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rencontre

Une discothèque. La nuit. Nina danse avec Éli Hooker, un jeune homme.

NINA. – Tu es si léger.

ÉLI. – J'aime danser. J'aime aussi prendre un bon livre de temps en temps.

(Entre Zigui. Il va s'asseoir à l'écart, commence à manger des cacahouètes tout en les observant.)

ÉLI. – Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?

NINA. – Rien de particulier. Je lis moi aussi. Et je sculpte.

ÉLI. – Tu auscultes ? Et qu'est-ce que tu auscultes ?

NINA. – Je sculpte. Je fais de la poterie.

ÉLI. – Ah.

NINA. – Je prends mon temps, je ne cours pas. Pourquoi me précipiter comme tout le monde ? À quoi bon cette fuite en avant, à quoi bon ? À quoi bon, je te le demande ?

ÉLI. – Tu as raison.

NINA. – Et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie ?

ÉLI. – Je lis un peu, j'écris un peu.

NINA. – Des poèmes ?

ÉLI. – Pour moi, la nuit.

NINA. – Et le matin ?

ÉLI. – Je suis médecin.

NINA. – Tu dis "médecin" avec un tel dédain. Tu n'es vraiment pas comme les autres, toi.

ÉLI. – Parce que c'est quoi un médecin ? Un mythe, rien de plus.

NINA. – Tu es vraiment différent.

Auteur: Hanokh Levin

Info: Théâtre choisi, tome 4 : Comédies grinçantes. Sur les valises, p 133

[ dialogue ] [ étonnement ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vieillesse

Mon corps, rappelle-toi non seulement combien tu fus aimé,

non seulement les lits où tu t'es allongé,

mais aussi ces désirs qui pour toi

brillaient ouvertement dans les yeux,

qui tremblaient dans la voix - et qu'un obstacle

quelconque a empêché de se réaliser.

Maintenant que tout cela appartient au passé,

c'est presque comme si à ces désirs aussi

tu t'étais livré - comme ils brillaient,

rappelle-toi, dans les yeux qui te regardaient ;

comme ils tremblaient dans la voix, pour toi, rappelle-toi, mon corps.

Auteur: Cavafis Constantin

Info: Rappelle-toi mon corps

[ poème ] [ incarnation ] [ ego ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

fin de vie

SCHIBEUGEN  - Oui. C'est le petit espoir qui vous reste. L'épuisement. Ce qui vous guérira, en fin de compte, ce sera une incommensurable lassitude. Vous vieillirez, vous vous étiolerez, et avec la faiblesse viendra le repos. Certes, vous n'aurez pas la force de vous réjouir, mais pas celle non plus de crier, de protester ou de souffrir. Une douce sérénité vous enveloppera. Vous serez calme, calme, juste un petit moignon de vie déchue, repliée sur elle-même et bien ordonnée. Une épaisse couche de cendres recouvrira vos amours passées, présentes, inachevées, inaccessibles, et qui, de toute façon, vous auront renvoyés à votre solitude. Ensuite, doucement, très doucement, sans sursaut ni amertume, vous commencerez un jour à agoniser. Plus rien ne vous intéressera, ni l'agitation ambiante, ni Dieu, ni l'espoir, ni le sens à donner à votre vie. Il vous restera juste assez de force pour tourner vers l'avenir un regard fermé, un regard qui lui aussi se brouillera peu à peu. Jusqu'à ce que vous mouriez. Oui, misez sur l'épuisement.

Auteur: Hanokh Levin

Info: Théâtre choisi I : Comédies. Kroum l'Ectoplasme, pp 105-106

[ fatigue ] [ agonie ] [ extinction ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

industrialisation

Les hommes pêchaient des requins ; les femmes fabriquaient des colliers avec leurs vertèbres. La pauvreté était grande, profonde, mais la misère lui était étrangère. La misère n’existait presque pas en Uruguay. Avant les années 1980, partout dans le monde, la misère n’existait que là où les machines avaient rendu les hommes des machines, là où la terre était elle-même misérable, et là où l’histoire coloniale avait réussi, et réussissait encore, à ruiner des peuples. Sauf dans quelques lieux très précis, la misère – partout – est le résultat d’un vol.

Auteur: Amigorena Santiago H.

Info: Le premier exil

[ aliénation ] [ machinisme ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

rencontre

Je savais trop qu'on pouvait dire des choses, les croire vraies au moment où on les affirmait, et faire, dans les heures ou les jours qui suivaient, des actes qui les démentaient.

Dans l'amour en particulier. Parce que l'amour est le sentiment le plus irrationnel, et que sa source - quoi qu'on dise - est dans la rencontre de deux sexes, le plaisir qu'ils se donnent.

Auteur: Izzo Jean-Claude

Info: Solea

[ fusion ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

couple

Je n'ai jamais su parler des femmes que j'ai aimées. Je voulais préserver ces amours qui étaient en moi. Les raconter, c'était ramener les engueulades, les larmes, les portes qui claquent.

Et les nuits qui suivent dans les draps froissés comme le cœur. Et je ne voulais pas. Je voulais que mes amours continuent de vivre. Avec la beauté du premier regard. La passion de la première nuit. La tendresse du premier réveil.

Auteur: Izzo Jean-Claude

Info: Total Khéops

[ tensions ] [ disputes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

intraduisible

Les anciens Grecs avaient un mot pour décrire le comportement de certains acteurs de la vie politique. La "polypragmosynè" indiquait une hyperactivité inadaptée à la réalité des choses, une tendance à s’ingérer dans toutes les affaires et une volonté incessante d’attirer l’attention générale sur soi.

Auteur: Stubbs Jeremy

Info: Causeur, Macron, trop m’as-tu-vu pour les étrangers, 21 avril 2022

[ poseur ] [ esbroufeur ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

curiosité

- Y a des années, je ramassais les mots que se

passaient les élèves. Dès que j'en voyais se pencher un

peu trop sur la table, glisser la main, hop là, je chopais

vif au passage le mot, je remerciais, et je rangeais le mot dans ma trousse. L'élève venait prudemment me le réclamer quand ça sonnait et je lui disais qu'il avait pas à s'inquiéter, que je m'en servirais pas contre lui mais je le lui rendrais pas non plus. Quand il avait

refermé la porte, je sortais le mot de ma trousse.

Fallait déchiffrer. Vite écrit, avec du phonétique, des abréviations, de leur langue à eux, des pseudos

des surnoms, des allusions. Des ruptures d'

amitiés. Des Pourquoi tu me fais la gueule depuis

ce matin ? Des trucs de cul. De la haine (

Je vais la démolir cette meuf, etc.) mais jamais formulé

comme ça. Du fait de leur langue, y avait toujours

quelque chose de bizarre, venu du monde souterrain de la classe, inscrit tel quel sur ces tout petits bouts de papier froissés, et qui retranscrits propre n'auraient

pas donné grand-chose, auraient peut-être

nourri ces recueils de "perles" qui font marrer les adultes crétins et les profs dans les salles de profs.

Ces mots, je les ai jetés. Ils ont tout fait pour que

ce soit pas rendu public, alors je vois pas pourquoi

je les publierais sous prétexte que l'occasion se

présente ou que ça pourrait être la matière d'une

enquête ou je ne sais quoi on peut encore inventer

comme justification pour faire exactement ce que

les gens veulent pas qu'on fasse.

Auteur: Quintane Nathalie

Info: "Un hamster à l'école", éd. La fabrique, p. 193-194

[ adolescence ] [ clandestinité ] [ messages cryptés ] [ éducation ] [ respect ] [ jargon ] [ instituteur ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

dogme

Le rapport qui existe entre un lecteur et un texte biblique est celui d'un interprète face à un autre interprète. Le lecteur construit du sens à partir d'un document qui n'est pas un matériau brut, un témoin neutre d'une histoire directement accessible, mais qui est lui-même un geste d'interprétation, une construction de sens, une mise en récit, une stratégie pour lutter contre l'oubli et structurer une mémoire collective.

Auteur: Lanoir Corinne

Info: Femmes fatales, filles rebelles, p 8

[ lecture ] [ spiritualité ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

vivre

Si on a du cœur, m'expliqua un jour mon père, on ne peut rien perdre où qu'on aille. On ne peut que trouver.

Auteur: Izzo Jean-Claude

Info: Chourmo

[ oser ] [ générosité ]

 
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Ajouté à la BD par miguel