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esquive

et que ce soit à
l’usine ou dans
la débine
je n’ai jamais pu éviter
les rejetés. ils me sont tombés
droit dessus et se sont attachés
à moi. et ils
le font encore.
tenez, dans le voisinage
il y en a encore un
qui vient de me mettre le grappin.
il pousse devant lui
un caddy
rempli d’un monceau de saloperies :
cannes brisées, lacets de chaussures,
emballages de pommes chips,
cartons de lait, journaux, porte-plumes…
"hé, buddy, comment keukchava ?"
je m’arrête et on cause
un moment.
puis je lui dis au revoir
mais une fois de plus
il me cavale après
et nous marchons dépassant
bars
et hôtels de rendez-vous…
"tiens-moi informé,
buddy, tiens-moi informé,
je veux savoir ce qui
se prépare."
c’est mon tout dernier.
je ne l’avais jamais vu
parler à qui que ce soit
avant.
le caddy cliquette
un peu
derrière moi
puis quelque chose
en tombe.
il s’arrête pour
le ramasser.
et tandis qu’il se penche je
fonce vers
l’entrée de
cet hôtel vert au
coin de la rue
traverse le hall
à toute vitesse et
en ressors par l’escalier
de service et
je tombe sur un chat
en train de chier
avec un bonheur absolu,
et il me grimace
un sourire.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "L'amour est un chien de l'enfer", pageses 159-161, "le fou m'a toujours aimé"

[ mec collant ] [ marginal ] [ clodo ] [ clochard ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

parasites

Horaires libres, je peux me lever à midi et bosser jusqu’à 3 heures du matin. Mon seul problème, c’est le quidam qui radine, à l’improviste. Et qui ne comprend pas ce que je fabrique entre ces quatre murs. Il s’assied sur un fauteuil et me regarde, il n’est là que pour capter mon énergie et me refiler du vent en échange. Il arrive qu’ils soient plusieurs, et qu’ils s’accrochent. Dans ces moments-là, à moins d’accepter de se laisser submerger par cette équipe de bons à rien, il me faut être cruel – eux aussi, cela dit, le sont en ne respectant pas mon travail. Je les fous donc à la porte à coups de pied dans le cul. Mais, parmi ces visiteurs imprévus, il en est, je le reconnais, qui me donnent le meilleur d’eux-mêmes, qui m’offrent sans compter leur force et leurs lumières, sinon tous les autres se contentent de faire rejaillir sur moi leur propre inutilité. Je ne vois pas ce qu’il y aurait d’humain à tolérer à ses côtés la présence de morts, au contraire je contribue par ma seule présence à l’accélération de leur décomposition, et d’ailleurs, lorsqu’ils me quittent pour regagner leurs cercueils, ils laissent toujours sur le plancher quelques lambeaux de leurs chairs méphitiques.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Un carnet taché de vin", pages 233-234 - A propos de son "métier" d'écrivain

[ vampirisme ] [ mort-vivant ] [ solitude ] [ casse-pieds ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

vie quotidienne

Lorsqu’un homme a exercé la même profession pendant des années, il a perdu la notion du temps. Même si sa journée de travail se limite à huit heures de présence, elle ne s’achève pas quand la maîtrise siffle l’heure de la sortie. Il faut encore y ajouter la durée du trajet entre sa boîte et chez soi, sans oublier les longues minutes qu’on va devoir consacrer à manger, à se laver, à s’acheter de nouveaux vêtements, ou une voiture, à remplacer ses pneus, ou sa batterie, à payer ses impôts, à copuler, à recevoir des amis, à se soigner, à se remettre d’un accident, à faire sa lessive, à éviter de se faire voler, à s’inquiéter de la météo, à dormir, à faire des insomnies, et je laisse de côté toutes ces choses dont la décence nous interdit de parler, BREF l’être humain n’aura au bout du bout que TRES PEU DE TEMPS à se consacrer. Il arrive même que les heures supplémentaires le privent de quelques-unes de ces tâches de première nécessité, comme de baiser. Bordel de merde ! Et ce genre d’existence vous bouffe six jours de la semaine et, comme le dimanche, vous êtes censé fréquenter l’église ou manger en famille, parfois les deux, parlez d’un rêve éveillé !

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Un carnet taché de vin", page 212

[ salariat ] [ collectif-personnel ] [ routine ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

poème

il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je suis trop coriace pour lui,
je lui dis, reste là, je ne veux pas
qu’on te
voie.

il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je verse du whisky dessus et inhale
une bouffée de cigarette
et les putes et les barmens
et les employés d’épicerie
ne savent pas
qu’il est
là.

il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je suis trop coriace pour lui,
je lui dis,
tiens-toi tranquille, tu veux me fourrer dans le
pétrin ?
tu veux foutre en l’air mon
boulot ?
tu veux faire chuter les ventes de mes livres en
Europe ?

il y a dans mon coeur un oiseau bleu qui
veut sortir
mais je suis trop malin, je ne le laisse sortir
que de temps en temps la nuit
quand tout le monde dort
je lui dis, je sais que tu es là,
alors ne sois pas
triste.

puis je le remets,
mais il chante un peu
là-dedans, je ne le laisse pas tout à fait
mourir
et on dort ensemble comme
ça
liés par notre
pacte secret
et c’est suffisamment sympa
pour faire
pleurer un homme, mais
je ne pleure pas,
et vous ?

Auteur: Bukowski Charles

Info: Last Night of the Earth Poems 1992

[ égoïsme ]

 

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désenchantement

tout le monde s’en fout

tout le monde s’en contrefout

tu savais pas ?

tu l’avais oublié ?

tout le monde s’en bat les reins



même ces empreintes de pas

qui semblent aller quelque part

ne mènent nulle part



tu peux prendre les choses à cœur

mais tout le monde s’en fout –

c’est la première leçon

qui mène à la sagesse



apprends-le

et personne n’a l’obligation de s’en soucier

personne n’est censé en avoir quelque chose à foutre



la sexualité et l’amour sont évacués...

comme de la merde.



tout le monde s’en branle



apprends-le



croire en l’impossible est un

piège

la foi tue



tout le monde s’en balance –

les suicidés, les morts, les dieux

ou les vivants



pense au vert, pense aux arbres, pense

à l’eau, pense à la chance et à la gloire de

toute sorte

mais garde-toi

le plus tôt possible

de dépendre de l’amour

ou d’attendre qu’on t’aime

en retour



personne n’en a rien à foutre.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, " file dans ta tombe sans faire de saletés"

[ relations impitoyables ] [ haine silencieuse ]

 

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déprime

quand on est au plus mal, il n’y a rien à

faire, à part en rire, enfiler ses vêtements

une fois de plus, sortir, voir des visages, des machines,

des rues, des immeubles, le déploiement du

monde.



j’esquisse des gestes, échange des sommes d’argent, réponds

à des questions, en pose quelques-unes, tandis que les heures s’enlisent,

dans mon sillage, elles ne sont pas toujours continuellement

horribles – par moments je suis traversé par une joie

sauvage et je ris, en sachant à peine

pourquoi.

c’est peut-être le pire tour que j’aie appris :

endurer ; je dois apprendre à lâcher prise, ça n’est pas un

truc suspect.



on est bien trop sérieux, on doit apprendre à jongler

avec nos enfers et nos paradis – la vie s’amuse avec

nous, on doit lui renvoyer la balle.



nos chaussures battent le pavé, en nous

traînant derrière elles.



quand on est au plus mal, il faudrait ne rien

faire.



l’exactitude est la liberté : une centaine

de milliers de murs ou toujours

plus de néant, tes os en savent plus que ta

raison.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, " être là"

[ remède ] [ action méditative ] [ s'en foutre ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

déclaration d'amour

Ton petit jeu de mains baladeuses m'a plu, ça m'a rendu chaud comme la braise... Tout ce que tu fais me rend chaud comme la braise... Quand tu jettes de l'argile au plafond... Toi la chienne, toi la mégère rouge et brûlante, toi la ravissante, ravissante femme... Tu as fait naître de nouveaux poèmes, de nouveaux espoirs, une joie nouvelle et de nouveaux tours chez un vieux chien, je t'aime, j'aime les poils de ta chatte que j'ai senti avec mes doigts, l'intérieur de ta chatte, mouillé, chaud, que j'ai senti avec mes doigts ; toi, debout contre le réfrigérateur - ton réfrigérateur est si merveilleux - tes cheveux lâchés, toi, là, sauvage, l'oiseau sauvage, la chose sauvage qu'il y a chez toi, brûlante, obscène, miraculeuse... Te tordre le cou, essayer d'attraper ta langue avec ma bouche, avec ma langue...
Nous étions à Burbank et j'étais amoureux, d'un amour d'outremer, ma bon dieu de maudite déesse, mon allumeuse, ma chienne, mon mon mon mon con de Paradis entouré de poils, battant, respirant, je t'aime... Et j'aime ton réfrigérateur - et quand on s'attrapait et qu'on luttait corps à corps, cette tête sculptée qui nous regardait avec son petit sourire lyrique, cynique, amoureux, ardent...
Je te veux,
Je te veux,
Je te veux TOI,
TOI TOI TOI TOI TOI TOI !

Auteur: Bukowski Charles

Info: lettre de 1972 à Linda King

[ sexe ] [ obsédé ] [ sincérité ]

 

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inventaire

hôpitaux et prisons
c’est ce qu’il y a de pire
asiles de fous
c’est ce qu’il y a de pire
maisons closes
c’est ce qu’il y a de pire
allées boueuses des taudis
c’est ce qu’il y a de pire
lectures de poèmes
concerts de rock
galas en faveur des invalides
c’est ce qu’il y a de pire
obsèques
mariages
c’est ce qu’il y a de pire
défilés
patinoires
partouzes
c’est ce qu’il y a de pire
minuit
trois heures du matin
six heures moins le quart dans l’après-midi
c’est ce qu’il y a de pire
flotter dans le ciel
ouvrir le feu sur les patrouilles de police
c’est ce qu’il y a de meilleur

songer à l’Inde
tomber sur un distributeur de pop corns
regarder le taureau foncer sur le toréador
c’est ce qu’il y a de meilleur

voir trente-six chandelles
un vieux chien se grattant
des cacahuètes dans un sachet de papier
cristal c’est ce qu’il y a de meilleur

atomiser des cafards
enfiler des chaussettes propres
chier sans suppositoire
c’est ce qu’il y a de meilleur

se retrouver attaché à un poteau d’exécution
jeter du pain aux mouettes
couper des tomates en tranches
c’est ce qu’il y a de meilleur

mes mains mortes
mon cœur mort
silence
c’est l’adagio des rochers
et le monde qui s’enflamme
c’est ce qu’il y a de meilleur
pour moi.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "L'amour est un chien de l'enfer", pages 135-136, "le pire et le meilleur"

[ situations ] [ contraste ]

 

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déception

J’ai continué à écrire non parce que je me trouvais bon mais parce que les autres me paraissaient si mauvais, y compris Shakespeare, tous ces gars. Le formalisme guindé, comme l’impression de mâcher du carton. J’étais un peu paumé quand j’avais 16, 17, 18 ans, alors je suis allé à la bibliothèque et il n’y avait rien à lire. J’ai parcouru tous les rayons, tous les livres. Ensuite je suis retourné dans la rue et j’ai vu le premier visage, les immeubles, les bagnoles, tout ce qui avait été dit dans les livres n’avait rien à voir avec ce qui se trouvait sous mes yeux, c’était une imitation, une farce. Personne pour me venir en aide. Hegel, Kant… Un branleur du nom d’André Gide… Des noms, des noms, et des baudruches. Keats, quel sac à merde. Rien à sauver. J’ai commencé à voir quelque chose en Sherwood Anderson. Il a failli me montrer la voie, il était stupide et maladroit, mais il te laissait combler les vides. Impardonnable. Faulkner était aussi bidon qu’un tas de cire. Hemingway a démarré très fort, puis il a commencé à se tripoter la nouille et s’est transformé en cette grosse machine qui te pétait à la gueule. Céline a écrit un livre immortel qui m’a fait rire pendant des jours et des nuits (Voyage), ensuite il a viré vieille mémère en colère.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Sur l'écriture", lettre à David Evanier, fin 1972

[ vacheries ] [ littérature ] [ fiction-réalité ] [ écrivains ] [ éloges ]

 

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choc littéraire

Bref, il m'a donné un exemplaire du livre de Céline — Comment ça s'appelle ? – Voyage au bout de la nuit. maintenant écoutez, la plupart des écrivains me rendent malade. Leurs mots ne touchent même pas le papier. Mais Céline, il m'a donné honte du pauvre écrivain que je suis, j'ai eu envie de tout jeter par la fenêtre. Un foutu maître chuchotant dans ma tête. dieu, l'impression d'être redevenu un petit garçon. Tout ouïe. Entre Céline et Dostoïevski il n'y a rien, si ce n'est Henry Miller. Enfin, passé le vertige qui m'a saisi en découvrant combien j'étais insignifiant, j'ai repris la lecture, et je me suis laissé mener par la main, volontiers. Céline était un philosophe qui savait que la philosophie était vaine ; un queutard qui savait que la baise était du vent ; Céline était un ange, il a craché dans les yeux des anges et puis il est descendu dans la rue. Céline savait tout ; je veux dire il en savait autant qu'il y a à savoir quand on a deux bras, deux pieds, une bite, quelques années à vivre ou moins que ça, mais avant toute chose. bien sûr, il avait une bite. vous saviez ça, il n'écrivait pas comme [Jean] Genet, qui écrit très très bien, qui écrit trop bien, qui écrit si bien qu'il vous fait piquer du nez. [...]

Auteur: Bukowski Charles

Info: À Henry Miller 16 août 1965

[ éloge ] [ admiration ] [ inspiration ]

 

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