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attitude

Vois-tu, la chose importante est celle-ci : tout est simple pour qui possède le bon coeur, la noblesse des manières et la gaieté de résignation. [...] Le devoir est un grand passeport. Sol, regarde le ciel, mon chéri. Qui pourrait être plus arrogant qu'une étoile ? Et pourtant, regarde longtemps les étoiles et tu verras comme elles font honnêtement leur devoir. Aucune ne gêne l'autre, toutes s'aiment, chacune a sa place auprès de son père un soleil, et elles ne se jettent pas toutes au même endroit pour profiter, pour réussir. Mais non, tranquilles, dociles à la Loi, à la Loi Morale, à la Loi du Coeur, elles ont la gaieté de résignation. Et puis pense que tu es mortel et que tu seras poussière. C'est un bon moyen pour augmenter la gaieté de résignation. Tu comprends, on ne souffre que par orgueil et l'homme orgueilleux seul croit qu'il vivra toujours. Moi je me dis que je dois passer cette vie en homme assez bon et pur afin que je puisse goûter le bon sourire d'heure de mort. Et ce bon sourire d'heure de mort a une telle puissance, ô mon fils, qu'il s'étend sur toute notre vie du commencement à la fin et qui le connaît, avant même qu'il ne meure, connaît le royaume du Saint. Et lorsque les hommes auront compris cette vérité, ils seront tous bons.

Auteur: Cohen Albert

Info: Solal, p.314 Folio no. 1269

 

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couple

Et pourtant il n'y a rien de plus grand que le saint mariage, alliance de deux humains unis non par la passion qui est rut et manège de bêtes et toujours éphémère, mais par la tendresse, reflet de Dieu. Oui, alliance de deux malheureux promis à la maladie et à la mort, qui veulent la douceur de vieillir ensemble et deviennent le seul parent l'un de l'autre. Ta femme, tu l'appelleras frère et sœur, dit le Talmud. (II s'aperçut qu'il venait d'inventer cette citation et enchaîna en douce.) En vérité, en vérité, je vous le dis, l'épouse qui presse le furoncle du mari pour en faire tendrement sortir le pus, c'est autrement plus grave et plus beau que les coups de reins et sauts de carpe de la Karénine. Louange donc au Talmud et honte aux adultères, raffoleuses de vie animale et qui filent vers la mer, le feu sous les jupes. Oui, animale, car l'Anna aime le corps de l’imbécile Wronsky et c'est tout, et toutes ses belles paroles ne sont que vapeurs et dentelles recouvrant de la viande. Quoi, on proteste, on me traite de matérialiste ? Mais si une maladie glandulaire avait rendu Wronsky obèse, trente kilos de graisse sur le ventre trois cents plaques de beurre sur le ventre, de cent grammes chacune, serait-elle tombée en amour à leur première rencontre ? Donc viande, et qu'on se taise !

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 408

[ unité ] [ platonisme ] [ désir sexuel ]

 

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hiérarchie implicite

Le plus malheureux des invités était Jacob Finkelstein, docteur en sciences sociales, un petit famélique, correspondant peu rémunéré d’une agence de presse juive. Benedetti l’invitait aussi une fois par an pour ne pas se mettre à dos les sionistes dont, comme tout antisémite, il s’éxagérait morbidement l’influence aux Etats-Unis. A chaque cocktail, Benedetti invitait ainsi un impossible qu’on ne revoyait qu’un an plus tard. De cette manière dilués, les impossibles ne nuisaient pas à ce que Benedetti, qui se piquait de littérature, appelait le climat de son cocktail.

Nul invité ne parlait à Finkelstein, zéro social qui ne pouvait être utile à personne et, plus grave encore, qui ne pouvait nuire à personne. Pas dangereux, donc pas intéressant, pas à ménager, pas à aimer ou à feindre d’aimer. Les quatre parias de la fenêtre tenaient eux-mêmes à distance ce bas de caste dégradant. Ignoré de tous et dépourvu de congénères, le pauvre lépreux faisait alors le pressé pour se donner une contenance, sa participation au cocktail consistant à fendre bravement, à intervalles réguliers, la jacassante cohue. La tête baissée, comme alourdie par son nez, il traversait en hâte et d’un bout à l’autre l’immense salon, heurtant parfois des invités et sans nul résultat s’excusant. Faisant ainsi de foudroyantes diagonales, il camouflait son isolement en feignant d’avoir à rejoindre d’urgence une connaissance qui l’attendait là-bas, à l’autre extrémité. Son manège ne trompait d’ailleurs personne. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 310-311

[ mondanités ] [ rejeté ]

 

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couple

Elle l’approuva d’un sourire. Le sourire terminé, elle dit qu’elle avait oublié de lui montrer une surprise pour lui, du nougat oriental qu’elle avait trouvé hier dans un petit magasin de Saint-Raphaël.

- On appelle cela du halva, je crois. (Elle prononça ralva pour faire couleur locale, ce qui agaça Solal tout autant que le cela, jugé plus noble qu’un simple ça.) J’ai pensé que cela vous ferait plaisir.

Invasion des cela, pensa-t-il. Elle lui demanda s’il voulait goûter du halva. Il dit que volontiers, mais plus tard. Alors elle annonça une autre surprise, une cafetière électrique, achetée hier aussi, avec tout ce qu’il fallait, le café moulu, le sucre, les tasses, les cuillers. Ainsi elle pourrait lui préparer elle-même du café, meilleur que celui de l’hôtel. Il la félicita, dit qu’il avait justement envie de café.

- En ce cas, j’ai droit à un petit baiser, dit-elle. (Chute de la livre palestinienne, pensa-t-il en lui donnant le petit baiser. On se donnait de plus en plus des petits baisers. Sincères, d’ailleurs, ceux-là.)

Animée, elle s’affaira, monta la cafetière selon les indications du prospectus. Lorsqu’il commença à boire, elle le regarda pour voir s’il appréciait. Excellent, dit-il, et elle aspira par les narines une fois de plus. Mais lorsque le café fut bu, il fut bu, et il ne resta rien d’autre à boire ni à faire, et il y eut un silence. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 862

[ femme-par-homme ] [ insupportable ] [ attention dévorante ] [ délitement passionnel ] [ passe-temps ] [ absurdité ] [ ennui ]

 

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conversation de vieux couple

- Je crois que Papi m’appelle. Une seconde, chéri, je reviens.

Dans le corridor, elle leva la tête vers son mari penché sur la rampe de l’escalier, lui demanda avec une douceur mortelle ce qu’il désirait.

- Ecoute, Bicette, ze regrette de déranzer. Ze suis d’accord que tu ne me dises pas le menu pour avoir la surprise ce soir, mais il y a quand même une çose que z’aimerais savor, est-ce qu’il y aura de la soupe pour commencer ?

- Non. On ne sert pas de soupe à un dîner prié. (Elle avait appris cette expression la veille au cours d’un entretien avec Adrien qui l’avait lui-même récemment péchée chez les Kanakis.) Ecoute, j’ai encore des choses importantes à discuter avec Didi et j’ai besoin de calme, à cause de mes terribles fatigues de tête. Tu n’as pas d’autres questions à me poser ?

- Non, merci, répondit tristement M. Deume.

- Alors, monte chez toi et tâche de t’occuper à quelque chose d’utile.

Le petit père gravit lentement l’escalier et s’en fut chercher du réconfort au water-closet du premier étage. Assis sans nul autre but sur le siège molletonné, il plia à petites fronces parallèles une feuille de papier hygiénique, en fit un éventail japonais qu’il agita devant son visage, tout en remâchant son humiliation. Enfin, il haussa les épaules, se leva et sortit en faisant le salut fasciste. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 166-167

[ infantilisation ] [ mépris ] [ rejeté ] [ laissé pour compte ] [ snobisme ]

 
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écrivain

[…] mon rima mon marri oui avec deux r son truc horriblement raté avant de commencer à le lire il m’a dit mais ça ne t’ennuiera pas je lui ai dit pas du tout au contraire il m’a dit merci ma chérie parce que au fond tu sais c’est pour toi que j’écris alors je commence assieds-toi confortablement il a dit confortablement pour que j’écoute bien que je ne perde rien de sa merveille et aussi peut-être pour que j’écoute avec bienveillance et puis il a raclé sa gorge et puis avec ses lunettes il s’est assuré du recueillement de son public et il a commencé à lire religieusement son truc avec une voix psalmodiante efféminée il appuyait sur les consonnes sifflantes sur les dentales il allongeait la fin des mots pour faire distingué il lançait de temps à autre un regard vérificateur sur moi j’écoutais avec un malheur souriant sur mes lèvres pauvre petit quand il croyait sentir une rupture d’intérêt il lisait plus vite mais du même ton monotone berceur pauvre petit c’est affreux je n’ose pas lui avouer ce serait une catastrophe s’il l’apprenait j’ai beaucoup de tendresse pour lui à la quatrième page il s’est arrêté pour allumer sa pipe en réalité dans l’espoir d’un compliment oh quand il a fini tout content de mes félicitations il a voulu oh tellement comique le genre taureau pressé soucieux qu’il prend à ces moments-là ce que j’aime c’est me raconter toute seule des histoires pas vraies en fumant […].

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 211-212

[ lecture ] [ couple ] [ avis de femme ] [ dépréciation ] [ hypocrisie ] [ flux de conscience ] [ ridicule ] [ mépris ] [ pensées ]

 

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couple

Oui, désormais la divertir à fond, l’embrouiller. Dès demain, aller à Cannes, la bourrer de substituts du social. Lui acheter des robes chères, des robes de haute couture. Puis déjeuner au Moscou. Le caviar et le champagne étaient aussi des substituts du social. Pendant le déjeuner au Moscou, commenter les robes achetées. Puis lui acheter des bijoux. Puis théâtre ou cinéma. Puis roulette au Casino. Puis faire du cheval ou du canot automobile.

Ainsi pensait-il pendant que ses lèvres torturaient les lèvres de l’innocente. Et voyages aussi, des croisières, tous les pauvres bonheurs que je pourrai, pensait-il pendant l’interminable baiser. Oui, tout ce qu’il pourrait pour lui cacher leur lèpre, il le ferait, il le lui promettait en son âme. Oui, tout ce qu’il pourrait, tout pour fleurir le désert de leur amour, il le lui promettait en son âme, ses lèvres collées aux lèvres de celle qu’il voulait protéger. Mais jusqu’à quand le pourrait-il ? pourvu que je sois toujours seul à être malheureux, pensa-t-il.

"Déshabille-moi, dit-elle. J’aime que tu me déshabilles. Mais allume. J’aime que tu me voies."

Il alluma. Il déshabilla. Il vit. Oui, la prendre, lui donner le petit bonheur d’être prise, un pitoyable bonheur qu’un lépreux pouvait encore donner à sa lépreuse, pensait-il, son beau visage au-dessus du beau visage exalté de la souriante malheureuse. Ah, dans quoi, dans quoi l’avait-il embarquée ? Ma petite fille, mon enfant, lui disait-il en son âme tandis que tristement il la maniait comme une femme. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 833

[ distractions ] [ désœuvrement ] [ isolement ] [ absurdité ] [ ennui ]

 

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parade sociale

Paralysé par le silence, preuve terrible que son chef s'ennuyait avec lui, Adrien Deume ne trouvait rien à dire et en conséquence souriait. Pauvre sourire figé, refuge et recours des faibles désireux de plaire et trouver grâce, constant sourire féminin dont il n’était même pas conscient, sourire qui se voulait à la fois témoignage de soumission, démonstration de bonne volonté toute prête et signe du plaisir qu'il éprouvait en la compagnie même muette de son supérieur, il souriait et il était malheureux. Pour exorciser le silence et le remplir, ou pour se donner du courage et trouver enfin quelque chose à dire, il avala son verre de cognac d'un seul coup tragique, à la russe, ce qui le fit tousser. Mon Dieu, de quoi parler ? Proust, déjà fait, il en avait parlé en bas, à table. Mozart et Vermeer, idem. Picasso il n'osait pas, trop risqué. Ne se rappelait aucun des autres sujets de conversation qu'il avait soigneusement inscrits sur la petite feuille, en les numérotant. Il fit de discrètes grimaces de constipation pour activer sa mémoire, mais en vain. La main contre sa hanche, il sentait la feuille du salut, la sentait exister et craquer dans la poche de son smoking, mais comment la sortir sans être vu ? Dire qu'il désirait aller se laver les mains et vite jeter un coup d’œil ? Non, trop gênant, et puis ça ferait vulgaire. Le silence était effrayant et il s'en sentait responsable. Après avoir examiné d'un air profond le fond de son verre vide, il osa lancer un timide regard vers son supérieur hiérarchique.

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 376

[ inférieur ] [ terrorisé ] [ vide mental ] [ patron ] [ sous-fifre ] [ médiocre ]

 

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désamour

Toute à sa tâche, servante appliquée, s’arrêtant pour reprendre du talc, elle le massait et le massait cependant que, les yeux de nouveau fermés, il revoyait la vive, la tournoyante, l’ensoleillée, son Ariane. De remords, il mordit sa lèvre. Lui dire de venir s’étendre auprès de lui et tâcher de la baiser sur la bouche, enfin ne pas la traiter en masseuse ? Tout à l’heure, peut-être. Pas le courage tout de suite. Pauvre bonne chérie. Oui, il la chérissait comme une mère, et elle lui répugnait comme une mère. Il l’avait désirée pourtant, autrefois. Quarante-cinq ans maintenant, la pauvre, ou davantage. La peau du cou granuleuse, un peu distendue. Les seins fléchissants. "Je vous masse bien ? – Oui chérie, très bien. (Ajouter que c’était exquis ? Non, le très bien suffisait. Garder exquis pour plus tard.) – Voulez-vous que je vous les mobilise ? – Oui, chérie, ce sera exquis."

Alors commença la mobilisation. Sa main gauche tenant la cheville, elle imprima avec l’autre main d’inutiles torsions savantes au pied nu qu’elle mobilisa et remobilisa avec, sur les lèvres, un petit sourire mécanique d’effort ou peut-être de fierté parce qu’il avait dit que ce serait exquis. Lui, il avait honte, et il haïssait son pied, et il avait pitié du noble visage studieusement penché sur cette antipathique extrémité, si idiote avec ses cinq orteils et qui ne méritait pas d’être ainsi révérée. Et elle ne s’arrêtait pas de mobiliser, pauvre déshonorée dans sa merveilleuse robe de chambre maculée de talc. Lui demander de démobiliser ? Mais que feraient-ils alors tous les deux ?

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 513-514

[ extinction du désir ] [ infidélité ] [ dissimulation ] [ dégoût ] [ vieillesse ] [ embarras ] [ éloignement ]

 
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prélude nuptial

Ce jour-là, après le déjeuner au salon, chacun alla dans sa chambre, s’y dévêtit et s’y prépara. Nue sous une robe de soie blanche, elle termina ses lavages et apprêts divers par des vaporisations de parfum çà et là, tandis que lui, nu sous sa robe de chambre rouge, brossait honteusement ses ongles. Peu après retentit l’air de Mozart, et il frissonna. C’était l’appel. Car elle ne lui téléphonait plus, elle mettait un disque, c’était plus poétique.

L’appel, oui. Il fallait aller à l’amour. Sa créancière le convoquait, le sommait de lui donner du bonheur. Allons, prouve-moi que j’ai bien fait d’avoir choisi cette vie de solitude avec toi, lui disait-elle par le truchement du Vous qui savez ce qu’est Amour. Vingt-six novembre, aujourd’hui. Trois mois déjà qu’ils avaient quitté Genève, trois mois d’amour chimiquement pur. Agay d’abord, puis Venise, Florence, Pise, puis Agay de nouveau, depuis une semaine. Si elle s’apercevait qu’on était le vingt-six novembre, danger de commémoration du vingt-six août par épanchements poétiques et coït superfin.

Il posa la brosse et le savon, se considéra, rasé de près, écœurant de propreté dans sa robe de chambre. Voilà, c'était sa vie désormais, être chaque jour désirable, faire la roue sexuelle. Elle l'avait changé en paon. En somme, ils menaient une existence animale, elle et lui. Mais les bêtes au moins, n'avaient qu'une saison pour la pariade et les coquetteries. Eux, c'était tout le temps. Se lessiver sans arrêt, se raser deux fois par jour, être tout le temps beau, c'était son but de vie depuis trois mois. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 800

[ baise ] [ dévorante ] [ mante religieuse ] [ point de vue masculin ]

 

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