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annales

Les régimes institutionnels de la mémoire

On pourrait distinguer la reproduction biologique (un individu se reproduit en individus de la même espèce), l’élevage (on sélectionne par la reproduction un profil génétique donné), la domestication (les êtres humains éduquent des animaux, transmettant par le dressage pratiques et comportements) et enfin l’éducation où des individus d’une espèce enseignent à leurs progénitures leurs propres acquis. La domestication n’est pas l’éducation car ce ne sont pas les animaux qui dressent leurs petits, mais leurs maîtres.

La culture commence quand, au delà du patrimoine génétique, des contenus, pratiques et savoir faire sont transmis d’une génération à une autre. Autrement dit, quand il s’agit de passer de l’élevage à l’éducation, de la répétition des capacités propres à l’espèce à la transmission des contenus acquis.

Cela implique d’une part la prise de conscience d’un déjà-là constitué et d’autre part la mise en place d’outils et procédures pour l’entretenir et donc le transmettre. Il s’agit d’avoir des institutions du sens qui régissent, au niveau d’une société ou d’un collectif, les pratiques culturelles et les modalités de leur transmission.

À travers la notion d’institution, nous visons trois caractéristiques principales : la tradition qui sanctionne l’existence d’un déjà-là ("c’est ainsi que l’on a toujours fait"), une normalisation, qui ajuste et régule ses modalités d’expression selon certains critères ("c’est ainsi qu’il convient de faire"), une transmission qui assure une pérennisation de la tradition, de cet héritage reçu et donc à léguer ("c’est ce qu’il faut continuer de faire"). Les institutions du sens sont donc toujours traditionnelles et normatives, garantes de la culture comme acquis constitué et à transmettre. On retrouve ainsi les institutions scolaires, patrimoniales, culturelles, etc. De la langue qu’on apprend à maîtriser même quand elle est sa langue maternelle pour qu’elle devienne sa langue de culture et de réflexion [Judet & Wisman 2004], aux pratiques traditionnelles (cuisines, artisanat) en passant par les pratiques savantes, la culture est un déjà-là qui s’autonomise en tradition normée pour pouvoir être transmise. C’est le rôle et la mission des institutions du sens que d’accompagner la constitution de la tradition normée et d’en assurer la transmission.

La tension propre à ces institutions sera le conflit permanent entre d’une part la normalisation des contenus et d’autre part une transmission autorisant leur appropriation et transformation. Comment transformer sans trahir, comment transmettre sans figer, est la question que doit traiter toute institution du sens. Si la norme donne les conditions de la répétition et de la conservation du déjà-là, l’invention et l’appropriation seront les conditions pour que ce déjà-là reste accessible, signifiant, exploitable voire utile dans l’environnement contemporain. Une norme formelle et dogmatique rend le déjà-là sans intérêt, une appropriation dérégulée revient à une perte de mémoire et de sens.

Si les institutions du sens reposent en leur possibilité sur la constitution d’un déjà-là et sa reconnaissance comme tel, il en ressort qu’on en passe nécessairement par une institutionnalisation de la mémoire qui a pour fonction de fixer le périmètre du déjà-là, de définir les règles de son accroissement et de son enrichissement, et de proposer des modalités de sa consultation, partage et transmission. Les institutions de la mémoire seront donc des instances nécessaires à la reconnaissance d’un déjà-là constitué et à sa pérennisation.

Il y a plusieurs manières de mettre en place de telles institutions et d’en fixer les missions et les contours. Notre civilisation, au cours de son histoire longue, en distingue selon nous quatre modalités principales [Bachimont 2017] : la mémoire de la preuve (les archives), celle de l’œuvre (les bibliothèques et les musées), celle de l’information (les centres de documentation et de ressources) et enfin l’identité culturelle (le patrimoine).

Aussi anciennes que l’écriture elle-même, les archives [Delsalle 1998] sont avant tout une mémoire de l’événement, une trace de ce qui s’est passé, la permanence de cette dernière permettant de pallier l’évanescence de l’événement. L’archive possède une relation organique à ce dont elle est archive : causée par l’événement dont elle consigne la mémoire, l’archive est le signe, par son existence même, de l’événement et du fait qu’il a bien eu lieu. À travers une telle relation organique, on veut insister sur le fait que, même si l’archive est un document produit par des collectifs culturels, elle est néanmoins provoquée, produite quasi naturellement par l’événement qu’elle relate. Autrement dit, elle n’est pas altérée par un processus interprétatif qui viendrait se mettre en l’événement et sa trace. Pour reprendre la belle image de Marie-Anne Chabin [2000], "Les archives procèdent de l’activité de leur auteur comme les alluvions découlent du fleuve", comme si elles consistaient en un processus naturel.

Ainsi, plus tekmerion que semeion, indice que symbole ou icône *, même si en pratique, il faut bien en passer par l’interprétation et les conventions qui lui sont inhérentes, l’archive peut être la preuve que recherchent l’historien, le juge ou l’enquêteur. Mais, puisque l’événement produit le document, ce dernier ne peut être une preuve pleine et entière que si le seul moyen de produire le document qui deviendra l’archive est que l’événement se soit produit. Par exemple, l’acte notarié est ainsi conçu que la seule manière d’avoir un acte est que l’événement associé (une transaction par exemple) ait eu lieu. Sinon, c’est un faux, c’est-à-dire un document établi pour faire croire que l’événement a eu lieu. L’archive officielle est donc une preuve déductive (si on dispose de l’archive, alors l’événement a eu lieu), les autres ont plutôt une valeur abductive plutôt que déductive (si on dispose de l’archive, la cause la plus probable ou la plus simple est que l’événement ait eu lieu mais on en reste à une présomption). C’est la raison pour laquelle l’authenticité, au sens où le document est bien ce qu’il prétend être, est si fondamentale pour les archives. C’est en effet cette dernière qui permet de retracer le schéma causal qui a produit le document à rebours, en remontant à l’événement.

La seconde modalité ou institution de mémoire mobilise les traces du génie humain, autrement dit ce qui reflète les productions de l’esprit et de la culture. Il ne s’agit pas tant d’avoir des preuves de l’événement que de disposer des traces de ce qui a été pensé ou de ce qui fut créé. L’enjeu n’est pas de savoir ce qui s’est passé, mais de connaître comment cela a été pensé. Du monde comme événement (le fait relaté par un témoignage), on remonte à la culture comme monument (le témoignage comme fait). L’authenticité n’est plus ici gagée par le lien organique entre l’événement et le document, mais entre ce dernier et son auteur. L’authenticité reposera sur l’attribution de son auteur et la détermination du contexte de création pour pouvoir en déduire le sens qu’on peut lui conférer. Les institutions en charge des œuvres sont les bibliothèques, les musées, les conservatoires. L’enjeu n’est pas tant de connaître le passé pour lui-même, mais de se reposer sur les œuvres du passé pour appréhender une part des possibilités du génie humain, une province du sens et de l’être. Les œuvres du passé n’appartiennent pas à un passé révolu, mais au présent, un présent permanent et continuel car les œuvres, sitôt produites, restent un témoignage vivant qu’il est toujours temps et opportun de recevoir. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas important de prendre en compte leur historicité ni leur contexte originel, mais qu’en tant que créations humaines, il est toujours actuel et pertinent pour les êtres humains de les recevoir, accueillir et interpréter.

La troisième institution de la mémoire est celle du savoir, de la connaissance et de l’information. Ni preuve ni œuvre, l’information est le savoir anonyme, sans auteur, apportant la connaissance d’un fait, d’un procédé ou d’un raisonnement possibles. Information de personne, mais information pour tous, l’information prend sa valeur à partir de l’institution qui la produit, ou le processus qui la constitue. De l’information savante gagée par la publication scientifique et son système de relecture par les pairs, à l’information journalistique fondée sur une régulation spécifique, en passant par l’institution scolaire et ses programmes, l’information doit être produite par une institution qui lui sert de caution pour être reçue comme telle et valoir comme connaissance. On comprend qu’une telle notion d’information est le cœur même des activités relevant de ce qu’on a appelé par la suite "l’information scientifique et technique", et qu’elle se formalisa lors de la révolution industrielle [Briet 1951]. Une dimension spécifique de l’information, et faisant rupture avec les figures plus anciennes de l’archive et de la bibliothèque (les preuves et les œuvres), est l’indépendance ou plutôt l’indifférence au support. Peu importe que le document soit un article ou un livre, un journal ou une encyclopédie, numérique ou matériel, il n’importe que par l’information qu’il détient. Derrière cette indifférence se cache un présupposé selon lequel le contenant n’influe pas sur le contenu, que le support matériel ne conditionne pas l’intelligibilité de l’inscription consignée sur le support. Présupposé qu’il est facile de réfuter, aucun changement de support ne pouvant être neutre quant à l’intelligibilité du contenu [Bachimont 2010]. Mais on peut voir derrière ce présupposé, non une erreur quant à la réalité de la dépendance du contenu au contenant, mais l’intérêt exclusif pour un invariant sémantique commun aux différentes expressions rencontrées sur différents supports, où l’on s’intéresse au fait, par exemple, que l’eau bout à 100°, indépendamment de l’expression qui nous a permis d’en prendre connaissance.

Cette conception abstraite du support de l’information entraîne un intérêt exclusif à l’inscription comme expression, à sa grammaire et à son lexique. Privilégiant la forme sur la matière, l’information a un tropisme naturel vers la formalisation et la circulation : formalisation car il s’agit de contrôler l’information uniquement à partir de sa forme, indépendamment de son support ; circulation parce que cette indifférence au support permet en principe la migration d’un support à un autre sans altération de l’information. Cela aboutit fort logiquement aux initiatives comme le Web des données (ou Web sémantique) où le formalisme de l’expression assure les conditions de son interprétation et de sa circulation.

Enfin, le dernier régime est celui de l’identité culturelle ou celui du patrimoine. Ce régime est le plus indéterminé des quatre considérés ici dans la mesure où il mobilise le rapport fondamental à la mémoire et à la culture : il concerne tout objet permettant à un collectif d’accéder à une mémoire, à la mémoire de son identité collective. Le patrimoine est donc, pour utiliser le vocabulaire de Gilbert Simondon [2005], ce qui permet l’individuation d’une identité collective et la constitution d’objets comme vecteurs de cette dernière. Le patrimoine est donc un jeu triple entre des objets, des individus, et un collectif tissant ces derniers ensemble. Aussi tout objet peut-il, en principe, devenir patrimonial, les règles de l’individuation n’étant pas fixées a priori. On ne peut que constater a posteriori que tels ou tels objets "font patrimoine".

L’identité collective est un déjà-là revendiqué et assumé par le collectif. Il s’agit d’une mémoire reconnue comme étant la sienne et associée à un objet qui l’incarne et la porte. Mais la seule caractéristique de cet objet est qu’il est distingué dans sa capacité de porter un souvenir, d’incarner une mémoire, de véhiculer un sens partagé. En ce sens, l’objet patrimonial est un mnémophore, un porteur de mémoire, en plagiant le néologisme naguère proposé par Krzystof Pomian, le sémiophore [1996].

L’objet patrimonial, le mnémophore, ne s’oppose pas aux autres régimes de mémoire que nous avons distingués, mais les intègre comme des modalités possibles de sa déclinaison. En effet, les preuves, œuvres et informations sont porteuses de mémoire et permettent par leur entremise un rapport au passé.

Auteur: Bachimont Bruno

Info: https://journals.openedition.org/signata/2980. *CS Peirce (1978) Écrits sur le signe. Paris, Seuil.

[ conservatisme ] [ pré-mémétique ] [ damnatio memoriae ] [ diachronie ] [ sciences ] [ humaines tiercités ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ]

 

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covid 1984

Dans un récent entretien avec Vice, le dénonciateur de la NSA, Edward Snowden, a exprimé ses inquiétudes concernant le programme de surveillance à venir, l’appelant "l’architecture de l’oppression". Nous avons demandé à Lucien Cerise son analyse du nouveau contrôle social à venir.



R/ L’état d’urgence sanitaire est-il pour vous un bon moyen pour les gouvernements mondiaux de poursuivre la réduction de nos libertés collectives et individuelles ? Pour vous, le confinement est-il un instrument d’ingénierie sociale ?



- Cet état d’urgence sanitaire est le prétexte idéal pour tenter de fabriquer le consentement des populations à une transformation du lien social sur une base transhumaniste, c’est-à-dire fondée sur un encadrement scientifique général, présentant un fort caractère carcéral et concentrationnaire, et allant dans le sens de l’artificialisation et de la réification du vivant, sa chosification, sa réduction à un objet. On peut reprendre à Michel Foucault et Giorgio Agamben la notion de biopouvoir pour décrire un pouvoir politique qui étudie la biologie, la médecine et les sciences de la vie autant que le droit ou l’économie. Le biopouvoir, qui n’est qu’une mise à jour de la notion d’eugénisme, se caractérise donc par une intrusion toujours croissante dans l’intimité physique des gens pour la modifier et surtout la contrôler.



En effet, ce qui dérange le biopouvoir, c’est la prolifération de la vie et de l’organique, impossible à contrôler totalement. Le transhumanisme est une tentative d’enfermement de l’organique dans une forme prétendument augmentée, mais surtout aseptisée, standardisée et sous contrôle, tentative de meurtre du vivant et de son aspect toujours imprévisible et débordant. Les gens normaux se refusent donc naturellement au transhumanisme. Pour parvenir à les emprisonner là-dedans malgré tout, il faut les séduire ou leur faire peur, afin de les soumettre volontairement par des manœuvres d’ingénierie sociale du type "pompier pyromane" et triangle de Karpman, consistant à exploiter les projections psycho-émotionnelles de la trilogie bourreau/victime/sauveur.



Cela commence par le déclenchement d’une crise, suivi d’une opération d’hameçonnage (phishing), c’est-à-dire un piratage de l’esprit par usurpation d’identité et abus de confiance, où le responsable de la crise, en position de "bourreau", se présente comme le "sauveur" qui va protéger les "victimes" de la crise. Quand le piratage est accompli, que le bourreau a gagné la confiance de la population victime et qu’elle s’ouvre à lui en abaissant ses défenses parce qu’elle le perçoit comme un sauveur, alors le pirate-bourreau peut passer à la deuxième phase sans rencontrer de résistance, c’est-à-dire la réécriture de l’architecture sociale selon un nouveau plan présenté comme une solution de sortie de crise. Cette restructuration du lien social consiste à prendre le contrôle des relations que les gens entretiennent librement pour les recomposer à leur place. Comment ? Cela se fait toujours en jouant sur les relations de confiance et de méfiance, afin de prendre le contrôle des relations de proximité et de distance. Avec cette crise du coronavirus, la relation à autrui et au monde est réécrite pour être fondée sur la méfiance et la paranoïa, selon une sorte de conflit triangulé généralisé, où chacun est potentiellement bourreau de chacun. Je dois apprendre à me méfier d’autrui et de la nature, avec le maintien d’une distance entre moi, autrui et le monde, et cette distance m’est dictée par le biopouvoir auquel, en revanche, je suis tenu d’accorder une confiance aveugle, au risque d’être accusé de "conspirationnisme" et d’encourir des représailles judiciaires. En résumé : pour le biopouvoir, cette crise du Covid-19 doit couper l’Histoire en deux et faire entrer l’humanité dans une nouvelle ère où l’auto-organisation du vivant sera progressivement abolie pour être entièrement subordonnée et rationalisée par un pouvoir scientifique eugéniste.



R/ La surveillance numérique de masse passe par les fameuses applications d’Apple ou de Google de contrôle sanitaire. Comment les États et les grandes multinationales de la Silicon Valley se partagent les informations et les rôles dans cette opération ?



Les États et les grandes multinationales sont toujours en fait dirigés directement ou indirectement par ce que l’on appelle le complexe militaro-industriel, qui n’est pas exclusivement américain, chaque pays possède le sien, mais celui des USA est le plus agressif. L’avant-garde de la recherche scientifique est toujours sponsorisée, surveillée et récupérée en premier lieu par les unités de "recherche et développement" militaires. Au niveau géopolitique international, tout est militarisé (weaponized, comme disent les anglophones), tout est rapport de forces, tout est volonté de puissance et relations dominant/dominé. Les applications de géolocalisation et de surveillance numérique de masse sont des outils de contrôle social, c’est-à-dire en fait de militarisation des comportements.



Nous sommes dans une guerre hybride mondiale. Par exemple, la Chine, qui est sous attaque permanente des USA et des réseaux de George Soros, a besoin de militariser et discipliner sa population par un encadrement informatique global. Afin de conserver sa souveraineté numérique et le contrôle de sa population, la Chine doit aussi prévenir et limiter les risques de piratages informatiques de l’étranger, d’où la campagne lancée par Pékin pour débarrasser totalement son parc informatique des systèmes d’exploitation étrangers, dont le plus connu est Windows de Microsoft, et développer de nouveaux systèmes d’exploitation et outils informatiques de conception chinoise et fabriqués en Chine, et qui seront dépourvus des backdoors et autres logiciels espions de la NSA.



À terme, la Chine va donc devenir un trou noir pour les services de renseignement anglophones, les Five Eyes de l’accord UKUSA et du système Echelon, et leurs associés israéliens et autres. Dans quelques années, il sera pratiquement impossible de pirater, espionner et attaquer le parc informatique chinois, qui sera beaucoup mieux sécurisé qu’aujourd’hui. Cet exemple chinois aura une forte capacité d’entraînement à l’internationale et fera des émules par effet domino en Asie et partout dans le monde. On comprend que cette émancipation chinoise de l’hégémonie numérique occidentale provoque un vent de panique de la Silicon Valley à Washington en passant par Tel-Aviv : c’est la fin du projet néoconservateur de domination mondiale. Ce qui ne veut pas dire que le gouvernement chinois va instaurer le paradis sur Terre, mais qu’il pourra certainement relâcher la surveillance de sa population quand les risques de déstabilisation de la Chine par des attaques extérieures et intérieures de cinquièmes colonnes pro-occidentales auront été jugulés.



R/ Les Français auront-ils le choix de refuser le traçage numérique ?



Pour le biopouvoir, il n’est pas prévu que nous ayons le choix. Comme beaucoup de gens, je vois les pièces du puzzle s’assembler depuis un certain temps, mais c’est l’affaire de Tarnac en 2008 qui a joué pour moi un rôle de catalyseur et m’a poussé à rédiger un texte que j’ai publié sous anonymat, Gouverner par le chaos – Ingénierie sociale et mondialisation.



J’exposais dans cet opuscule comment certaines forces politiques et économiques cherchaient à implémenter une dictature numérique au moyen d’une stratégie du choc qui pouvait être une épidémie, et je citais à l’appui de cette prospective un texte manifeste de 2004, le Livre Bleu, rédigé par le lobby du numérique en France, le GIXEL (devenu ACSIEL en 2013), dans lequel étaient exposés certains stratagèmes pour faire accepter dans l’opinion publique le développement de l’identité numérique. Dans le cadre de sa fondation ID-2020, Bill Gates élabore aussi un système d’identification numérique pour le monde entier et cherche à le vendre ainsi : à cause du coronavirus, il faut vacciner toute la planète, et nous devons tous recevoir un certificat numérique de vaccination. Plusieurs technologies de certificat numérique plus ou moins invasives sont à l’étude : dans votre Smartphone ; dans un bracelet électronique ; sur la peau sous forme de tatouage à points quantiques ; sous la peau sous forme de puces électroniques. Si finalement nous pouvons avoir le choix et échapper à ce sort, c’est parce que nous aurons remporté le rapport de forces pour dire "Non !" Tout est axé autour de la formule confinement/distanciation sociale/vaccination/surveillance électronique, dont il faut attaquer chaque point.



R/ Que nous réserve la suite des événements, selon vous ?



En fait, il faut se poser la question : comment vais-je peser sur la suite des événements ? Il faut sortir du rôle de spectateur ou d’analyste des événements, il faut créer les événements. Le biopouvoir mondialiste a de gros moyens financiers pour créer des événements au niveau international, impacter le réel et écrire l’Histoire. Il possède des millions, donc, en face, nous devons être des millions.



Nous n’avons pas le capital économique, mais nous avons le capital humain. Pour créer l’événement, impacter le réel et écrire l’Histoire contre le biopouvoir, pour faire dérailler son programme, il faut se poser deux questions concrètes : comment gagner la bataille de l’opinion publique et comment organiser les masses politiquement ?



La bataille de l’opinion publique se gagne en se formant aux méthodes de communication stratégique et d’ingénierie sociale, rhétorique et retournement de l’opinion (spin), dans le réel ou sur les réseaux sociaux, du moins tant que c’est possible, car la prochaine crise devrait être cyber et toucher Internet, comme l’a annoncé Alain Bauer. Cette grande crise cybernétique et numérique, d’ampleur géopolitique et déclenchée par un virus informatique qui provoquerait le "bug du siècle", permettra au pouvoir de couper Internet au moins partiellement, et surtout de mettre fin à la réinformation indépendante avec un bon prétexte. C’est le programme du Grand Confinement, par l’addition du confinement physique et du confinement mental – cognitif et informationnel.



Le but ultime est d’abolir toute auto-organisation du peuple, donc toute autonomie dans l’organisation horizontale de la société. Pour cela, il faut d’abord couper les gens physiquement les uns des autres dans le réel, par le confinement physique, la distanciation sociale, le télétravail, et tenter de pérenniser ce nouvel ordre social en annonçant que "plus rien ne sera comme avant", comme on nous le martèle depuis des semaines. Puis, dans un deuxième temps, au prétexte d’une crise numérique globale, le pouvoir coupera les gens les uns des autres dans le virtuel aussi, avec un Internet en mode dégradé, limité au télétravail et à quelques messageries et portails inoffensifs, usages qui seront malgré tout conservés, ce qui sera présenté comme une victoire. Il faut essayer d’imaginer l’enfer que serait un confinement physique sans Internet, c’est-à-dire sans aucun accès à la réinformation, sans aucune possibilité de comprendre ce qui se passe car nous serions enfermés physiquement à domicile, ou dans un périmètre limité, et enfermés mentalement dans la narration exclusive du pouvoir, dans une seule version des événements. Dans d’autres publications, j’ai baptisé cette fabrique de l’aliénation mentale "reality-building", car elle repose sur le principe de l’hypnose : la parole de l’hypnotiseur devient la réalité de l’hypnotisé. 



Comment cela est-il possible ? Parce que l’hypnotisé, qui n’est pas forcément endormi, n’a pas d’autre source d’information que la parole de l’hypnotiseur. Avant d’en arriver là, avant qu’il ne soit trop tard, il y a urgence à gagner le combat politique, ce qui signifie prendre le pouvoir, et ne pas se contenter des contre-pouvoirs, dans la rue ou sur Internet, qui risquent fort de devenir impraticables de toute façon. Prendre le pouvoir signifie être en capacité de se faire obéir par les forces de l’ordre. L’activité métapolitique n’est donc pas suffisante, il faut investir aussi le champ politique du pouvoir légal. Les forces de l’ordre, qui ont une capacité de contrainte sur votre corps et votre esprit, n’obéissent pas à la métapolitique mais au gouvernement et à ses représentants locaux, c’est-à-dire à l’État. Il faut donc reprendre le contrôle de l’État si nous voulons sortir de l’impuissance à laquelle la métapolitique nous limite. Ceci suppose d’organiser les masses de manière structurée dans une perspective de conquête du pouvoir, ce qui suppose à son tour, et inévitablement, de jouer le jeu quelque peu ingrat de la politique politicienne et des organisations politiques de masse.

Auteur: Cerise Lucien

Info: Sur rebellion-sre.fr, 6 mai 2020

[ géopolitique ] [ anti-mondialisme ] [ manipulation des masses ]

 
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bêtise bipolaire

Il ne fait aucun doute que les IA sont biaisées. Mais beaucoup déclarent que ces problématiques de l'IA existent parce que nous humains sommes imparfaits, plus que les machines. "Les machines sont-elles condamnées à hériter des préjugés humains ?", titrent les journaux. "Les préjugés humains sont un énorme problème pour l'IA. Voilà comment on va arranger ça." Mais ces récits perpétuent une dangereuse erreur algorithmique qu'il faut éviter.

Oui, les humains sont subjectifs. Oui, malgré les efforts conscients et inconscients de ne pas l'être, nous faisons de la discrimination, nous stéréotypons et portons toutes sortes de jugements de valeur sur les gens, les produits et la politique. Mais nos préjugés ne sont pas correctement mesurés ou modélisés par les machines. Non, les tendances machine sont dues à la logique même de la collecte des données : le système binaire.

Le système binaire est la chaîne de 0 et 1 à la base de tous les systèmes informatiques. Cette méthode mathématique permet de réduire et de calculer efficacement les grands nombres et, deuxièmement, elle permet la conversion de l'alphabet et de la ponctuation en ASCII (American Standard Code for Information Interchange).

Mais ne vous laissez pas berner : Ces 0 et 1 ne signifient pas que la machine comprend le monde et les langages comme nous le faisons : "La plupart d'entre nous, la plupart du temps, suivons des instructions qui nous sont données par ordinateur plutôt que l'inverse ", explique l'historien des technologies George Dyson. Afin de pouvoir communiquer avec les ordinateurs, nous sommes ajustés et orientés vers leur logique, et non vers la nôtre.

Le système binaire réduit tout à des 0 et des 1 insignifiants, quand la vie et l'intelligence font fonctionner XY en tandem. lui rend la lecture et le traitement des données quantitatives plus pratiques, plus efficaces et plus rentables pour les machines. Mais c'est au détriment des nuances, de la richesse, du contexte, des dimensions et de la dynamique de nos langues, cultures, valeurs et expériences.

Il ne faut pas accabler ici les développeurs de la Silicon Valley pour ce système binaire biaisé - mais plutôt Aristote.

Le parti pris binaire d'Aristote
Si vous pensez à Aristote, vous pensez probablement au philosophe grec antique comme à un des pères fondateurs de la démocratie, et non comme l'ancêtre de siècles de logique mécanique et de méthodes scientifiques erronées. C'est cependant sa théorie du "dualisme", selon laquelle quelque chose est soit vrai soit faux, logique ou illogique, qui nous a mis dans cette situation délicate en premier lieu.

Vers 350 av. J.-C., Aristote voulut réduire et structurer la complexité du monde. Pour ce faire, il fit des emprunts à la Table des Opposés de Pythagore, dans laquelle deux éléments sont comparés :

fini, infini... impair, pair... un, beaucoup... droite, gauche... repos, mouvement... droit, tordu... etc.

Mais au lieu d'appliquer ce dualisme à la géométrie neutre comme l'avait fait Pythagore, Aristote l'appliqua aux personnes, aux animaux et à la société. Ce faisant, il conçut un patriarcat hiérarchique social polarisé clivant, enraciné dans ses valeurs internes et ses préjugés : Les objets qu'il ordonnait avoir plus de valeur devinrent des 1, et ceux de moindre importance des 0. En ce qui concerne les femmes, par exemple, il écrivit : "La relation de l'homme à la femme est par nature une relation de supérieur à inférieur et de souverain à gouverné."

Hélas, le système de classification hiérarchique d'Aristote a été implémenté dans l'IA, la pondérant en faveur d'hommes comme lui. Le système même sur lequel toute la technologie moderne est construite contient les artefacts du sexisme d'il y a 2 000 ans.

1 = vrai = rationnel = droit = masculin
0 = faux = émotionnel = gauche = féminin
Si Aristote avait créé la démocratie - et la démocratie est censée être une véritable représentation - femmes et gens de couleur auraient dû avoir un accès égal à l'éducation, avoir voix au chapitre dans les forums et avoir le droit de vote en 350 av. JC. Il n'aurait pas été nécessaire de se battre jusqu'en 1920 pour que le vote féminin soit ratifié aux Etats-Unis. Il n'y aurait pas eu d'esclavage et pas besoin du mouvement pour les droits civiques. Tout le monde aurait été classé et considéré comme égal dès le départ.

Le classement biaisé d'Aristote est maintenant verrouillé et renforcé par plus de 15 millions d'ingénieurs.
Aristote aurait dû lire les notes de son prédécesseur, Socrate. Selon les souvenirs de Platon, Socrate considérait les oracles féminins de Delphes comme "un guide essentiel du développement personnel et de l'état". De plus, dans le Symposium de Platon, Socrate se souvient de l'époque où il était l'élève de Diotima de Mantinea, une femme philosophe dont il tenait en haute estime l'intelligence. Dans le livre V, Socrate est crédité d'avoir suggéré que les femmes sont également qualifiées pour diriger et gouverner : "Il n'y a pas de pratique des gouverneurs d'une ville qui appartient à une femme parce qu'elle est une femme, ou à un homme parce qu'il est un homme."

Mais au lieu que les idées de Socrate sur l'égalité enracinent les idées occidentales sur l'intelligence, nous nous sommes retrouvés avec la logique d'Aristote et son classement biaisé sans être conscients de ses origines binaires et anti-démocratiques.

Mais ne blâmons pas seulement Aristote. Deux autres coquins ont contribué à ces problèmes sociaux et scientifiques : Descartes et Leibniz.

Descartes - philosophe français du XVIIe siècle qui a inventé l'expression "je pense, donc je suis" -, a implanté l'idée qu'un sujet n'a ni matière ni valeur autre que ce que le visiteur attribue et déduit. (S'il avait dit "Nous pensons, donc nous sommes", cela aurait mieux reflété comment nous sommes symbiotiquement informés par les perceptions les uns et des autres.)

En outre, Descartes a proposé une plus grande séparation de l'esprit du corps et des émotions dans son traité de 1641, Méditations sur la Première Philosophie. Il a soutenu que nos esprits sont dans le domaine du spirituel tandis que nos corps et nos émotions sont dans le domaine du physique, et que les deux royaumes ne peuvent pas s'influencer mutuellement. Ce qui a causé des problèmes en IA parce que maintenant nous empilons des unités d'émotions sur des couches de classification binaires d'une manière artificielle et non intégrée. Encore du binaire.

La logique déductive-inductive de Descartes, qu'il explora dans son discours sur la méthode de 1637, fut créée parce qu'il était désabusé par les méthodes non systématiques des scientifiques de son temps. Il fit valoir que les mathématiques ont été construites sur une "base solide", et a donc cherché à établir un nouveau système de vérité fondée sur Aristote 1 = vrai = valide, et 0 = faux = invalide. La différence étant qu'il a mis les lignes de la logique syllogistique d'Aristote au sein d'une structure arborescente. Structures arborescentes qui sont maintenant utilisées dans les réseaux neuronaux récurrents du NLP (Natural Language Processing)

Vint ensuite Leibniz, le philosophe et avocat allemand inventa le calcul indépendamment de son contemporain, Newton. Il créa le système binaire entre 1697 et 1701 afin d'obtenir des verdicts "oui/non" plus rapides et ainsi réduire les grands nombres en unités plus faciles à gérer de 0 et 1.

Contrairement aux autres, Leibniz était sinophile. En 1703, le prêtre jésuite Bouvet lui avait envoyé une copie du Yi King (le Livre des Changements), artefact culturel chinois dont l'origine remonte à 5.000 ans. Il était fasciné par les similitudes apparentes entre les lignes horizontales et les intervalles des hexagrammes du Yi King et les 0 et 1 des lignes verticales de son système binaire. Il interpréta faussement ces intervalles comme étant du vide (donc zéro) croyant (à tort) que les hexagrammes confirmaient que son système binaire était la bonne base pour un système logique universel.

Leibniz fit trois autres erreurs majeures. Tout d'abord, il a fit pivoter les hexagrammes de leurs positions horizontales naturelles vers les positions verticales pour les faire correspondre à ses lignes binaires. Deuxièmement, il les sépara du contexte des symboles chinois et des chiffres correspondants. Troisièmement, puisqu'il n'était pas chinois et qu'il ne comprenait pas l'héritage philosophique ou la langue, il supposa que les hexagrammes représentaient les nombres 0 et 1 lorsqu'ils représentent des énergies négatives et positives, Yin Yang, homme et femme. Erreurs qui signifient que Leibniz perdit beaucoup d'informations et de connaissances venant des codes du Yi King et de la vraie signification de ses hexagrammes.

Au lieu de créer un système universel cohérent, le système binaire de Leibniz renforça les modèles de pensée occidentale de Descartes amplifiant la base biaisée d'Aristote, nous verrouillant davantage, nous et les machines que nous avons créées, vers une logique non naturelle.

Le système binaire dans l'informatique moderne
Les classifications binaires d'Aristote sont donc maintenant évidentes dans tous les systèmes de données d'aujourd'hui, servant, préservant, propageant et amplifiant les biais partout dans les couches d'apprentissage machine.

Exemples de biais binaires dans les front-end utilisateur et le traitement des données :

glissement à droite = 1, glissement à gauche = 0
cliquer sur "like" sur Facebook = 1, pas cliquer sur like = 0
nos émotions complexes étant attribuées grossièrement comme positives = 1, négatives = 0 dans les cadres du NPL
convertir des paires d'objets comparés et leurs caractéristiques en 0 ou 1, par exemple pomme = 1, orange = 0, ou lisse = 1, bosselé = 0
lignes et colonnes pleines de 0 et de 1 dans des graphes géants "big data"
Mais le problème de la logique binaire est qu'elle ne permet pas de comprendre et de modéliser pourquoi et comment les gens ont choisi une option plutôt qu'une autre. Les machines enregistrent simplement que les gens ont fait un choix, et qu'il y a un résultat

Les machines sont donc étalonnées à partir de ces biais binaires, pas à partir des nôtres. Bien sûr, nous sommes remplis de nos propres défauts et faiblesses très humains, mais les cadres conceptuels informatiques existants sont incapables de corriger ces erreurs (et les ingénieurs n'écrivent que du code qui correspond aux limites de l'ancienne logique).

Heureusement, il existe une alternative. Les philosophies occidentales d'Aristote, de Descartes et de Leibniz sont opposées aux philosophies orientales, elles fondées sur l'équilibre naturel, la cohérence et l'intégration. Le concept chinois de Yin Yang, par exemple, met l'accent sur la dynamique égale et symbiotique du masculin et du féminin en nous et dans l'univers. Ces idées décrites dans le Yi King, que Leibniz n'a pas reconnues.

La nature rejette également le binaire. Des milliards d'années avant que le parti pris d'Aristote ne s'imprime dans la logique informatique occidentale, la nature codifiait l'intelligence comme la coexistence entrelacée de la femme X et de l'homme Y dans notre ADN. De plus, la recherche quantique a montré que les particules peuvent avoir des états de superposition enchevêtrés où elles sont à la fois 0 et 1 en même temps, tout comme le Yin Yang. La nature ne fonctionne pas en binaire, pas même avec les pigeons. Alors pourquoi le faisons-nous en informatique ?

Nous ne classons et ne qualifions pas nécessairement le monde qui nous entoure avec les préjugés hiérarchiques binaires d'Aristote. Mais la façon dont les données sont recueillies est noir (0) et blanc (1), avec des nuances de gris fournies par des pourcentages de ces données, alors que la nature et les philosophies orientales montrent que nos perceptions ne sont que vagues de couleurs mélangées ou arc-en-ciel.

Tant que nous n'aurons pas conçu des modes de catégorisation non binaires et plus holistiques en IA, les ordinateurs ne seront pas en mesure de modéliser l'image animée en technicolor de notre intelligence. Ce n'est qu'alors que les machines représenteront nos divers langages, raisonnements, valeurs, cultures, qualités et comportements humains.

Auteur: Twain Liu

Info: https://qz.com/1515889/aristotles-binary-philosophies-created-todays-ai-bias/?utm_source=facebook&utm_medium=partner-share&utm_campaign=partner-bbc

[ rationalisme occidental ] [ logique formelle ] [ intelligence artificielle ] [ Asie ] [ sciences ]

 
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legos protéiques

De nouveaux outils d’IA prédisent comment les blocs de construction de la vie s’assemblent

AlphaFold3 de Google DeepMind et d'autres algorithmes d'apprentissage profond peuvent désormais prédire la forme des complexes en interaction de protéines, d'ADN, d'ARN et d'autres molécules, capturant ainsi mieux les paysages biologiques des cellules.

Les protéines sont les machines moléculaires qui soutiennent chaque cellule et chaque organisme, et savoir à quoi elles ressemblent sera essentiel pour comprendre comment elles fonctionnent normalement et fonctionnent mal en cas de maladie. Aujourd’hui, les chercheurs ont fait un grand pas en avant vers cet objectif grâce au développement de nouveaux algorithmes d’apprentissage automatique capables de prédire les formes rdéployées et repliées non seulement des protéines mais aussi d’autres biomolécules avec une précision sans précédent.

Dans un article publié aujourd'hui dans Nature , Google DeepMind et sa société dérivée Isomorphic Labs ont annoncé la dernière itération de leur programme AlphaFold, AlphaFold3, capable de prédire les structures des protéines, de l'ADN, de l'ARN, des ligands et d'autres biomolécules, seuls ou liés ensemble dans différentes configurations. Les résultats font suite à une mise à jour similaire d'un autre algorithme de prédiction de structure d'apprentissage profond, appelé RoseTTAFold All-Atom, publié en mars dans Science .

Même si les versions précédentes de ces algorithmes pouvaient prédire la structure des protéines – une réussite remarquable en soi – elles ne sont pas allées assez loin pour dissiper les mystères des processus biologiques, car les protéines agissent rarement seules. "Chaque fois que je donnais une conférence AlphaFold2, je pouvais presque deviner quelles seraient les questions", a déclaré John Jumper, qui dirige l'équipe AlphaFold chez Google DeepMind. "Quelqu'un allait lever la main et dire : 'Oui, mais ma protéine interagit avec l'ADN.' Pouvez-vous me dire comment ?' " Jumper devrait bien admettre qu'AlphaFold2 ne connaissait pas la réponse.

Mais AlphaFold3 pourrait le faire. Avec d’autres algorithmes d’apprentissage profond émergents, il va au-delà des protéines et s’étend sur un paysage biologique plus complexe et plus pertinent qui comprend une bien plus grande diversité de molécules interagissant dans les cellules.

" On découvre désormais toutes les interactions complexes qui comptent en biologie ", a déclaré Brenda Rubenstein , professeure agrégée de chimie et de physique à l'Université Brown, qui n'a participé à aucune des deux études. " On commence à avoir une vision plus large."

Comprendre ces interactions est " fondamental pour la fonction biologique ", a déclaré Paul Adams , biophysicien moléculaire au Lawrence Berkeley National Laboratory qui n’a également participé à aucune des deux études. " Les deux groupes ont fait des progrès significatifs pour résoudre ce problème. "

Les deux algorithmes ont leurs limites, mais ils ont le potentiel d’évoluer vers des outils de prédiction encore plus puissants. Dans les mois à venir, les scientifiques commenceront à les tester et, ce faisant, ils révéleront à quel point ces algorithmes pourraient être utiles.

Progrès de l’IA en biologie

L’apprentissage profond est une variante de l’apprentissage automatique vaguement inspirée du cerveau humain. Ces algorithmes informatiques sont construits à l’aide de réseaux complexes de nœuds d’information (appelés neurones) qui forment des connexions en couches les unes avec les autres. Les chercheurs fournissent au réseau d’apprentissage profond des données d’entraînement, que l’algorithme utilise pour ajuster les forces relatives des connexions entre les neurones afin de produire des résultats toujours plus proches des exemples d’entraînement. Dans le cas des systèmes d'intelligence artificielle protéique, ce processus amène le réseau à produire de meilleures prédictions des formes des protéines sur la base de leurs données de séquence d'acides aminés.

AlphaFold2, sorti en 2021, a constitué une avancée majeure dans l’apprentissage profond en biologie. Il a ouvert la voie à un monde immense de structures protéiques jusque-là inconnues et est déjà devenu un outil utile pour les chercheurs qui cherchent à tout comprendre, depuis les structures cellulaires jusqu'à la tuberculose. Cela a également inspiré le développement d’outils supplémentaires d’apprentissage biologique profond. Plus particulièrement, le biochimiste David Baker et son équipe de l’Université de Washington ont développé en 2021 un algorithme concurrent appelé RoseTTAFold , qui, comme AlphaFold2, prédit les structures protéiques à partir de séquences de données.

Depuis, les deux algorithmes ont été mis à jour avec de nouvelles fonctionnalités. RoseTTAFold Diffusion pourrait être utilisé pour concevoir de nouvelles protéines qui n’existent pas dans la nature. AlphaFold Multimer pourrait étudier l’interaction de plusieurs protéines. " Mais ce que nous avons laissé sans réponse ", a déclaré Jumper, " était : comment les protéines communiquent-elles avec le reste de la cellule ? "

Le succès des premières itérations d'algorithmes d'apprentissage profond de prédiction des protéines reposait sur la disponibilité de bonnes données d'entraînement : environ 140 000 structures protéiques validées qui avaient été déposées pendant 50 ans dans la banque de données sur les protéines. De plus en plus, les biologistes ont également déposé les structures de petites molécules, d'ADN, d'ARN et leurs combinaisons. Dans cette expansion de l'algorithme d'AlphaFold pour inclure davantage de biomolécules, " la plus grande inconnue ", a déclaré Jumper, "est de savoir s'il y aurait suffisamment de données pour permettre à l'algorithme de prédire avec précision les complexes de protéines avec ces autres molécules."

Apparemment oui. Fin 2023, Baker puis Jumper ont publié les versions préliminaires de leurs nouveaux outils d’IA, et depuis, ils soumettent leurs algorithmes à un examen par les pairs.

Les deux systèmes d'IA répondent à la même question, mais les architectures sous-jacentes de leurs méthodes d'apprentissage profond diffèrent, a déclaré Mohammed AlQuraishi , biologiste des systèmes à l'Université de Columbia qui n'est impliqué dans aucun des deux systèmes. L'équipe de Jumper a utilisé un processus appelé diffusion – technologie qui alimente la plupart des systèmes d'IA génératifs non basés sur du texte, tels que Midjourney et DALL·E, qui génèrent des œuvres d'art basées sur des invites textuelles, a expliqué AlQuraishi. Au lieu de prédire directement la structure moléculaire puis de l’améliorer, ce type de modèle produit d’abord une image floue et l’affine de manière itérative.

D'un point de vue technique, il n'y a pas de grand saut entre RoseTTAFold et RoseTTAFold All-Atom, a déclaré AlQuraishi. Baker n'a pas modifié massivement l'architecture sous-jacente de RoseTTAFold, mais l'a mise à jour pour inclure les règles connues des interactions biochimiques. L'algorithme n'utilise pas la diffusion pour prédire les structures biomoléculaires. Cependant, l'IA de Baker pour la conception de protéines le fait. La dernière itération de ce programme, connue sous le nom de RoseTTAFold Diffusion All-Atom, permet de concevoir de nouvelles biomolécules en plus des protéines.

" Le type de dividendes qui pourraient découler de la possibilité d'appliquer les technologies d'IA générative aux biomolécules n'est que partiellement réalisé grâce à la conception de protéines", a déclaré AlQuraishi. "Si nous pouvions faire aussi bien avec de petites molécules, ce serait incroyable." 

Évaluer la concurrence

Côte à côte, AlphaFold3 semble être plus précis que RoseTTAFold All-Atom. Par exemple, dans leur analyse dans Nature , l'équipe de Google a constaté que leur outil est précis à environ 76 % pour prédire les structures des protéines interagissant avec de petites molécules appelées ligands, contre une précision d'environ 42 % pour RoseTTAFold All-Atom et 52 % pour le meilleur. outils alternatifs disponibles.

Les performances de prédiction de structure d'AlphaFold3 sont " très impressionnantes ", a déclaré Baker, " et meilleures que celles de RoseTTAFold All-Atom ".

Toutefois, ces chiffres sont basés sur un ensemble de données limité qui n'est pas très performant, a expliqué AlQuraishi. Il ne s’attend pas à ce que toutes les prédictions concernant les complexes protéiques obtiennent un score aussi élevé. Et il est certain que les nouveaux outils d’IA ne sont pas encore assez puissants pour soutenir à eux seuls un programme robuste de découverte de médicaments, car cela nécessite que les chercheurs comprennent des interactions biomoléculaires complexes. Pourtant, " c'est vraiment prometteur ", a-t-il déclaré, et nettement meilleur que ce qui existait auparavant.

Adams est d'accord. "Si quelqu'un prétend pouvoir utiliser cela demain pour développer des médicaments avec précision, je n'y crois pas", a-t-il déclaré. " Les deux méthodes sont encore limitées dans leur précision, [mais] les deux constituent des améliorations spectaculaires par rapport à ce qui était possible. "

(Image gif, tournante, en 3D : AlphaFold3 peut prédire la forme de complexes biomoléculaires, comme cette protéine de pointe provenant d'un virus du rhume. Les structures prédites de deux protéines sont visualisées en bleu et vert, tandis que les petites molécules (ligands) liées aux protéines sont représentées en jaune. La structure expérimentale connue de la protéine est encadrée en gris.)

Ils seront particulièrement utiles pour créer des prédictions approximatives qui pourront ensuite être testées informatiquement ou expérimentalement. Le biochimiste Frank Uhlmann a eu l'occasion de pré-tester AlphaFold3 après avoir croisé un employé de Google dans un couloir du Francis Crick Institute de Londres, où il travaille. Il a décidé de rechercher une interaction protéine-ADN qui était " vraiment déroutante pour nous ", a-t-il déclaré. AlphaFold3 a craché une prédiction qu'ils testent actuellement expérimentalement en laboratoire. "Nous avons déjà de nouvelles idées qui pourraient vraiment fonctionner", a déclaré Uhlmann. " C'est un formidable outil de découverte. "

Il reste néanmoins beaucoup à améliorer. Lorsque RoseTTAFold All-Atom prédit les structures de complexes de protéines et de petites molécules, il place parfois les molécules dans la bonne poche d'une protéine mais pas dans la bonne orientation. AlphaFold3 prédit parfois de manière incorrecte la chiralité d'une molécule – l'orientation géométrique distincte " gauche " ou " droite " de sa structure. Parfois, il hallucine ou crée des structures inexactes.

Et les deux algorithmes produisent toujours des images statiques des protéines et de leurs complexes. Dans une cellule, les protéines sont dynamiques et peuvent changer en fonction de leur environnement : elles se déplacent, tournent et passent par différentes conformations. Il sera difficile de résoudre ce problème, a déclaré Adams, principalement en raison du manque de données de formation. " Ce serait formidable de déployer des efforts concertés pour collecter des données expérimentales conçues pour éclairer ces défis ", a-t-il déclaré.

Un changement majeur dans le nouveau produit de Google est qu'il ne sera pas open source. Lorsque l’équipe a publié AlphaFold2, elle a publié le code sous-jacent, qui a permis aux biologistes de reproduire et de jouer avec l’algorithme dans leurs propres laboratoires. Mais le code d'AlphaFold3 ne sera pas accessible au public.

 " Ils semblent décrire la méthode en détail. Mais pour le moment, au moins, personne ne peut l’exécuter et l’utiliser comme il l’a fait avec [AlphaFold2] ", a déclaré AlQuraishi. C’est " un grand pas en arrière. Nous essaierons bien sûr de le reproduire."

Google a cependant annoncé qu'il prenait des mesures pour rendre le produit accessible en proposant un nouveau serveur AlphaFold aux biologistes exécutant AlphaFold3. Prédire les structures biomoléculaires nécessite une tonne de puissance de calcul : même dans un laboratoire comme Francis Crick, qui héberge des clusters informatiques hautes performances, il faut environ une semaine pour produire un résultat, a déclaré Uhlmann. En comparaison, les serveurs plus puissants de Google peuvent faire une prédiction en 10 minutes, a-t-il déclaré, et les scientifiques du monde entier pourront les utiliser. "Cela va démocratiser complètement la recherche sur la prédiction des protéines", a déclaré Uhlmann.

Le véritable impact de ces outils ne sera pas connu avant des mois ou des années, alors que les biologistes commenceront à les tester et à les utiliser dans la recherche. Et ils continueront à évoluer. La prochaine étape de l'apprentissage profond en biologie moléculaire consiste à " gravir l'échelle de la complexité biologique ", a déclaré Baker, au-delà même des complexes biomoléculaires prédits par AlphaFold3 et RoseTTAFold All-Atom. Mais si l’histoire de l’IA en matière de structure protéique peut prédire l’avenir, alors ces modèles d’apprentissage profond de nouvelle génération continueront d’aider les scientifiques à révéler les interactions complexes qui font que la vie se réalise.

" Il y a tellement plus à comprendre ", a déclaré Jumper. "C'est juste le début."

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/new-ai-tools-predict-how-lifes-building-blocks-assemble-20240508/ - Yasemin Saplakoglu, 8 mai 2024

[ briques du vivant ] [ texte-image ] [ modélisation mobiles ] [ nano mécanismes du vivant ]

 

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homme-animal

La signification des meuglements des vaches, et autres histoires animales surprenantes
Vous pensez bien connaître les animaux? Pourtant les scientifiques qui les étudient leur découvrent régulièrement de nouvelles habiletés, intelligences et savoir-être étonnants.

C'est ce que raconte la journaliste spécialiste des sciences Aline Richard Zivohlava dans son ouvrage "Dans la peau des bêtes", paru en mai aux éditions Plon. Elle se glisse dans la peau de différents animaux pour un récit à la première personne. Nous en publions ci-dessous des extraits. Le titre et les intertitres sont de la rédaction de Slate.

Les corbeaux clairvoyants
L’histoire des Corneilles noires de la ville de Sendai, au Japon, a fait le tour du monde. À des branches de noyer plantés le long des routes pendaient de savoureuses noix, mais elles étaient, dans leurs coques vertes, inaccessibles à nos becs. C’est alors que mes congénères ont appris le code de la route. Au feu rouge, l’oiseau dépose sa noix devant la voiture, qui l’écrase au feu vert, et dont les fragments sont récupérés au feu rouge suivant. Malin, non? Et même carrément intelligent.

Les recherches scientifiques de ces dernières années ont révélé des capacités insoupçonnées chez les corvidés, en particulier dans le domaine de la cognition. Certains de nos savoir-faire avaient pourtant été remarqués dans le passé, mais vous n’aviez pas su les analyser… Vous rappelez-vous d’Ésope, le fabuliste qui a commis "Le Corbeau et le Renard", que nous critiquions tout à l’heure? Nous lui avons volontiers pardonné son écart puisqu’il a rendu hommage à l’ingéniosité de la corneille dans la comptine suivante: "La Corneille ayant soif, trouva par hasard une cruche où il y avait un peu d’eau; mais comme la cruche était trop profonde, elle n’y pouvait atteindre pour se désaltérer. Elle essaya d’abord de rompre la cruche avec son bec; mais n’en pouvant venir à bout, elle s’avisa d’y jeter plusieurs petits cailloux, qui firent monter l’eau jusqu’au bord de la cruche. Alors elle but tout à son aise."

Deux douzaines de siècles plus tard, en 2014, cette fable a été reproduite dans un laboratoire de l’université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Des chercheurs ont voulu savoir si différents corvidés –Corbeaux calédoniens, Corbeaux freux et Geais des chênes– se montraient aussi clairvoyants que l’oiseau du fabuliste. Expérience réussie: soit deux tubes de verre, un large et un étroit, reliés entre eux par un mécanisme de vases communicants et à moitié remplis d’eau. Dans le premier, un morceau de liège flotte, agrémenté d’un morceau de viande. Tube trop étroit pour y plonger le bec. Les oiseaux ont dû trouver un moyen d’atteindre la nourriture: ils ont jeté des petits cailloux dans le tube large ne contenant pas le morceau de viande, pour faire monter l’eau dans le second tube étroit, et récupérer la récompense. C’est ce que l’on appelle effectuer une relation de cause à effet. Incroyable, quand on sait que, soumis au même test, les petits humains ne le réussissent que vers l’âge de 7 ans.

Les corbeaux sont capables de se priver dans l’immédiat pour une meilleure récompense dans le futur, une opération cognitive complexe.

La conclusion semble couler de source: des corbeaux aussi intelligents que vous, à l’âge de raison des petits humains! Mais au risque de décevoir mes congénères, je n’irai pas jusque-là. Rien ne prouve en effet que les mécanismes mentaux mis en jeu soient les mêmes pour nos deux espèces. Et la faculté spontanée de raisonner dans l’abstrait par le biais d’un processus d’association n’est pas forcément équivalente à ce que vous, humains, entendez généralement par "intelligence".

Il fallait en savoir plus. Les scientifiques qui nous étudient ont d’abord observé nos capacités cognitives liées à la vie en société. Tout comme vous, les corvidés activent leurs neurones pour améliorer leur cadre de vie, interagir avec leurs semblables, obtenir le meilleur pour eux-mêmes et leurs proches… La gestion de la nourriture est un enjeu majeur pour tout être vivant, et, pour nous autres corbeaux, l’occasion d’exercer notre mémoire et même de se projeter dans l’avenir. Des chercheurs britanniques ont par exemple montré que des geais, qui ont l’habitude de cacher leur nourriture, étaient capables de "classer" leurs aliments en fonction du temps écoulé avant la consommation: ils déterraient d’abord les caches de vers de terre, très appréciés mais périssables, avant celles des cacahuètes, moins goûteuses mais plus durables.

Les corbeaux sont aussi capables de se priver dans l’immédiat pour une meilleure récompense dans le futur, une opération cognitive complexe que vous pensiez réservée aux humains et aux grands singes. Une expérience menée en 2017 à l’université de Lund, en Suède, sur des corbeaux dressés consistait à leur faire choisir une friandise à dévorer tout de suite, ou bien un outil permettant d’ouvrir une boîte contenant une friandise plus grosse, au prix de quinze minutes d’efforts. La plupart des corbeaux ont choisi l’outil. Cela suggère la capacité de contrôle de soi et celle d’anticipation.

S’alimenter, c’est aussi coopérer mais parfois se fâcher quand un comportement est jugé incorrect. Dans une expérimentation menée dans un laboratoire à Vienne, des grands corbeaux ont su s’allier en tirant de concert deux bouts de ficelle pour récupérer deux parts de fromage: si l’un des oiseaux n’avait pas joué le jeu, aucun des deux n’aurait pu en profiter. Mais, dans une autre série d’expériences, il est arrivé qu’un des oiseaux ruse pour s’approprier tout le fromage. L’autre a alors refusé de coopérer plus avant avec le tricheur.

Les poulpes farceurs
Ces dernières années, nombre de nos capacités cognitives ont été découvertes par les scientifiques qui nous observent. Par exemple, notre dextérité au maniement des outils, faculté que l’on pensait réservée aux animaux "supérieurs". En 2009, quatre pieuvres de l’espèce Amphioctopus marginatus, habitantes des eaux chaudes de l’ouest du Pacifique, ont été filmées en train de manipuler des coquilles de noix de coco pour s’en faire une armure de protection contre les prédateurs, puis se balader, ainsi équipées, sur le plancher marin. La vidéo a intéressé les chercheurs…

Et enchanté le grand public: sans être encore aussi populaires que ceux consacrés aux chatons mignons, les films de poulpes malins font les beaux jours de votre Internet. Sur YouTube, 3 millions de vidéos sont disponibles! C’est ainsi que les humains ont pu découvrir les talents d’Inky, notre maître-poulpe de l’évasion. Cantonné dans son aquarium de Nouvelle-Zélande, Inky a profité de l’inattention d’un gardien qui n’avait pas bien fermé son réceptacle pour déverrouiller le dispositif, glisser au sol, et emprunter un tuyau d’un diamètre de 15 centimètres (!) se déversant dans l’océan Pacifique.

Stratégie, adaptation, innovation… Autant de qualités qui marquent, pour le moins, une belle intelligence des situations.Nous sommes aussi capables d’apprendre par observation et de manipuler des règles logiques: facultés d’autant plus étonnantes que nous n’avons pas eu de parents pour nous les enseigner. Des chercheurs ont installé des pieuvres devant un labyrinthe, elles ont su s’orienter en observant des congénères, puis en fonction d’indices visuels mis à leur disposition. Dans une autre expérience, on nous a placées devant cinq portes fermées, chacune marquée d’un symbole. Il fallait trouver celle donnant accès à un crabe, friandise que nous apprécions parmi toutes. Nous avons réussi à repérer la bonne porte, et appris à reconnaître son symbole même quand les scientifiques le changeaient de place. Et nous sommes capables de retenir plusieurs jours ces informations apprises, signe d’une bonne mémoire.

De même, nous jouons: un comportement évolué, peu commun chez les invertébrés. Sarah Zylinski, biologiste à l’université de Leeds, au Royaume-Uni, a observé un poulpe de l’espèce Octopus bimaculoides se livrer au jeu du chat et de la souris avec un crabe. En pleine mer, plusieurs plongeurs qui nous observaient ont eu la surprise de voir un tentacule taquin tenter de leur retirer leur masque à oxygène… En captivité, nous jonglons dans l’aquarium avec les petits cubes en plastique que vous nous envoyez. Et ne croyez pas que nous ne savons pas qui vous êtes.

En 2010, à l’aquarium de Seattle, aux États-Unis, deux membres de l’équipe soignante se sont livrés au jeu bien connu du "bad cop-good cop": l’un nous nourrissait avec douceur, l’autre nous touchait avec un bâton piquant. Après deux semaines, racontent les scientifiques qui ont organisé cette expérience, les huit pieuvres de l’aquarium se comportaient différemment avec l’un et l’autre, habillé pourtant du même uniforme.

En captivité, nous savons parfaitement vous faire passer des messages. La chercheuse de Leeds rapporte que des seiches, impatientes d’être nourries, aspergeaient d’eau leur gardien s’il tardait. Et, dans un parc zoologique en Allemagne, un poulpe est monté sur le bord de son aquarium pour inonder un spot dont la lumière devait le gêner.

La science n’a pas fini de dévoiler tout ce qu’il y a d’extraordinaire en nous. En avril 2017, un article scientifique, fort technique puisqu’il a été publié dans la revue Cell (dédiée à la biologie moléculaire et cellulaire), a suggéré que nous évoluions différemment de presque tous les êtres vivants de la planète: certains d’entre nous sont en effet capables de modifier à plusieurs reprises leur séquence d’ARN (acide ribonucléique, l’autre "molécule du vivant" avec l’ADN) et de l’éditer, pour mieux s’adapter à notre environnement. S’ensuivent, par exemple, des modifications de notre cerveau pour pouvoir prospérer dans des eaux aux températures différentes. Bien pratique en cette période de changements climatiques! Ludovic vous l’avait bien dit: nous sommes de véritables extraterrestres du fond des mers.

Les vaches communiquantes
La vache a ses sens en éveil. À l’inverse de ce que certains stupides imaginent, un regard bovin est un regard expert: une vision à 330 degrés, sans bouger la tête, qu’en dites-vous? Il est vrai que nous sommes plutôt myopes, et distinguons bien mieux les tendres pousses dans le pré qu’un véhicule arrivant au loin. Mais notre ouïe très fine y pallie. Les vaches distinguent les ultrasons (jusqu’à 35.000 hertz), tout comme les basses fréquences et les très faibles volumes sonores. Et puis, il y a notre odorat. C’est notre sens premier, il nous distingue et organise notre vie sociale. Les odeurs disent notre âge, nos besoins sexuels, notre place dans la hiérarchie du troupeau, notre niveau de stress. On se renifle et on se lèche entre vaches, et on approche nos mufles des humains à l’approche: il s’agit de flairer l’éleveur, le vétérinaire que l’on connaît, et de s’inquiéter de la présence d’un intrus à l’odeur inconnue.

En 2015, en Suisse, des chercheurs de l’École polytechnique de Zurich se sont livrés à une analyse acoustique de troupeaux pour tenter de comprendre ce que les vaches se disent. Lors des naissances de nos veaux et cela durant trois à quatre semaines, nous parlons à nos petits le mufle à moitié fermé pour produire un son grave. Et à l’inverse, quand on nous les retire, nous produisons un meuglement dans les fréquences hautes. De même, les veaux nous appellent plutôt dans les aigus.

De l’avis des scientifiques et des professionnels, fermiers et éleveurs qui nous côtoient, notre cri d’espèce, émis jusqu’à une cinquantaine de fois dans la journée, exprime une grande variété de situations et d’états: faim, soif, chaud, froid, souffrance, désir, appels…

Quant à vous, on dirait que nos "meuh" vous fascinent. Vous tentez parfois de nous imiter, bizarre! des humains qui singent les vaches! Mais vous n’êtes même pas fichus de vous entendre sur le son à produire… "Meuh" en France ; "moo" chez les Anglo-Saxons; "muh" pour les Allemands et les Danois; et "mō" du côté du Japon. Un plaisantin est même allé jusqu’à fabriquer ce qu’il a appelé une "boîte à meuh" pour faire rire ses semblables, on se demande vraiment pourquoi. Laquelle boîte a au moins eu une utilité: le docteur Lucien Moatti l’a calibrée pour le dépistage néonatal de la surdité des bébés humains. Si l’enfant tourne la tête au son de la vache, c’est qu’il entend bien…

Auteur: Internet

Info: Slate, Aline Richard, 30 mai 2019

[ anecdotes ]

 

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homme-machine

Un pas de géant pour une machine à jouer aux échecs

Le succès stupéfiant d’AlphaZero, un algorithme d’apprentissage profond, annonce une nouvelle ère de la compréhension – une ère qui, en ce qui concerne les humains, qui pourrait ne pas durer longtemps. Début décembre, des chercheurs de DeepMind, la société d’intelligence artificielle appartenant à la société mère de Google, Alphabet Inc. ont diffusé une dépêche depuis les zones avancées du monde des échecs.

Un an plus tôt, le 5 décembre 2017, l’équipe avait stupéfié ce monde des échecs en annonçant AlphaZero, un algorithme d’apprentissage machine qui maîtrisait non seulement les échecs mais aussi le shogi, ou échecs japonais, et le Go. L’algorithme a commencé sans aucune connaissance des jeux hormis leurs règles de base. Il a ensuite joué contre lui-même des millions de fois et a appris par essais et erreurs. Il a suffi de quelques heures pour que l’algorithme devienne le meilleur joueur, humain ou ordinateur, que le monde ait jamais vu.

Les détails des capacités d’AlphaZero et de son fonctionnement interne ont maintenant été officiellement examinés par des pairs et publiés dans la revue Science ce mois-ci. Le nouvel article aborde plusieurs critiques graves à l’égard de l’allégation initiale (entre autres choses, il était difficile de dire si AlphaZero jouait l’adversaire qu’il s’était choisi, une entité computationnelle nommée Stockfish, en toute équité). Considérez que ces soucis sont maintenant dissipés. AlphaZero ne s’est pas amélioré davantage au cours des douze derniers mois, mais la preuve de sa supériorité s’est bien renforcée. Il fait clairement montre d’un type d’intellect que les humains n’ont jamais vue auparavant, et que nous allons avoir à méditer encore longtemps.

Les échecs par ordinateur ont fait beaucoup de chemin au cours des vingt dernières années. En 1997, le programme de jeu d’échecs d’I.B.M., Deep Blue, a réussi à battre le champion du monde humain en titre, Garry Kasparov, dans un match en six parties. Rétrospectivement, il y avait peu de mystère dans cette réalisation. Deep Blue pouvait évaluer 200 millions de positions par seconde. Il ne s’est jamais senti fatigué, n’a jamais fait d’erreur de calcul et n’a jamais oublié ce qu’il pensait un instant auparavant.

Pour le meilleur et pour le pire, il a joué comme une machine, brutalement et matériellement. Il pouvait dépasser M. Kasparov par le calcul, mais il ne pouvait pas le dépasser sur le plan de la pensée elle-même. Dans la première partie de leur match, Deep Blue a accepté avec avidité le sacrifice d’une tour par M. Kasparov pour un fou, mais a perdu la partie 16 coups plus tard. La génération actuelle des programmes d’échecs les plus forts du monde, tels que Stockfish et Komodo, joue toujours dans ce style inhumain. Ils aiment à capturer les pièces de l’adversaire. Ils ont une défense d’acier. Mais bien qu’ils soient beaucoup plus forts que n’importe quel joueur humain, ces "moteurs" d’échecs n’ont aucune réelle compréhension du jeu. Ils doivent être instruits explicitement pour ce qui touche aux principes de base des échecs. Ces principes, qui ont été raffinés au fil de décennies d’expérience de grands maîtres humains, sont programmés dans les moteurs comme des fonctions d’év

aluation complexes qui indiquent ce qu’il faut rechercher dans une position et ce qu’il faut éviter : comment évaluer le degré de sécurité du roi, l’activité des pièces, la structure dessinée par les pions, le contrôle du centre de l’échiquier, et plus encore, comment trouver le meilleur compromis entre tous ces facteurs. Les moteurs d’échecs d’aujourd’hui, inconscients de façon innée de ces principes, apparaissent comme des brutes : extrêmement rapides et forts, mais sans aucune perspicacité.

Tout cela a changé avec l’essor du machine-learning. En jouant contre lui-même et en mettant à jour son réseau neuronal au fil de son apprentissage, AlphaZero a découvert les principes des échecs par lui-même et est rapidement devenu le meilleur joueur connu. Non seulement il aurait pu facilement vaincre tous les maîtres humains les plus forts – il n’a même pas pris la peine d’essayer – mais il a écrasé Stockfish, le champion du monde d’échecs en titre par ordinateur. Dans un match de cent parties contre un moteur véritablement impressionnant, AlphaZero a remporté vingt-huit victoires et fait soixante-douze matchs nuls. Il n’a pas perdu une seule partie.

Le plus troublant, c’est qu’AlphaZero semblait être perspicace. Il a joué comme aucun ordinateur ne l’a jamais fait, intuitivement et magnifiquement, avec un style romantique et offensif. Il acceptait de sacrifier des pions et prenait des risques. Dans certaines parties, cela paralysait Stockfish et il s’est joué de lui. Lors de son attaque dans la partie n°10, AlphaZero a replacé sa reine dans le coin du plateau de jeu de son propre côté, loin du roi de Stockfish, pas là où une reine à l’offensive devrait normalement être placée.

Et cependant, cette retraite inattendue s’avéra venimeuse : peu importe comment Stockfish y répondait, ses tentatives étaient vouées à l’échec. C’était presque comme si AlphaZero attendait que Stockfish se rende compte, après des milliards de calculs intensifs bruts, à quel point sa position était vraiment désespérée, pour que la bête abandonne toute résistance et expire paisiblement, comme un taureau vaincu devant un matador. Les grands maîtres n’avaient jamais rien vu de tel. AlphaZero avait la finesse d’un virtuose et la puissance d’une machine. Il s’agissait du premier regard posé par l’humanité sur un nouveau type prodigieux d’intelligence.

Lorsque AlphaZero fut dévoilé pour la première fois, certains observateurs se sont plaints que Stockfish avait été lobotomisé en ne lui donnant pas accès à son livre des ouvertures mémorisées. Cette fois-ci, même avec son livre, il a encore été écrasé. Et quand AlphaZero s’est handicapé en donnant dix fois plus de temps à Stockfish qu’à lui pour réfléchir, il a quand même démoli la bête.

Ce qui est révélateur, c’est qu’AlphaZero a gagné en pensant plus intelligemment, pas plus vite ; il n’a examiné que 60 000 positions par seconde, contre 60 millions pour Stockfish. Il était plus avisé, sachant ce à quoi on devait penser et ce qu’on pouvait ignorer. En découvrant les principes des échecs par lui-même, AlphaZero a développé un style de jeu qui "reflète la vérité profonde" du jeu plutôt que "les priorités et les préjugés des programmeurs", a expliqué M. Kasparov dans un commentaire qui accompagne et introduit l’article dans Science.

La question est maintenant de savoir si l’apprentissage automatique peut aider les humains à découvrir des vérités similaires sur les choses qui nous tiennent vraiment à coeur : les grands problèmes non résolus de la science et de la médecine, comme le cancer et la conscience ; les énigmes du système immunitaire, les mystères du génome.

Les premiers signes sont encourageants. En août dernier, deux articles parus dans Nature Medicine ont exploré comment l’apprentissage automatique pouvait être appliqué au diagnostic médical. Dans l’un d’entre eux, des chercheurs de DeepMind se sont associés à des cliniciens du Moorfields Eye Hospital de Londres pour mettre au point un algorithme d’apprentissage profond qui pourrait classer un large éventail de pathologies de la rétine aussi précisément que le font les experts humains (l’ophtalmologie souffre en effet d’une grave pénurie d’experts à même d’interpréter les millions de scans ophtalmologiques effectués chaque année en vue d’un diagnostic ; des assistants numériques intelligents pourraient apporter une aide énorme).

L’autre article concernait un algorithme d’apprentissage machine qui décide si un tomodensitogramme (CT scan) d’un patient admis en urgence montre des signes d’un accident vasculaire cérébral (AVC), ou d’une hémorragie intracrânienne ou encore d’un autre événement neurologique critique. Pour les victimes d’AVC, chaque minute compte ; plus le traitement tarde, plus le résultat clinique se dégrade. (Les neurologistes ont ce sombre dicton: "time is brain"). Le nouvel algorithme a étiqueté ces diagnostics et d’autres diagnostics critiques avec une précision comparable à celle des experts humains – mais il l’a fait 150 fois plus rapidement. Un diagnostic plus rapide pourrait permettre aux cas les plus urgents d’être aiguillés plus tôt, avec une vérification par un radiologiste humain.

Ce qui est frustrant à propos de l’apprentissage machine, cependant, c’est que les algorithmes ne peuvent pas exprimer ce qu’ils pensent. Nous ne savons pas pourquoi ils marchent, donc nous ne savons pas si on peut leur faire confiance. AlphaZero donne l’impression d’avoir découvert quelques principes importants sur les échecs, mais il ne peut pas partager cette compréhension avec nous. Pas encore, en tout cas. En tant qu’êtres humains, nous voulons plus que des réponses. Nous voulons de la perspicacité. Voilà qui va créer à partir de maintenant une source de tension dans nos interactions avec ces ordinateurs.

De fait, en mathématiques, c’est une chose qui s’est déjà produite depuis des années. Considérez le problème mathématique du "théorème des quatre couleurs", qui défie de longue date les cerveaux des mathématiciens. Il énonce que, sous certaines contraintes raisonnables, toute carte de pays contigus puisse toujours être coloriée avec seulement quatre couleurs, en n’ayant jamais deux fois la même couleur pour des pays adjacents.

Bien que le théorème des quatre couleurs ait été prouvé en 1977 avec l’aide d’un ordinateur, aucun humain ne pouvait vérifier toutes les étapes de la démonstration. Depuis lors, la preuve a été validée et simplifiée, mais il y a encore des parties qui impliquent un calcul de force brute, du genre de celui employé par les ancêtres informatiques d’AlphaZero qui jouent aux échecs. Ce développement a gêné de nombreux mathématiciens. Ils n’avaient pas besoin d’être rassurés que le théorème des quatre couleurs était vrai ; ils le croyaient déjà. Ils voulaient comprendre pourquoi c’était vrai, et cette démonstration ne les y a pas aidés.

Mais imaginez un jour, peut-être dans un avenir pas si lointain, où AlphaZero aura évolué vers un algorithme de résolution de problèmes plus général ; appelez-le AlphaInfinity. Comme son ancêtre, il aurait une perspicacité suprême : il pourrait trouver de belles démonstrations, aussi élégantes que les parties d’échecs qu’AlphaZero jouait contre Stockfish. Et chaque démonstration révélerait pourquoi un théorème était vrai ; l’AlphaInfinity ne vous l’enfoncerait pas juste dans la tête avec une démonstration moche et ardue.

Pour les mathématiciens et les scientifiques humains, ce jour marquerait l’aube d’une nouvelle ère de perspicacité. Mais ça ne durera peut-être pas. Alors que les machines deviennent de plus en plus rapides et que les humains restent en place avec leurs neurones fonctionnant à des échelles de temps de quelques millisecondes, un autre jour viendra où nous ne pourrons plus suivre. L’aube de la perspicacité humaine peut rapidement se transformer en crépuscule.

Supposons qu’il existe des régularités ou des modèles plus profonds à découvrir – dans la façon dont les gènes sont régulés ou dont le cancer progresse ; dans l’orchestration du système immunitaire ; dans la danse des particules subatomiques. Et supposons que ces schémas puissent être prédits, mais seulement par une intelligence bien supérieure à la nôtre. Si AlphaInfinity pouvait les identifier et les comprendre, cela nous semblerait être un oracle.

Nous nous assiérions à ses pieds et écouterions attentivement. Nous ne comprendrions pas pourquoi l’oracle a toujours raison, mais nous pourrions vérifier ses calculs et ses prédictions par rapport aux expériences et aux observations, et confirmer ses révélations. La science, cette entreprise de l’homme qui le caractérise par-dessus tout, aurait réduit notre rôle à celui de spectateurs, bouches bées dans l’émerveillement et la confusion.

Peut-être qu’un jour, notre manque de perspicacité ne nous dérangerait plus. Après tout, AlphaInfinity pourrait guérir toutes nos maladies, résoudre tous nos problèmes scientifiques et faire arriver tous nos autres trains intellectuels à l’heure avec succès. Nous nous sommes assez bien débrouillés sans trop de perspicacité pendant les quelque 300.000 premières années de notre existence en tant qu’Homo sapiens. Et nous ne manquerons pas de mémoire : nous nous souviendrons avec fierté de l’âge d’or de la perspicacité humaine, cet intermède glorieux, long de quelques milliers d’années, entre un passé où nous ne pouvions rien appréhender et un avenir où nous ne pourrons rien comprendre.

Auteur: Strogatz Steven

Info: Infinite Powers : How Calculus Reveals the Secrets of the Universe, dont cet essai est adapté sur le blog de Jorion

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Les insectes et autres animaux ont une conscience, déclarent les experts

Un groupe d'éminents biologistes et philosophes a annoncé un nouveau consensus : il existe " une possibilité réaliste " que les insectes, les poulpes, les crustacés, les poissons et d'autres animaux négligés fassent l'expérience de la conscience.  

En 2022, des chercheurs du Bee Sensory and Behavioral Ecology Lab de l’Université Queen Mary de Londres ont observé des bourdons faire quelque chose de remarquable : ces petites créatures floues se livraient à une activité qui ne pouvait être décrite que comme un jeu. Une fois face à de minuscules boules de bois, les abeilles les poussent et les font tourner. Ce comportement n’avait aucun lien évident avec l’accouplement ou la survie, et n’était pas non plus récompensé par les scientifiques. Apparemment, c'était juste pour s'amuser.

L’étude sur les abeilles joueuses fait partie d’un ensemble de recherches citées aujourd’hui par un groupe d’éminents spécialistes de l’esprit animal, étayant une nouvelle déclaration qui étend le soutien scientifique à la conscience à un plus grand nombre d’animaux que ce qui avait été formellement reconnu auparavant. Depuis des décennies, les scientifiques s’accordent largement sur le fait que les animaux semblables à nous – les grands singes, par exemple – ont une expérience consciente, même si leur conscience diffère de la nôtre. Ces dernières années, cependant, les chercheurs ont commencé à reconnaître que la conscience pourrait également être répandue chez des animaux très différents de nous, notamment des invertébrés dotés d’un système nerveux complètement différent et bien plus simple.

La nouvelle déclaration, signée par des biologistes et des philosophes, adhère formellement à ce point de vue. On y lit notamment : " Les preuves empiriques indiquent au moins une possibilité réaliste d’expérience consciente chez tous les vertébrés (y compris tous les reptiles, amphibiens et poissons) et de nombreux invertébrés (y compris, au minimum, les mollusques céphalopodes, les crustacés décapodes et les insectes). " Inspiré par les résultats de recherches récentes décrivant des comportements cognitifs complexes chez ces animaux et chez d'autres animaux, le document représente un nouveau consensus et suggère que les chercheurs ont peut-être surestimé le degré de complexité neuronale requis pour la conscience.

La Déclaration de New York sur la conscience animale en quatre paragraphes a été dévoilée aujourd'hui, le 19 avril, lors d'une conférence d'une journée intitulée " La science émergente de la conscience animale " qui s'est tenue à l'Université de New York. Menée par la philosophe et spécialiste des sciences cognitives Kristin Andrews de l'Université York en Ontario, le philosophe et spécialiste de l'environnement Jeff Sebo de l'Université de New York et le philosophe Jonathan Birch de la London School of Economics and Political Science, la déclaration a jusqu'à présent été signée par 39 chercheurs, dont les psychologues Nicola Clayton et Irene Pepperberg, les neuroscientifiques Anil Seth et Christof Koch , le zoologiste Lars Chittka et les philosophes David Chalmers et Peter Godfrey-Smith .

La déclaration se concentre sur le type de conscience le plus fondamental, connu sous le nom de conscience phénoménale. En gros, si une créature a une conscience phénoménale, alors c'est " comme quelque chose " qu'être cette créature — une idée énoncée par le philosophe Thomas Nagel dans son essai influent de 1974, " Qu'est-ce que ça fait d'être une chauve-souris ? " Même si une créature est très différente de nous, écrit Nagel, " " Un organisme a fondamentalement des états mentaux conscients qui correspondent à ce qu'est cet organisme, si et seulement si. ... Nous pouvons appeler cela le caractère subjectif de l'expérience. Si une créature est ainsi consciente, elle a la capacité d’éprouver des sentiments tels que la douleur, le plaisir ou la faim, mais pas nécessairement des états mentaux plus complexes comme la conscience de soi.

" J'espère que celà attire une plus grande attention aux problèmes de la conscience non humaine et aux défis éthiques qui accompagnent la possibilité d'expériences conscientes bien au-delà de l'humain", a écrit Seth, neuroscientifique à l'Université du Sussex, dans un e-mail. " J'espère que cela suscitera des discussions, éclairera les politiques et les pratiques en matière de bien-être animal et galvanisera la compréhension et l'appréciation du fait que nous avons beaucoup plus en commun avec d'autres animaux qu'avec des choses comme ChatGPT. "

Une prise de conscience croissante

La déclaration a commencé à prendre forme l’automne dernier, à la suite de conversations entre Sebo, Andrews et Birch. " Nous parlions tous les trois de tout ce qui s'est passé au cours des 10 ou 15 dernières années dans la science de la conscience animale", se souvient Sebo. Nous savons maintenant, par exemple, que les poulpes ressentent de la douleur et que les seiches se souviennent des détails d'événements passés spécifiques. Des études sur les poissons ont montré que les labres (Labroides dimidiatus) semblent réussir une version du " test du miroir ", qui indique un certain degré d'auto-reconnaissance, et que les poissons zèbres montrent des signes de curiosité. Dans le monde des insectes, les abeilles présentent un comportement de jeu apparent, tandis que les mouches des fruits de la drosophile ont des habitudes de sommeil distinctes influencées par leur environnement social. Pendant ce temps, les écrevisses présentent des états de type anxiété – et ces états peuvent être modifiés par des médicaments anti-anxiété.

Ces signes, ainsi que d’autres, d’états de conscience chez des animaux qui ont longtemps été considérés comme moins conscients ont excité et interpellé les biologistes, les spécialistes des sciences cognitives et les philosophes de l’esprit. "Beaucoup de gens acceptent depuis un certain temps que, par exemple, les mammifères et les oiseaux sont soit conscients, soit très susceptibles de l'être, mais moins d'attention a été accordée aux autres taxons de vertébrés et en particulier d'invertébrés", a déclaré Sebo. Lors de conversations et de réunions, les experts ont largement convenu que ces animaux devaient avoir une conscience. Cependant, ce consensus nouvellement formé n’a pas été communiqué au grand public, notamment aux autres scientifiques et décideurs politiques. Les trois chercheurs ont donc décidé de rédiger une déclaration claire et concise et de la faire circuler parmi leurs collègues pour approbation. La déclaration n’est pas censée être exhaustive mais plutôt " indiquer où nous pensons que le domaine se trouve actuellement et où il se dirige ", a déclaré Sebo.

La nouvelle déclaration met à jour les efforts les plus récents visant à établir un consensus scientifique sur la conscience animale. En 2012, des chercheurs ont publié la Déclaration de Cambridge sur la conscience, qui affirmait qu'un grand nombre d'animaux non humains, y compris, mais sans s'y limiter, les mammifères et les oiseaux, ont " la capacité de manifester des comportements intentionnels " et que " les humains ne sont pas les seuls à posséder les substrats neurologiques " qui génèrent la conscience.

La nouvelle déclaration élargit la portée de son prédécesseur et est également rédigée avec plus de soin, a écrit Seth. " Elle n'essaie pas de faire de la science par diktat, mais souligne plutôt ce que nous devrions prendre au sérieux concernant la conscience animale et l'éthique pertinente, compte tenu des preuves et des théories dont nous disposons." Il a écrit qu’il n’était " pas favorable aux avalanches de lettres ouvertes et autres ", mais qu’il était finalement " parvenu à la conclusion que cette déclaration méritait vraiment d’être soutenue ".

Godfrey-Smith, philosophe des sciences à l'Université de Sydney qui a beaucoup travaillé avec les poulpes, estime que les comportements complexes que présentent ces créatures – notamment la résolution de problèmes, l'utilisation d'outils et le comportement de jeu – ne peuvent être interprétés que comme des indicateurs de conscience. "Elles ont cet engagement attentif avec les choses, avec nous et avec de nouveaux objets qui fait qu'il est très difficile de ne pas penser qu'il se passe beaucoup de choses à l'intérieur d'elles", a-t-il déclaré. Il a noté que des articles récents portant sur la douleur et les états oniriques chez les poulpes et les seiches " vont dans la même direction… ".

Même si de nombreux animaux mentionnés dans la déclaration ont un cerveau et un système nerveux très différents de ceux des humains, les chercheurs affirment que cela ne constitue pas nécessairement un obstacle à la conscience. Par exemple, le cerveau d’une abeille ne contient qu’environ un million de neurones, contre environ 86 milliards dans le cas des humains. Mais chacun de ces neurones d’abeille peut être structurellement aussi complexe qu’un chêne. Le réseau de connexions qu’ils forment est également incroyablement dense, chaque neurone en contactant peut-être 10 000 ou 100 000 autres. Le système nerveux d’une pieuvre, en revanche, est complexe à d’autres égards. Son organisation est hautement distribuée plutôt que centralisée ; un bras coupé peut présenter de nombreux comportements de l'animal intact.

(4 photos : Des recherches récentes sur l’esprit des animaux – notamment ceux des écrevisses, des poulpes, des serpents et des poissons – suggèrent que la conscience " peut exister dans une architecture neurale qui semble complètement étrangère " à la nôtre, a déclaré Peter Godfrey-Smith.)

Le résultat, a déclaré Andrews, est que "  nous n’avons peut-être pas besoin d’autant d’équipement que nous le pensions " pour atteindre la conscience. Elle note, par exemple, que même un cortex cérébral – la couche externe du cerveau des mammifères, censée jouer un rôle dans l’attention, la perception, la mémoire et d’autres aspects clés de la conscience – n’est peut-être pas nécessaire pour une conscience phénoménale plus simple comme celle ciblée dans la déclaration.

"Il y a eu un grand débat sur la question de savoir si les poissons sont conscients, et cela était en grande partie dû au fait qu'ils n'avaient pas les structures cérébrales que nous observons chez les mammifères", a-t-elle déclaré. "Mais quand vous regardez les oiseaux, les reptiles et les amphibiens, ils ont des structures cérébrales très différentes et des pressions évolutives différentes - et pourtant certaines de ces structures cérébrales, comme nous le constatons, font le même genre de travail qu'un cortex cérébral chez l'homme. " Godfrey-Smith est d’accord, notant que des comportements révélateurs de conscience " peuvent exister dans une architecture qui semble complètement étrangère à l’architecture des vertébrés ou des humains ".

Relations conscientes

Bien que la déclaration ait des implications pour le traitement des animaux, et en particulier pour la prévention de la souffrance animale, Sebo a noté que l'accent devrait aller au-delà de la douleur. Il ne suffit pas d'empêcher les animaux en captivité de ressentir des douleurs et des inconforts corporels, a-t-il déclaré. " Nous devons également leur offrir le type d’enrichissement et d’opportunités qui leur permettent d’exprimer leurs instincts, d’explorer leur environnement, de s’engager dans les systèmes sociaux et d’être par ailleurs le genre d’agents complexes qu’ils sont. "

Mais les conséquences de l’attribution du label " conscient " à un plus grand nombre d’animaux – en particulier à des animaux dont nous n’avons pas l’habitude de prendre en compte les intérêts – ne sont pas simples. Par exemple, notre relation avec les insectes peut être " inévitablement quelque peu antagoniste ", a déclaré Godfrey-Smith. Certains ravageurs dévorent les récoltes et les moustiques peuvent être porteurs de maladies. " L'idée selon laquelle nous pourrions simplement faire la paix avec les moustiques est une pensée très différente de l'idée selon laquelle nous pourrions faire la paix avec les poissons et les poulpes", a-t-il déclaré.

De même, peu d’attention est accordée au bien-être des insectes comme la drosophile, largement utilisés dans la recherche en biologie. " Dans la recherche, nous pensons au bien-être du bétail et des souris, mais nous ne pensons jamais au bien-être des insectes ", a déclaré Matilda Gibbons , qui étudie les bases neuronales de la conscience à l'Université de Pennsylvanie et a signé la déclaration.

Même si les organismes scientifiques ont créé certaines normes pour le traitement des souris de laboratoire, il n'est pas clair si la déclaration d'aujourd'hui mènera à de nouvelles normes pour le traitement des insectes. Mais les nouvelles découvertes scientifiques suscitent parfois de nouvelles politiques. La Grande-Bretagne, par exemple, a adopté une législation visant à accroître la protection des poulpes, des crabes et des homards après qu'un rapport de la London School of Economics  ait indiqué que ces animaux pouvaient ressentir de la douleur, de la détresse ou être blessés.

Bien que la déclaration ne fasse aucune mention de l’intelligence artificielle, la question d’une éventuelle conscience de l’IA préoccupe les chercheurs en conscience animale. "Il est très peu probable que les systèmes d'IA actuels soient conscients", a déclaré Sebo. Cependant, ce qu’il a appris sur l’esprit animal " me fait réfléchir et me donne envie d’aborder le sujet avec prudence et humilité ".

 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Dan Falk  19 avril 2024

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épistémologie

Le premier chapitre de l’ouvrage montre que la période grecque est déterminante pour les développements ultérieurs de la connaissance, elle a posé certains principes fondamentaux qui seront discutés jusqu’à nos jours. En synthétisant les apports de penseurs grecs d’Héraclite et Parménide, de Socrate à Platon, Aristote et Épicure, Martine Bocquet pointe qu’à cette époque le signe (séméïon) est secondaire, il est considéré comme un signe de la nature que l’on peut interpréter (symptôme de maladies, foudre, etc.). Il s’oppose au mot qui, lui, repose sur une relation conventionnelle. Martine Bocquet montre qu’Aristote est important pour la sémiotique, de Deely en particulier. Réaffirmant l’importance du rapport sensible au monde, face à Platon, il a placé le séméïon au fondement de la connaissance et orienté ses recherches vers la relation comme catégorie discursive (pp. 33-45), notion qui sera au cœur des discussions des scoliastes.

Le chapitre deux montre l’évolution importante des notions de signe et de relation à la période latine médiévale et scolastique. Suivant l’étude de Deely, Martine Bocquet souligne le rôle d’Augustin d’Hippone. En traduisant le séméïon grec en signum, il a proposé la première formulation générale du signe qui subsume l’opposition entre nature et culture entre lesquelles il fonctionne comme une interface (p. 65, 68). Bien qu’elle demeure imparfaite, l’approche d’Augustin pose d’une part les fondements d’une théorie relationnelle de la connaissance ; d’autre part, en maintenant une distinction entre signe naturel (signum naturale, séméïon) et signe conventionnel (signum datum), elle ouvre sur une conception de la communication, tout à fait intéressante, engageant tous les êtres vivants (animaux, plantes) (p. 67, 69). D’une autre façon, la problématisation de la relation apparaît tout aussi importante à cette période. En distinguant, chez Aristote, la relatio secundum dici (relation transcendantale) — relation exprimée par le discours — et la relatio secundum esse (relation ontologique) — relation en tant qu’entité particulière (p. 70) — Boèce permet de concevoir l’existence de relations ontologiques, indépendantes de la pensée (p. 73) — fondamentales chez Poinsot, Peirce et Deely. Cette distinction aura son incidence puisqu’elle posera les termes de la querelle des universaux, tournant épistémologique majeur de l’histoire des connaissances.

Initiée par Pierre Abélard, la "querelle des universaux" est abordée par Martine Bocquet au chapitre trois et apparaît comme le point pivot de l’ouvrage (pp. 107-112) dans la mesure où elle aura une incidence sur le rapport au monde et à la connaissance. La dispute, qui porte sur la nature de l’objectivité et du statut de réalité des entités dépendantes ou non de la pensée, par le biais de la catégorie aristotélicienne de relation, et, par extension, de celle de signe, oppose les réalistes aux nominalistes.

Les penseurs dits "réalistes", parmi lesquels Thomas d’Aquin, Roger Bacon, Duns Scot, considèrent que le signe est constitué d’une relation indépendante de la pensée, dite ontologique, à la nature. Le traitement de Martine Bocquet montre clairement que Deely se retrouve dans la pensée de ces auteurs, dont il a avant tout souligné la contribution à la sémiotique de Peirce : (i) le signe subsume l’activité cognitive (pp. 80-81) (ii) la relation de signe est dans tous les cas triadique (p. 82), (iii) les signes se constituent de manière dynamique, ce qui leur permet d’agir (sémiosis) et de jouer un rôle dans l’expérience et la connaissance (pp. 83-86).

Martine Bocquet met particulièrement en évidence la pensée de Jean Poinsot (Jean de St-Thomas), en soulignant son influence sur Deely. L’originalité de ce dernier est d’avoir considéré Poinsot comme le précurseur d’une sémiotique voisine de celle de Peirce, plus ontologique encore. Pour le résumer en quelques points, Poinsot défend avant tout que la nature et la réalité du signe sont ontologiques (secundum esse), c’est-à-dire que le signe est une relation dont le véhicule est indifférent à ce qu’il communique (p. 102). Ce point est essentiel car il permet de doter le signe d’une nature proprement relationnelle : (i) il pointe vers autre chose (une autre réalité physique ou psychique), (ii) il permet d’articuler la subjectivité et l’intersubjectivité et (iii) opère la médiation entre les choses (indépendantes de la pensée) et les objets (dépendants de la pensée) (pp. 105-106) ; ce que la représentation, où l’objet pointe vers lui-même, n’autorise pas. Le point de vue de Poinsot est déterminant, car les nombreux retours vers sa pensée réalisés tout au long de l’ouvrage, montrent que c’est au prisme de ces principes que Deely réévaluait les pensées modernes.

De l’autre côté, les "nominalistes" comme Guillaume d’Ockham considèrent que la réalité est extra mentale, que seules les causes externes sont réelles, et qu’en conséquence, les relations intersubjectives n’existent que dans la pensée. Malgré l’intervention des successeurs d’Ockham qui, contrairement à celui-ci, admettront le signe, divisé en deux entités — signes instrumentaux (physiques, accessibles aux sens) et signes formels (concepts) — à partir de 1400 environ, les concepts (signes formels) seront considérés comme des représentations (p. 91). Martine Bocquet montre bien que le principe nominaliste, souvent simplifié, sera largement adopté par les sciences empiriques qu’il permettra de développer, mais cela, et c’est l’enjeu de la démarche de Deely, au détriment du rapport entre le monde et les sens.

Dans le quatrième chapitre consacré à la modernité, Martine Bocquet montre comment Deely a pointé les problèmes et les limites posés par l’héritage du nominalisme, en mettant notamment en perspective les travaux des empiristes (John Locke, David Hume), puis ceux de Kant, avec les propositions de Poinsot. Elle montre d’emblée que le rationalisme de Descartes, où la raison est indépendante et supérieure à la perception, conduira à renégocier la place de la perception dans la connaissance. En concevant les qualités des sens comme des images mentales, les modernes renversent l’ordre de la perception sensorielle reconnu par les scoliastes, les qualités sensorielles (couleurs, odeurs, sons) autrefois premières sont reléguées au second plan (p. 117). Les empiristes (John Locke, George Berkeley, David Hume) contribueront à considérer l’ensemble des sensations comme des images mentales, ils ne seront alors plus capables de s’extraire de la subjectivité (p. 121-124). À ce titre, Martine Bocquet porte à notre attention que Deely avait bien montré que l’empirisme et le rationalisme éludaient la description du phénomène de cognition.

L’approche de Kant apparaît dans l’ouvrage comme point culminant, ou synthèse, de la pensée moderne. En suivant les pas de Deely, Martine Bocquet prend le soin de mettre son travail en perspective avec la pensée de Poinsot, ce qui permet de réaffirmer sa pertinence dans le projet sémiotique de Deely. Kant a eu le mérite d’envisager des relations objectives. Toutefois, en limitant la cognition aux représentations, il la sépare de la signification, c’est-à-dire du supplément de sens contenu dans l’objectivité (au sens de Poinsot), et se coupe de l’expérience de l’environnement sensible qui permet à l’homme de connaître et de constituer le monde (pp. 130-131). Martine Bocquet insiste sur le fait que, selon Deely, la pensée kantienne est lourde de conséquences puisqu’en inversant les concepts d’objectivité et de subjectivité, elle enferme l’individu dans sa propre pensée (p. 134), reléguant la communication au rang d’illusion.

Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré aux chercheurs post-modernes, qui ont marqué la fin du modernisme et opéré un retour vers le signe. On y trouve notamment les apports d’Hegel et de Darwin, entre autres, qui ont permis d’affirmer le rôle concret de la relation ontologique dans la cognition, et la prise des facultés cognitives avec l’environnement physique. Martine Bocquet consacre une grande partie du chapitre à la sémiotique en tant que discipline, ce qui lui permet de réaffirmer l’ancrage de Deely dans l’héritage peircien qui est ici clairement distingué des modèles de Saussure et Eco.

Martine Bocquet rappelle d’abord que la pensée de Peirce s’inspire des réalistes (d’Aquin, Duns Scot) et considère donc que les produits de la pensée sont bien réels, et non de simples constructions des sens. La sémiotique qu’il développe appréhende la signification comme un parcours de pensée dynamique entre expérience et cognition. Dans son modèle ternaire, présenté en détail, la relation de tiercité caractérise le fonctionnement de la cognition humaine depuis la perception d’indices jusqu’à la constitution d’un système de signification ; elle est propre à l’homme qui peut se référer à la réalité mais aussi évoquer des choses imaginées (p. 146). L’intérêt de ce modèle est de permettre d’envisager que les non-humains utilisent aussi des signes, possibilité envisagée par Peirce dans sa « grande vision », doctrine qui selon Bocquet fascine Deely. Ce projet consistait à étendre la sémiotique au vivant, considérant que l’action des signes est enracinée dans toutes les choses du monde. Il ouvre sur un vaste champ de recherche abordé en conclusion, sur lequel nous reviendrons.

Contrairement à la sémiotique peircienne, Bocquet montre que John Deely considère que la sémiologie de Saussure, reposant sur le signe linguistique, est limitée car elle ne s’occupe que des signes conventionnels, culturels. De ce fait, elle se montre non seulement incapable d’approcher le signe naturel mais elle court aussi le risque de faire de la réalité une construction de l’esprit (idéalisme). En dépit d’un substrat peircien partagé, la même critique sera adressée à la théorie des codes d’Eco puis, plus loin dans la conclusion de Martine Bocquet (pp. 171-172), au structuralisme (Greimas, Lévi-Strauss). En somme, ces sémiotiques sont très efficaces pour étudier les systèmes de signes spécifiquement humains, mais, enfermées dans le langage et la culture, elles sont incapables de traiter les signes naturels, toute tentative révèle leur idéalisme. À cet endroit, l’auteure met bien en évidence l’opposition irréductible entre, d’un côté, ces théories qui ne rendent compte ni du signe naturel ni de la reconnaissance des phénomènes de la nature, et de l’autre, la posture de Deely qui défend l’idée que les données des sens ne sont jamais déconnectées et que la perception comprend une structure d’objectivité car les relations sont réelles (p. 165). Finalement, au travers de l’ouvrage, Bocquet montre que Deely prônait un retour à l’universalité du signe.

La conclusion du livre indique que Deely plaçait le signe et la sémiotique au cœur d’une pensée postmoderne capable de rétablir le dialogue entre les sciences dures et les sciences de la communication. Ce dialogue répondrait à la nécessité de comprendre l’action des signes autant dans la nature que dans la culture. Pour concrétiser cela, Deely propose un retour au réalisme oublié des scoliastes latins pour réviser les théories des modernes afin de renouer le lien avec la nature, en tenant compte des entités dépendantes et indépendantes de la pensée (p. 168).

Cette posture s’inscrirait, selon Martine Bocquet, dans un projet sémioéthique au sein duquel l’homme prendrait conscience de ses responsabilités vis-à-vis de la nature. Finalement, la solution à adopter correspond à la "grande vision" de Peirce, introduite en amont, c’est-à-dire une doctrine des signes qui, d’une part, intègre l’ensemble de la connaissance humaine du sensoriel aux interactions sociales et à la culture et, d’autre part, étend la sémiotique à l’ensemble du monde vivant, considéré comme un réseau de significations entre humains et non-humains, et noué sur une relation ontologique présente dans toute chose (pp. 169-170). Mis en application dans les années 1960, ce projet a donné lieu à un ensemble de sémiotiques spécifiques étudiant aussi bien le vivant, comme la physiosémiotique, la phytosémiotique, la zoosémiotique, la biosémiotique, que l’homme avec l’anthroposémiotique. Nous soulignons que certaines de ces disciplines sont aujourd’hui émergentes pour répondre aux questions environnementales actuelles en termes de climat, de cohabitation entre espèces et d’habitabilité du monde.

La restitution des travaux de Deely par Martine Bocquet semble tout à fait pertinente pour les sciences de la communication. Tout d’abord, parce que la démarche historique de Deely invitant à réévaluer nos acquis au prisme de modèles plus anciens, parfois moins connus, est tout à fait d’actualité et nécessaire dans notre réseau de recherche pluridisciplinaire. Ensuite, du fait de la structure détaillée du livre de Martine Bocquet qui permettra autant aux étudiants qu’aux chercheurs de trouver une formulation des concepts et des problèmes qui sous-tendent encore le domaine de la communication.

D’autre part, le grand intérêt de l’ouvrage réside dans le parti pris épistémologique de la sémiotique de Deely. En adoptant la relation ontologique de Poinsot, présente en creux chez Peirce, Deely ouvre des perspectives importantes pour le champ des sciences de la communication puisqu’il attire notre attention sur un concept universel de signe capable de réaffirmer la place du sensible dans la communication et de problématiser les interactions entre humains et non-humains. À ce titre, la pensée de Deely rapportée par Martine Bocquet est tout à fait en phase avec la recherche de ces quinze dernières années où différentes disciplines ont cherché à étudier la signification au-delà des particularités entre humains mais aussi entre êtres vivants, soit en adoptant un point de vue ontologique soit en intégrant les sciences physiques ou cognitives. Citons par exemple la biosémiotique, la zoosémiotique mais aussi l’anthropologie de la nature de Philippe Descola, "l’anthropologie au-delà de l’humain" d’Eduardo Kohn, la sémiophysique de René Thom et Jean Petitot ou encore la sémiotique cognitive.

Auteur: Chatenet Ludovic

Info: résumé critique de : Martine Bocquet, Sur les traces du signe avec John Deely : une histoire de la sémiotique Limoges, Éditions Lambert Lucas, 2019, 200 p.

[ panorama sémiologique ] [ anthropocentrisme ] [ xénolinguistique ] [ philologie ]

 

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spiritualité

D' Héliopolis le culte osirien s'implante à Busiris à la place de l'ancien roi divinisé Andjyty, l'homme aux deux cornes de bélier et aux deux plumes sur la tête avec dans les mains le sceptre Héka (symbole magique) et le flagellum (insigne de royauté que reçoit le prince héritier lors de son intronisation). Busiris était à l'époque prédynastique la capitale du delta, mais elle perdit le titre durant l'Ancien-Empire au profit de Bouto (ville située entre Alexandrie et Saïs). Busiris que Strabon nomme en grec Cynopolis, resta célèbre pour son grand temple dédié à la déesse... Isis. Cela n'a pas empêché l'extension du culte d'Osiris qui est devenu dans la mémoire populaire " l'être perpétuellement bon " aimé de tout son peuple pour lequel il a dû se sacrifier, afin de lui montrer le chemin qui mène à la vie éternelle. Plus de 2500 ans avant la naissance de Jésus, Osiris était comme lui un roi né d'une fécondation spirituelle, comme lui il est la lumière qui éclaire et chasse les ténèbres. Tué par ses frères de religion il renaîtra et montera au ciel pour juger les âmes selon leurs mérites personnels...
Isis : la reine-mère aux pouvoirs temporels et spirituels. Etrange reine aux origines mystiques qui porte à deux lettres près, le nom de son époux Osiris assassiné par Seth. Comme la grande déesse-mère de l'Antiquité, Isis sera souvent honorée et son aide sollicitée en tant guérisseuse et mère protectrice. Selon la légende, elle va retrouver avec l'aide d'Anubis (patron des embaumeurs) et de sa soeur Nephthys les morceaux de son époux disséminés dans tous les nomes d'Egypte. Connaissant le mystérieux secret de Rê d'où il tire sa toute puissance, elle l'utilise pour ressusciter durant quelques instants son époux, le temps d'être fécondée spirituellement par lui. Sous le Nouvel Empire Isis est aimée et adorée de tous comme étant la "Mère universelle" et particulièrement la déesse de ceux qui souffrent. Elle console les pauvres et ceux qui vont bientôt mourir. Elle a le pouvoir de faire ressusciter les morts, depuis son interposition pour la résurrection de l'esprit d'Osiris. Comme Marie au Golgotha dans la religion chrétienne qui devient par ses souffrances au travers du disciple Jean " la Mère de toute l'humanité ", Isis souffre et devient avec son fils Horus, la grande mère victorieuse qui refoule les forces des ténèbres et remporte par le combat de ses souffrances une victoire décisive sur le mal.
Le mythe de l'Inondation bienfaisante : En Egypte depuis l'époque préhistorique l'inondation était un phénomène naturel qui arrivait chaque année vers la mi-Juillet, cette date correspondait également au nouvel an égyptien. Cette inondation fluctuait d'une année à l'autre en fonction des pluies tombées sur les hauts plateaux de Nubie que charriaient le Nil et ses affluents. Elle pouvait tout aussi bien être insignifiante, par un très bas niveau, ce qui correspondait à une "année de sécheresse" ou imprégner généreusement durant trois mois toutes les terres desséchées par la chaleur solaire et assurer aux habitants une bonne germination des graines et assurer de bonnes récoltes. On comprend pourquoi les éléments naturels comme la pluie, le soleil, l'inondation ou la sécheresse ont eu une importance vitale pour les premières peuplades.
D'abord symbolisé dans l'ennéade d'Héliopolis par les deux lions Shou et Tefnout adorés à Léontopolis. Tefnout la fille de Rê et déesse fugueuse avait quitté son père et son époux Shou pour vivre en liberté dans les montagnes de Nubie où elle terrorisait les habitants. Rê qui s'ennuyait de sa fille envoya Shou avec le dieu Thot de la sagesse sous la forme d'un singe qui utilisa sa sagesse et son Verbe pour réussir à convaincre Tefnout, la déesse lointaine à revenir sous la forme d'une inondation bienfaisante qui s'adoucit dès le passage de la première cataracte de Philae. A partir de la IIIe dynastie l'inondation est liée au rassemblement des morceaux d'Osiris éparpillés dans les divers nomes qui vont assurer la revitalisation des terres. Certains prêtres voyaient également dans l'inondation : les larmes mystiques d'Isis pleurant son époux disparu, etc, etc.
L'eau de vie selon un extrait des " anciens Textes des Pyramides " : Selon la légende Rê naissait sous la forme d'un scarabée noir qui sous cette forme traversait la nuit. Il faut dire qu'en ce temps-là existait encore des scarabées volants aujourd'hui disparus ! Au matin le scarabée se métamorphosait en enfant appelé Khepri = la vie qui vient. Jusqu'à midi l'enfant grandissait pour prendre la forme d'un homme avec une tête de faucon appelé Rê-Horatky (la puissance du roi Horus à son zénith). Le soir, lorsque l'astre disparaissait derrière les monts de l'Occident, Rê était englobé par Atoum l'esprit invisible et devenait Atoum-Rê sous l'aspect d'un vieillard qui s'en allait sur sa barque, disparaissait dans le fleuve avant de renaître au petit matin sur l'autre rive du Nil.
A la 2è dynastie les pharaons se considérèrent comme les fils du soleil, à la 5è dynastie, ils se voyaient comme l'incarnation du soleil, le pharaon est en Rê et Rê est dans le Pharaon. Principale source de vie, le soleil centralise en lui les pouvoirs des rois et des principales divinités, ainsi on l'appellera souvent Atoum-Rê, Amon-Rê, Knouhm-Rê, Osiris-Rê et Horus-Rê... Ihet serait la vache primordiale ou mère génitrice du soleil qui après sa naissance l'aurait placé entre ses cornes pour le protéger. Quant à la déesse Tasenet-Neferet, elle fut considérée à l'époque tardive comme l'oeil de Rê et la soeur du soleil. A Kôm-Ombo, elle est unie à Horus l'Ancien et devient l'épouse d'Haroëris.
Les compagnes de Rê à Héliopolis : NEBETHETEPET : (assimilée à Hathor) avec la déesse IOUSSAS (la dame de la satisfaction), ces deux déesses auraient inspiré le démiurge d'Héliopolis ATOUM-Rê à créer le monde. SHESEMTET : (une des faces d'Hathor qui se manifeste dans l'Uraeus). MAAT : Fille d'ATOUM elle le principe de la lumière et la déesse de la vérité, représentant la JUSTICE divine. Elle est aussi le symbole du charme féminin. Les filles de Rê : PAKHET : la déesse lionne de Béni Hassan qui surveillait les frontières du désert.
BASTET : la déesse chatte de Bubastis qui est alors la déesse gardienne du foyer, ou sous son aspect lionne l'oeil de Rê. TEFNOUT : la lionne de Léontopolis, elle est la principale représentante des déesses dangereuses. HATHOR : sous son aspect de déesse dangereuse Hathor unie aux forces de Mâat repoussaient les attaques des forces du chaos. P T A H : le dieu au crâne rasé et gainé comme une momie.
Si à Héliopolis le dieu Atoum-Rê s'imposa à la tête de l'ennéade divine, à Memphis on vénéra durant les deux premières dynasties le dieu Sokar sous l'aspect d'une momie à tête de faucon qui traversait le Nil ( fleuve sacré) dans sa barque Hénou, afin de faire revivre le soleil sur l'autre rive. C'est probablement sa silhouette gravée sur la massue du Roi Narmer, qui se trouve assise en face du trône royal, ce qui laisse penser que dès la première dynastie officielle, les précurseurs d'Imhotep ont déjà essayé d'introduire cette idée de résurrection à la cour royale tout en essayant de conserver l'image d'Horus l'Ancien en la personne du grand Monarque.
C'est sous la troisième dynastie que s'installera parallèlement Ptah une nouvelle divinité à Memphis qui possède également un aspect de roi momifié, tandis que le clergé confiera au dieu Sokar la garde de la "cité des morts à Saqqarah.endroit nommé Roséatou"
Le dieu Ptah est en quelque sorte une image évoluée de l'Ancien Horus-Sokar qui tout en gardant son aspect de momie royale, serre dans ses mains la croix Ankh égyptienne et le signe Djed symbolisant la colonne dorsale d'Osiris (siège du fluide vital,) sans oublier le sceptre Ouas du pouvoir divin. Sous le nom de Ptah-Tenen ce dieu devient celui qui développe la vie terrestre. Parfois en Haute Egypte on le représente sous l'aspect d'un lion qui en s'unissant avec la déesse lionne Sekhmet engendre le dieu guerrier Néfertoum: symbole de la renaissance perpétuelle du soleil.
Sokar, Ptah et Osiris vont eux-mêmes rapidement se confondre en une seule personne, fusion qui s'accomplira totalement lors de la 3è période intermédiaire (-1085 à -730 av. J.C.)
C'est donc 400 ans avant l'arrivée d'Imhotep, que l'on constate l'introduction de ce dieu des morts à forme humaine qui représente déjà une conception de la vie après la mort.
Contrairement à d'autres religions Imhotep ne va pas bannir toutes les anciennes divinités mais en leur laissant une importance secondaire il va s'en servir pour les transformer et faire passer dans le peuple les idées majeures fondamentales : la conscience, la Justice et la vérité.
Ptah devient le Créateur par le verbe et le Père des dieux
Sokar avec sa barque Henou devient le conducteur des âmes
Osiris devient le dieu qui a le pouvoir de faire renaître les bons.
Il ne suffisait pas d'ordonner la construction des pyramides, il fallait surtout motiver le peuple pour qu'il s'engage et achève de plein gré et avec amour, cet énorme travail.
Parfois l'esprit populaire identifiait Ptah à l'ancien taureau Apis, son culte s'est étendu au Nouvel Empire jusqu'à Deir el Médineh où il fut associé à la déesse (mi-femme, mi serpent) Meresger dans un temple proche de la Vallée où l'on enterrait les reines.
La déesse Hathor (demeure nourricière d'Horus le Jeune). Hathor a revêtu au cours des siècles (comme la déesse hindoue Devi) de multiples aspects allant de la mère protectrice archaïque (femme avec cornes de vache) à la jeune femme séduisante universelle. Sous sa forme ancienne elle devient une copie de Nout la déesse du ciel dont le corps rempli d'étoiles est arc-bouté au-dessus de la planète Terre. Fille de Rê, elle porte entre ses cornes de vache blanche étoilée le soleil, comme pour le protéger. Sous son aspect dangereux elle défend la réputation de son père Rê contre les humains qui l'accusent d'être trop vieux. Rê lui donne son troisième oeil et l'envoie punir les humains, mais elle causa de tels ravages que même Rê s'effraya et lui fit boire de la bière à son insu pour sauver le reste de l'humanité. Sous son côté féminin séducteur elle est non seulement la déesse de l'amour au feu dévorant mais également la déesse de la joie et de la vie. Des surnoms qui laissent rêveur. Elle devient la Dame du Sycomore du Sud, la déesse du Sinaï (!) ou la grande dame du pays de Pount, Hathor dont le nom signifie " la demeure nourricière d'Horus " Elle reste étroitement associée à Isis, certaines ressemblances laissent à penser qu'elle fut également introduite en Egypte par Imhotep. Associée au mythe de l'inondation, elle participe chaque année à la fête annuelle de la "Belle Rencontre " au temple de Dendérah (Haute Egypte). Durant cette fête la déesse s'unissait au dieu Horus d'Edfou. De cette union naissait le petit dieu Ithy patron de la musique et des musiciens. Au Moyen-Empire la déesse sera honorée aux temples de Dendérah et de Thèbes en tant que déesse de la Montagne des Morts et dans cette fonction rejoindra la grande déesse Isis. Or Dendérah est considéré comme un des temples les plus anciens qui aurait déjà été reconstruit six fois avant la période romaine !
Atoum : Grand Dieu Invisible d'Héliopolis (où officiait le Grand-Prêtre Imhotep) Son nom signifie " Celui qui est et qui n'est pas... Le Seigneur de l'univers - Le Tout et le néant" Atoum devint en quelque sorte la force invisible qui régénère le soleil vieillissant et le père de la nouvelle lumière qui traverse l'empire des morts et doit accéder à une nouvelle vie le lendemain. Il est aussi le père qui a engendré la déesse Mâat incarnation de la vérité et de la justice qui est également une des épouses de Rê. Son culte restera très important aussi longtemps que Memphis sera la capitale de l'Egypte, mais lorsque Thèbes remplacera Memphis, Atoum s'éclipsera peu à peu au profit d'Amon, qui n'est en somme qu'une copie spirituelle du dieu-berger Atoum qui prolonge l'image du Dieu Suprême, Omniprésent, Tout-puissant et Invisible à partir d'une nouvelle capitale religieuse (Thèbes au lieu de Memphis). Dès le début de l'Ancien Empire il est le dieu des morts qui participait au jugement des âmes. Associé à Osiris, il restera longtemps le dieu de l'embaumement, rite qu'il a pratiqué la première fois sur la personne d'Osiris, reconstitué et ressuscité par son épouse Isis. Désormais il offre ses services à tous les défunts qu'il guide par les Textes des Pyramides jusqu'aux régions célestes. On le représentait sous la forme d'un homme avec une tête de chacal. (Puis il y aura la parenthèse Akhenaton qui aurait vu l'exode des juifs vers la terre promise)

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homme-machine

La théorie des jeux peut rendre l'IA plus correcte et plus efficace

Les chercheurs s’appuient sur des idées issues de la théorie des jeux pour améliorer les grands modèles de langage et les rendre plus cohérents.

Imaginez que vous ayez un ami qui donne des réponses différentes à la même question, selon la façon dont vous la posez. " Quelle est la capitale du Pérou ? "  btiendrait une réponse : " Lima est-elle la capitale du Pérou ? " en obtiendrait un autre. Vous seriez probablement un peu inquiet au sujet des facultés mentales de votre ami et vous auriez certainement du mal à faire confiance à ses réponses.

C'est exactement ce qui se passe avec de nombreux grands modèles de langage (LLM), les outils d'apprentissage automatique ultra-puissants qui alimentent ChatGPT et d'autres merveilles de l'intelligence artificielle. Une question générative, ouverte, donne une réponse, et une question discriminante, qui implique de devoir choisir entre des options, en donne souvent une différente. "Il y a un décalage lorsque la même question est formulée différemment", a déclaré Athul Paul Jacob , doctorant au Massachusetts Institute of Technology.

Pour rendre les réponses d'un modèle de langage plus cohérentes - et rendre le modèle globalement plus fiable - Jacob et ses collègues ont conçu un jeu dans lequel les deux modes du modèle sont amenés à trouver une réponse sur laquelle ils peuvent s'entendre. Surnommée le jeu du consensus , cette procédure simple oppose un LLM à lui-même, en utilisant les outils de la théorie des jeux pour améliorer la précision et la cohérence interne du modèle.

"Les recherches explorant l'autocohérence au sein de ces modèles ont été très limitées", a déclaré Shayegan Omidshafiei , directeur scientifique de la société de robotique Field AI. "Cet article est l'un des premiers à aborder ce problème, de manière intelligente et systématique, en créant un jeu permettant au modèle de langage de jouer avec lui-même."

"C'est un travail vraiment passionnant", a ajouté Ahmad Beirami, chercheur scientifique chez Google Research. Pendant des décennies, a-t-il déclaré, les modèles linguistiques ont généré des réponses aux invites de la même manière. "Avec leur idée novatrice consistant à intégrer un jeu dans ce processus, les chercheurs du MIT ont introduit un paradigme totalement différent, qui peut potentiellement conduire à une multitude de nouvelles applications."

Mettre le jeu au travail

Ce nouveau travail, qui utilise les jeux pour améliorer l'IA, contraste avec les approches précédentes, qui mesuraient le succès d'un programme d'IA via sa maîtrise des jeux. En 1997, par exemple, l'ordinateur Deep Blue d'IBM a battu le grand maître d'échecs Garry Kasparov – une étape importante pour les machines dites pensantes. Dix-neuf ans plus tard, un programme de Google DeepMind nommé AlphaGo a remporté quatre matchs sur cinq contre l'ancien champion de Go Lee Sedol, révélant ainsi une autre arène dans laquelle les humains ne régnaient plus en maître. Les machines ont également surpassé les humains dans les jeux de dames, le poker à deux joueurs et d’autres jeux à somme nulle, dans lesquels la victoire d’un joueur condamne invariablement l’autre.

Le jeu de la diplomatie, un jeu favori de politiciens comme John F. Kennedy et Henry Kissinger, posait un défi bien plus grand aux chercheurs en IA. Au lieu de seulement deux adversaires, le jeu met en scène sept joueurs dont les motivations peuvent être difficiles à lire. Pour gagner, un joueur doit négocier et conclure des accords de coopération que n'importe qui peut rompre à tout moment. La diplomatie est tellement complexe qu'un groupe de Meta s'est félicité qu'en 2022, son programme d'IA Cicero ait développé un « jeu de niveau humain » sur une période de 40 parties. Bien qu'il n'ait pas vaincu le champion du monde, Cicero s'est suffisamment bien comporté pour se classer dans les 10 % les plus performants face à des participants humains.

Au cours du projet, Jacob — membre de l'équipe Meta — a été frappé par le fait que Cicéron s'appuyait sur un modèle de langage pour générer son dialogue avec les autres joueurs. Il a senti un potentiel inexploité. L'objectif de l'équipe, a-t-il déclaré, " était de créer le meilleur modèle de langage possible pour jouer à ce jeu ". Mais qu'en serait-il s’ils se concentraient plutôt sur la création du meilleur jeu possible pour améliorer les performances des grands modèles de langage ?

Interactions consensuelles

En 2023, Jacob a commencé à approfondir cette question au MIT, en travaillant avec Yikang Shen, Gabriele Farina et son conseiller Jacob Andreas sur ce qui allait devenir le jeu du consensus. L'idée centrale est venue d'imaginer une conversation entre deux personnes comme un jeu coopératif, où le succès se concrétise lorsqu'un auditeur comprend ce que l'orateur essaie de transmettre. En particulier, le jeu de consensus est conçu pour aligner les deux systèmes du modèle linguistique : le générateur, qui gère les questions génératives, et le discriminateur, qui gère les questions discriminatives.

Après quelques mois d’arrêts et de redémarrages, l’équipe a transposé ce principe dans un jeu complet. Tout d'abord, le générateur reçoit une question. Cela peut provenir d’un humain, ou d’une liste préexistante. Par exemple, " Où est né Barack Obama ? " Le générateur obtient ensuite des réponses de candidats, disons Honolulu, Chicago et Nairobi. Encore une fois, ces options peuvent provenir d'un humain, d'une liste ou d'une recherche effectuée par le modèle de langage lui-même.

Mais avant de répondre, il est également indiqué au générateur s'il doit répondre correctement ou incorrectement à la question, en fonction des résultats d'un pile ou face équitable.

Si c'est face, alors la machine tente de répondre correctement. Le générateur envoie la question initiale, accompagnée de la réponse choisie, au discriminateur. Si le discriminateur détermine que le générateur a intentionnellement envoyé la bonne réponse, chacun obtient un point, en guise d'incitation.

Si la pièce tombe sur pile, le générateur envoie ce qu’il pense être la mauvaise réponse. Si le discriminateur décide qu’on lui a délibérément donné la mauvaise réponse, ils marquent à nouveau tous les deux un point. L’idée ici est d’encourager l’accord. " C'est comme apprendre un tour à un chien ", a expliqué Jacob. " On lui donne une friandise lorsqu'ils fait la bonne chose. "

Le générateur et le discriminateur commencent également doté chacun de  quelques " croyances " initiales. Credo sous forme d'une distribution de probabilité liée aux différents choix. Par exemple, le générateur peut croire, sur la base des informations qu'il a glanées sur Internet, qu'il y a 80 % de chances qu'Obama soit né à Honolulu, 10 % de chances qu'il soit né à Chicago, 5 % de chances qu'il soit né à Nairobi et 5 % de chances qu'il soit ailleurs. Le discriminateur peut commencer avec une distribution différente. Si les deux " acteurs " sont toujours récompensés après être parvenus à un accord, ils se voient également retirer des points s'ils s'écartent trop de leurs convictions initiales. Cet arrangement encourage les joueurs à intégrer leur connaissance du monde – toujours tirée d'Internet – dans leurs réponses, ce qui devrait rendre le modèle plus précis. Sans ce prérequis ils pourraient s’entendre sur une réponse totalement fausse comme celle de Delhi, mais accumuler quand même des points.

Pour chaque question, les deux systèmes jouent environ 1 000 parties l'un contre l'autre. Au cours de ces nombreuses itérations, chaque camp apprend les croyances de l'autre et modifie ses stratégies en conséquence.

Finalement, le générateur et le discriminateur commencent à être davantage d’accord à mesure qu’ils s’installent dans ce qu’on appelle l’équilibre de Nash. C’est sans doute le concept central de la théorie des jeux. Cela représente une sorte d’équilibre dans un jeu – le point auquel aucun joueur ne peut améliorer ses résultats personnels en changeant de stratégie. Au jeu du chifoumi, par exemple, les joueurs obtiennent de meilleurs résultats lorsqu'ils choisissent chacune des trois options exactement un tiers du temps, et ils obtiendront invariablement de moins bons résultats avec toute autre tactique.

Dans le jeu du consensus, cela peut se jouer de plusieurs manières. Le discriminateur pourrait observer qu'il marque un point lorsqu'il dit " correct " chaque fois que le générateur envoie le mot " Honolulu " pour le lieu de naissance d'Obama. Le générateur et le discriminateur apprendront, après avoir joué plusieurs fois, qu'ils seront récompensés s'ils continuent de le faire, et qu'aucun d'eux n'aura aucune motivation pour faire autre chose... consensus qui représente l'un des nombreux exemples possibles d'équilibre de Nash pour cette question. Le groupe du MIT s'est également appuyé sur une forme modifiée d'équilibre de Nash qui intègre les croyances antérieures des joueurs, ce qui permet de maintenir leurs réponses ancrées dans la réalité.

L'effet net, ont observé les chercheurs, est de rendre le modèle linguistique jouant ce jeu plus précis et plus susceptible de donner la même réponse, quelle que soit la façon dont la question est posée. Pour tester les effets du jeu du consensus, l'équipe a essayé une série de questions standard sur divers modèles de langage de taille modérée comportant de 7 milliards à 13 milliards de paramètres. Ces modèles ont systématiquement obtenu un pourcentage plus élevé de réponses correctes que les modèles qui n'avaient pas joué, même ceux de taille beaucoup plus importante, comportant jusqu'à 540 milliards de paramètres. La participation au jeu a également amélioré la cohérence interne d'un modèle.

En principe, n'importe quel LLM pourrait gagner à jouer contre lui-même, et 1 000 tours ne prendraient que quelques millisecondes sur un ordinateur portable standard. "Un avantage appréciable de l'approche globale", a déclaré Omidshafiei, "est qu'elle est très légère sur le plan informatique, n'impliquant aucune formation ni modification du modèle de langage de base."

Jouer à des jeux avec le langage

Après ce premier succès, Jacob étudie désormais d’autres moyens d’intégrer la théorie des jeux dans la recherche LLM. Les résultats préliminaires ont montré qu’un LLM déjà solide peut encore s’améliorer en jouant à un jeu différent – ​​provisoirement appelé jeu d’ensemble – avec un nombre arbitraire de modèles plus petits. Le LLM principal aurait au moins un modèle plus petit servant d’allié et au moins un modèle plus petit jouant un rôle antagoniste. Si l'on demande au LLM primaire de nommer le président des États-Unis, il obtient un point chaque fois qu'il choisit la même réponse que son allié, et il obtient également un point lorsqu'il choisit une réponse différente de celle de son adversaire. Ces interactions avec des modèles beaucoup plus petits peuvent non seulement améliorer les performances d'un LLM, suggèrent les tests, mais peuvent le faire sans formation supplémentaire ni modification des paramètres.

Et ce n'est que le début. Étant donné qu'une variété de situations peuvent être considérées comme des jeux, les outils de la théorie des jeux peuvent être mis en œuvre dans divers contextes du monde réel, a déclaré Ian Gemp , chercheur scientifique chez Google DeepMind. Dans un article de février 2024 , lui et ses collègues se sont concentrés sur des scénarios de négociation qui nécessitent des échanges plus élaborés que de simples questions et réponses. "L'objectif principal de ce projet est de rendre les modèles linguistiques plus stratégiques", a-t-il déclaré.

Un exemple dont il a parlé lors d'une conférence universitaire est le processus d'examen des articles en vue de leur acceptation par une revue ou une conférence, en particulier après que la soumission initiale ait reçu une évaluation sévère. Étant donné que les modèles linguistiques attribuent des probabilités à différentes réponses, les chercheurs peuvent construire des arbres de jeu similaires à ceux conçus pour les jeux de poker, qui tracent les choix disponibles et leurs conséquences possibles. "Une fois que vous avez fait cela, vous pouvez commencer à calculer les équilibres de Nash, puis classer un certain nombre de réfutations", a déclaré Gemp. Le modèle vous dit essentiellement : c'est ce que nous pensons que vous devriez répondre.

Grâce aux connaissances de la théorie des jeux, les modèles de langage seront capables de gérer des interactions encore plus sophistiquées, plutôt que de se limiter à des problèmes de type questions-réponses. "Le gros gain à venir réside dans les conversations plus longues", a déclaré Andreas. "La prochaine étape consiste à faire interagir une IA avec une personne, et pas seulement avec un autre modèle de langage."

Jacob considère le travail de DeepMind comme complémentaire aux jeux de consensus et d'ensemble. " À un niveau élevé, ces deux méthodes combinent des modèles de langage et la théorie des jeux ", a-t-il déclaré, même si les objectifs sont quelque peu différents. Alors que le groupe Gemp transforme des situations courantes dans un format de jeu pour aider à la prise de décision stratégique, Jacob a déclaré : " nous utilisons ce que nous savons de la théorie des jeux pour améliorer les modèles de langage dans les tâches générales. "

À l’heure actuelle, ces efforts représentent " deux branches du même arbre ", a déclaré Jacob : deux manières différentes d’améliorer le fonctionnement des modèles de langage. " Je pense personnellement  que dans un an ou deux, ces deux branches convergeront. " 

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Info: https://www.quantamagazine.org/ - Steve Nadis, 9 mai 2024

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Ajouté à la BD par miguel