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sexe

Freud a raison : il n'y a qu'une seule sexualité, qu'une seule libido, masculine. La sexualité est cette structure forte, discriminante, centrée sur le phallus, la castration, le nom du père, le refoulement. Il n'y en a pas d'autre. Rien ne sert de rêver de quelque sexualité non phallique, non barrée, non marquée. Rien ne sert, à l'intérieur de cette structure, de vouloir faire passer le féminin de l'autre côté de la barre et de mêler les termes ou la structure reste la même : tout le féminin est absorbé par le masculin, ou elle s'effondre et il n'y a plus ni féminin ni masculin : degré zéro de la structure.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: de la séduction (1988, 246 p., folio essais) p. 16, 17

[ homme-femme ]

 
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rencontre

La séduction des yeux. La plus immédiate, la plus pure. Celle qui se passe de mots, seuls les regards s'enchevêtrent dans une sorte de duel, d'enlacement immédiat, à l'insu des autres, et de leur discours : charme discret d'un orgasme immobile, et silencieux. Chute d'intensité lorsque la tension délicieuse des regards se dénoue en mots par la suite, ou en gestes amoureux. Tactilité des regards où se résume toute la substance virtuelle des corps (de leurs désirs ?) en un instant subtil, comme en un trait d'esprit - duel voluptueux et sensuel, et désincarné à la fois - épure parfaite du vertige de la séduction, et qu'aucune volupté plus charnelle n'égalera par la suite.

Auteur: Baudrillard Jean

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[ oeil ]

 
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achat

"Le produit le plus demandé aujourd’hui", dit Riesman, "n’est plus une matière première, ni une machine, mais une personnalité". C’est en effet une véritable contrainte d’accomplissement personnel qui hante le consommateur actuel, dans le contexte de mobilité obligée qu’institue le schème modèle/série (qui n’est d’ailleurs qu’un aspect d’une structure beaucoup plus large de la mobilité et de l’aspiration sociale). Dans notre cas, cette contrainte est aussi un paradoxe : dans l’acte de consommation personnalisée, il est clair que le sujet dans son exigence même d’être sujet, ne fait que se produire comme objet de la demande économique. Son projet, filtré et morcelé d’avance par le système socio-économique, est déçu dans le mouvement même qui tend à l’accomplir.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: " Le système des objets ", éditions Gallimard, 1968, page 213

[ démarcation ] [ petite différence narcissique ] [ jeu structurel ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

progrès technologique

(...) du bricolage dominical au super-gadget à la James Bond se déploie tout le musée de l'accessoire miraculeux pour aboutir au gigantesque effort industriel de production d'objets et de gadgets, de "machins" quotidiens qui ne le cèdent en rien dans leur spécialisation maniaque à la bonne vieille imagination baroque des bricoleurs. Car que dire des machines à laver la vaisselle par ultra-sons qui décollent la crasse sans qu'on y touche, du grille-pain qui permet d'obtenir neuf degrés différents de brunissage, et de la cuiller mécanique à agiter les cocktails ? Ce qui n'était jadis qu'excentricité charmante et névrose individuelle devient, au stade sériel et industriel, une déstructuration quotidienne et incessante de l'esprit affolé ou exalté par les détails.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Le système des objets (1968, Gallimard, 288 p.)

[ destruction de l'originalité ] [ banalisation ]

 

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symbolique

On voit que les iconoclastes, qu'on accuse de mépriser et de nier les images, étaient ceux qui leur accordaient leur juste prix, au contraire des iconolâtres qui n'y voyaient que reflets et se contentaient de vénérer Dieu en filigrane. Mais on peut dire à l'inverse que les iconolâtres furent les esprits les plus modernes, les plus aventureux, puisque, sous couleur d'une transpiration de Dieu dans le miroir des images, ils jouaient déjà sa mort et sa disparition dans l'épiphanie de ses représentations (dont ils savaient peut-être qu'elles ne représentaient plus rien, qu'elles étaient un jeu pur, mais que c'était précisément là le grand jeu - sachant aussi qu'il est dangereux de démasquer les images, puisqu'elles dissimulent qu'il n'y a rien derrière).

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Simulacre et Simulation, Galilée, p.15

[ illusion ] [ tiercités chimères ] [ dévoilement ]

 
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Ajouté à la BD par Jérôme

automate

On voit d'où vient la tendance à pousser chaque objet jusqu'au stade du robot. C'est là qu'il achève sa fonction psychologique inconsciente. C'est là qu'il prend fin aussi. Car le robot est sans évolution possible : il est figé dans la ressemblance de l'homme et dans l'abstraction fonctionnelle à tout prix. C'est la fin aussi d'une sexualité génitale active, car la sexualité projetée dans le robot y est aussi neutralisée, désamorcée, conjurée, figée elle aussi dans l'objet qu'elle fige. Abstraction narcissique : l'univers de la science-fiction est asexué.

Le robot est intéressant à plus d'un titre encore. Parce qu'il est la fin mythologique de l'objet, il ramasse en lui tous les phantasmes qui peuplent nos relations profondes à l'environnement.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Le système des objets (1968, Gallimard, 288 p., p.171)

[ mimétisme ] [ création ]

 

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production industrielle

Cette idéologie d’accomplissement personnel, l’illogisme triomphant des pulsions déculpabilisées n’est en fait qu’une gigantesque entreprise de matérialisation du surmoi. Ce qui est "personnalisé" dans l’objet, c’est d’abord la censure. Les philosophes de la consommation ont beau jeu de parler des "forces profondes" comme de possibilités immédiates de bonheur qu’il suffit de libérer. Tout l’inconscient est conflictuel et, dans la mesure où la publicité le mobilise, elle le mobilise en tant que conflit. […]

Rien n’a changé, ou plutôt si : les restrictions à l’accomplissement de la personne ne s’exercent plus à travers des lois répressives, des normes d’obéissance : la censure s’exerce à travers des conduites "libres" (achat, choix, consommation), à travers un investissement spontané, elle s’intériorise en quelque sorte dans la jouissance même.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: " Le système des objets ", éditions Gallimard, 1968, pages 269-270

[ dette ] [ injonction ] [ surmoi maternel ] [ morale ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

stratégie affective

Dans une société industrielle, la division du travail dissocie déjà le travail de son produit. La publicité couronne ce processus en dissociant radicalement, dans le moment de l’achat, le produit du bien de consommation, en intercalant entre le travail et le produit du travail une vaste image maternelle, elle fait que le produit n’est plus considéré comme tel (avec son histoire, etc.) mais purement et simplement comme bien, comme objet. En même temps qu’elle dissocie producteur et consommateur dans le même individu, grâce à l’abstraction matérielle d’un système très différencié d’objets, la publicité s’emploie à l’inverse à recréer une confusion infantile entre l’objet et le désir de l’objet, à ramener le consommateur au stade où l’enfant confond sa mère avec ce qu’elle lui donne.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: " Le système des objets ", éditions Gallimard, 1968, pages 244-245

[ régression ] [ cocooning ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

disparition

Autre chose encore, parallèle au miroir, a disparu : c'est le portrait de famille, la photo de mariage dans la chambre à coucher, le portrait en pied ou en buste du propriétaire dans le salon, le visage encadré des enfants un peu partout. Tout ceci constituant en quelque sorte le miroir diachronique de la famille, disparaît avec les miroirs réels à un certain niveau de modernité (dont la diffusion est encore relativement modeste) Même l'œuvre d'art, original ou reproduite, n'y entre plus comme valeur absolue, mais sur un mode combinatoire. Le succès de la gravure dans la décoration, de préférence au tableau, s'explique entre autres par sa moins grande valeur associative. Pas plus que la lampe ou le miroir, nul objet ne doit redevenir un foyer trop intense

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Le système des objets (1968, Gallimard, 288 p.)

[ évolution ] [ destruction de l'image familiale ]

 

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société de contrôle

Tuer l’exigence de mort. Pour que vivent les hommes ? Non : pour qu’ils meurent de la seule mort autorisée par le système – vivants séparés de leur mort, et qui n’échangent plus que la forme de leur survie, sous le signe de l’assurance tous risques. Ainsi de la sécurité automobile. Momifié dans son serre-tête, ses ceintures, ses attributs de la sécurité, ficelé dans le mythe de la sécurité, le conducteur n’est plus qu’un cadavre, enfermé dans une autre mort, non mythique celle-là : neutre et objective comme la technique, silencieuse et artisanale. Rivé à sa machine, encloué sur elle, il ne court plus le risque de mourir, puisqu’il est déjà mort. Là est le secret de la sécurité, comme du bifteck sous cellophane : vous entourer d’un sarcophage pour vous empêcher de mourir.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, page 290

[ biopouvoir ] [ sécuritarisme ] [ coma artificiel ] [ abrutissement ] [ monde assurantiel ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson