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fraicheur juvénile

"Il y a des êtres qui font d’un soleil une simple tache jaune, mais il y en a aussi qui font d’une simple tache jaune, un véritable soleil" (Pablo Picasso)

Un jour où j’ai montré à l’un de mes petits-fils quelques plantes en pots sur le balcon de l’appartement familial, j’ai été un peu décontenancé et très agréablement impressionné de le surprendre, peu après, en train d’expliquer à son frère : "C’est incroyable, la plus belle fleur dans les pots de Papy, c’en est une qu’il n’a pas plantée !". Il parlait d’une fleur de pissenlit qui s’était développée à partir d’une graine amenée par le vent. Nombre d’adultes n’y auraient vu qu’une "mauvaise herbe" qu’il fallait arracher pour préserver la prétendue harmonie des plantations artificielles. Pourtant, un enfant, dont la perception n’était pas encore émoussée, était capable de s’émerveiller de ce qu’un adulte un peu trop "mûr" finit par trouver banal. Cet émoussement n’est pas une fatalité : je pense qu’un François d’Assise, par exemple, montrait qu’il avait su conserver cette aptitude naturelle des enfants quand il recommandait de ne pas cultiver tout le jardin, mais d’accepter d’en laisser une partie en friche, pour garder intacte notre capacité à nous émerveiller devant la beauté des herbes sauvages.

Je trouve que la remarque de mon petit-fils exprimait une vérité très profonde et nous donnait une leçon très importante. Jésus-Christ ne disait-il pas, paraît-il : "Si vous ne changez pas d'attitude et ne devenez pas comme de petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux" (Nouveau Testament, Matthieu 18:3). Je ne sais pas ce qu’est le "royaume des cieux", encore moins ce qu’il faut faire pour y entrer. Par contre, ce dont je suis convaincu, c’est que nous ne pouvons pas être vraiment heureux si nous ne retrouvons pas ou  n’entretenons pas la pureté du regard qu’on avait quand on était enfant. Il faut parvenir à comprendre et ressentir en profondeur, avec son esprit, son cœur et son corps, que rien n’est banal !

Heureusement, cela s’apprend (comme beaucoup d’autres choses) ! Il faut, patiemment, entretenir la flamme au fond de soi, rejeter les tendances "adultes" à considérer comme "puéril" l’émerveillement, mais au contraire, adresser régulièrement à ce soleil intérieur, la même louange que celle adressée par Edmond Rostand au soleil extérieur : "Ô Soleil ! toi sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont !" (Hymne au soleil dans Chantecler).

Mais si jamais vous n’y parveniez pas, au moins, par pitié, abstenez-vous d’étouffer l’émerveillement des autres ! Ne dites jamais, surtout à un enfant, quelque chose comme : "Ce n’est que le soleil " ou "Ce n’est qu’une fleur". Rien n’est banal !

Auteur: Santarini Gérard

Info: Extrait de "Croire ou savoir ? Petites graines de réflexion pour un monde meilleur", Librinova, 2019

[ émerveillement ] [ spiritualité ] [ chiasme ]

 
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Ajouté à la BD par SANTARINI

cité imaginaire

Jamais, dans mes voyages je n'avais poussé jusqu'à Adelma. C'était la tombée de la nuit lorsque j'y débarquai. Sur le quai, le marin qui saisit la corde au vol et l'enroula à la bitte ressemblait à un homme qui avait été soldat avec moi, et qui était mort. C'était l'heure du marché de gros. Un vieillard chargeait un panier d'oursins sur un chariot ; je crus le reconnaître ; quand je me retournai, il avait disparu dans une petite rue, mais j'avais compris qu'il ressemblait à un pêcheur, déjà âgé dans mon enfance, qui ne pouvait plus se trouver parmi les vivants. La vue d'un malade atteint par les  fièvres et recroquevillé par terre avec une couverture sur la tête me troubla : peu de jours avant de mourir, mon père avait les yeux jaunes et la barbe hérissée exactement comme lui. Je détournai le regard ; je n'osais plus dévisager personne.

Je pensai : "Si Adelma est une ville que je vois en rêve, où ne se rencontrent que des morts, ce rêve me fait peur. Si Adelma est une ville véritable, habitée par des vivants, il suffira de continuer à la dévisager jusqu'à ce que les ressemblances se dissolvent et qu'apparaissent des figures inconnues, mais porteuses d'angoisse. Dans un cas comme dans l'autre il est préférable que je ne persiste pas à regarder."

Une marchande de quatre-saisons pesait un chou frisé sur une balance romaine avant de le mettre dans un panier suspendu à une corde qu'une jeune fille faisait descendre d'un balcon. La jeune demoiselle était semblable à une fille de mon pays qui était folle d'amour et s'était suicidée. La marchande leva son visage : c'était ma grand mère.

Je pensai : "Il arrive un moment dans la vie où tous ceux qu'on a connus, les mort sont plus nombreux que les vivants. Et l'esprit se refuse à accepter d'autre physionomies, d'autres expressions : sur toutes les nouvelles figures qu'il rencontre il imprime les vieux dessins, pour chacun il trouve le masque qui colle le mieux."

Les débardeurs montaient des escaliers l'un derrière l'autre, ployés sous les dames-jeannes et les barils ; leurs visages étaient dissimulés par des capuches en toile de sac. "Voilà, ils les retirent et je les reconnais", pensais-je à la fois impatient et craintif. Mais je ne les quittais  pas des yeux ; pour peu que je jette un regard sur la foule qui emplissait ces ruelles, je me voyais assailli par des figures inattendues, revenant de loin, comme pour me reconnaître, comme si elles m'avaient reconnu. Peut-être que moi, pour chacun d'eux je ressemblais à quelqu'un qui était mort. A peine étais-je arrivé à Adelma et j'étais déjà un des leurs, j'étais passé de l'autre côté, confondu dans ce flot d'yeux, de rides et de grimaces. Je pensai : "Peut-être qu'Adelma est la ville où l'on arrive quand on meurt et où chacun retrouve ceux qu'il a connus. C'est signe que moi aussi je suis mort." Je pensai encore : "Et c'est signe qu'au delà, ce n'est pas le bonheur?"

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ onirique morbidité ] [ funèbres obsessions ]

 

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