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maison close

Le maharadjah de Kapurthala était d'un autre style. Il avait un oeil de verre. Aussitôt arrivé, il choisissait deux ou trois filles. Les bouteilles de champagne valsaient. Puis, c'était une tradition, dès qu'il était rond, défoncé, il perdait son oeil. On me faisait appeler. Dans la chambre ou dans le salon, je trouvais mes trois femmes, fesses en l'air, en train de chercher l'oeil du prince hindou. A mon tour, je m'y mettais. La règle du jeu consistait à ne pas trouver le postiche qui, bien sûr, scintillait sur le tapis. Quand Karputhala en avait assez du spectacle, il disait:

- Je m'en vais. Si vous le trouvez, faites-le-moi porter au Ritz.

Et, il partait sans payer. Dans la matinée, je téléphonais à la réception du palace:

- Nous avons retrouvé l'oeil de son Altesse.

Invariablement, l'homme aux clés d'or me répondait:

- On ne peut pas déranger le prince qui est en prières.

Un moment plus tard, un groom arrivait au One avec l'argent de la nuit et des cadeaux pour chacune des chercheuses d'oeil.

Auteur: Jamet Fabenne

Info: One Two Two : 122, rue de Provence

[ singulière routine ] [ bordel de luxe ] [ insolite ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

empire

L’idée que le Paris impérial est un enfer de libido quotidien, un bordel de luxe, l’obscénité crépitante chaque soir rallumée dans les beaux quartiers, constitue à mon avis le meilleur résumé possible du grave et somptueux recueil des Châtiments. Le sens du vertige jaloux, de la dégoûtation fascinée, de la fureur sacrée qu’on y entend rugir. Là-bas quelque chose est constamment bafoué, profané. Des vierges sont offertes au Moloch impérial. L’or brûle et sonne au milieu des coïts échevelés des riches. [Victor] Hugo est bouleversé. Il s’intéresse tellement à cette affaire qu’il laisse en plan ses autres projets pour avouer son obsession dans le déferlement d’un pamphlet en vers.
Comme cela se passe en général avec tous les tyrans, ses adversaires prêtent à Napoléon III des possibilités génitales tout à fait déraisonnables. En même temps qu’une mollesse physique et mentale caractéristique des grands seigneurs luxurieux, ou plutôt de l’idée qu’on s’en fait. Ils dorment, quoi, ils sont toujours plus ou moins entre deux nirvanas… Apathiques, comme aurait dit Sade. Des héros capables de jouissances pareilles, il vaudrait mieux les supprimer avec leurs pouvoirs mystérieux, leurs organes bénis des fées… Leur membre viril magique, en quelque sorte. L’Abracadabra qu’ils ont sous le pantalon. Leur mandragore virile en érection… Ils font du tort au genre humain. On ne peut vraiment pas les laisser en circulation, ils pourrissent le marché. Rien qu’à y penser, on sent l’éjaculation précoce qui revient et qui menace une fois de plus comme d’habitude… Enfin bref, quel qu’ait été Napoléon III lui-même (je n’ai nullement à me préoccuper de lui ici, ce sont les discours que sa présence suscite qui m’intéressent), il y a une subversion violente qui dérive de lui, un danger de perversion intense qui émane de sa personne et qui est ressenti par des gens comme Hugo comme une sorte de menace, une sorte de coup d’Etat sexuel permanent qui mérite les punitions les plus graves.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", page 426

[ projections ] [ fantasmes ] [ amplification ] [ Paname ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson