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littérature

L'efficacité du langage tient à un savant mélange de justesse, et à sa puissance de synthèse. Il peut mieux "tout couvrir et expliquer" que les maths - que je connais très mal et qui me repoussent par une froide et rigide abstraction qui me les fait voir comme mortes et désincarnées. Bien moins chaleureuses en tout cas qu'un simple marteau. 

Un idiome humain donné, consensuel par essence, n'est limité que par la précision et l'ouverture de chacun de ses termes-segments et la culture-réceptivité de ses lecteurs-capteurs. 

Précision au sens où les éléments du contexte et la pensée du formulateur peuvent autant ouvrir : le mot arbre impliquant quasiment la vie dans son entier puisqu'il évoque la naissance de l'univers jusqu'aux émergences terrestres de longues chaines carbonnées. 

Ou focaliser-centrer sur un mot-élément comme dans cette phrase de Becky Chambers : "La route elle-même était une relique d’asphalte noir - une route à pétrole, faite pour des moteurs à pétrole, des pneus en pétrole, des tissus en pétrole, des carrosseries en pétrole." 

J'ai l'impression qu'un poète véritable est celui à même de manipuler ces pôles avec de belles qualités d'artisan du verbe, doublés d'une sincérité suffisamment acceptée, "terre à terre", bien ancrée dans son époque-formacja linguistique. Au point d'influencer les langages postérieurs.

Shakespeare ou Bukowski me viennent ici à l'esprit.

Auteur: Mg

Info: 7 septembre 2023

[ centrage - décentrage ] [ poésie ] [ tétravalence ] [ objecti ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vie professionnelle-vie privée

Le travail (sous forme de loisir aussi bien) envahit toute la vie comme répression fondamentale, comme contrôle, comme occupation permanente en des lieux et des temps réglés, selon un code omniprésent. Il faut fixer les gens partout, à l’école, à l’usine, à la plage ou devant la TV, ou dans le recyclage – mobilisation générale permanente. Mais ce travail n'est plus productif au sens originel : il n'est plus que le miroir de la société, son imaginaire, son principe fantastique de réalité.  [...]

C’est à cela que tend toute la stratégie actuelle qui tourne autour du travail : job enrichment, horaires variables, mobilité, recyclage, formation permanente, autonomie, autogestion, décentralisation du procès de travail, jusqu’à l’utopie californienne du travail cybernétisé livré à domicile. On ne vous arrache plus sauvagement à votre vie pour vous livrer à la machine – on vous y intègre avec votre enfance, vos tics, vos relations humaines, vos pulsions inconscientes et votre refus même du travail – on vous trouvera bien une place avec tout cela, un job personnalisé ou, à défaut, une allocation de chômage calculée selon votre équation personnelle – de toute façon, on ne vous abandonnera plus jamais, l’essentiel est que chacun soit le terminal de tout le réseau, terminal infime, mais terme cependant – surtout pas un cri inarticulé, mais un terme de la langue, et au terme de tout le réseau structural de la langue.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 30-31

[ totalitarisme ] [ télétravail ] [ revenu universel ] [ transformations ] [ sociologie ] [ labeur ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

mythe

Les sagas ne parlent pas d'un usage que nous a révélé l'archéologie : dès le IIIe siècle de notre ère, au Danemark, dans l'île de Gotland (Suède) et en Allemagne du Sud des pièces de monnaie sont déposées dans la bouche des morts. À Hassleben (Thuringe) par exemple, un squelette avait dans la bouche un aureus de Gallien (253-268). On a cru tout d'abord qu'il s'agissait d'un emprunt à la Rome antique ; la pièce aurait servi à payer Charon, le nocher des enfers. L'hypothèse s'est révélée erronée et le droit germanique ancien apporte la réponse : il s'agit de la représentation symbolique de la part du mort. Le trépassé a le droit de conserver un tiers de ses richesses, ce qui, à l'origine, doit lui permettre de mener une vie décente outre-tombe. Le sens s'en perd au Moyen Âge où les lois font de nombreuses allusions à cette part, mais le souvenir s'en est bien conservé dans les traditions populaires.
Ici, on dit : "Il faut mettre de l'argent dans la bouche des morts afin qu'ils ne reviennent pas s'ils ont caché un trésor" ; et là on affirme : "Celui qui enterre son argent devra revenir tant qu'on ne l'aura pas trouvé." Tout un ensemble de contes et de légendes s'est développé à partir de ces notions, et plus d'une fois les spectres revêtent la fonction de gardien des trésors enfouis. (...)

Auteur: Lecouteux Claude

Info: Fantômes et revenants au Moyen Age, P45

[ croyances ] [ historique ] [ héritage ] [ historique ]

 

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historique

Les sagas ne parlent pas d'un usage que nous a révélé l'archéologie : dès le IIIe siècle de notre ère, au Danemark, dans l'île de Gotland (Suède) et en Allemagne du Sud des pièces de monnaie sont déposées dans la bouche des morts. À Hassleben (Thuringe) par exemple, un squelette avait dans la bouche un aureus de Gallien (253-268). On a cru tout d'abord qu'il s'agissait d'un emprunt à la Rome antique ; la pièce aurait servi à payer Charon, le nocher des enfers. L'hypothèse s'est révélée erronée et le droit germanique ancien apporte la réponse : il s'agit de la représentation symbolique de la part du mort. Le trépassé a le droit de conserver un tiers de ses richesses, ce qui, à l'origine, doit lui permettre de mener une vie décente outre-tombe. Le sens s'en perd au Moyen Âge où les lois font de nombreuses allusions à cette part, mais le souvenir s'en est bien conservé dans les traditions populaires.
Ici, on dit : "Il faut mettre de l'argent dans la bouche des morts afin qu'ils ne reviennent pas s'ils ont caché un trésor" ; et là on affirme : "Celui qui enterre son argent devra revenir tant qu'on ne l'aura pas trouvé." Tout un ensemble de contes et de légendes s'est développé à partir de ces notions, et plus d'une fois les spectres revêtent la fonction de gardien des trésors enfouis. (...)

Auteur: Lecouteux Claude

Info: Fantômes et revenants au Moyen Age, P45

[ mythologie ]

 

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sciences

En 1905 Einstein, âgé de vingt-six ans, était sorti depuis trois ans des privations. Alors examinateur de brevets en Suisse, il publia dans "Annalen der Physik" cinq articles sur des sujets entièrement différents. Trois d'entre eux figurent parmi les plus importants de l'histoire de la physique. Un, très simple, donnait l'explication quantique de l'effet photoélectrique - c'est le travail pour lequel, seize ans plus tard, il recevra le prix Nobel. Un autre article portait sur le phénomène du mouvement brownien, c'est à dire des déplacements apparemment erratiques de minuscules particules en suspension dans un liquide. Einstein montrait que ces mouvements satisfont une loi statistique claire. C'était comme un tour de passe-passe, facile une fois explicité : avant cela, les scientifiques décents pouvait encore douter de l'existence concrète des atomes et des molécules. Un article aussi proche d'une preuve concrète directe qu'un théoricien peut donner. Le troisième document présentait la théorie de la relativité restreinte, fusionnant tranquillement l'espace, le temps et la matière en une seule unité fondamentale. Une démonstration qui ne contient pas de références et ne cite aucune autorité. Chacun de ces articles est écrit dans un style différent des autres physiciens théoriciens, avec très peu de mathématiques et beaucoup de commentaires écrits. Les conclusions, les bizarres conclusions, émergent avec la plus grande facilité et le raisonnement est plus que solide. On dirait qu'il a atteint ses conclusions avec la pensée pure, sans aide, sans écouter les opinions des autres. Dans une large et surprenante mesure, c'est précisément ce qu'il a fait.

Auteur: Snow Charles Percy

Info: Variété des hommes, 1966, 100-1

[ visionnaire ] [ historique ] [ éloge ] [ mathématiques ] [ langage ]

 

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médiatiquement convenable

Imaginez un jeune Isaac Newton voyageant dans le temps depuis l'Angleterre de 1670 pour enseigner aux étudiants de Harvard en 2017. Après ce saut temporel Newton a toujours la même personnalité obsessionnelle et paranoïaque, avec le syndrome d'Asperger, un mauvais bégaiement, des humeurs instables et des épisodes de manie psychotique et de dépression. Mais il est désormais soumis aux codes de conduite de Harvard qui interdisent tout "manque de respect pour la dignité d'autrui" ; toute violation lui vaudra des ennuis avec l'Inquisition de Harvard (le "Bureau pour l'équité, la diversité et l'inclusion"). Newton veut aussi publier Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica, pour expliquer les lois du mouvement qui régissent l'univers. Mais son agent littéraire lui explique qu'il ne peut obtenir un contrat de publication décent tant qu'il n'a pas sa propre "plateforme d'auteur" avec au moins  20 000 followers sur Twitter - en lui reprochant d'avoir provoqué des réactions négatives pour avoir diffusé ses opinions excentriques sur l'alchimie de la Grèce antique, la cryptographie biblique, la monnaie fiduciaire, le mysticisme juif ou la manière de prédire la date exacte de l'Apocalypse.

Newton ne ferait pas long feu en tant qu'"intellectuel public" dans la culture américaine moderne. Tôt ou tard, il dirait des choses "offensantes" qui seraient rapportées à Harvard et reprises par les médias grand public sous forme de putaclicks (clickbait) pour l'indignation morale. Son excentricité et sa maladresse orageuse lui vaudront d'être rapidement expulsé du monde universitaire, des médias sociaux et de l'édition. Résultat ? D'un côté, il génèrerait du trafic sur Huffpost, Buzzfeed et Jezebel, et les gens disposeraient d'une nouvelle controverse à propos de laquelle ils pourraient développer des attitudes vertueuses sur Facebook. De l'autre nous n'aurions pas les lois du mouvement de Newton.

Auteur: Miller Geoffrey

Info:

[ comparaison diachronique ] [ moraline publique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

principe de la psychanalyse

[...] qu’est-ce que c’est que l’analyse des résistances ?

Ce n’est pas [...] intervenir auprès du sujet pour qu’il prenne conscience de la façon dont ses attachements, ses préjugés, l’équilibre de son moi, l’empêchent de voir. Ce n’est pas une persuasion, débouchant vite sur la suggestion. Ce n’est pas renforcer, comme on dit, le moi du sujet, ou se faire de sa partie saine un allié. Ce n’est pas convaincre. C’est, à chaque moment de la relation analytique, savoir à quel niveau doit être apportée la réponse. Cette réponse, il est possible qu’elle doive être parfois apportée au niveau du moi. mais dans le cas que je vous dis, il n’en est rien. La question du sujet ne se réfère nullement à ce qui peut résulter de tel sevrage, abandon, manque vital d’amour ou d’affection, elle concerne son histoire en tant qu’il la méconnaît, et c’est là ce qu’il exprime bien malgré lui à travers toute sa conduite, pour autant qu’il cherche obscurément à la reconnaître. Sa vie est orientée par une problématique qui n’est pas celle de son vécu, mais celle de son destin, à savoir – qu’est-ce que son histoire signifie ? 

Une parole est matrice de la part méconnue du sujet, et c’est là le niveau propre du symptôme analytique – niveau décentré par rapport à l’expérience individuelle, puisque c’est celui du texte historique qui l’intègre. Il est dès lors certain que le symptôme ne cédera qu’à une intervention portée à ce niveau décentré. Toute intervention échouera, qui s’inspire d’une reconstitution préfabriquée, forgée à partir de notre idée du développement normal de l’individu, et visant à sa normalisation – voilà ce qui lui a manqué, voilà ce qu’il doit apprendre à subir de frustration par exemple.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre II", "Le moi dans la théorie de Freud", pages 64-65

[ anti-comportementaliste ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

ratio

La raison pure est une abstraction, légitime seulement dans la mesure où l’on est tenu de la considérer en elle-même, à son titre d’instance cognitive (par exemple dans certains débats logico-philosophiques), et non dans son fonctionnement réel. De ce dernier point de vue, qui est celui qu’impose l’existence de philosophies historiquement considérées, la raison naturelle est aussi bien une raison culturelle, c’est-à-dire que les œuvres dont on lui attribue la paternité sont le produit, rationnellement élaboré, d’une culture déterminée. Dans son essence, la raison est toujours la même, et si l’on dégage les règles formelles de son fonctionnement – ce qu’on appelle la logique – on constate qu’elles sont partout identiques. Mais la raison n’est pure et identique à elle-même dans son intemporelle universalité qu’en tant qu’elle ne s’applique à rien et ne sert à rien. Dès qu’elle entre en contact avec les matières qu’elle traite, elle doit composer avec elles et se soumettre à leurs déterminations naturelles. En outre, en accomplissant sa tâche au sein d'une certaine culture, elle en reçoit des suggestions, des précompréhensions intuitives, des inspirations instinctives qui confèrent à la raison en exercice une forme particulière et définissent un régime spécifique de rationalité. C’est pourquoi il y a aussi une histoire de la raison, spécialement en Occident. 

S’agissant de cette histoire, nous nous risquerions volontiers à distinguer, très approximativement, quatre régimes différents de rationalité. On aurait ainsi : 1 – le régime platonicien d’une raison intellective hiérarchiquement ordonnée au divin ; 2- le régime aristotélico-thomiste d’une raison logique soumise à la révélation, mais encore pénétrée d’intellectivité ; 3 – le régime kantien d’une raison scientifico-critique horizontalement contreposée aux croyances religieuses ; 4 – le régime cybernétique ou combinatoire d’une raison déconstruite et décentrée, livrée au pouvoir de ses déterminations économiques, sociales ou ethnologiques.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 60-61

[ historique ]

 
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exploiteurs

Objet : non candidature au poste de stagiaire rédacteur Web

Madame, Monsieur,

Dans votre "offre" d'emploi vous précisez rechercher quelqu'un doué de grandes capacités rédactionnelles. Il faut en effet disposer de telles compétences, doublées d'une certaines malhonnêteté intellectuelle pour être capable de rédiger une lettre qui vous fasse croire à une quelconque motivation à occuper le poste indigent que vous proposez. Vous cherchez quelqu'un de diplômé mais qui accepte d'être pris en stage. Quelqu'un qui ait déjà plusieurs années d'expérience mais qui considère que ce qu'il pourra apprendre auprès de vous fera office de rémunération. Vous cherchez, en somme, la perle rare, qui est d'autant plus rare qu'elle n'a pas conscience de sa valeur. Vous cherchez quelqu'un qui puisse vivre avec 554 euros par mois. Quelqu'un qui ne soit pas préoccupé par de basses conditions matérielle comme se loger ou se nourrir. Il vous faut donc un pur esprit, qui tende vers l'ascèse et le dépassement par le labeur, avec pour seul but le sentiment de satisfaction que procure le travail bien fait. Je suis au regret de vous annoncer qu'un tel être n'existe pas. De deux choses l'une : ou bien il existe de purs esprit qui n'ont que faire des contingences matérielles et alors ils n'ont aucun intérêt à accomplir les tâches fastidieuses que vous souhaitez leur confier. Ou bien les être ont un corps et des besoins élémentaires, et il leur est impossible de faire coïncider la satisfaction de ces besoins avec les conditions de travail que vous proposez. Vous promettez une opportunité , vous parlez de votre équipe de rédaction comme d'une "famille". Quelle famille souhaiterait voir un de ses membres réduit à feindre d'embrasser une situation qui l'humilie ? Vous précisez rechercher quelqu'un qui ait l'esprit d'initiative et qui soit autonome. Vous ne m'en voudrez donc pas de prendre la liberté de vous adresser cette lettre de démotivation. Conformément à vos attentes je suis jeune, dynamique et motivée. Assez jeune pour oser dire non. Assez dynamique pour prendre le temps de vous écrire cette lettre en pure perte et assez motivée pour espérer pouvoir m'insérer dans la vie active de façon décente.
Je reste bien évidemment à votre entière disposition pour tout éclaircissement supplémentaire que vous estimeriez nécessaire.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations respectueuses.

Auteur: Toulet Pauline

Info: Ce mot était destiné au groupe LVMH, qui cherchait un rédacteur web titulaire d'un master, ayant 5 ans d'expérience et.... acceptant d'être rémunéré 3,60 euros de l'heure.

[ humour ] [ recherche d'emploi ] [ riposte ]

 
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totalitarisme

Cette concentration des pouvoirs aux mains d’une assemblée ou d’un homme, à laquelle aboutit involontairement le régime représentatif, l’avènement de la démocratie vient la rendre plus facile et plus redoutable. Moins étroit est le cercle des franchises électorales, moins restreint le nombre des citoyens admis à choisir les délégués du peuple, et plus les représentants de la nation, s’autorisant de leur origine, tendent à se confondre avec elle, à s’approprier sa souveraineté, à tout se croire permis au nom de ce peuple, qu’ils prétendent incarner. Erigeant à leur profit les volontés supposées de la nation en loi absolue et en vérité infaillible, ils ne tolèrent aucune résistance aux caprices passagers de majorités omnipotentes. Sous l’aveugle impulsion de la démagogie radicale, on peut voir ainsi le régime représentatif dégénérer pratiquement en absolutisme impersonnel d’autant plus impérieux qu’il s’exerce au nom de la nation entière, d’autant plus dangereux et difficile à secouer qu’il conserve les formes extérieures des institutions libres et que, sous ce déguisement, il peut faire illusion aux yeux grossiers, se couvrir devant le peuple du masque du bien public et des intérêts mêmes de la liberté. "Quand une fois, dit Bossuet, on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l’appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu’elle en entende seulement le nom." Trop souvent, en effet, l’apparence lui en suffit. Elle se vante de la posséder quand elle n’en garde que l’ombre. Elle ne la comprend même pas toujours. Elle identifie la liberté avec le pouvoir, et s’imaginant être libre dès qu’elle peut tout, elle traite en ennemis de la liberté les hommes assez osés pour braver sa puissance.

Contre ce despotisme du nouveau souverain collectif, contre cette menaçante absorption des pouvoirs publics, les pays les mieux prémunis sont naturellement les états à constitution fédérative ou à forte vie locale. Ceux-là puisent dans les institutions ou dans les mœurs de quoi résister au joug niveleur des maîtres changeants que se donne la faveur populaire. J’oserai donc dire que, sous le gouvernement représentatif, tout comme dans les monarchies d’ancien régime, avec la démocratie non moins que dans les sociétés hiérarchiques, la première condition de la liberté, ou mieux l’unique garantie quelque peu efficace des institutions libres, c’est encore la décentralisation et le renforcement de la vie locale. Or, cette vie locale, là même où elle a le plus de racines dans les traditions, la démocratie et son complaisant auxiliaire, le pseudo-libéralisme bureaucratique, semblent travailler d’instinct à l’affaiblir, à l’énerver, à l’étouffer, comme si leur idéal, aussi bien que celui de nos anciens rois, était de tout abattre et de tout uniformiser pour être mieux à même de tout régenter.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: Les mécomptes du libéralisme, Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 69, 1885

[ politique ] [ conséquences ] [ remède ]

 

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