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variété
Il y avait là des illustrations, semblables à des joyaux de vie florale et aviaire, et on voyait de minuscules personnages lancés, sur des montures aux formes rebondies, à la poursuite de lions ou de gazelles, ou bien agenouillés devant des saints barbus dans des grottes de montagne. J'entrevis un couple de grues effectuant une parade nuptiale sur un tertre verdoyant, avant de passer à une jeune fille conversant avec son perroquet en cage et une autre écrivant une lettre à son bien-aimé lointain, puis à l'image d'un jeune homme épiant de derrière un arbre un groupe de jouvencelles se baignant dans une rivière, vêtues mais d'une manière transparente. Ici des éléphants, un howdah doré sur le dos, transportait des nobles vers un fort crénelé au sommet d'une colline, et là de menaçants nuages bleus apparaissaient, chassant les aigrettes blanches devant eux ; une jeune bayadère dansait dans une cour entourée de murs, un prince posait, une rose à la main, un autre montrait fièrement un faucon posé sur son poignet. Des chiens de chasse traquaient un cerf dans une forêt, suivis d'un chasseur armé d'un arc et de flèches. Un grand voilier appareillait. La foudre frappait. Des lignes d'exquise calligraphie couraient le long des bords, nommant, racontant.
Auteur:
Desai Anita
Années: 1936 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: romancière indienne d'expression
Continent – Pays: Asie - Inde
Info:
L'art de l'effacement, Le musée des ultimes voyages
[
littérature
]
[
nature
]
pollution
Elle se mit brusquement à trottiner en direction d'un homme.
- Monsieur ! Vous avez oublié quelque chose ! Monsieur !
L'inconnu se retourna, hésitant, soupçonneux. Elle se baissa, ramassa l'emballage qu'il venait de jeter au sol et le lui tendit.
- Vous savez combien d'animaux meurent chaque année à cause des déchets plastique ?
Interdit, le type en âge d'être son fils secoua la tête en acceptant presque malgré lui le bout de cellophane.
- Un million cinq cent mille, continua Colette. Des poissons, des tortues, des baleines, des oiseaux et j'en passe ! Dans les océans, la plus importante zone de concentration des microparticules de nos cochonneries a atteint une taille de 3.5 millions de kilomètres carrés, soit 7 fois la France ! Votre papier, dans deux ans, si ça se trouve, il tuera un gypaète barbu ou il se retrouvera dans votre assiette. Maintenant, vous savez. Chacun de vos gestes a une conséquence. On a été dotés d'un cerveau et d'une conscience pour anticiper la portée de nos actes et en assumer les implications... Et contrairement aux concombres de mer, on a aussi des bras pour ramasser nos saletés !
Qu'il la prît pour une toquée hystérique ou qu'il fût impressionné par son autorité naturelle, l'homme déclara forfait et continua son chemin son ordure à la main.
Auteur:
Piacentini Elena
Années: 1969 -
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: auteur de polars
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Aux vents mauvais, p. 178-179
[
moralisation écologique
]
[
comportement
]
vieillard
J’ai connu un homme, un simple fermier, père de cinq fils,
A leur tour pères de fils, pères de fils à leur tour.
C’était un homme d’une vigueur, d’une beauté, d’une sérénité merveilleuses,
Le profil de son visage, le jaune pâlissant de ses cheveux, des poils de sa barbe, l’infinie profondeur de ses yeux noirs, la générosité affectueuse de son commerce
Etaient les buts de ma visite en allant le voir, et puis il avait la sagesse,
Cet homme de quatre-vingt ans, haut de six pieds, que ses fils costauds, barbus, soignés, hâlés, bien faits,
Ainsi que ses filles adoraient, d’ailleurs tout le monde l’adorait,
Ne l’adorait pas par obligeance mais d’un engagement personnel,
Il ne buvait que de l’eau, le sang pigmentait d’écarlate le cuivre clair de son teint,
Maniait fréquemment le fusil, la canne à pêche, il pilotait aussi son propre bateau, splendide voilier à lui offert en cadeau par un charpentier, et d’autres amis lui avaient fait présent de ses canardières,
Quand vous le voyiez partir chasser au milieu de ses cinq fils et sa horde de petits fils c’était sans conteste lui dont on remarquait en premier la beauté et la vigueur,
Ah quel immense plaisir de pouvoir marcher longtemps à ses côtés, de pouvoir s’asseoir dans le bateau et d’être en contact physique vous avec lui !
Auteur:
Whitman Walt
Années: 1819 - 1892
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Feuilles d'herbe", Descendance d'Adam, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002
[
portrait
]
[
admiration
]
conte
– Raconte, grand-mère, raconte !
– Et, comme je disais, il regrettait énormément de ne pas avoir d'enfants… Un jour vint vers lui un vieillard si vieux que sa barre traînait à terre et il était aussi bossu, et il était petit, tout petit…
– Petit comment ?
– Voyons, pas plus grand que toi.
– Alors n'était pas si petit que ça, pas tout à fait petit…
– Il était donc petit, mais pas si petit que ça. Et aussitôt qu'il arriva il dit : Votre Majesté a deux pommiers dans son jardin, tout près l'un de l'autre si rapprochés qu'on ne sait pas quels sont les rameaux de l'un et quels sont ceux de l'autre. Lorsqu'ils fleurissent, on ne sait pas quelles sont les fleurs de l'un et quelles sont les fleurs de l'autre. Ces deux pommiers donnent des feuilles, fleurissent, perdent leurs fleurs et ne donnent pas de pommes. Que Votre Majesté sache que lorsque ces deux pommiers auront des fruits, l'impératrice donnera naissance à un enfant tout en or.
Le nain s'en alla et l'empereur courut dans le jardin pour chercher jusqu'à les découvrir les deux pommiers. Ils avaient justement perdu leurs fleurs, de sorte que sous leurs rameaux il paraissait y avoir de la neige, mais pas un fruit n'avait été formé.
– Et pourquoi ne donnaient-ils pas de fruits grand-mère ?
– Qu'est-ce que j'en sais ? Dieu seul le sait…
Auteur:
Delavrancea Barbu
Années: 1858 - 1918
Epoque – Courant religieux: Industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain et homme politique
Continent – Pays: Europe - Roumanie
Info:
Hagi-Tudose. Nuvele și schițe
[
mystère
]
nazisme
Plus d’art. En peinture, nous voyons renaître le tableau de genre, le chromo patriotique. Les sciences découronnées de leurs meilleurs techniciens ne nous offrent plus rien. Les grands chimistes allemands, les grands médecins, surtout les psychiatres étaient israélites. On a brûlé sur les bûchers d’Hitler des ouvrages de haute érudition qui représentaient des années de travail, quelquefois toute une vie de labeur.
Certains de ces ouvrages, qui valent des millions de francs, comme celui du professeur Jedassohn, ne seront plus réédités. C’est une perte pour toute l’humanité. On a détruit l’Institut d’Hirschfeld et ses collections. On a saccagé les maisons d’édition qui imprimaient les ouvrages des auteurs juifs.
‘‘J’avais chez moi’’, m’a dit un de mes amis berlinois, ‘‘quelques livres qui m’eussent fait passer pour suspect à la moindre perquisition. Des Einstein, une traduction de Barbusse, le Michel-Ange de Romain Rolland, trois Stefan Zweig, un Freud, j’en oublie… Il fallait m’en défaire. J’en fis de petits paquets que j’allais abandonner la nuit, loin de chez moi. Je mis un mois à disperser ma pauvre bibliothèque. Je n’étais pas le seul. On trouvait souvent, dans les taillis des jardins publics, des livres "maudits", dont leur possesseur se défaisait comme d’une peste’’.
Tous les concierges sont de la police, tous les garçons de café, de restaurant, d’hôtel aussi. Et la bonne moitié des chauffeurs de taxi.
Pour remplacer les ouvrages détruits ou poursuivis par la censure, les polygraphes se sont mis au travail. On sort des romans à l’eau de rose où les bons nazis se conduisent en héros, des aventures policières où le traître est toujours un Juif quand il n’est pas un Français ou un communiste.
Un Français, fixé à Berlin, voulut me faire comprendre par analogie la situation :
- Imagine qu’en France, on n’autorise comme peintres et sculpteurs que les sociétaires des Artistes Français, comme littérateurs les Veillées des Chaumières, comme théâtre que les répertoires des patronages et comme film la Margoton du bataillon. Tu vois un peu les dégâts.
- Et avec ça, demandais-je- les Allemands sont heureux ?
- Les Allemands, d’abord, ne sont jamais heureux. Mais il peuvent être plus ou moins satisfaits. Or, c’est un fait qu'on trouve une foule de mécontents. Soixante à soixante dix pour cent de la population, peut-être… Seulement…
Mon interlocuteur suspendit un instant son effet :
- Seulement, ajouta-t-il, le plus mécontent des Allemands, le plus tiède, le moins enthousiaste, considère encore le Führer Hitler comme un fétiche, comme une mascotte, comme le porte-bonheur de son pays.
Auteur:
Scize Pierre
Années: 1894 - 1956
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: journaliste, résistant
Continent – Pays: Europe - France
Info:
1936 en Allemagne, après l'avènement d'Adolf Hitler
[
antisémitisme
]
[
possession idéologique
]
[
beaux arts
]
[
nationalisme
]
[
comparaison
]
[
dictateur
]
couple de poivrots
[...] et je me rappelle de toi bourrée sur le lit
dans cette chambre d’hôtel minable
avec personne aux côtés de qui vivre excepté moi,
quel enfer laborieux ça a dû
être, se coltiner
un jeune poivrot de dix ans ton cadet
qui faisait les cent pas en caleçon
cherchant des noises aux dieux sourds
et éclatant des verres contre les murs.
tu t’es certainement retrouvée au mauvais endroit
au mauvais moment,
ton mariage agonisant sur des carrelages
crasseux
et toi
qui te faisais tringler par un
crétin barbu terrorisé par la
vie, résigné devant l’adversité, cette
chose
qui faisait les cent pas, roulait une cigarette mouillée
avec son haleine de rat, et qui
s’arrêtait pour
ouvrir une autre bouteille de vin
bon marché.
les rivières mortes de nos vies,
des cœurs comme des pierres.
verse le sang rouge du vin.
jure, grogne, gémis, chante
dans cette chambre d’hôtel minable.
toi au réveil... "Hank ?"
"ouais... ici... qu’est-ce que tu veux
putain ?"
"bon dieu, file-moi à boire... "
le gâchis
malgré tout le courage
de se prêter au jeu.
comment on va payer le loyer en retard ?
je trouverai un boulot.
tu trouveras un boulot.
ouais, aucune chance. aucune foutue
chance
de toute façon, une quantité de vin suffisante vous évite
de penser.
je casse un grand verre de vin contre le
mur.
le téléphone sonne.
c’est encore le réceptionniste :
"M. Chinaski, je dois vous prévenir... "
"AH, VA PRÉVENIR LA CHATTE A TA MERE !"
le téléphone qui claque.
la puissance.
je suis un homme
tu m’aimes bien, tu aimes ça.
et, j’ai aussi un cerveau, je te l’ai
toujours dit.
"Hank ?"
"ouais ?"
"combien de bouteilles il nous reste ?"
"3."
"bien."
les cent pas, les yeux dans le vide, cherchant
à vivre.
le poison pleure des souvenirs lumineux.
4e étage d’un hôtel de seconde zone, les fenêtres
ouvertes sur la ville de l’enfer, le souffle précieux
des pigeons solitaires.
toi, bourrée sur le lit, moi jouant au miracle,
des bouchons de bouteilles de vin et des cendriers remplis.
c’est comme si tout le monde était mort, tout le monde est
mort avec la tête sur les épaules,
à nous de surmonter la gesticulation du
néant.
regarde-moi en caleçon et maillot de corps,
les pieds en sang bardés d’éclats de verre,
il y a toujours une issue possible avec
3 bouteilles
au garage.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, " les jours de gloire"
[
alcoolisme
]
[
engueulades
]
[
ennui
]