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épuisement

Je crois que seuls certains états extrêmes de l'âme et du corps : fatigue (au bord de l'anéantissement), maladie, invasion du cœur par une subite souffrance maintenue à son paroxysme, peuvent rendre à l'homme sa vraie puissance d'ouïe et de regard. Nulle allusion, ici, à la parole de Plotin : "Ferme les yeux, afin que s'ouvre l’œil intérieur". Il s'agit de l'instant suprême où la communion avec le monde nous est donnée, où l'univers cesse d'être un spectacle parfaitement lisible, entièrement inane*, pour devenir une immense gerbe de messages, un concert sans cesse renouvelé de cris, de chants, de gestes, où tout être, toute chose est la fois signe et porteur de signe. L'instant suprême aussi où l'homme sent crouler sa risible royauté intérieure et tremble et cède aux appels venus d'un ailleurs indubitable.

De ces messages, la poésie seule (est-il besoin de le dire?) est digne de suggérer quelque écho.




Auteur: Roud Gustave

Info: Air de la solitude. *qui ne sert à rien

[ écriture ] [ étisie ] [ agonie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

nom-du-père

La question de la carence du père mérite que l’on y revienne, mais on entre ici dans un monde tellement mouvant qu’il faut essayer de faire une distinction qui permette de voir en quoi la recherche pèche. Elle pèche non pas à cause de ce qu’elle trouve, mais à cause de ce qu’elle cherche. Je crois que la faute d’orientation est celle-ci – on confond deux choses qui ont un rapport, mais qui ne se confondent pas, le père en tant que normatif et le père en tant que normal. Bien entendu, le père peut être très dénormativant en tant que lui-même n’est pas normal, mais c’est là rejeter la question au niveau de la structure – névrotique, psychotique – du père. Donc, la normalité du père est une question, celle de sa position normale dans la famille en est une autre.

Troisième point que j’avance – la question de sa position dans la famille ne se confond pas avec une définition exacte de son rôle normativant. Parler de sa carence dans la famille n’est pas parler de sa carence dans le complexe [d’Œdipe]. En effet, pour parler de sa carence dans le complexe, il faut introduire une autre dimension que la dimension réaliste, définie par le mode caractérologique, biographique, ou autre, de sa présence dans la famille.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, pages 168-169

[ réel-symbolique-imaginaire ] [ métaphore paternelle ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

structuration

La notion de la névrose sans Œdipe est corrélative de l’ensemble des questions posées sur ce que l’on a appelé le surmoi maternel. Au moment où la question de la névrose sans Œdipe était posée, Freud avait déjà formulé que le surmoi était d’origine paternelle. On s’est alors interrogé – le surmoi est-il vraiment uniquement d'origine paternelle ? N'y a-t-il pas, dans la névrose, derrière le surmoi paternel, un surmoi maternel encore plus exigeant, plus opprimant, plus ravageant, plus insistant ?

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, page 162

[ complexe ] [ question ] [ sexuation ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

exilé

Le paradoxe de l’émigré veut qu’un homme ayant quitté sa terre natale n’y sera plus jamais chez lui, comme il ne le sera jamais vraiment sur sa terre d’accueil. Les Italiens disent : ne pesce ne carne, ni poisson ni viande.

Auteur: Benacquista Tonino

Info: Porca miseria

[ métis ] [ expatrié ] [ déraciné ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

décor

Il approche et aperçoit les restes gothiques d'une abbaye : elle s'élevait sur une sorte d'esplanade rustique, ombragée par les arbres très hauts et très touffus, qui semblaient contemporains du bâtiment et répandait alentour une ombre romantique. La plus grand partie de l'édifice tombait en ruine et ce qui avait résisté aux ravages du temps rendait plus terrible encore l'aspect de la construction dégradée. Les créneaux, qu'embrassaient d'épaisses guirlandes de lierre, étaient à moitié démolis et devenus la retraite des oiseaux de proie. D'énormes fragments de la tour de l'est, presque toute écroulé, gisaient dispersés parmi l'herbe haute qui ondoyait lentement sous l'haleine du zéphyr. Ornée de riches ciselures, une porte gothique qui conduisait dans le principal corps de l'édifice restait encore entière, bien qu'obstruée par les broussailles.






Auteur: Radcliffe Ann

Info: Les Mystères de la forêt

[ vestiges ] [ intriguant ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

lectures

Nous oublions que les "horrifiques" histoires de Lewis et de Mrs. Radcliffe étaient plus universellement lues et firent plus pour colorer le goût européen au XIXe siècle que tout autre livre, à l'exception peut-être des Confessions de Rousseau et du Werther de Goethe.

Dostoïevski rappelait que dans son enfance il passait "les longues soirées d'hiver à écouter (car je ne savais pas encore lire), béant d'extase et de terreur, mes parents lire à haute voix les romans d'Ann Radcliffe. Après, j'en délirais en dormant".

Auteur: Steiner George

Info: Tolstoï ou Dostoïevski

[ historiques ] [ angoissantes ] [ élément biographique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

littérature

On pensait d'ordinaire que le roman du XIXe siècle - du moins jusqu'à Zola- avait évité les aspects les plus scabreux et les plus pathologiques de l’expérience érotique. On citait Dostoïevski comme un pionnier dans la révélation de ce monde souterrain du refoulement et de la luxure "contre nature" que Freud nous a si largement ouvert. Mais les faits sont tout autres. Même dans le "grand" roman, nous trouvons des chefs-d'œuvre, comme la Cousine Bette de Balzac et les Bostoniens de Henry James, qui traitent de thèmes sexuels risqués avec une intelligente liberté. L’Armance de Stendhal et le Roudine de Tourgueniev sont des tragédies de l'impuissance ; le Vautrin de Balzac précède les invertis de Proust de près de trois quarts de siècle et Pierre, de Melville, est un extraordinaire coup de sonde dans les dévoiements de l'amour.

Auteur: Steiner George

Info: Tolstoï ou Dostoïevski

[ transgression ] [ historique ] [ homosexualité ] [ europe ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

langage écrit

Le courant du roman occidental est surtout prosaïque, au sens exact plutôt qu'au sens péjoratif du terme. Là, ni le Satan de Milton battant des ailes à travers l'immensité du chaos, ni les sorcières de Macbeth voguant vers Alep dans leur tamis ne sont vraiment chez eux. Les moulins à vent ne sont plus des géants, mais des moulins à vent. En échange, le roman nous dira comment sont construits les moulins, ce qu'ils rapportent et, avec beaucoup de précision, quel bruit ils font par une nuit de vent. Car c'est le génie du roman de décrire, d'analyser, d'explorer, et d'accumuler les données du réel et de l'introspection. De toutes les peintures de la vie que tente la littérature, de tous les contrepoids que les mots essaient de donner au réel, ceux du roman sont les plus cohérents et les plus complets. Les œuvres de Defoe, Balzac, Dickens, Trollope, Zola ou Proust enrichissent le sens que nous avons du monde et du passé. Elles sont cousines germaines de l'histoire.

Auteur: Steiner George

Info: Tolstoï ou Dostoïevski

[ historique ] [ codage du réel ] [ listes intriquées ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

gnose

Un critique contemporain dit que la littérature et la religion, "avec leurs autorités distinctes et leurs révélations distinctes" nous donnent les principales "formes théoriques" et les principales images de notre vie. Elles donnent peut-être à notre vision de la nature mortelle de l'homme son unique foyer durable. Dans des cas exceptionnels, tels que l'Orestie, la Divine Comédie et les romans de Tolstoï et de Dostoïevski, ces autorités et ces révélations distinctes s'unissent en un tout. Leur conjonction - l'accès au logos par les deux principales avenues de la raison - fut célébrée dans le haut Moyen Age par l'introduction dans le calendrier chrétien d'un saint Virgile poète. C'est sous son patronage que je poursuivrai.

Auteur: Steiner George

Info: Tolstoï ou Dostoïevski

[ occidentale ] [ dualité ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

caractères

Les romans de Dostoïevski marquent les étapes successives d'une enquête sur l'existence de Dieu. En eux s'est élaborée une philosophie profonde et fondamentale de l'action humaine. Les héros de Dostoïevski sont ivres d'idées et brûlés par le feu des mots. Ce qui ne veut pas dire qu'ils soient des types ou des personnifications allégoriques. Nul, à l'exception de Shakespeare, n'a représenté plus complètement les énergies complexes de la vie. Cela veut dire simplement que des personnages comme Raskolnikov, Muichkine, Kirilov, Versilov, Ivan Karamazov se nourrissent de pensée comme d'autres humains se nourrissent d'amour ou de haine. Là où les autres hommes brûlent de l'oxygène, eux brûlent des idées. C'est pourquoi les hallucinations jouent un si grand rôle dans les romans de Dostoïevski : l'hallucination, c'est l'état dans lequel la ruée de la pensée à travers l'organisme humain et le dialogue entre le moi et l'âme se trouvent extériorisés.


Auteur: Steiner George

Info: Tolstoï ou Dostoïevski

[ individus ] [ opinions ] [ littérature ] [ réflexions ]

 

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Ajouté à la BD par miguel