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enfance

Nous jouions à chat dans un terrain vague, derrière le magasin du village. Nous étions une bande de gosses.

Celui que le sort avait désigné se tournait vers la porte et comptait tout haut jusqu'à cent. Pendant ce temps, on devait tous aller se cacher.

Les gamins au visage hâlé, à la bouche édentée, aux épaules anguleuses se dispersaient dans les dédales du nouveau chantier voisin, de la hauteur d'un étage, qui sentait la poussière de brique et l'urine dans les coins sombres. L'un se trahissait en éternuant dans les broussailles épaisses. D'autres s'écorchaient les flancs en se glissant dans les trous de la palissade qui séparait l'école du terrain vague. On grimpait aussi dans les arbres, puis on redescendait des branches, et c'était la course pour arriver le premier à la porte du magasin et toucher le carré qu'on y avait dessiné avec un bout de brique, en criant : Chat !

Parce que, si on ne disait pas le mot, on était bon pour s'y coller soi-même.

J'étais le plus petit, et personne ne me cherchait particulièrement.

Ça ne m'empêchait pas de me cacher soigneusement et de rester sans bouger, à écouter le rire de ces garçons qui avaient déjà de grosses dents, en enviant secrètement leur effronterie, leurs jambes rapides et leurs gros mots. Leurs gros mots à eux étaient faits avec d'autres lettres que les miens : quand ils disaient des obscénités, chaque mot résonnait et bondissait comme un petit ballon gonflé de mauvaises choses.

Auteur: Prilepine Zakhar

Info: Le péché

[ cache-cache ] [ hiérarchie ] [ jurons ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

théologien protestant

[...] rien ne permet d’affirmer que Luther fut un moderniste avant la lettre, car il ne fut nullement mondain et ne cherchait à plaire à personne, ses innovations furent certes des plus audacieuses, [...] mais elles furent chrétiennes et rien d’autre ; elles ne devaient rien à aucune philosophie ni à aucun scientisme. Il refusait Rome, non parce qu’elle était trop spirituelle, mais au contraire parce qu’elle lui paraissait trop mondaine ; trop "selon la chair" et non "selon l’esprit", selon son optique particulière.

Le mystique de Wittenberg fut un Germain sémitisé par le Christianisme ; et il fut représentatif sous les deux rapports : foncièrement germain, il aimait ce qui est sincère et intérieur, non habile ni formalise ; sémite d’esprit, il n’admettait que la Révélation et la foi et ne voulait entendre parler ni d’Aristote ni des scolastiques. D’une part, il y avait dans sa nature quelque chose de robuste et de puissant (gewaltig), avec un complément de poésie et de douceur (Innigkeit) ; d’autre part, il fut un volontariste et un individualiste qui n’attendait rien ni de l’intellectualité ni de la métaphysique. [...]

Le message de Luther s’exprime substantiellement dans deux legs, qui témoignent de la personnalité de l’auteur et auxquels il est impossible de dénier la grandeur et l’efficacité : la Bible allemande et les cantiques. Sa traduction de l’Écriture, bien que conditionnée en quelques endroits par sa perspective doctrinale, est un joyau à la fois de langage et de piété ; pour ce qui est des cantiques, [...] [ils] sont devenus un élément fondamental du culte, et ils ont été pour l’Évangélisme un facteur puissant d’expansion.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Christianisme/Islam", éditions Archè Milano, 1981, pages 46-47

[ portrait psychologique ] [ réforme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

culture

L'étude des textes ne peut jamais être assez recommandée ; c'est le chemin le plus court, le plus sûr et le plus agréable pour tout genre d'érudition ; ayez les choses de première main ; puisez à la source ; maniez, remaniez le texte ; apprenez-le de mémoire ; citez-le dans les occasions ; songez surtout à en pénétrer le sens dans toute son étendue et dans ses circonstances ; conciliez un auteur original, ajustez ses principes, tirez vous-même les conclusions ; les premiers commentateurs se sont trouvés dans le cas où je désire que vous soyez : n'empruntez leurs lumières, et ne suivez leurs vues, qu'où les vôtres seraient trop courtes ; leurs explications ne sont pas à vous, et peuvent aisément vous échapper ; vos observations au contraire naissent de votre esprit et y demeurent, vous les retrouverez plus ordinairement dans la conversation, dans la consultation et dans la dispute. Ayez le plaisir de voir que vous n'êtes arrêté dans la lecture que par les difficultés qui sont invincibles, où les commentateurs et les scoliastes eux-mêmes demeurent courts, si fertiles d'ailleurs, si abondants et si chargés d'une vaine et fastueuse érudition dans les endroits clairs, et qui ne font de peine ni à eux ni aux autres. Achevez ainsi de vous convaincre par cette méthode d'étudier, que c'est la paresse des hommes qui a encouragé le pédantisme à grossir plutôt qu'à enrichir les bibliothèques, à faire périr le texte sous le poids des commentaires ; et qu'elle a en cela agi contre soi-même et contre ses plus chers intérêts, en multipliant les lectures, les recherches et le travail qu'elle cherchait à éviter.

Auteur: La Bruyère Jean de

Info: Les Caractères/Oeuvres/la Pléiade/Gallimard 1951, p.430 XV, 72

[ curiosité ] [ littérature ]

 

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société

LA LOYAUTÉ, JE SAIS, C'ÉTAIT IL Y A LONGTEMPS, MAIS VOUS EN SOUVENEZ-VOUS ?
L'article de Der Spiegel révélant l'espionnage à grande échelle par les États-Unis des organes de décision des puissances européennes, leurs alliés les plus proches et les plus fidèles, rappelle étrangement l'attitude qui avait été celle de la banque d'investissement Goldman Sachs en 2008, tirant parti de la confiance que lui accordaient ses meilleurs clients pour leur vendre les produits financiers les plus avariés dont elle cherchait à se débarrasser.
La parole donnée, et la parole respectée, l'identification d'une personne - ou en l'occurrence, d'une nation - à ses engagements, la loyauté vis-à-vis de ses amis, et dans la mesure du possible vis-à-vis de chacun, sont indispensables à la vie en société : sans elles, c'est bien simple : le tissu social s'effrite, puis s'effondre sans espoir de retour.
Il est bien tard sans doute, mais il existe encore une chance ténue de restaurer la confiance trahie : interrompre immédiatement les pratiques condamnables, punir les responsables, et présenter des excuses sincères.
Lorsque Bradley Manning révéla le contenu des câbles du Département d'État expliquant aux diplomates américains que l'espionnage de la nation hôte faisait désormais partie de leurs attributions et de leurs devoirs, la traduction du soldat devant une cour martiale était loin de constituer la réponse appropriée. S'époumoner avec une véhémence allant toujours crescendo contre la traîtrise supposée du lanceur d'alerte Edward Snowden, constituerait une fois de plus une réponse parfaitement inappropriée et ferait, cette fois, désespérer de la capacité-même de cette nation à s'amender. Les pays européens trahis dans leur confiance devraient en tirer toutes les conséquences. Les justifications avancées seraient bien entendu qu'il existe des ennemis pires encore que de tels amis, mais la capacité-même à vivre en société, dont la parole donnée et la loyauté sont les piliers, constitue le dernier bastion : celui qui ne peut à aucun prix tomber.

Auteur: Jorion Paul

Info: 29 Juin 2013

[ guerre ] [ égoïsme ]

 

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couple

Hedwige se blottit contre lui par honte d'être regardée de loin, afin qu'il ne remarque pas, de face, sa taille qui disparaît ou, de profil, son ventre convexe. Mais en la serrant contre lui, il devine ce que son regard n'aurait pas aperçu, il ferme les yeux et dit : 

- Cela commence à se voir, et sérieusement.

- Tant pis, répond Hedwige, prise par la fierté d'être belle et l'orgueil d'être mère.

- Tant mieux.

Hedwige clôt ses paupières, heureuse de sentir ses deux enfants l'un contre l'autre, car Pierre qui lui apparaissait si fort, si Zeus, si foudroyant dans les premiers temps, la vie commune en a fait son enfant.  "C'est un drôle de garçon" dit-elle avec attendrissement, presque avec compassion, le côté incompréhensible de leur compagnon, pour leur mystérieuse manie, car ils en ont tous une, que ce soit le jardinage, le devoir civique, la guérison des maladies, la guerre ou toute autre mission qu'ils croient avoir reçue ; comme ces vieux colonels en retraite qui, pour se donner l'illusion de l'activité, se portent à leur adresse des ordres de mobilisation imaginaires. Chaque mâle se construit ainsi une étrange architecture dont il fait hommage à un dieu, à un demi-dieu, à une folie. Tout autel, si bizarre soit-il, leur est bon pour se mettre l'âme en mouvement et se donner une raison de vivre. Hedwige ne cherchait pas à pénétrer les mobiles de Pierre ; c'était un homme : cette explication suffisait. Le rythme ardent de son mari, cette invariable manie de varier, ce besoin de prendre non une vue des choses mais une même chose sous tous les aspects en sautillant d'un point cardinal à un autre, comme nos paysagistes contemporains qui suivent le soleil en auto avec leurs toiles, cette avidité de tout regarder et de ne rien contempler, de tout faire et de ne rien parfaire, de courir d'occasion en circonstances et de conjoncture en occurrence, tout cela était fatigant, certes et inutile, mais c'était le revers de la médaille d'un époux à tout prendre gentil, tendre, exquis parfois, quoique dénué d'empire sur soi-même.

Auteur: Morand Paul

Info: l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.218, 219)

[ famille ] [ délicatesse ] [ maternité ] [ spécificité masculine ] [ beauté ]

 

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exploiteurs

Objet : non candidature au poste de stagiaire rédacteur Web

Madame, Monsieur,

Dans votre "offre" d'emploi vous précisez rechercher quelqu'un doué de grandes capacités rédactionnelles. Il faut en effet disposer de telles compétences, doublées d'une certaines malhonnêteté intellectuelle pour être capable de rédiger une lettre qui vous fasse croire à une quelconque motivation à occuper le poste indigent que vous proposez. Vous cherchez quelqu'un de diplômé mais qui accepte d'être pris en stage. Quelqu'un qui ait déjà plusieurs années d'expérience mais qui considère que ce qu'il pourra apprendre auprès de vous fera office de rémunération. Vous cherchez, en somme, la perle rare, qui est d'autant plus rare qu'elle n'a pas conscience de sa valeur. Vous cherchez quelqu'un qui puisse vivre avec 554 euros par mois. Quelqu'un qui ne soit pas préoccupé par de basses conditions matérielle comme se loger ou se nourrir. Il vous faut donc un pur esprit, qui tende vers l'ascèse et le dépassement par le labeur, avec pour seul but le sentiment de satisfaction que procure le travail bien fait. Je suis au regret de vous annoncer qu'un tel être n'existe pas. De deux choses l'une : ou bien il existe de purs esprit qui n'ont que faire des contingences matérielles et alors ils n'ont aucun intérêt à accomplir les tâches fastidieuses que vous souhaitez leur confier. Ou bien les être ont un corps et des besoins élémentaires, et il leur est impossible de faire coïncider la satisfaction de ces besoins avec les conditions de travail que vous proposez. Vous promettez une opportunité , vous parlez de votre équipe de rédaction comme d'une "famille". Quelle famille souhaiterait voir un de ses membres réduit à feindre d'embrasser une situation qui l'humilie ? Vous précisez rechercher quelqu'un qui ait l'esprit d'initiative et qui soit autonome. Vous ne m'en voudrez donc pas de prendre la liberté de vous adresser cette lettre de démotivation. Conformément à vos attentes je suis jeune, dynamique et motivée. Assez jeune pour oser dire non. Assez dynamique pour prendre le temps de vous écrire cette lettre en pure perte et assez motivée pour espérer pouvoir m'insérer dans la vie active de façon décente.
Je reste bien évidemment à votre entière disposition pour tout éclaircissement supplémentaire que vous estimeriez nécessaire.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations respectueuses.

Auteur: Toulet Pauline

Info: Ce mot était destiné au groupe LVMH, qui cherchait un rédacteur web titulaire d'un master, ayant 5 ans d'expérience et.... acceptant d'être rémunéré 3,60 euros de l'heure.

[ humour ] [ recherche d'emploi ] [ riposte ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

émoi

Plus tard, je suis resté un moment à contempler attentivement l'agitation de la foule. C'était une des ces journées où tout le monde est pressé, transpirait, se bousculait. Les changeurs se mêlaient au vendeuses de nourriture qui ravivaient avec une certaine impatience le feu de leur braseros avec un éventail de paille. Par moment la circulation bouchonnait ; à d'autres les autos passaient comme des bolides. C'est alors qu'à quelques mètres, j'ai été témoin d'une émotion extraordinaire. Très peu de personnes ont remarqué l'incident.
Une femme âgée, assise dans un fauteuil roulant, avançait sur le trottoir. Un garçon d'environ dix ans, son fils, poussait le fauteuil. Et tout à coup, en passant sur un nid-de-poule, une des roues s'est déboîtée et est allée en roulant heurter les pieds d'un homme. Inquiet parce que sa mère semblait sur le point de tomber par terre, l'enfant a demandé de l'aide. Il n'a pas du tout fait attention à qui il s'adressait. C'était à un fou crasseux qui, à ce moment-là, très contrarié, cherchait quelque chose d'imaginaire qui bougeait en l'air. L'interruption de l'enfant l'a déconcerté et pendant quelques secondes il s'est gratté la nuque. Quand la mère s'est rendu compte de la situation il était trop tard : le fou avait ramassé la roue et s'efforçait de la remettre en place. Ce qu'il a fait avec une habilité et une rapidité surprenantes, s'assurant que les vis étaient bien serrées. L'enfant a attendu en silence qu'il ait terminé son travail et puis, le regardant en face, lui a dit :
- Merci beaucoup, monsieur.
La mère en a fait autant, bien que son remerciement ait été un peu évasif, et mère et fils sont vite repartis. Le fou est resté perplexe un instant. Quand il s'est retourné, j'ai vu qu'il avait les joue ravagées de larmes. Son visage, sale et inexpressif, offrait un spectacle désolant. Qu'est-ce qui l'avait ému à ce point ? Le fait de se sentir utile ? Ou peut-être de s'être senti encore traité comme une personne ? Depuis combien de temps ne l'avait-on pas appeler monsieur ou ne lui avait-on pas dit merci ?
Je deviens peut-être sentimental. Je ne sais pas. Mais ces choses-là arrivent avec le travail. Ça fait partie de la rue, et il n'y a pas moyen de les éviter. On pense que cela nous apprend quelque chose, nous donne l'occasion d'être plus ouverts au monde. De la merde, oui ! Ceux qui savent de quoi je parle n'ignorent pas que le premier coin de rue donne aussi d'autres leçons plus frappantes.

Auteur: Ampuero Fernando

Info: Caramel vert

[ réalisme ] [ littérature ]

 

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cité imaginaire

A Eudoxia, qui s'étend de haut en bas, avec des ruelles sinueuses, des escaliers, des impasses, des taudis, un tapis est conservé sur lequel on peut contempler la véritable forme de la ville. À première vue, rien ne semble moins ressembler à Eudoxia que le dessin du tapis, ordonné en figures symétriques qui répètent leurs motifs le long de lignes droites et circulaires, tissées avec des aiguilles de couleurs vives, dont on peut suivre l'alternance des trames tout au long de la chaîne. Mais si vous vous arrêtez pour le regarder attentivement, vous vous persuadez qu'à chaque détail du tapis correspond une place dans la ville, et que toutes les choses contenues dans la ville sont incluses dans le dessin, disposées selon leurs véritables relations, qui échappent à votre œil distrait par l'agitation du fourmillement de la cohue. Toute la confusion d'Eudoxia, le braiement des mules, les taches de noir de fumée, l'odeur du poisson, c'est ce qui apparaît dans la perspective partielle que vous saisissez ; mais le tapis prouve qu'il existe un point à partir duquel la ville montre ses véritables proportions, le modèle géométrique impliqué dans chacun de ses plus petits détails.

Il est facile de se perdre dans Eudoxia : mais si l'on se concentre pour regarder le tapis, on reconnaît le chemin que l'on cherchait dans un fil cramoisi, indigo ou amarante qui, par un long virage, nous conduit dans une enceinte violette qui est notre véritable point d'arrivée. Chaque habitant d'Eudoxia compare à l'ordre immobile du tapis sa propre image de la ville, sa propre angoisse, et chacun peut trouver caché parmi les arabesques une réponse, l'histoire de sa vie, les tournants du destin.

Un oracle a été interrogé sur la relation mystérieuse entre deux objets aussi différents que le tapis et la ville. L'un des deux objets, - fut la réponse, - a la forme que les dieux ont donnée au ciel étoilé et aux orbites sur lesquelles tournent les mondes ; l'autre en est un reflet approximatif, comme toute œuvre humaine.

Les augures étaient depuis longtemps certains que le dessin harmonieux du tapis était d'origine divine ; c'est dans ce sens que l'oracle a été interprété, sans donner lieu à controverse. Mais de la même manière, on peut tirer la conclusion inverse : que la véritable carte de l'univers est la ville d'Eudoxia telle qu'elle est, une tache qui s'étend sans forme, avec des rues toutes en zigzag, des maisons qui s'effondrent les unes sur les autres dans la poussière, des incendies, des cris dans le noir.

Auteur: Calvino Italo

Info:

[ fractale ] [ reflet solipsiste ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

décryptage

Revenons maintenant au petit miracle dont nous parlent Dolto et Lacan.

J'ai finalement trouvé un autre témoignage de l'éclair de compréhension, cette fois chez un adulte, qui nous apporte lui aussi quelques clés pour comprendre ce qui peut bien se passer en nous au moment où nous apprenons à lire.

Il s'agit du déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion. Nous sommes au XVIIIe siècle, tous les savants européens sont alors à la recherche de la clé qui permettrait non plus de continuer à déchiffrer hiéroglyphe par hiéroglyphe ce qui est gravé ou peint sur les pyramides, mais de sortir du B-A-BA hiéroglyphique pour passer à une véritable lecture.

Tous ces savants ont beaucoup avancé. A Londres, à Berlin, à Munich, à Paris, à Rome, on sait déjà beaucoup de choses sur l'écriture et la culture égyptiennes.

Mais ce milieu reste prisonnier d'une conception qui veut que les hiéroglyphes soient des images. C'est précisément cette conception du hiéroglyphe comme image qui bloque l'avancée. Certains ont émis l'hypothèse que peut-être ces images pouvaient de temps en temps être autre chose que des images, mais quoi ? (...)

Depuis son enfance, Champollion est passionné par l'Egypte ancienne.

C'est un jeune homme assez bizarre, incapable de suivre un cursus scolaire et qui a des évanouissements à répétition. (...) En étudiant un cartouche sur lequel bien des savants se sont déjà penchés, Champollion a une idée concernant le sens d'un hiéroglyphe qui se trouve au milieu du cartouche. Il s'agit d'un rond, qui signifie "ra" et tout le monde pense qu'il désigne le dieu Ra. Et puis il y a un signe qui se lit "ms", et une espèce de trident. Personne ne sait lire ce cartouche (...)

Et voilà que le jeune Champollion, tout à coup, comprend que "ra" pourrait aussi représenter le son "ra", et pas seulement le dieu du Soleil.

"Ra" est une syllabe. En appliquant le même raisonnement aux deux autres syllabes, il peut lire le nom qui est inscrit dans le cartouche : "Ramsès".

En un éclair, comme dans la description de Françoise Dolto, il a trouvé la clé que tout le monde cherchait. (...) Puis il commence à déchiffrer, comme un fou, les hiéroglyphes.

(...) il n'est pas sans importance de rappeler qu'avant même de maîtriser le sens de ce qu'il lisait là, Champollion s'était révélé capable de lire la langue égyptienne quel que soit le mode graphique sous lequel elle se présentait. (...)

Loin de moi pourtant l'idée qu'il ne faille exercer aucune contrainte.  Mais il faut s'entendre. Pour revenir à l'exemple de Champollion, pourquoi est-ce lui qui trouve, et pourquoi pas les autres ?

Certes, il a du génie et il a une passion. 

Mais il y a aussi que dès son plus jeune âge, il a appris l'hébreu, il a appris l'araméen, il a appris l'assyrien, il a appris le chaldéen, le grec, le latin... 

Il sait déchiffrer un texte dans plusieurs écritures, comme pour la pierre de Rosette, et il est un savant bibliste. Tout cela, il a bien fallu l'acquérir. 

Tout ne peut pas être mis au compte du seul génie.

Auteur: Winter Jean-Pierre

Info: Transmettre (ou pas)

[ historique ] [ décodage ] [ déclic ] [ signes figuratifs ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

conversation

- Comment, ne croyez-vous donc pas en Dieu ?

- Au contraire, je n’ai rien contre Dieu. Bien sûr, Dieu n’est qu’une hypothèse... mais... je reconnais qu’il est nécessaire à l’ordre... à l’ordre universel, et ainsi de suite... et s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer, ajouta Kolia qui commençait à rougir. Il s’imagina soudain qu’Aliocha allait penser qu’il cherchait à étaler son savoir et à montrer qu’il était un "grand". "Mais je ne veux pas du tout étaler mon savoir devant lui", songea-t-il avec indignation. Et tout à coup il se sentit terriblement vexé.

- J’avoue que je déteste me lancer dans toutes ces controverses, trancha-t-il, on peut bien aimer l’humanité sans croire en Dieu, qu’en pensez-vous ? Voltaire, lui, ne croyait-il pas en Dieu, et pourtant il aimait l’humanité ? (Encore, encore ! pensa-t-il.)

- Voltaire croyait en Dieu, mais mal, je crois, et je crois qu’il aimait mal l’humanité, répondit doucement Aliocha d’un ton réservé et absolument naturel, comme s’il parlait à un égal par l’âge ou même à quelqu’un de plus âgé que lui. Ce qui frappa Kolia, ce fut précisément ce manque d’assurance d’Aliocha quant à son opinion sur Voltaire et qu’il lui laissât, eût-on dit, à lui, le petit Kolia, le soin de trancher la question.

- Avez-vous donc lu Voltaire ? conclut Aliocha.

- Non, pas précisément... Quoique j’aie lu Candide dans la traduction russe... dans une vieille traduction, vilaine, ridicule... (Encore, encore !)

- Et vous avez compris ?

- Oh oui, tout... c’est-à-dire... pourquoi croyez-vous donc que je n’aie pas tout compris ? Il y a naturellement beaucoup de grivoiseries... Je suis, bien sûr, capable de comprendre que c’est un roman philosophique et qu’il a été écrit pour illustrer une thèse... Kolia s’embrouilla cette fois définitivement. Je suis socialiste, Karamazov, je suis un incorrigible socialiste, dit-il en coupant court, sans rime ni raison.

- Socialiste ? Aliocha se mit à rire. Mais quand donc en avez-vous eu le temps ? Vous n’avez encore que treize ans, je crois.

Kolia eut un haut-le-corps.

- Premièrement, pas treize, mais quatorze dans quinze jours, répondit-il en s’empourprant, et deuxièmement, je ne comprends absolument pas ce que mon âge vient faire là-dedans. Ce qui importe, ce sont mes convictions et non pas l’âge que j’ai, n’est-ce pas vrai ?

- Quand vous serez plus grand, vous verrez vous-même quelle importance l’âge a pour les convictions. Il m’a semblé, aussi, que ce que vous dites n’est pas de vous, répondit Aliocha modestement et avec calme, mais Kolia l’interrompit avec feu.

- Voyons, vous cherchez l’obéissance et le mysticisme. Convenez que la religion chrétienne, par exemple, n’a servi qu’à permettre aux riches et aux grands de ce monde de maintenir les classes inférieures dans l’asservissement, n’est-ce pas ?

- Ah, je sais où vous avez lu cela, et quelqu’un a sûrement dû vous endoctriner ! s’exclama Aliocha.

- Je vous en prie, pourquoi donc l’aurais-je nécessairement lu ? Et absolument personne ne m’a endoctriné. Je suis aussi capable moi-même... Et, si vous voulez, je ne suis pas contre le Christ. C’était une personnalité parfaitement humaine, et s’il vivait de nos jours, il se joindrait résolument aux révolutionnaires et jouerait peut-être un rôle en vue... C’est même sûr.

- Où, mais où avez-vous pêché tout cela ? Quel est l’imbécile avec qui vous frayez ? s’exclama Aliocha. 

[...]

- Dites, Karamazov, vous me méprisez énormément ? trancha tout à coup Kolia, et il se redressa de toute sa taille devant Aliocha comme pour se mettre en garde. Ayez l’obligeance de parler sans détour.

- Je vous méprise ? fit Aliocha en le regardant avec surprise. Mais pourquoi donc ? Cela me fait seulement de la peine de voir qu’une aussi charmante nature que la vôtre et qui n’a pas encore commencé à vivre est déjà faussée par toutes ces grossières sornettes.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", volume 2, traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 290 à 293

[ représentant socratique ] [ déstabilisation ] [ possession par l'idéologie ] [ exemplarité ] [ enseignement ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson