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ersatz

Maintenant que cette œuvre naît, sa misère m’apparaît. Misère de la littérature. Comment l’esprit peut-il témoigner de ce qui fut sang de la force et chair de la sincérité ? Qui peut forcer à croire qu’il s’est agi pour moi d’autre chose que d’un livre ? […] Car ce livre est le fruit d’un échec autant que d’une espérance. L’écrit n’est que le dernier recours de l’individu dans le monde qui refuse son geste : ce livre est né de la mort d’un acte. […] Mon livre me fait honte, c’est l’échec de ma vie et je ne l’ai écrit que dans l’espérance insensée de pouvoir te le dire un jour ailleurs. Un instant, laisse-moi croire à sa force. Peut-être que ces pages, nées de ma mauvaise chance, engendreront un jour de nouvelles possibilités, ouvrant, à partir de la réflexion qui isole […] le chemin qui ramène à l’action qui délivre.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Pan se meurt"

[ défaite ] [ concret-abstrait ] [ déception ]

 

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espoirs

La jeunesse est créatrice parce qu’elle ne compte pas les heures, elle les gaspille apparemment en rires et beuveries ; sacrifiant à la fois le travail et le repos, elle erre dans les rues, escortée de son rêve ou de son ami. Elle participe ainsi d’un rythme plus vaste qui n’est pas celui de l’école ou du bureau, mais d’une nature ou d’un esprit qui nous dépasse. Ce temps qui semble alors perdu, est celui, décisif, où se posent les bases d’une vie.

Disponibilité du jeune homme. Tout est possible, croit-il : aller camper au Karnatic, apprendre la guitare. Il peut tout connaître, multiplier en se jouant les contacts humains : tout homme est alors notre prochain. Comme nous il est libre. Alors on se donne sans compter – parce que l’on croit pouvoir tout acquérir. Jusqu’au jour où il ne reste plus qu’un avare, fermé sur les derniers biens qui lui restent.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, page 92

[ prodigue ] [ éloge ] [ vieilllir ] [ vertes années ]

 

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division primordiale

L’impératif catégorique est donc de refuser toute unité au départ, car c’est à nous de la réaliser. Ceci à rebours non seulement du poids de l’univers, mais surtout de notre propre faiblesse ; car l’horreur du vide nous pousse à fuir une condition humaine vouée à l’ignorance, l’impuissance, et la finitude. Ce pourquoi depuis toujours la société assure à ses membres non seulement la sécurité matérielle grâce à sa science, mais dans la mesure où celle-ci ne le peut, la sécurité morale par la culture. Depuis dix mille ans, les sociétés fournissent à la masse des individus qui les composent, travaillés par le sentiment de leur néant, les divers stupéfiants qui les réintègrent au centre d’un cosmos unifié. Peu importe que ces divers tranquillisants culturels soient vendus par l’Académie, l’Église, la Magie, scientifique ou non. A l’esprit libre de chacun d’ouvrir une brèche dans ce rempart millénaire qui nous protège du vertige en nous emprisonnant.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, page 317

[ anarchie spirituelle ] [ anti-idéalisme ]

 

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vieillir

Au-delà de trente ou quarante ans, tout homme libre est une sorte de survivant qui regarde se dissoudre dans le néant ceux qui furent les prochains de sa jeunesse. Certains sont morts, d’autres errent dans ces limbes où ils attendent le terme d’une existence déjà révolue. Tout est consommé, ils portent le masque définitif de la quarantaine. Ce sont des fonctionnaires ou des commerçants, des pères ou des communistes : leur définition les épuise. A moins qu’ils ne deviennent Un Tel, c’est-à-dire leur buste. [...]

Le temps de la camaraderie est fini. Disparus en haut ou en bas, les copains sont perdus de vue. Après la trentaine les relations de sympathie laissent place aux relations sociales : de classe et de métier. Et la femme travaille patiemment à cette insertion. L’individu qui s’impose malgré tout de revoir ses anciens camarades a l’impression de remplir une sorte de rite, comme ceux qui s’accomplissent sur les tombes.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, pages 101-102

[ liens sociaux ] [ persona ] [ réduction des possibles ] [ pessimisme ]

 
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diversion

L’homme mûr s’absorbe dans son métier, la mère s’engloutit dans l’éducation de ses enfants ; mais cette "vie de sacrifice" n’est que le sacrifice d’une vie : un suicide, parfois presque conscient. En obéissant au "devoir" nous cédons souvent à la facilité, car l’être social est le fond de l’homme. Nous refusons l’impératif le plus dur : l’existence personnelle. Mais avec elle nous perdons la vertu qui les crée toutes : l’aptitude à se dépasser soi-même. La morale par excellence, celle qui ne va pas de soi, c’est d’accepter d’être seul. Ce n’est pas de donner mais de donner seul : quand tous donnent c’est parfois ne pas donner.

L’homme vertueux est sauvé par ses œuvres. Mais elles seront de plus en plus faciles, s’il est vrai que leur raison est dans le déchirement qu’elles nous évitent. La vertu dégénère en moralisme, mais le rite est encore plus commode : un simple geste et voici exorcisée l’angoisse de vivre.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, page 235

[ moralité refuge ] [ par-delà le bien et le mal ] [ souffrance ] [ solitude ]

 

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société de surveillance

Pour assurer la répression, la science lui a fourni les armes les plus perfectionnées : il n’est pas d’émeute aujourd’hui qu’une police bien équipée ne puisse vaincre. Mais ses armes les plus redoutables ne sont pas les mitrailleuses ou les gaz lacrymogènes, c’est l’anthropométrie : l’archive et la fiche ; un esprit de méthode qui ferme peu à peu à l’individu toutes les issues. Dans le temps et dans l’espace, l’action de la police gagne ; de plus en plus, au lieu de réprimer elle cherche à prévenir le crime, elle tisse sur le pays une toile d’araignée qui aboutit à elle ; c’est pourquoi il est si important qu’il n’y ait qu’une seule police : celle de l’État. Qu’un jour la conquête ou même un accord international, en effaçant les derniers lieux d’asile où le crime puisse se faire oublier, fasse de toutes les polices du monde la police, alors un énorme filet sans commencement ni fin emprisonnera la Terre.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "L'Etat"

[ prévention active ] [ liberté ]

 

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sens dévoyé

Car celui qui use des mots pour toucher autrui se heurte en eux à une société qui tend à imposer son ordre avec son langage. En prétendant m’exprimer ainsi personnellement sur la liberté, je me heurterai constamment à une sourde résistance qui pèsera sur le sens que j’essaye de lui rendre. Il est donc nécessaire, dès le niveau du langage, de commencer par où commence tout acte libre, par la prise de conscience de la détermination. Pour retrouver le sens originel du terme, je dois soumettre à l’exorcisme de la conscience le contenu fallacieux, produit de l’inconscient collectif d’une époque. Acte de liberté, ce combat ne pourra jamais être livré une fois pour toutes.

La crise du langage reflète celle de la société. La puissance qui tend à vider ce terme de liberté de son contenu est celle d’un monde qui tend à la détruire – soit que le plus grand nombre n’éprouve plus dans sa vie ce qu’il veut dire, soit que pour quelques-uns la menace rende la liberté si vraie qu’elle en devient indicible.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, pages 32-33

[ parole creuse ] [ élagage signifiant ] [ sémantique désamorcée ]

 
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évolution historique

Les justifications humaines se ramènent au slogan de Hegel : tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel. Et comme une justification statique ne suffisait plus à une époque où le cours de l’Histoire s’accélérait, Hegel dut introduire la dimension du temps dans la métaphysique ; il le fallait bien pour que celle-ci puisse valoriser les avatars d’un monde en constant changement. Le devenir de l’histoire c’est le devenir de l’esprit. Et l’esprit absolu au siècle du nationalisme et de l’armée, c’est comme par hasard l’État, prussien comme le philosophe : Berlin est sa Jérusalem céleste et son temple la faculté où il enseigne. La dialectique : la négation des contraires par le cours du temps et du discours est de nos jours le moyen le plus commode pour faire du chaos l’ordre. Le calendrier s’en charge : hier la thèse, aujourd’hui l’antithèse. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer, demain – toujours demain – on rasera gratis. Ce sera la synthèse. La formule de Hegel vaut pour n'importe quel système politique qui veut donner au relatif toute la rigueur de l’absolu : pour l’idéologue réactionnaire qui voit dans l’état social l’image du divin, et pour l’idéologue progressiste qui divinise une société dont le mouvement est l’état. Dans la voie de Hegel le marxisme n’est que la conclusion d’une pensée toujours possédée par le démon de l’Absolu bien qu’elle n’ait plus d’au-delà.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, pages 220-221

[ philosophie ] [ critique ] [ immanence ]

 

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couple

Le mariage est l’incarnation de l’amour : dans l’acte et son fruit, mais bien plus encore dans le quotidien de l’existence. Amour de chair dont la tiédeur s’émeut comme s’épanouit la fleur, et qu’une autre étreinte brise jusqu’au sang pour en délivrer une nouvelle vie. Mais surtout amour fidèle, qui confirme chaque jour la promesse une fois donnée, scellée sur les lèvres de l’adolescente comme elle le sera sur le front du mourant. Amour vivant, qui ne fuit pas la réalité mais l’affronte, sur lequel les ans passent en vain parce qu’il renaît à chaque heure. Un tel lien n’est pas servitude mais liberté. Il permet au jeune homme de dépasser le désir en le comblant, et de découvrir enfin, grâce à l’amour d’une femme, la camaraderie et l’amitié avec les femmes. Le vrai mariage n’absorbe pas l’homme dans la société, en en constituant une à sa mesure il l’aide à se maintenir seul en le sauvant du désespoir de l’être. Là est l’unique lieu humain où il puisse parler à autrui comme à soi-même, expliciter une solitude en termes de langage : du moins s’il le tente. Alors le foyer est celui qui ranime, la maison, la forteresse d’où repart l’assaut. La vie conjugale se fige vite en habitudes, mais s’il y a mariage elles sont détruites par le mouvement qui porte la personne vers la personne. Le bonheur est puissance de joie, et la joie éclate. Il n’est pas un terme, mais un départ pour un malheur plus haut.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, page 97

[ femme-homme ] [ éloge ] [ fidélité ]

 

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existence

Ce jour est aujourd’hui passé, et bien d’autres, qui ont chacun marqué d’un coup ce visage où l’ombre d’un baiser effaçait un sourire. Des jours sont passés, qui revenaient toujours pour frapper la marque et la creuser, creuser la plaie saignante et la durcir en cicatrice. Des maladies, des morts, des guerres, qui burinaient sur la tendre face du printemps le pathétique soleil de l’été. Mais aussi revenait le bain en plein soleil, la coupe poissée de grappes ; toujours plus tard midi sonnait au crépuscule. L’ouragan noir d’automne qui flotte et roule, étendard de désastre, où l’éclair fend le ciel d’un gel irrémédiable, le frappa dans sa chair, et la chair de sa chair. Il souffrit, pour souffrir encore ; les saisons s’acharnaient sur lui pour le ployer sous leurs récoltes. Vinrent des maladies, des morts, des guerres, qui taillaient dans le doux visage du printemps les traits de marbre de l’hiver : il souffrit pour souffrir encore. Alors se leva un vent de tempête qui l’entraînait toujours plus vite ; il lui fallut quitter le toit de son enfance, et la maison de ses amours lui fut enlevée. Ses amis s’éloignèrent ; l’un après l’autre, ses fils prirent leur chemin. Chaque pas qu’il faisait l’enfonçait dans la nuit, ses souvenirs s’effacèrent ; il se tut. Il ne lui manquait que de périr, aussi dès le premier jour sa perte fut-elle inscrite dans son destin.

Le vieil arbre pourtant s’obstinait à fleurir ; il l’aimait. Les années avaient préservé leur tendresse comme si rien ne devait la vaincre ; mais chaque homme a son heure qu’il ne peut partager. Il resta seul, dans la débilité du vieillard, enfant sans mère, portant au flanc la déchirure par où s’était enfui l’amour de sa vie. Et la vie le fuyait ; enfin vaincu, il attendait que lui fût donné une grâce. Il mourut. Voici le seul héros et la seule aventure.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, page 30

[ condition humaine ] [ expression poétique ] [ résumé ]

 

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