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colonialisme

(…) ce qui a ruiné ce pays, c’est l’efficacité – le culte de l’efficacité des Britanniques. Les premiers colons n’étaient ni intelligents, ni princiers. Ce n’étaient pas des rois. L’empire était une mascarade. C’était des colonisateurs, et pour cela, la force brute suffit, pas de quoi se vanter quand on l’a. Le pouvoir n’est qu’un accident qui dépend de la faiblesse des autres. Ils ont fait main basse sur tout ce qu’ils pouvaient par simple plaisir. Du vol avec violence, du meurtre prémédité à grande échelle, et ces sales bazungu qui s’y livraient à l’aveugle – des hommes s’attaquant à d’autres hommes dans les ténèbres. La conquête de l’Afrique, qui consistait à la voler à des gens qui avaient le tient plus foncé et le nez plus plat, est immonde, man. Et pire encore, c’est l’idée qu'il y avait derrière, non pas la curiosité ou l’amour, mais juste la foi en une idée – quelque chose qu’ils ont exalté, devant lequel ils se sont inclinés, auquel ils nous ont sacrifiés...


Auteur: Namwali Serpell

Info: Mustiks : Une odyssée en Zambie

[ complexe de supériorité ]

 

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prédateurs

Il dévoilait les motivations et les buts des entrepreneurs, des marchands et des fonctionnaires coloniaux : - Elle [la mère Patrie] prétend en toute hypocrisie, de manière à tromper quelques naïfs, "porter la civilisation" ou même propager les "grands principes" chez les peuples lointains, mais le but incontestable, sous le couvert des formules les plus honorables, n'est autre que de voler et de piller : le colonial n'a d'autre objectif que de prendre, soit des trésors, soit des terres et les hommes qui les peuplent, soit le pouvoir et des titres à l'avancement. L’œuvre dans son ensemble est mauvaise et les agents qu'on emploie pour l'accomplir conviennent d'autant mieux à l’œuvre projetée qu'ils sont mauvais eux-mêmes. Accompagnant ces fonctionnaires civilisateurs, viennent les marchands qui reçoivent pour mission spéciale des créer des besoins aux indigènes naguère accoutumés à une vie des plus simples. Les efforts des colonisateurs prétendus se combinent pour faire naître de nouvelles demandes, notamment celle de l'eau-de-vie […] Bien pire encore est le sort du travailleur "libre" ! Sa tâche est fixée et, s'il ne la remplit pas, s'il n'apporte pas l'ivoire, ou le caoutchouc, ou la gomme copal, ou le sac de mil que l'on attend de lui, gare au fouet, au bâton, même au couteau.

Auteur: Vincent Jean-Didier

Info: Elisée Reclus : Géographe, anarchiste, écologiste

[ dominateurs capitalistes ] [ nord-sud ]

 

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double existence

Ce récit et la magie d'Internet permettent de nous familiariser avec quelques vies singulières. Celles de l'espagnol Francisco del Puerto au XVIe siècle en Uruguay. De James Morill (1824 - 1865) dans le queensland australien et celle, mieux documentée, du français Narcisse Pelletier en Australie vers 1890. Ces deux derniers, adolescents, furent sauvés ou épargné, avant d'être adoptés et intégrés durant un grand nombre d'année par deux tribus locales anthropophages avant de réintégrer la civilisation. Chacune de ces histoires mériterait de longs récits, par exemple pour conter comment Narcisse Pelletier fut récupéré de force et amené dans un poste militaire de l'extrême nord-est Australien (d'où il tenta de s'échapper) parce que la présence d'un blanc dans une tribu sauvage était insupportable à la représentation hiérarchique d'alors, celle des colonisateurs omniscients - nous. Ou comment ce même Pelletier termina sa vie comme gardien de phare, avec la houle, le fil de l'horizon et les embruns comme musique d'accompagnement à ses aller-et-retour mentaux... méditations insensées sur sa double vie. " Mourir de ne pas pouvoir penser à la fois ces deux mondes. Mourir de ne pas pouvoir être en même temps blanc et sauvage", selon la formule de François Garde dans le récit romancé qu'il a fait de la vie du vendéen.

Auteur: Mg

Info: avril 2014, à propos du livre, Ce qu'il advint du sauvage blanc

[ colonialisme ] [ aborigène ]

 

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regard de colonisateur

J’emprunte le terme de "participation mystique" au sens défini plus haut aux travaux de Lévy-Bruhl. Cette idée a récemment été rejetée par les ethnologues, en partie pour la raison que les primitifs sauraient très bien faire la distinction entre les choses. Ceci est incontestable, mais l’on ne doit pas non plus nier que des choses incommensurables peuvent avoir chez eux le même tertium comparationis incommensurable. On songera simplement à l’application omniprésente du "mana", au thème du loup-garou, etc. En outre "l’identité inconsciente" représente un phénomène psychique avec lequel le psychothérapeute est confronté journellement. Certains ethnologues rejettent également le concept d’ "état prélogique" qui est étroitement lié à celui de "participation mystique". En fait l’expression n’est pas des plus heureuses, car le primitif pense, à sa manière, d’une façon qui est aussi logique que la nôtre. Lévy-Bruhl le savait, ainsi que j’ai pu m’en convaincre au cours d’un entretien personnel. Ce qu’il entendait par "prélogique", c’était seulement les présuppositions des primitifs en contradiction avec notre logique rationaliste. Ces présuppositions sont toutefois extrêmement étranges et méritent, sinon l’épithète de "prélogique", du moins celle d’ "irrationnelle". Dans son Journal posthume, Lévy-Bruhl a, de façon assez étonnante, rejeté ces deux notions. Le fait est d’autant plus surprenant qu’avec des idées, il se mouvait sur un terrain tout à fait solide du point de vue psychologique.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans "Mysterium conjunctionis", tome 1, page 307

[ terminologie ] [ justification ] [ vue bornée ] [ archétypes ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

oppression

Entre colonisateur et colonisé, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. [...] J'entends la tempête. On me parle de progrès, de "réalisations", de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d'eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d'elles-mêmes, des cultures piétinées, d'institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d'extraordinaires possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d'hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l'heure où j'écris, sont en train de creuser à la main le port d'Abidjan. Je parle de millions d'hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d'hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme. On m'en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d'hectares d'oliviers ou de vignes plantés. Moi, je parle d'économies naturelles, d'économies harmonieuses et viables, d'économies à la mesure de l'homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières.

Auteur: Césaire Aimé

Info: Discours sur le colonialisme

[ colonialisme ]

 

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asservissement

Nous estimons que la dette s’analyse d’abord de par son origine. Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont prêté de l’argent, ce sont eux qui nous ont colonisés. Ce sont les mêmes qui géraient nos économies. Ce sont les colonisateurs qui endettaient l’Afrique auprès des bailleurs de fond, leurs frères et cousins. Nous sommes étrangers à la dette. Nous ne pouvons donc pas la payer.

La dette c’est encore le néo-colonialisme ou les colonialistes qui se sont transformés en "assistants techniques". En fait, nous devrions dire en assassins techniques. Et ce sont eux qui nous ont proposé des sources de financement, des "bailleurs de fonds". Un terme que l’on emploie chaque jour comme s’il y avait des hommes dont le "bâillement" suffirait à créer le développement chez d’autres. Ces bailleurs de fonds nous ont été conseillés, recommandés. On nous a présenté des dossiers et des montages financiers alléchants. Nous nous sommes endettés pour cinquante ans, soixante ans et même plus. C’est-à-dire que l’on nous a amenés à compromettre nos peuples pendant cinquante ans et plus.

La dette sous sa forme actuelle est une reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes, qui nous sont totalement étrangers. Faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez nous avec l’obligation de rembourser.

Auteur: Sankara Thomas

Info: Anthologie des discours de T. S., 29 juillet 1987, pp. 166-167

[ mammon impérialiste ] [ machiavéliques créanciers ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

psycho-sociologie

Pour devenir un être civilisé, l’individu intériorise de nombreuses contraintes sous l’effet de l’éducation, des règles morales, de l’exclusion possible du groupe, des lois et des sanctions. Le problème, c’est que ces contraintes intérieures peuvent mettre tellement la pression sur l’individu qu’elles dégénèrent. Angoisses, mélancolie, fatigue, hystérie, manies, dépressions, troubles de la personnalité, TOC… : tels sont les maux de l’esprit qui se contraint trop. D’un côté, cela permet des sociétés moins violentes, pacifiées en apparence, puisque les individus s’autocontrôlent ; la mauvaise nouvelle, c’est que la pression intérieure peut prendre des proportions invivables. Être civilisé, cela se paie en termes de souffrances psychiques. Et plus on se civilise, plus ces souffrances deviennent incontrôlables et dévastatrices. Le docteur Jekyll et son mister Hyde sont un archétype des effets de la société victorienne sur le moi d’un individu parfaitement civilisé. En tant que docteur, Jekyll fait partie de la bonne société et toute son éducation l’a conduit à réprimer son animalité ; sauf que celle-ci refait surface sous la forme d’une bête immonde qui finit par prendre possession de lui. C’est ce qu’on appelle la dé-civilisation subjective. Et les élites sont les premières touchées, puisqu’elles sont les plus éduquées. D’ailleurs, on ne peut pas comprendre leur mépris envers les couches inférieures de la société si on ne prend pas la mesure des efforts psychiques considérables auxquels elles doivent consentir pour apprendre ne serait-ce que es bonnes manières. Ce qui n’est pas le cas des “rustres”. D’où une haine d’autant plus féroce qu’elle se double d’une jalousie et d’une nostalgie. Le colonisateur qui, au nom de la civilisation, s’acharne sur les populations indigènes ne fait qu’appliquer aux autres ce qu’il s’applique psychiquement à lui-même.

Auteur: Bouillier Grégoire

Info: Le coeur ne cède pas

[ surmoi ] [ nantis déshumanisés ]

 
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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

colonialisme

Emmanuel Macron ne se rendra pas à Kigali le 7 avril pour commémorer le génocide rwandais.

Le 7 avril, les Rwandais commémoreront le génocide des Tutsis (et le massacre des Hutus pacifistes). Près d’un million de morts en trois mois, entre avril et juin 1994. Dans les premiers jours, le massacre atteignait dix mille morts toutes les 20 minutes. Emmanuel Macron a fait savoir qu’il ne se rendrait pas à Kigali. On croyait avoir décelé ces derniers mois des signes de réchauffement diplomatique entre nos deux pays. Las. Ni le chef du gouvernement, ni le ministre des Affaires étrangères, ni même un secrétaire d’État n’iront. De la façon la plus maladroite qui soit, l’Élysée annonce être représenté par… un député… originaire du Rwanda. Double faute.

Mais l’essentiel réside sans doute ailleurs. Le pouvoir français continue en effet, en notre nom, de cultiver le déni de sa responsabilité dans l’un des plus grands génocides de l’histoire. On peut discuter longtemps de savoir si elle est directe ou non, et ce bien que les preuves s’accumulent, que les documents d’archives sont exhumés ou encore que des témoins – y compris des militaires français – rompent l’omerta. Mais responsabilité il y a : l’armée et des instructeurs français ont armé et formé le pouvoir génocidaire. Avant, pendant et après. Certes, les Français n’ont pas transmis les techniques de mort à la machette. Mais les services et les responsables politiques français savaient qu’un génocide se préparait. Ni en amont ni quand il s’est déclenché, le pouvoir français ne s’est donné véritablement les moyens de l’empêcher puis de l’arrêter, quoi qu’en disent les défenseurs de l’opération Turquoise.

Il est un autre aspect de ce génocide mis sous le tapis : celui qui a présidé à sa construction mentale, à sa justification raciste. Hutus et Tutsis n’ont en réalité aucune différence : même langue, même culture, même zones de nomadisme et de sédentarisation… Même histoire. Ce sont, à l’instar des Anglais et des Français, les colonisateurs belges qui ont créé et entretenu une distinction artificielle destinée à affermir leur pouvoir. Ce qui est frappant dans ce déni profond est ce qu’il dit de la France. De son incapacité à assumer autant que de son refus systématique de s’excuser de ce que d’autres ont fait avant. Ah ! la repentance, ce vilain mot qui déshonore. La Belgique et même le Vatican ont reconnu leur part ? Peu importe. Un président français ne s’excuse pas.

Auteur: Pouria Amirshahi

Info: https://www.politis.fr, 27 mars 2019

[ nord-sud ] [ machiavélisme ]

 

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judaïsme

Dimanche dernier, le ministre israélien de la Justice, Yossef Lapid, s'élevait avec virulence contre les opérations militaires meurtrières et destructrices à Rafah, dans la bande de Gaza: "Il faut cesser la destruction de maisons, elle n'est ni humaine ni juive, et provoque des dégâts énormes dans le monde, déclarait-il. L'image de la vieille femme cherchant ses médicaments dans les ruines m'a rappelé ma grand-mère, expulsée de sa maison pendant l'Holocauste." Naïvement, on se sentait réconforté par une telle intervention. On espérait qu'elle allait provoquer le débat, émouvoir enfin l'opinion israélienne et internationale, peut-être même amener certains à réclamer la démission d'Ariel Sharon... Résultat: ce qui provoque un tollé, ce ne sont pas les morts et les saccages de Rafah, mais les propos de Yossef Lapid. C'est de sa démission -à lui- qu'on discute gravement. Du tas de décombres et de victimes palestiniennes sur lequel il trône, Sharon se dit "scandalisé". Il reproche à son ministre de "donner des arguments à la propagande anti-israélienne", "sur la foi d'images des télévisions arabes", sans "vérifier leur véracité" (Libération, 24 mai) - comme si les exactions de Rafah n'avaient aucune réalité, comme si c'étaient une fois de plus ces fourbes d'Arabes qui nous jouaient la comédie de la douleur, voire qui auraient dynamité eux-mêmes leurs maisons par pure malveillance antisémite... Il ne vient apparemment à l'idée de personne que ce sont les opérations criminelles de Tsahal qui "donnent des arguments à la propagande anti-israélienne", et que les paroles de Lapid, au contraire, sauvent l'honneur.

"Le ministre de la Justice est-il allé trop loin?" Sur France-Inter, à treize heures, aujourd'hui, c'est la question que l'on pose à David Shapira, le porte-parole... des colons juifs de Cisjordanie et de Gaza. Et voilà comment le représentant d'individus qui constituent l'un des plus sérieux obstacles à un règlement du conflit, qui vivent en infraction permanente avec les accords de paix et la législation internationale, se retrouve dans le rôle de la victime offensée, demandant des comptes à celui qui l'a lésée. Magnanime, Shapira ne réclame pas la démission de Lapid, mais estime qu'il doit présenter "des excuses publiques", et, comme le journaliste qui l'interroge, il note, navré, qu'il ne l'a toujours pas fait à cette heure. "On peut être d'accord ou non avec ce qui se passe en ce moment à Gaza, mais on n'a pas le droit de comparer ces événements avec l'extermination systématique de six millions de juifs en Europe": on imagine combien le porte-parole des colons doit être bouleversé par ce qui se passe à Gaza, en effet. Yossef Lapid, dit-il, "insulte tous ceux qui ont été assassinés systématiquement" par les nazis.

Tanya Reinhardt: "Il semble que tout ce que nous avons intériorisé de la "mémoire de l'Holocauste", c'est que tout mal de moindre ampleur est acceptable"

Ça se passe toujours comme ça: lorsqu'un Israélien utilise la référence au génocide pour tenter d'ébranler ses concitoyens en suscitant chez eux une identification avec les Palestiniens, sa démarche aboutit à l'inverse de l'effet recherché - on a encore pu le constater récemment en France avec la polémique déclenchée par le film d'Eyal Sivan et Michel Khleifi, "Route 181". Elle a pour résultat de relancer les discours sur la "banalisation" du génocide, sur l'impossibilité de comparer ce qui est incomparable - et de faire purement et simplement _disparaître_ les Palestiniens et les crimes commis à leur encontre. La vieille femme de Rafah qui cherchait ses médicaments dans les décombres de sa maison a d'ores et déjà _disparu_. La vieille femme de Rafah peut crever. Il n'y a pas de volonté délibérée d'exterminer les Palestiniens, ils ne sont pas assassinés "systématiquement", alors ils peuvent crever: c'est aussi simple que ça. Le problème, c'est qu'entre l'affirmation, vraie en tant que telle, de l'impossibilité de comparer les deux événements, et l'idée qu'une vie d'Arabe ne compte pas, qu'une mort d'Arabe est une broutille négligeable, la frontière est décidément très mince. On pense à cette remarque amère de l'universitaire israélienne Tanya Reinhardt: "Il semble que tout ce que nous avons intériorisé de la "mémoire de l'Holocauste", c'est que tout mal de moindre ampleur est acceptable. La référence au génocide est utilisée pour rendre inaudible, pour escamoter la souffrance des Palestiniens. Pour frapper un peuple tout entier d'un effacement inéluctable, dont le mur de séparation n'est que la traduction concrète. Et on voudrait nous faire croire que c'est Yossef Lapid qui insulte la mémoire des victimes de la Shoah...

Nul besoin d'éprouver dans sa chair les effets concrets de ce verrouillage idéologique pour comprendre qu'il y a là de quoi rendre un peuple fou. L'un des grands arguments de la guerre israélienne de l'information consiste à demander pourquoi le monde entier s'émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d'antisémitisme. Au-delà de ce qu'il y a d'odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s'en émeut davantage (et ce n'est qu'un supplément d'indignation très relatif, d'ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n'envahissent l'Irak, c'était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d'avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu'il y a quelque chose d'insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l'arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l'Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s'ennuyer quand les Rouges n'ont plus voulu jouer. Parce que l'impunité dont jouit depuis des décennies l'occupant israélien, l'instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l'impression persistante qu'ils en sont victimes - en tant qu'Arabes -, nourrit un sentiment minant d'injustice. Il y a et il y aura toujours des hommes et des femmes pour continuer à le clamer: contre ce sentiment d'injustice, qui peut amener certains de ceux qui l'éprouvent à commettre des actes barbares, les intimidations de la propagande ne pourront jamais rien. Elles ne pallieront jamais la nécessité de la justice. Il est indécent de clamer, lorsqu'on condamne le terrorisme, que le désespoir n'excuse pas tout, et de continuer par ailleurs à alimenter cyniquement ce désespoir. Ariel Sharon a beau faire mine de mettre en doute la crédibilité des images de Gaza, il a beau vouloir nous faire croire que le scandale, ce sont les déclarations de Yossef Lapid, ces images existent. Des millions de gens à travers le monde les voient. Ils savent parfaitement qu'elles sont très réelles, et que le message qu'elles envoient est très réel lui aussi. Sous peine de contribuer activement à l'intensification de cette "guerre civile mondiale" dont parle Eric Hazan, il faudra bien que les gouvernements et les médias d'Occident se décident un jour, eux aussi, à voir la vieille femme palestinienne fouillant les décombres de sa maison de Rafah.

Auteur: Chollet Mona

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