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marketing

Edward Bernays est, selon la légende, l’homme qui a appris aux femmes à fumer. Nous l’avons déjà évoqué dans le chapitre précédent, puisqu’il est aussi connu comme le premier théoricien des relations publiques. Durant sa carrière de consultant, Bernays a été employé par George Washington Hill, le dirigeant de l’American Tobacco Company, pour promouvoir une image positive des cigarettes. Celles-ci étaient la cible des ligues de vertu et de divers groupes religieux et politiques pour qui le tabac, comme l’alcool, était associé à l’immoralité, à l’oisiveté et au vice. Le tabac était perçu par la bourgeoisie conservatrice comme particulièrement contraire aux bonnes mœurs féminines. Certains établissements – universités, restaurants, gares… – interdisaient même aux femmes de fumer en leur sein. L’action d’Edward Bernays dans ce contexte est devenue à proprement parler mythique.

En 1929, Hill contacte Bernays pour que disparaisse une fois pour toutes le tabou de la cigarette chez les femmes : "Elles fument à l’intérieur. Mais, bon dieu, si elles passent la moitié de leur temps à l’extérieur et que l’on arrive à les faire fumer dehors, on doublera presque notre marché féminin ! Faites quelque chose !" Bernays prend alors conseil auprès du psychanalyste autrichien Abraham Arden Brill, qui lui explique la situation en ces termes : "Certaines femmes conçoivent la cigarette comme des symboles de liberté. Fumer est la sublimation de l’érotisme oral ; tenir une cigarette en bouche excite la zone orale. Il est parfaitement normal pour les femmes de vouloir fumer des cigarettes. La première femme à avoir fumé avait probablement un excès de caractéristiques masculines et a pris cette habitude tel un comportement masculin. Mais, aujourd’hui, l’émancipation des femmes a supprimé beaucoup de leurs désirs féminins. Beaucoup de femmes réalisent maintenant le même travail que les hommes. Beaucoup n’ont pas d’enfants ; celles qui en ont en font moins. Les traits féminins sont masqués. Les cigarettes, qui sont assimilées aux hommes, sont devenues des torches de la liberté." Éclairé par cette analyse, Edward Bernays organise un "pseudo-événement" lors de la parade annuelle des fêtes de Pâques de New York. Il invite une dizaine de suffragettes à défiler dans cette parade en fumant des cigarettes, qu’elles appellent les "torches de la liberté". Ce happening féministe trouve un large écho dans la presse dès le lendemain. "D’anciennes coutumes, conclut Bernays, peuvent être brisées par une mise en scène dramatique, disséminée par le réseau médiatique. Bien sûr, le tabou n’était pas complètement détruit, mais cela marquait un début." 

Auteur: Galluzzo Anthony

Info: Dans "La fabrique du consommateur", éd. La découverte, Paris, 2020

[ création du besoin ] [ manipulation des affects ] [ publicité ] [ historique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

expérience

Comme tous les hommes de Babylone, j'ai été proconsul ; comme eux tous esclave ; j'ai connu comme eux tous l'omnipotence, l'opprobre, les prisons. Regardez : à ma main droite il manque l'index. Regardez ; cette déchirure de mon manteau laisse voir sur mon estomac un tatouage vermeil ; c'est le deuxième symbole, Beth. Les nuits de pleine lune, cette lettre me donne le pouvoir sur les hommes dont la marque est Ghimel, mais elle me subordonne à ceux d'Aleph, qui les nuits sans lune doivent obéissance à ceux de Ghimel. Au crépuscule de l'aube, dans une cave, j'ai égorgé des taureaux sacrés devant une pierre noire. Toute une année de lune durant, j'ai été déclaré invisible : je criais et on ne me répondait pas, je volais le pain et je n'étais pas décapité. J'ai connu ce qu'ignorent les Grecs : l'incertitude. Dans une chambre de bronze, devant le mouchoir silencieux du strangulateur, l'espérance me fut fidèle ; dans le fleuve des délices, la panique. Pythagore, si l'on croit le récit émerveillé d'Héraclide du Pont, se souvenait d'avoir été Pyrrhus, Euphorbe, et avant Euphorbe encore quelque autre mortel ; pour me remémorer d'analogues vicissitudes je puis me dispenser d'avoir recours à la mort, et même à l'imposture.
Je dois cette diversité presque atroce à une institution que d'autres républiques ignorent ou qui n'opère chez elles que de façon imparfaite et obscure : la loterie. Je n'en ai pas scruté l'histoire : il ne m'échappe pas que les magiciens restent là-dessus divisés ; toute la connaissance qui m'est donnée de ses puissants desseins, c'est celle que peut avoir de la lune l'homme non versé en astrologie. J'appartiens à un pays vertigineux où la loterie est une part essentielle du réel ; jusqu'au présent jour, j'avais pensé à elle aussi peu souvent qu'à la conduite des dieux indéchiffrables ou de mon propre cœur. Aujourd'hui, loin de mon pays et de ses chères coutumes, c'est avec quelque surprise que j'évoque la loterie et les conjectures blasphématoires que sur elle, à la chute du jour, vont murmurant les hommes voilés.
Mon père me rapportait qu'autrefois - parlait-il d'années ou de siècle ? - la loterie était à Babylone un jeu de caractère plébéien. Il racontait, mais je ne sais s'il disait vrai, que les barbiers débitaient alors contre quelques monnaies de cuivre des rectangles d'os ou de parchemin ornés de symboles. Un tirage au sort s'effectuait en plein jour, et les favorisés recevaient, sans autre corroboration du hasard, des pièces d'argent frappées. Le procédé était rudimentaire, comme vous le voyez.

Auteur: Borges Jorge Luis

Info: La loterie à Babylone, in Fictions

[ incipit ] [ entame ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

intelligence artificielle

(FLP à concocté l'entame d'une nouvelle de science-fiction, et a demandé à Chatgpt de finir l'histoire. Il est prévu de lui soumettre chaque année la même tâche afin de voir si changements et améliorations sont notables)

"Il était une fois une planète lointaine dotée de deux soleils et trois lunes. On l'avait nommée Aarxx.

Un courageux groupe d'explorateurs, envoyés vers sur cette terre  inconnue, découvrit un monde grouillant de vie. Cependant, ils se rendirent vite compte que la différence de culture entre les observateurs humains  et la chose observée produisait une diffraction très désagréable. Particulièrement en ce qui concernait les tentatives avec les autochtones dominants, une race qui ressemblaient peu ou prou à des poulpes avec chaussures de ski.

Les explorateurs humains durent s'éloigner quelque peu afin de dissiper le malaise et mieux observer. Et  tenter de comprendre cet environnement étrange. Et, pourquoi pas, trouver moyen d'y survivre et de prospérer sans déranger cette vie si bizarre. Ils réalisèrent alors que le système du vivant de cette planète semblait reposer sur une une base biotique et bactérienne articulée autour de 5 paramètres fondamentaux... Ce qui n'avait en rien empêché l'émergence d'un environnement stable, avec des système de cellules se reproduisant et prospérant.

Il découvrirent petit à petit que les habitants de la planète avaient  développé  une culture et des coutumes propres sur pareil mode à cinq.

Cependant la déconnection fontamentale entre dualité humaine et pentatonisme local avait quelque chose d'infranchissable, elle instillait - au mieux du mieux - un malaise profond entre les deux espèces-mondes lors des tentatives de contacts.

Les explorateurs décidèrent d'explorer Aarxx plus en profondeur pour tenter de mieux comprendre cette intrication pentatonique si étrangère.

Pour découvrir que toute perturbation d'un d'entre les cinq pôles, surtout à l'échelle bactérienne,  était susceptible d'entraîner des répercussions allant jusqu'à contaminer l'ensemble de la planète. Il fut également révélé que les 5 paramètres n'avaient cessé de s'équilibrer depuis les premiers soubressauts, très loin dans le passé, de la vie locale."

(suite concoctée par Chatgpt)

Les courageux explorateurs se rendirent vite compte que le seul moyen de protéger Aarxx et ses habitants était d'apprendre à vivre en harmonie avec les cinq paramètres. Ils commencèrent à collaborer avec les habitants autochtones, leur apprenant l'importance des cinq paramètres et comment les utiliser à leur avantage.

Les explorateurs se rendirent également compte que la dualité entre l'observateur et la chose observée avait un effet profond sur la planète et ses habitants. Ils ont dû apprendre à s'adapter à ce nouvel environnement et à trouver un moyen de travailler ensemble afin de protéger la planète.

Les explorateurs ont collaboré avec les indigènes pour créer de nouvelles technologies permettant de protéger la planète et ses habitants. Ils ont également travaillé à la création d'une nouvelle forme de communication qui comblerait le fossé entre les deux cultures et leur permettrait de mieux se comprendre.

Grâce à leur travail acharné et à leur dévouement, les explorateurs et les indigènes ont finalement réussi à créer un environnement stable et pacifique pour Aarxx et ses habitants. Ensemble, ils ont trouvé un moyen de vivre en harmonie avec les cinq paramètres et de protéger la planète.

Auteur: Mg

Info: 5 février 2023, les échanges se sont fait en anglais, sachant que Chatgpt est le plus efficient dans cette langue

[ écriture ] [ créativité ] [ homme-machine ] [ expérience ]

 
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cité imaginaire

Plutôt que de te parler de Berenice, ville injuste, qui couronne de triglyphes abaques métopes les engrenages de ses équipements pour hacher la viande (les employés du service d’entretien quand ils lèvent le menton par-dessus les balustrades et contemplent les vestibules, les grands escaliers, les pronaos, se sentent encore plus prisonniers, et tout petits), je devrais te parler de la Berenice cachée, la ville des justes, qui bataillent avec des matériaux de fortune dans l’ombre des arrière-boutiques et des sous-pentes, nouant un réseau de fils, et de tubes et de poulies et de pistons et de contrepoids qui s’infiltre comme une plante grimpante entre les grandes roues dentées (quand ces dernières seront grippées, un tic-tac discret avertira qu’un nouveau mécanisme exact gouverne la ville) ; plutôt que de te représenter les bassins parfumés des thermes sur le bord desquels, allongés, les injustes de Berenice tissent avec une éloquence arrondie leurs intrigues et observent d’un œil de propriétaire les corps arrondis des odalisques au bain, je devrais te dire comment les justes, toujours sur leurs gardes pour échapper aux surveillances des sycophantes et aux coups de filet des janissaires, se reconnaissent à leur façon de parler, spécialement à la manière dont ils prononcent les virgules et les parenthèses ; aux coutumes qu’ils observent, austères et innocentes, évitant les états d’âme compliqués et sombres ; à leur cuisine sobre mais savoureuse, qui rappelle un très ancien âge d’or : soupe de riz et de céleri, fèves bouillies, fleurs de courgette frites.

À partir de ces données, il est possible de déduire une image de la Berenice future, qui te rapprochera de la connaissance du vrai plus que tout renseignement sur la ville telle qu’elle se montre aujourd’hui. À condition que tu tiennes compte de ce que je vais te dire : dans la graine de la cité des justes se trouve à son tour cachée une semence maligne ; la certitude et l’orgueil d’être dans le juste – et de l’être plus que tant d’autres qui se disent plus justes que le juste – fermentent sous la forme de rancœurs rivalités échanges de coups, et le désir naturel de revanche sur les injustes se teinte de la furie d’être à leur place et de faire comme eux. Une autre ville injuste, bien que différente de la première, est donc en train de creuser son espace à l’intérieur de la double enveloppe des Berenice injuste et juste.

Cela dit, si je ne veux pas que ton regard saisisse une image déformée, je dois attirer ton attention sur une qualité intrinsèque de cette ville injuste qui germe en secret dans la ville juste secrète : c’est le réveil possible – comme une fenêtre qui s’ouvre brusquement – d’un amour latent pour ce qui est juste, amour qui n’est pas encore soumis à des règles, et susceptible de recomposer une ville plus juste encore que ce qu’elle avait été avant de devenir le réceptacle de l’injustice. Mais si on scrute encore à l’intérieur de ce nouveau germe du juste on découvre une petite tache qui se dilate comme l’inclination croissante à imposer ce qui est juste à travers ce qui est injuste, et peut-être même est-ce là le germe d’une métropole immense…

De mon discours, tu auras tiré la conclusion que la véritable Berenice est une succession dans le temps de villes différentes, tour à tour justes et injustes. Mais la chose dont je voulais t’avertir est différente : c’est que toutes les Berenice futures sont déjà présentes dans cet instant, enveloppées l’une dans l’autre, serrées pressées inextricables.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles - Les cités cachées

[ intriquée ]

 

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​​​​​​​signes contextualisés

Cette énigme, ce nœud gordien de la "réalité extérieure", avec lequel la modernité avait paralysé les philosophes, est précisément ce que Sebeok a tranché. Confronté au dilemme de l'implication moderne d'un labyrinthe du fonctionnement de l'esprit, il a trouvé la sortie :

Que faut-il faire de tout cela ? Il me semble que, tout au moins pour nous, travailleurs dans un contexte zoosémiotique, il n'y a qu'une seule façon de se frayer un chemin dans ce bourbier, et c'est d'adhérer strictement aux thèses globales de Jakob von Uexküll sur les signes. (Sebeok, 2001, pp. 78 & 193n6) 

Bien sûr, Sebeok évoque ici l'Umweltstheorie, rien de moins, pour laquelle rien n'est plus central que la distinction que fait Sebeok lui-même entre le langage au sens premier (cet aspect du système de modélisation humain ou Innenwelt qui est sous-déterminé biologiquement et, en tant que tel, spécifique à notre espèce) et l'exaptation du langage pour communiquer (ce qui aboutit à la communication linguistique en tant que, encore une fois, moyen spécifique à l'espèce humaine).

L'erreur des relativistes culturels de tout poil, et des modernes en général, du point de vue de Sebeok, a été de traiter le langage comme un système autonome englobant tout, au lieu de réaliser son contexte zoosémiotique (Deely, 1980). Dans ce contexte, "l'unicité de l'homme" n'apparaît que dans la mesure où elle est soutenue par et dépend des points communs de signification qui définissent et constituent le domaine plus large des choses vivantes au sein duquel se trouve le langage, champ bien plus vaste au sein duquel les humains sont nécessairement incorporés et liés par x milliard de connexions que la compréhension même de la vie humaine doit finalement conduire vers une certaine incorporation consciente. En d'autres termes, la dernière contribution de Sebeok, venant de l'intérieur de la modernité, aura été de réaliser qu'il existait une voie au-delà de la modernité, la voie des signes. La question, sous cette forme, ne l'a jamais intéressé, mais dans le sillage de son œuvre, elle mérite d'être posée : que devrait être la postmodernité ? 

Il ne pouvait s'agir que d'une vision du monde qui parviendrait, d'une manière ou d'une autre, à rétablir ce qui est extérieur à nous-mêmes comme étant connaissable en tant que tel ou en tant que tel, sans renoncer à la prise de conscience moderne selon laquelle une grande partie, sinon la majorité, de ce que nous connaissons directement se réduit à nos propres coutumes et conventions selon lesquelles les objets sont structurés et les déductions faites. Sebeok a peut-être été tout à fait moderne. Mais personne n'a fait plus que lui pour s'assurer que l'ère moderne, du moins dans la culture intellectuelle et dans la philosophie dont il n'a jamais prétendu assumer le flambeau, était terminée. Sebeok est devenu, malgré lui, postmoderne jusqu'au bout des ongles. 

Je dis "malgré lui", car je sais qu'il avait une aversion pour l'appellation "postmoderne", pour une très bonne raison. La plus grande partie de la vie professionnelle de Sebeok avait été consacrée à exposer et à surmonter ce qu'on a appelé le "pars pro toto fallacy"*, selon lequel la doctrine du signe trouve son fondement adéquat dans un paradigme linguistique, pour ne pas dire verbal. Telle était la thèse, bien connue à la fin du vingtième siècle, de la proposition de "sémiologie" de Saussure. 

Par contraste, Sebeok a promu dès le début que la doctrine des signes doit être enracinée directement dans une étude générale de l'action des signes, de la manière distinctive dont les signes fonctionnent, action pour laquelle il a accepté de Peirce le nom de "sémiose". Mais si la doctrine des signes concerne avant tout l'action révélatrice de l'être distinctif des signes, alors la proposition adéquate pour son développement n'est pas le terme "sémiologie" mais plutôt le terme "sémiotique", qui exprime l'idéal d'un paradigme non lié au langage et se réfère à l'action des signes comme étant plus grande que, englobante, et en fait présupposée à toute action des signes comme étant de nature verbale. "La sémiose, a très tôt déclaré Sebeok, est un fait omniprésent de la nature comme de la culture" (1977a, p. 183).  

Auteur: Deely John

Info: The Quasi-Error of the External World an essay for Thomas A. Sebeok, in memoriam. *Erreur consistant à confondre une partie d'un objet avec le concept qui représente son intégralité. Trad Mg

[ réagencement permanent ] [ hyper-complexité ] [ historique ]

 

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xénolinguistique

Q - L'humanité a-t-elle prévu un protocole "premier contact" ? 

R - Je ne sais pas si les États ont prévu quoi que ce soit. Ce que je sais, c'est que je ne connais aucun collègue linguiste à qui on a demandé de préparer quelque chose. Des réflexions ont été engagées au sein du programme SETI - qui vise à détecter la présence de civilisations extraterrestres avancées dans d'autres systèmes solaires -, mais cela concerne la communication à distance. Si la communication s'effectue face à face, les réponses se trouvent dans la linguistique de terrain. 

R - Dans ce cas, il n'y a pas de document décrivant des "étapes magiques". Il existe néanmoins un cadre de travail : quand des linguistes découvrent un peuple dont le langage est totalement inconnu, ils commencent par vivre avec ses membres, observer leur comportement, les écouter, et apprendre leur culture. Aujourd'hui, ils utilisent généralement un enregistreur pour détecter les variations parfois subtiles de la langue et retranscrivent les sons grâce à un alphabet adapté, à l'image de l'Alphabet Phonétique International. Surtout, ils décrivent le cadre dans lequel les phrases sont prononcées : si elles sont accompagnées d'un geste des mains ou des yeux ou l'utilisation d'un outil. 

Q - Quels seraient les principaux obstacles empêchant la communication entre l'humanité et des extraterrestres ? 

R - Les auteurs de science-fiction ont à peu près tout imaginé : des extraterrestres communiquant avec des motifs, des couleurs, des peintures, des tapotements, des vibrations voire même par des odeurs, ou des champs magnétiques, ces deux derniers modes étant particulièrement compliqués. Le jour du premier contact, les scientifiques installeront probablement toutes sortes de détecteurs : de vibrations et d'ondes dans toutes les gammes de fréquences imaginables, olfactifs, de mouvements hyper sensibles, etc.  

Découvrir le type de médium utilisé pour communiquer ne devrait pas être le plus dur. Ensuite, il s'agira de décrypter le contenu. Pas facile quand on part de rien, que l'on n'a pas de dictionnaire, de corpus ou de référence. Échanger un premier mot qui a du sens peut déjà se révéler complexe, mais prononcer une phrase complète, requiert de connaître la culture et les coutumes du nouveau peuple. 

Q - Vous écrivez qu'il est important de maîtriser le langage pour mieux communiquer entre nous et avec d'autres. Une promotion pour la linguistique ? 

R - Oui, car je pense qu'on ne met pas suffisamment en avant les langues et leurs complexités dans le monde actuel. Par exemple, lorsque l'on parle de sciences à la télévision, ce sont toujours les sciences dures : chimie, mathématiques, physique. On évoque trop rarement les sciences humaines comme la linguistique, qui sont pourtant très importantes.  

C'est pareil pour la science-fiction, les romans donnés aux jeunes sont souvent sur les robots, l'exploration spatiale, beaucoup moins sur les langues. Pourtant, il existe des tas de livres de SF qui sont très importants du point de vue linguistique. La sortie de 'l'ovni' Premier Contact au cinéma m'a motivé à écrire ce livre. Je me suis dit : "Ah ! Enfin un film d'extraterrestres dans lequel on parle de langage", ce qui est tout même plus intéressant que les films de guerre type Independance Day, à la fois désespérément vide et remplis de clichés éculés. 

Q - L'apprentissage de la langue d'une civilisation extraterrestre pourrait-il nous transformer ? 

R - Je pense que c'est plutôt par l'apprentissage de leur culture ou de leurs technologies que s'opéreront des changements. On sait aujourd'hui que l'hypothèse Sapir-Whorf [qui soutient que la façon dont on perçoit le monde dépend du langage] est fausse. J'explique pourquoi dans mon livre, mais pour résumer, Sapir et son élève Whorf ont eu cette idée en étudiant les langues amérindiennes. Whorf, qui n'était pas linguiste mais ingénieur, a ensuite poussé le concept de manière peu scientifique. 

Quand nous apprenons une langue, nous apprenons de nouvelles choses sur l'autre. C'est donc un super outil pour comprendre la diversité et j'encourage à le faire, mais cela ne "recâble" pas notre cerveau. Cela ne va pas nous permettre d'avoir des visions du futur comme dans Premier Contact. En ce sens le film dérive dans la fiction, ce qui n'est pas grave puisque c'est le propre de la SF d'être un laboratoire où l'on peut aller au bout de tout, même d'une hypothèse incroyable.

Auteur: Landragin Frédéric

Info: Interviewé par Victor Garcia sur https://www.lexpress.fr/le 18 10 2018

[ astrolinguistique ] [ exo-langages ]

 

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extensibilité FLP

Dans l'idéal l'étiqueteur FLP devrait savoir oublier son ego. Difficulté proche de l'utopie puisqu'il s'agit de prendre la distance qui permet de voir ses propres vécus comme autant d'illusions. Que presque toutes nos réactions et jugements ne furent que biais de confirmation de notre existence. Et le sont encore majoritairement par simple effet d'inertie. 

Au-delà de son support physique l'incarnation, Moi, Je... ne s'appuye que sur quelques croyances ; éphémères constructions d'un ego dont la mission première est de survivre, pour éventuellement se reproduire. Fugaces échafaudages qui confortent un SOI effarouché par les aléas du réel. D'où, entre autres, les mythes et religions - mais aussi notre rationalité duale et la pensée cybernétique subséquente.

On dira, en termes peircéens, que la secondéité-monade humaine, au vu d'une priméité-source mystérieuse et instable, génère des tiercités, ici linguistiques, majoritairement destinées à se défendre-justifier elle-même. 

On pourra aussi établir un positionnement-classement circulaire des postures potentielles de cette secondéité, le théologique faisant face au scientifique, duo dominant accompagné dans le cercle par quelques termes-postures-attitudes importants - peu nombreux et à cerner-identifier-préciser - comme ceux de conteur, d'humoriste, communiquant, thérapeuthe, joueur... et autres. Distribution à intégrer un jour dans une taxonomie multidimensionnelle FLP plus large, éventuellement septénaire. Mais stop.

Tout ceci n'est pas un "jeu d'enfant". Rappelons le truisme : pour acquérir quelque distanciation egotique il faut avoir éprouvé des choses. Autrement dit, pour détester, il faut tester d'abord. Est pré-requise la matérialité des expériences dans ce réel, suivies de leurs verbalisations et, un peu plus avant, de leurs formulations écrites

OU LUES, car lorsque ces énonciations de l'expérience rencontrent l'esprit du lecteur elle peuvent "résonner" avec lui et son vécu propre. Fonction réflexive, indispensable au participant de FLP. Tout ceci passant évidemment par le "sens de la lecture" (sense of reading).

Celà étant : l'étiqueteur, une fois un minimum de ce recul acquis, se retrouve plus neutre, mieux apte à capter la signification des mots "quasi-esprits" et donc la compréhension de leurs textes matrices. De leurs sémantiques, presqu'en terme arithmétique dans l'idéal.

Sens-signification qui s'appréhende donc via la comparaison d'un vécu-verbalisé, en miroir avec la logique formelle animant le codage verbal du réel, ici français. Assemblage de symboles qui génère une sémantique (un sens) sous-tendue par quatre facteurs-règles-contextes : a) grammaire et déictique (agencement des mots)  b) coutumes-routines et médiatiquement convenable de l'époque-moment où l'idée est proférée c) contexte, qualités et positionnement subjectif de leur auteur. d) état d'esprit, disponibilité, vécu, qualités diverses, etc... du lecteur-tagueur-inserteur.

Ici déjà les problématiques et possibilités de classification nous dépassent de beaucoup. D'où l'importance de s'atteler à la chose collectivement.  

FLP est un outil transitoire en expansion, qui, dans un absolu lexico-sémantique (grâce peut-être à l'informatique quantique à venir), devrait à moyen terme représenter l'émergence centrale consensuelle de concepts terminologisés ; mots-idées issus des conjonctions-discussions-interactions-intégrations sémantiques en son sein. Idéalement via un dialogue continu avec beaucoup d'autres "FLP individuels" que chacun aura développé dans son coin, processus dont l'aboutissement se situe à ce jour dans les chaînes FLP. Le tout sous régulation de règles classificatoire souples et complexes, s'établissant et se modifiant avec le temps.

Ensuite on se prend à imaginer une intelligence lexicologique collective Homme-machine qui, une fois établie son aptitude à consensualiser/préciser les mots-expressions basiques incontournables du cercle évoqué dans le 3e paragraphe - termes centraux, à valeur diachronique si possible -, on pourra, en les conjuguant-mémorisant (comme les 4 bases de l'ADN ?), développer une véritable mémoire-intelligence-réservoir perspectiviste communautaire. Et peut-être même, soyons allumés, dépasser les potentialités du DNA. 

A l'image des mathématiques, elles aussi langage commun à tous, mais ici remises en périphérie, le langage verbal revisité, idiome 2.0 de nos civilisations de singes dépoilés (ou de la Nature extendue par notre entremise) devrait alors permettre d'émanciper l'humain de son enfermement conceptuel anthropocentré. 

Telles sont les grâces d'une logique - à créer/découvrir - indépendante de son propre langage. Tout à fait possible, en des temps où l' accélération exponentielle des savoirs nécessite des pistes de développement culturelles évolutives (scalable) non superficielles. 

Tentative FLP trop ambitieuse, prétentieuse, folle ? Pas vraiment, elle ne fait qu'offrir (sans autre usage du machine learning et de l'IA que pour des tâches mécaniques de vérifications multiples, tout simplement parce que ces tâches seront simplement inhumaines, parce que trop titanesques et ennuyeuses !) un élargissement de la pensée-langage collective en proposant de pousser la taxonomie linguistique numérique " un cran plus loin " ; dans trois directions :

1) Celle de listes analogiques intriquées   

2) Par l'ajout d'étiquettes "non apparentes dans les extraits insérés" qui forcent à la réflexion et au classement sémantique. 

3) Par l'hypothèse-suggestion d'un saut qualitatif taxonomique qui passerait d'une base logique duale vers un socle tétravalent plus souple, puissant, et nuancé. 

Ici on pensera à la puissance d'une mémoire ADN - déjà évoquée plus haut - qui n'est autre que l'essence du vivant.

Auteur: Mg

Info: nov 2022

[ prospective ] [ pré-mémétique   ] [ science-fiction ]

 

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cheptel humain

Malgré tout le bonheur que m’a procuré, à titre personnel, chaque voyage entrepris ces dernières années, une impression tenace s’est imprimée dans mon esprit : une horreur silencieuse devant la monotonie du monde. Les modes de vie finissent par se ressembler, à tous se conformer à un schéma culturel homogène. Les coutumes propres à chaque peuple disparaissent, les costumes s’uniformisent, les mœurs prennent un caractère de plus en plus international. Les pays semblent, pour ainsi dire, ne plus se distinguer les uns des autres, les hommes s’activent et vivent selon un modèle unique, tandis que les villes paraissent toutes identiques. Paris est aux trois quarts américanisée, Vienne est budapestisée : l’arôme délicat de ce que les cultures ont de singulier se volatilise de plus en plus, les couleurs s’estompent avec une rapidité sans précédent et, sous la couche de vernis craquelé, affleure le piston couleur acier de l’activité mécanique, la machine du monde moderne. Ce processus est en marche depuis fort longtemps déjà : avant la guerre, Rathenau avait annoncé de manière prophétique cette mécanisation de l’existence, la prépondérance de la technique, comme étant le phénomène le plus important de notre époque. Or, jamais cette déchéance dans l’uniformité des modes de vie n’a été aussi précipitée, aussi versatile, que ces dernières années. Soyons clairs ! C’est sans doute le phénomène le plus brûlant, le plus capital de notre temps.

[…]

Conséquences : la disparition de toute individualité, jusque dans l’apparence extérieure. Le fait que les gens portent tous les mêmes vêtements, que les femmes revêtent toutes la même robe et le même maquillage n’est pas sans danger : la monotonie doit nécessairement pénétrer à l’intérieur. Les visages finissent par tous se ressembler, parce que soumis aux mêmes désirs, de même que les corps, qui s’exercent aux mêmes pratiques sportives, et les esprits, qui partagent les mêmes centres d’intérêt. Inconsciemment, une âme unique se crée, une âme de masse, mue par le désir accru d’uniformité, qui célèbre la dégénérescence des nerfs en faveur des muscles et la mort de l’individu en faveur d’un type générique. La conversation, cet art de la parole, s’use dans la danse et s’y disperse, le théâtre se galvaude au profit du cinéma, les usages de la mode, marquée par la rapidité, le “succès saisonnier”, imprègnent la littérature. Déjà, comme en Angleterre, la littérature populaire disparaît devant le phénomène qui va s’amplifiant du “livre de la saison”, de même que la forme éclair du succès se propage à la radio, diffusée simultanément sur toutes les stations européennes avant de s’évaporer dans la seconde qui suit. Et comme tout est orienté vers le court terme, la consommation augmente : ainsi, l’éducation, qui se poursuivait de manière patiente et rationnelle, et prédominait tout au long d’une vie, devient un phénomène très rare à notre époque, comme tout ce qui s’acquiert grâce à un effort personnel.

[…]

Toutes ces choses, que j’ai seulement évoquées, le cinéma, la radio, la danse, tous ces nouveaux moyens de mécanisation de l’humanité, exercent un pouvoir énorme qui ne peut être dépassé. Toutes répondent en effet à l’idéal le plus élevé de la moyenne : offrir du plaisir sans exiger d’effort. Et leur force imbattable réside en cela : elles sont incroyablement confortables. La nouvelle danse peut être apprise en trois heures par la femme de ménage la plus maladroite, le cinéma ravit les analphabètes, desquels on n’exige pas une grande éducation pour profiter de la radio ; il suffit de mettre les écouteurs sur la tête, pour déjà l’entendre rouler dans l’oreille – même les dieux luttent en vain contre un tel confort. Ce qui n’exige que le minimum d’effort, mental et physique, et le minimum de force morale doit nécessairement l’emporter auprès des masses, dans la mesure où cela suscite la passion de la majorité. Et ce qui aujourd’hui encore réclame l’indépendance, l’autodétermination ou la personnalité dans le plaisir paraît dérisoire face à un pouvoir aussi surdimensionné. À vrai dire, au moment où l’humanité s’ennuie toujours davantage et devient de plus en plus monotone, il ne lui arrive rien d’autre que ce qu’elle désire au plus profond d’elle-même. L’indépendance dans le mode de vie et même dans la jouissance de la vie ne constitue plus, désormais, un objectif, tant la plupart des gens ne s’aperçoivent pas à quel point ils sont devenus des particules, des atomes d’une violence gigantesque. Ils se laissent ainsi entraîner par le courant qui les happe vers le vide ; comme le disait Tacite : “ruere in servitium”, ils se jettent dans l’esclavage […].

Ainsi, aucune résistance ! Ce serait une présomption scandaleuse que d’essayer d’éloigner les gens de ces petits plaisirs (intérieurement vides). Parce que nous – pour être honnêtes – qu’avons-nous d’autre à leur donner ? Nos livres ne les touchent plus, car ils ont cessé depuis longtemps de procurer les sueurs froides ou les excitations fébriles, que le sport et le cinéma prodiguent à foison. Ils ont même l’impudence d’exiger au préalable de nos livres, de notre effort mental et de notre éducation, une coopération des sentiments et une tension de l’âme. Nous sommes devenus – admettons-le – terriblement étrangers à tous ces plaisirs et passions de masse et donc à l’esprit de l’époque, nous, dont la culture spirituelle est une passion pour la vie, nous, qui ne nous ennuyons jamais, pour qui chaque jour est trop court de six heures, nous, qui n’avons besoin ni de dispositifs pour tuer le temps ni de machines d’arcade, ni de danse, ni de cinéma, ni de radio, ni de bridge, ni de défilés de mode. Il nous suffit de passer devant un panneau d’affichage dans une grande ville ou de lire un journal qui décrit en détail les batailles homériques des matchs de football pour sentir que nous sommes déjà devenus des outsiders, tels les derniers encyclopédistes pendant la Révolution française, une espèce aussi rare et menacée d’extinction aujourd’hui en Europe que les chamois et les edelweiss. Peut-être qu’un jour un parc naturel sera créé pour nous, derniers spécimens d’une espèce rare, pour nous préserver et nous conserver respectueusement en tant que curiosités de l’époque, mais nous devons avoir conscience que nous manquons depuis longtemps d’un quelconque pouvoir pour tenter la moindre chose contre cette uniformité croissante du monde. Devant cette lumière éblouissante de fête foraine, nous ne pouvons que demeurer dans l’ombre et, tels les moines des monastères pendant les grandes guerres et les grands bouleversements, consigner dans des chroniques et des descriptions un état de choses que, comme eux, nous tenons pour une déroute de l’esprit.

Auteur: Zweig Stefan

Info: L'uniformisation du monde

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Ajouté à la BD par Coli Masson