

 

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catharisme

Quoiqu’il en soit à un certain tournant de la vie commune en Europe, la question de ce qui ne va pas dans la Création comme telle s’est posée. Elle s’est posée pour des gens dont vous verrez très suffisamment la notion qu’actuellement il nous est très difficile de savoir ce qu’ils pensaient bien exactement, je veux dire ce qu’a représenté effectivement, dans toutes ses incidences profondes, ce mouvement religieux et mystique qui s’appelle "l’hérésie cathare".

On peut même dire que c’est le seul exemple historique où une puissance temporelle se soit trouvée d’une telle efficace qu’elle a réussi à supprimer presque toutes les traces du procès. Tel est le tour de force qu’a réalisé la Sainte Église Catholique et Romaine. Nous en sommes à trouver dans des coins des documents dont très peu se présentent avec un caractère satisfaisant. Les procès d’inquisition eux-mêmes se sont volatilisés et nous n’avons que quelques témoignages latéraux de ci de là.

Par exemple, un père dominicain nous dit que ces cathares étaient dans tous les cas de très braves gens, foncièrement chrétiens dans leur manière de vivre et particulièrement de mœurs d’une pureté exceptionnelle. Je crois bien que les mœurs étaient d’une pureté exceptionnelle, puisque le fond des choses était qu’il fallait foncièrement et essentiellement se garder de quelque acte qui pût, d’aucune façon, favoriser la perpétuation de ce monde exécrable et mauvais dans son essence.

La pratique de la perfection consistant donc essentiellement à viser à atteindre, dans l’état de détachement le plus avancé, la mort qui était pour eux le signal de la réintégration dans un monde de lumière, dans un monde animique caractérisé par la pureté et la lumière, et qui était le monde du vrai, du bon Créateur originel, celui dont toute la création avait été souillée par l’intervention du mauvais Créateur, du démiurge, lequel y avait introduit cet élément épouvantable qui est celui de la génération, et aussi bien de la putréfaction, c’est-à-dire de la transformation.

C’est dans la perspective aristotélicienne de la transformation de la matière en une autre matière qui s’engendre elle-même, que cette perpétuité de la matière était le lieu où était le mal. La solution, comme vous le voyez, est simple. Elle a une certaine cohérence si elle n’a peut-être pas toute la rigueur désirable.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Séminaire VII, L'éthique, séance du 27 janvier 1960

[ christianisme ] [ résumé ] [ principes ]

 
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10 commandements

C’est le fameux commandement qui s’exprime ainsi, il fait toujours sourire, à bien y réfléchir on ne sourit pas longtemps :

"Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain, tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui appartient à ton prochain."

Assurément, la mise de la femme entre la maison et le bourricot est quelque chose qui a suggéré à plus d’un l’idée de ce qu’on pouvait voir là les exigences d’une société primitive : des Bédouins quoi, des Bicots, des Ratons... Eh bien, je ne pense pas. Je veux dire que si, effectivement, cette loi, toujours en fin de compte vivante dans le cœur d’hommes qui la violent chaque jour, bien entendu, au moins concernant ce dont il s’agit quand il s’agit de la femme de son prochain, doit sans doute avoir quelque rapport avec ce qui est notre objet ici, à savoir das Ding.

Car il ne s’agit point ici de n’importe quel bien. Il ne s’agit point de ce qui fait la loi de l’échange, et couvre d’une légalité, si l’on peut dire amusante, d’une Sicherung sociale, les mouvements, impetus, des instincts humains. Il s’agit de quelque chose qui prend sa valeur de ce qu’aucun de ces objets n’est sans avoir le rapport le plus étroit avec ce dans quoi l’être humain peut se reposer comme étant der Trug. Das Ding non pas en tant qu’elle est son bien, mais le bien où il se repose.

J’ajoute, en tant que c’est la loi, la loi de la parole dans son origine la plus primitive, en ce sens que ce das Ding était là au commencement, que c’est la première chose qui a pu se séparer de tout ce qu’il a commencé de nommer et d’articuler. Que c’est pour autant que ce das Ding est le corrélatif même de la loi de la parole, que la convoitise même dont il s’agit c’est une convoitise qui s’adresse non pas à n’importe quoi que je désire, mais à quelque chose en tant qu’elle est la Chose de mon prochain.

C’est pour autant qu’elle préserve cette distance de la Chose en tant que fondée par la parole elle–même que ce commandement prend son poids et sa valeur.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 décembre 1959, L'Ethique

[ fondement ] [ ajustement ] [ régulation ]

 

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diathèse

Il parait qu’en sanscrit on dit : "Je sacrifie" de deux façons. Ce n’est pas un verbe media tantum, ni activa tantum, il y a les deux, comme pour beaucoup de verbes d’ailleurs en latin. Mais enfin, on emploie la voix active quand, pour le verbe "sacrifier" ? Eh bien, c’est quand le prêtre fait le sacrifice au BRAHMA, ou à tout ce que vous voudrez - pour un client. Il lui dit : "Venez, il faut faire un sacrifice au Dieu." - et le type : "très bien, très bien...", il lui remet son machin et puis hop ! un sacrifice. Ça, c’est actif ! Il y a une nuance : on met la voix moyenne quand il officie en son nom.

C’est un peu compliqué, que je vous avance ça maintenant, parce que ça ne fait pas simplement intervenir une faille qu’il faudrait mettre quelque part entre le sujet de l’énonciation et le sujet de l’énoncé, ce qui va tout de suite pour ce qui est de loquor - mais là c’est un petit peu plus compliqué, parce qu’il y a l’Autre : l’Autre, qu’avec le sacrifice, on prend au piège. Ce n’est pas pareil de prendre l’Autre au piège en son nom ou si c’est plus simplement pour le client, qui a besoin d’avoir rendu un devoir à la divinité et qui va chercher le technicien.

Une devinette - je sens que je vais de devinette en devinette - où sont les analogues, dans le rapport dit de la situation analytique ? Qu’est-ce qui officie et pour qui ? C’est une question qu’on peut se poser. Je ne la pose que pour vous faire sentir ceci : qu’il y a une fonction de la déchéance de la parole à l’intérieur de la technique analytique. Je veux dire que c’est un artifice technique qui soumet cette parole aux seules lois de la conséquence, on ne se fie à rien d’autre : cela doit s’enfiler, simplement.

Ce n’est pas tellement naturel, nous le savons par expérience : les gens n’apprennent ce métier là, comme dit quelqu’un, pas tout de suite. Ou bien il faut qu’ils aient vraiment l’envie d’officier. Parce que cela ressemble beaucoup à un office, justement, qu’on lui demande de faire, comme doit le faire le brave bramine, quand il a un petit peu de métier, en dévidant ses petites prières ou en repensant à autre chose.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 14 décembre 1966, La logique du fantasme

[ grammaire ] [ effets ] [ psychanalyste ]

 

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infini vu du fini

La vie n’est pas conçue, le corps n’en attrape rien, il la porte simplement.

Quand Freud dit : la vie aspire à la mort, c’est pour autant que la vie, en tant qu’elle est incarnée, en tant qu’elle est dans le corps, aspirerait à une totale et pleine conscience.

On peut dire que c’est là que se désigne que même dans le réveil absolu, il y a encore une part de rêve qui est justement de rêve de réveil.

On ne se réveille jamais : les désirs entretiennent les rêves.

La mort est un rêve, entre autres rêves qui perpétuent la vie, celui de séjourner dans le mythique.

C’est du côté du réveil que se situe la mort.

La vie est quelque chose de tout à fait impossible qui peut rêver de réveil absolu.

Par exemple, dans la religion nirvanesque, la vie rêve de s’échapper à elle-même.

Il n’en reste pas moins que la vie est réelle, et que ce retour est mythique.

Il est mythique, et fait partie de ces rêves qui ne se branchent que du langage.

S’il n’y avait pas de langage, on ne se mettrait pas à rêver d’être mort comme d’une possibilité.

Cette possibilité est d’autant plus contradictoire que même dans ces aspirations non seulement mythiques mais mystiques, on pense qu’on rejoint le réel absolu qui n’est modelé que par un calcul.

On rêve de se confondre avec ce qu’on extrapole au nom du fait qu’on habite le langage.

Or, du fait qu’on habite le langage, on se conforme à un formalisme – de l’ordre du calcul, justement – et on s’imagine que du réel, il y a un savoir absolu.

En fin de compte, dans le nirvana, c’est à se noyer dans ce savoir absolu, dont il n’y a pas trace, qu’on aspire.

On croit qu’on sera confondu avec ce savoir supposé soutenir le monde, lequel monde n’est qu’un rêve de chaque corps.

Qu’il soit branché sur la mort, le langage seul, en fin de compte, en porte le témoignage.

Est-ce que c’est ça qui est refoulé ?

C’est difficile de l’affirmer.

Il est pensable que tout le langage ne soit fait que pour ne pas penser la mort qui, en effet, est la chose la moins pensable qui soit.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Réponse à une question de Catherine Millot, Improvisation : désir de mort, rêve et réveil, 1974

[ lorgnette ] [ fantasme d'absolu ] [ inconscient ] [ incarnation prison ]

 

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histoire légendaire

[...] le mythe a dans l’ensemble un caractère de fiction. Mais cette fiction présente une stabilité qui ne la rend aucunement malléable aux modifications qui peuvent lui être apportées, ou, plus exactement, qui implique que toute modification en implique de ce fait même une autre, suggérant invariablement la notion d’une structure. D’autre part, cette fiction entretient un rapport singulier avec quelque chose qui est toujours impliqué derrière elle, et dont elle porte même le message formellement indiqué, à savoir la vérité. Voilà quelque chose qui ne peut être détaché du mythe. [...]

Le mythe se présente aussi dans sa visée avec un caractère d’inépuisable. Pour employer un terme ancien, disons qu’il participe du caractère d’un schème au sens kantien. Il est beaucoup plus près de la structure que de tout contenu, et se retrouve et se réapplique, au sens le plus matériel du mot, sur toutes sortes de données, avec cette efficacité ambiguë qui le caractérise. Le plus adéquat, c’est de dire que la sorte de moule que donne la catégorie mythique est un certain type de vérité, où, pour nous limiter à ce qui est notre champ et notre expérience, nous ne pouvons pas ne pas voir qu’il s’agit d’une relation de l’homme – mais à quoi ? [...]

Il ne tient qu’à nous de nous apercevoir qu’il s’agit des thèmes de la vie et de la mort, de l’existence et de la non-existence, de la naissance tout spécialement, c’est-à-dire de l’apparition de ce qui n’existe pas encore. Il s’agit donc des thèmes qui sont liés, d’une part, à l’existence du sujet lui-même et aux horizons que son expérience lui apporte, d’autre part au fait qu’il est le sujet d’un sexe, de son sexe naturel. Voilà à quoi l’expérience nous montre que l’activité mythique est employée chez l’enfant. [...]

Les mythes, tels qu’ils se présentent dans leur fiction, visent toujours plus ou moins, non pas l’origine individuelle de l’homme, mais son origine spécifique, la création de l’homme, la genèse de ses relations nourricières fondamentales, l’invention des grandes ressources humaines, le feu, l’agriculture, la domestication des animaux. Nous y trouvons aussi constamment mis en question le rapport de l’homme avec une force secrète, maléfique ou bénéfique, mais essentiellement caractérisée par ce qu’elle a de sacré.

Cette puissance sacrée, diversement désignée dans les récits mythiques qui expliquent comment l’homme est venu en relation avec elle, se laisse situer pour nous dans une identité manifeste avec le pouvoir de signification, et très spécialement de son instrument signifiant.

Auteur: Lacan Jacques

Info: dans le "Séminaire, Livre IV", "La relation d'objet", éditions du Seuil, 1994, pages 353 à 355

[ caractéristiques ] [ psychanalyse ] [ parole ]

 

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amour

Il [Achille] suit PATROCLE dans la mort.

Comprendre ce que veut dire pour un ancien cette interprétation de ce qu’on peut appeler le geste d’ACHILLE, c’est aussi quelque chose qui mériterait beaucoup de commentaires, car enfin c’est tout de même beaucoup moins clair que pour ALCESTE. Nous sommes forcés de recourir à des textes homériques d’où il résulte qu’en somme ACHILLE aurait eu le choix. Sa mère THÉTHIS lui a dit :

"si tu ne tues pas Hector - il s’agit de tuer HECTOR uniquement pour venger la mort de PATROCLE - tu rentreras chez toi bien tranquille et tu auras une vieillesse heureuse et peinarde, mais si tu tues Hector ton sort est scellé, c’est la mort qui t’attend".

Et ACHILLE en a si peu douté que nous avons un autre passage où il se fait cette réflexion à lui-même en aparté : "je pourrais rentrer tranquille". Et puis ceci est quand même impensable, et il dit, pour telle ou telle raison. Ce choix est à lui seul considéré comme étant aussi décisif que le sacrifice d’ALCESTE : le choix de la μοίρα [moïra], le choix du destin a la même valeur que cette substitution d’être à être. […] dans la suite ACHILLE se tue, paraît-il, sur le tombeau de PATROCLE.

[…] Mais pour rester, pour nous tenir au discours de PHÈDRE [dans Le Banquet de Platon], l’important est ceci : PHÈDRE se livre à une considération longuement développée concernant la fonction réciproque dans leur lien érotique de PATROCLE et d’ACHILLE. Il nous détrompe sur un point qui est celui-ci : ne vous imaginez point que PATROCLE - comme on le croyait généralement - fût l’aimé.

Il ressort d’un examen attentif des caractéristiques des personnages, nous dit PHÈDRE en ces termes, que l’aimé ne pouvait être qu’ACHILLE beaucoup plus jeune et imberbe. Je l’écris parce que cette histoire revient sans cesse, de savoir à quel moment il faut les aimer : si c’est avant la barbe ou après la barbe. On ne parle que de cela, cette histoire de barbe on la rencontre partout. On peut remercier les romains de nous avoir débarrassés de cette histoire. Cela doit avoir sa raison. Enfin ACHILLE n’avait pas de barbe. Donc en tout cas c’est lui l’aimé. Mais PATROCLE, semble-t-il, avait quelque dix ans de plus. Par un examen des textes c’est lui l’amant. Ce qui nous intéresse ce n’est pas cela.

[…] c’est que - quoi qu’il en soit - ce que les dieux trouvent de sublime, de plus merveilleux que tout, c’est quand l’aimé se comporte en somme comme on attendait que se comportât l’amant.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 30 novembre 1960

[ mythologie ]

 

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altérité

Tout est dans le sens du "comme toi-même" qui achève la formule [tu aimeras ton prochain comme toi-même], et la passion méfiante de celui qui démasque arrête Freud devant ce "comme". C’est du poids de l’amour qu’il s’agit, car il sait que l’amour de soi est bien grand. Il le sait supérieurement, ayant reconnu que la force du délire est d’y trouver sa source : "Sie lieben ihren Wahn wie sich selbst", "ils aiment leur délire comme soi-même".

Cette force est celle qu’il a désignée sous le nom de narcissisme et qui comporte une dialectique secrète où les psychanalystes se retrouvent mal. La voici, (c’est pour la faire concevoir que j’ai introduit, dans la théorie, la distinction proprement méthodique, du symbolique, de l’imaginaire et du réel) : "je m’aime moi-même" sans doute, et de toute la rage collante où la bulle vitale bout sur elle-même et se gonfle en une palpitation à la fois vorace et précaire, non sans fomenter en son sein le point vif d’où̀ son unité́ rejaillira disséminée de son éclatement même. Autrement dit : je suis lié à mon corps par l’énergie propre que Freud a mis au principe de l’énergie psychique – l’Éros, qui fait les corps vivants se conjoindre pour se reproduire – qu’il appelle libido.

Mais ce que j’aime en tant qu’il y a un moi, où je m’attache d’une concupiscence mentale, n’est pas ce corps dont le battement et la pulsation échappent trop évidemment à mon contrôle, mais une image qui me trompe en me montrant mon unité́ dans sa Gestalt, sa forme. Il est beau, il est grand, il est fort. Il l’est plus encore même d’être laid, petit et misérable.

Je m’aime moi-même en tant que je me méconnais essentiellement. Je n’aime qu’un autre. Un autre avec un petit a initial d’où l’usage de mes élèves de l’appeler "le petit autre".

Rien d’étonnant à ce que ce ne soit rien que moi-même que j’aime dans mon semblable, (et ce non seulement dans le dévouement névrotique, si j’indique ce que l’expérience nous apprend, mais dans la forme extensive et utilisée de l’altruisme, qu’il soit éducatif ou familial, philanthropique, totalitaire ou libéral, à quoi l’on souhaiterait souvent devoir répondre comme la vibration de la croupe magnifique de la bête infortunée) ; rien d’étonnant que l’homme ne fasse rien passer dans cet altruisme que son amour-propre, sans doute dès longtemps détecté dans ses extravagances – même glorieuses – par l’investigation moraliste de ses prétendues vertus, mais que l’investigation analytique du moi permet d’identifier à la forme de l’outre, à l’outrance de l’ombre dont le chasseur devient la proie : à la vanité́ d’une forme visuelle.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Conférence de Bruxelles sur l'éthique de la psychanalyse, 10 mars 1960

[ inconscient ]

 

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prophète

Tout repose donc sur la notion de Moïse l’Égyptien et de Moïse le Midianite. Moïse l’Égyptien est le Grand Homme, le Législateur, et aussi le Politique, le Rationaliste, celui dont FREUD prétend découvrir la voie dans l’apparition historique à une date précise, au XIVème siècle avant JÉSUS-CHRIST de la religion d’AKHÉNATON attestée par des découvertes récentes. C’est à savoir quelque chose qui promeut la fonction unique, l’unitarisme de l’énergie d’où rayonne, si l’on peut dire, la distribution du monde symbolisée par l’organe solaire. 

Le personnage qu’est Moïse l’Égyptien est pour FREUD au-delà des débris humains de cette première entreprise d’une vision entièrement scientifique, rationaliste du monde, qui est supposée dans cet unitarisme, qui est unitarisme du réel, unité substantielle du monde centrée dans le soleil, et dont vous savez que l’histoire de l’Égypte a démontré l’échec. À savoir qu’à peine disparu AKHÉNATON, le fourmillement des thèmes religieux, multipliés en Égypte plus qu’ailleurs, le pandémonium des dieux reprend le dessus et la barre, et réduit à néant toute la réforme d’AKHÉNATON. Un homme garde avec lui le flambeau de cette visée rationaliste, c’est Moïse l’Égyptien qui choisit un petit groupe d’hommes pour les mener à travers l’épreuve qui les rendra dignes de fonder une communauté acceptant à sa base ces principes. [...]

Et il y a Moïse le Midianite, le gendre de JETHRO, et c’est celui-là dont FREUD nous enseigne que la figure a été confondue avec celle du premier, Moïse le Midianite que FREUD appelle aussi celui du Sinaï, de l’Horeb. C’est en effet bien là la question. C’est celui-là qui entend surgir du buisson ardent la Parole, à mes yeux, tout à fait décisive, qui ne saurait être élidée en la matière. FREUD l’élide, cette parole fondamentale qui est celle-ci : "Je suis, non pas... comme toute la gnose chrétienne a essayé de le faire entendre, c’est-à-dire de nous introduire dans des difficultés concernant l’être qui ne sont pas près de finir, et qui peut-être n’ont pas été sans compromettre ladite exégèse ...celui qui est", mais "Je suis ce que je suis". [...]

Pour tout dire, Moïse le Midianite me paraît poser son problème propre, celui que je voudrais bien savoir : en face de qui, en face de quoi il était sur le Sinaï et sur l’Horeb.

Mais enfin, faute d’avoir pu soutenir l’éclat de la face de celui qui a dit "Je suis ce que Je suis", nous nous contenterons du point où nous sommes, de dire que le buisson ardent en somme c’était la Chose de MOÏSE et puis de la laisser là où elle est, quitte à supputer les conséquences qu’ont eu la révélation de ces choses.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 16 mars 1960

[ judaïsme ] [ psychanalyse ] [ monothéisme ]

 
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décompensation psychotique

Quel est le signifiant qui est mis en suspens dans sa crise inaugurale [du président Schreber] ? C'est le signifiant procréation dans sa forme la plus problématique, celle que Freud lui-même évoque à propos des obsessionnels, qui n’est pas la forme être mère, mais la forme être père.

Il convient ici de vous arrêter un instant pour méditer sur ceci, que la fonction d’être père n’est absolument pas pensable dans l’expérience humaine sans la catégorie du signifiant.

Que peut vouloir dire être père ? […] La question est que la sommation de ces faits - copuler avec une femme, qu'elle porte ensuite quelque chose pendant un certain temps dans son ventre, que ce produit finisse par être éjecté - n'aboutira jamais à constituer la notion de ce que c'est qu'être père. Je ne parle même pas de tout le faisceau culturel impliqué dans le terme être père, je parle simplement de ce que c’est qu’être père au sens de procréer.

Il faut un effet de retour pour que le fait pour l’homme de copuler reçoive le sens qu’il a réellement, mais auquel aucun accès imaginaire n’est possible, que l’enfant soit de lui autant que de la mère. Et pour que cet effet d’action en retour se produise, il faut que l’élaboration de la notion d’être père ait été, par un travail qui s’est produit par tout un jeu d’échanges culturels, portée à l’état de signifiant premier, et que ce signifiant ait sa consistance et son statut. Le sujet peut très bien savoir que copuler est réellement à l’origine de procréer, mais la fonction de procréer en tant que signifiant est autre chose. [...]

Le signifiant être père est ce qui fait la grand-route entre les relations sexuelles avec une femme. Si la grand-route n'existe pas, on se trouve devant un certain nombre de petits chemins élémentaires, copuler et ensuite la grossesse d'une femme.

Le président Schreber manque selon toute apparence de ce signifiant fondamental qui s’appelle être père. C’est pourquoi il a fallu qu’il commette une erreur, qu’il s’embrouille, jusqu’à penser porter lui-même comme une femme. Il lui a fallu s’imaginer lui-même femme, et réaliser dans une grossesse la deuxième partie du chemin nécessaire pour que, s’additionnant l’un à l’autre, la fonction être père soit réalisée.

[...] comment font-ils, ceux qu’on appelle les usagers de la route, quand il n’y a pas la grand-route, et qu’il s’agit de passer par de petites routes pour aller d’un point à un autre ? Ils suivent les écriteaux mis au bord de la route. C’est-à-dire que, là où le signifiant ne fonctionne pas, ça se met à parler tout seul au bord de la route, des mots écrits apparaissent sur des écriteaux.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 459-460

[ analyse ] [ forclusion ] [ hallucination ] [ réel-symbolique-imaginaire ] [ fonction paternelle ]

 

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