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prière

L'étoile allait sur sa fin, 

le couvre-feu aussi avait sonné 

les cieux ouverts chantaient. 

Que savaient de destruction 

les cieux ? 

Que savaient-ils 

des larmes amères ? 

Que sait le Printemps 

du muguet en pleurs ? 

Et assigné à résidence 

dans la caverne des vallées 

j'ai proféré des mots,

j'ai dit des injures,

j'ai prononcé des discours 

sur la désolation, 

des blasphèmes, des blasphèmes 

qui parlaient de la Mort femelle. 

Et les cieux grands ouverts chantaient : 

regarde-le, il est tout efféminé, 

il crie ses amours 

et quels bruyants 

amours ! 

Oh, amours, 

pauvres amours, 

dans cette vallée de larmes,

dans la grotte 

trop pleine de pleurs !

… Vient ensuite un temps cruel 

qui punit la douceur. 

Survient un visage sans visage, 

survient une voix sans voix, 

un timbre sas timbre, 

une face sans face 

survient la crapule lumineuse 

pourvue d'un millier d'ailes. 

Et quelle texture 

quelle écriture cunéiforme

– mystérieuse, mystérieuse ! –

quels piquants de hérisson 

dans un affreux battement d'ailes.

Pouce, je ne lutte pas avec toi 

comme Jacob avec l'ange, 

ne me fauche pas, ne me moissonne pas

ne m'appelle pas Jacob

je suis un autre. 

Les créatures de mon rêve 

sont immaculées 

mes mains sont lasses 

croisées sur ma poitrine. 

Le couvre-feu a sonné 

et se fait silence silence. 

Et puis plus rien que des cristaux 

plus rien que du minéral 

dans la grotte de la vallée. 

Auteur: Botta Emil

Info: En regardant le tableau de Delacroix :  la lutte de Jacob avec l'ange. traduit du roumain par Pierre Drogi

[ poème ]

 
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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

femmes-par-femmes

Depuis vendredi où j'ai souffert de la voir avec ce Maigret insupportable, je ne pense qu' à elle, m'obstinant au charme têtu et délicat de son visage, à ses yeux couleur de crépuscule, à ses longs cils soyeux qui caressent une joue enfantine, à son petit nez aux narines palpitantes, et à la bouche enfin, ravissante, entrouverte sur un sourire couleur de perle qu'elle offre à tous, la tête renversée, avec un battement de cil voluptueux, une irrévérence de petite fille coquette qui fend le coeur, car elle est si menue, si petite, avec des chevilles si fragiles que l'on a tout le temps peur qu'elle n'ait de la peine ou du mal. On voudrait la protéger, l'aimer, la défendre. Cependant, dès qu'elle abandonne son exquise politesse et sa puérilité, dès qu'elle parle de choses qu'elle croit plus sérieuses, c'est elle qui domine au contraire et qui combat. Sa voix très agréable et douce se durcit d'autorité, d'indifférence. On sent qu'elle pense : "je peux commander, dire ce que je veux, je suis riche et n'ai besoin de personne, car mon notaire me défend."
La façon également dont elle donne sa main à baiser prouve toute son assurance, son égoïsme, sa vanité. Il y a de la dureté en elle, toute une armure sous de la soie, une armure camouflée d'enfantillage, car elle redevient si petite par instants, si petite qu'on a envie simplement de l'embrasser et de l'appeler ma petite fille chérie.
Ne pas oublier cependant qu'elle a un intérieur de démon, rouge, or et noir, de tout petits divans durs à sa taille où elle s'étend comme une petite reine, trop douce pour ne pas être infernale et s'abandonner à toutes les voluptés, et qu'il faut se méfier d'elle, de sa grâce trop mièvre, de son changeant sourire, de son autorité suppliante et de sa douceur tyrannique.[...]

Auteur: Havet Mireille

Info: Journal 1918-1919, Dimanche 26 janvier 1919

[ personnage ]

 

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église

Si tu veux, c’est là le trait fondamental du catholicisme romain, à mon avis du moins : "Tout a été confié par Toi au pape, et tout est donc maintenant entre les mains du pape, quant à Toi, Tu peux ne plus venir du tout, ne nous dérange pas, du moins pas avant l’heure". C’est dans ce sens que non seulement ils parlent mais même qu’ils écrivent, les jésuites du moins. Je l’ai lu moi-même chez leurs théologiens. "As-Tu le droit de nous révéler ne fût-ce qu’un seul des mystères du monde d’où Tu viens ?" lui demande mon vieillard, et il répond lui-même à Sa place : "Non, Tu ne l’as pas, pour ne rien ajouter à ce qui a déjà été dit et pour ne pas enlever aux hommes la liberté à laquelle Tu tenais tant quand Tu étais sur terre. Tout ce que Tu annoncerais encore porterait atteinte à la liberté de foi des hommes, car cela apparaîtrait comme un miracle ; or, il y a déjà quinze cent ans, Tu plaçais au-dessus de tout la liberté de leur foi. N’est-ce pas Toi qui disais si souvent alors : "Je veux vous rendre libres". Or, Tu les as vus maintenant, ces hommes "libres", ajoute soudain le vieillard avec un sourire méditatif. Oui, cette tâche-là nous a coûté cher, continue-t-il en Le regardant sévèrement, mais nous en sommes enfin venus à bout, en Ton nom. Pendant quinze siècles, nous avons peiné avec cette liberté, mais maintenant tout est fait et solidement fait. Tu ne crois pas que ce soit solidement fait ? Tu me regardes avec douceur et Tu ne me fais même pas l’honneur de Ton indignation ? Mais sache qu’à présent, et précisément aujourd’hui, ces hommes sont plus persuadés que jamais d’être entièrement libres, et cependant ce sont eux qui nous ont apporté leur liberté et qui l’ont docilement déposée à nos pieds. Mais c’est notre œuvre à nous, et Toi, est-ce cela que Tu souhaitais, est-ce cette liberté-là ?"

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Le Grand Inquisiteur s'adresse au Christ, dans "Les Frères Karamazov", volume 1, traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, page 322

[ fixation du dogme ] [ messie entropique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

légende

Il [Saint François d’Assise] parvint à un endroit, près de Bevagna, où se trouvait assemblée une très grande multitude d’oiseaux d’espèces diverses : colombes, corneilles et d’autres qu’on appelle ordinairement des moineaux. En les voyant, le très bienheureux serviteur de Dieu François, en homme d’une très grande ferveur qui portait un grand sentiment de piété et de douceur même aux créatures inférieures et privée de raison, courut vers eux avec allégresse, laissant ses compagnons sur le chemin. Une fois qu’il fut assez près, voyant que les oiseaux l’attendaient, il les salua à sa manière habituelle. Mais voyant non sans étonnement que les oiseaux ne prenaient pas la fuite comme ils le font d’ordinaire, il fut rempli d’une joie immense et les pria humblement, disant qu’ils devaient écouter la parole de Dieu. Parmi les nombreuses choses qu’il leur dit, il ajouta encore celles-ci : "Mes frères les oiseaux, vous devez beaucoup louer votre Créateur et l’aimer toujours, lui qui vous a donné des plumes pour vous revêtir, des ailes pour voler et tout ce dont vous avez besoin. Dieu vous a rendus nobles parmi ses créatures et il vous a accordé d’habiter dans la pureté de l’air ; car comme vous ne semez ni ne moissonnez, lui-même ne vous en protège et ne gouverne pas moins, sans que vous vous en souciiez le moins du monde." A ces paroles, les petits oiseaux – à ce qu’il disait, lui et les frères qui se trouvaient avec lui – exultèrent de façon étonnante, selon leur nature : ils commencèrent à allonger le cou, à étendre leurs ailes, à ouvrir le bec et à regarder vers lui. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait et venait, touchant leurs têtes et leurs corps de sa tunique. Enfin, il les bénit et, après avoir fait un signe de croix, il leur donna congé de s’envoler dans un autre lieu. Quant au bienheureux père, il allait avec ses compagnons, se réjouissant sur le chemin, et rendant grâce à Dieu que toutes les créatures vénèrent par une confession suppliante.

Auteur: Celano Thomas de

Info: Vita prima, 58

[ christianisme ] [ animaux ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

déclaration d'amour

Non, je ne vous apprendrai pas à moins aimer, moi à qui vous devez de connaître ce qu'on appelle aimer ; votre amour, les marques que j'en reçois, la manière dont vous l'exprimez, tout ce que vous m'écrivez fait mon bonheur et enflamme mon amour. J'en avais bien besoin de bonheur, je suis plongée dans la tristesse, je tremble de rester ici... Cette poste de Plombières, à qui nous avons dit tant d'injures, arrive et m'apporte une lettre de vous, en voilà trois aujourd'hui ; voilà la quatrième que je vous écris, je vous en écrirai une cinquième par la poste. Vos lettres sont délicieuses, vous m'y dites quelquefois des injures et de celles qui m'affligent le plus, vous y doutez de mon amour, mais vous m'assurez du vôtre, la douceur d'être aimée adoucit même vos injustices ; vous finissez la lettre de votre courrier par me prier de vous apprendre à moins aimer. Vous le désirez donc, mais assurément, vous ne pouvez plus mal vous adresser. Désirez-vous que je vous aime avec toute la fureur, toute la folie, tout l'emportement dont je suis capable, montrez-moi toujours autant d'amour qu'il y en a dans quelques endroits de vos lettres. Vous ne pouvez vous imaginer combien elles m'enflamment et quel amour les marques de votre passion excitent dans mon coeur. Tous mes sentiments sont durables, tout fait des traces profondes dans mon âme... Croyez que vous avez toujours lu dans mon coeur, je veux toujours que vous y lisiez, que ne pouvez-vous voir à présent ce qui s'y passe, combien je vous adore, avec quelle impatience et quelle ardeur je désire de me rejoindre à vous ? Quand vous m'aimez, vous remplissez tous les sentiments de mon coeur, vous réalisez toutes mes chimères, je ne crois pas qu'il fût possible de trouver un coeur aussi tendre, aussi appliqué, aussi passionné que le vôtre ; mais il a souvent des disparates ; s'il n'en avait pas, je crois que je partirais ce soir à pied pour aller trouver, peut-être m'aimerez-vous également quelque jour et alors je ne désirerai plus rien...

Auteur: Châtelet Gabrielle Marquise

Info: à Jean-François de Saint-Lambert. Le 1er septembre 1748

[ correspondance ]

 

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déclaration d'amour

Ah ! Sophie, Sophie ! Ose me dire que ton amant t'est plus cher aujourd'hui que quand tu daignais m'écouter et me plaindre, et que tu m'attendrissais à mon tour aux expressions de ta passion pour lui ! Tu l'adorais et te laissais adorer ; tu soupirais pour un autre, mais ma bouche et mon coeur recueillaient tes soupirs. Tu ne te faisais point un vain scrupule de lui cacher des entretiens qui tournaient au profit de ton amour. Le charme de cet amour croissait sous celui de l'amitié ; ta fidélité s'honorait du sacrifice des plaisirs non partagés. Tes refus, tes scrupules étaient moins pour lui que pour moi. Quand les transports de la plus violente passion qui fut jamais t'excitaient à la pitié, tes yeux inquiets cherchaient dans les miens si cette pitié ne t'ôterait point mon estime ; et la seule condition que tu mettais aux preuves de ton amitié était que je ne cesserais point d'être ton ami. Cesser d'être ton ami ! Chère et charmante Sophie, vivre et ne plus t'aimer est-il, pour mon âme, un état possible ? Eh ! Comment mon coeurs se fût-il détaché de toi, quand aux chaînes de l'amour tu joignais les doux noeuds de la reconnaissance ? J'en appelle à ta sincérité. Toi qui vis, qui causas ce délire, ce pleurs, ces ravissements, ces extases, ces transports qui n'étaient pas faits pour un mortel, dis, ai-je goûté tes faveurs de manière à mériter de les perdre ? [...] Ressouviens-toi du mont Olympe, ressouviens-toi de ces mots écrits au crayon sur un chêne. J'aurais pu les tracer du plus pur de mon sang, et je ne saurais te voir ni penser à toi qu'il ne s'épuise et ne renaisse sans cesse. Depuis ces moments délicieux où tu m'as fait éprouver tout ce qu'un amour plaint, et non partagé, peut donner de plaisir au monde, tu m'es devenue si chère que je n'ai plus osé désirer d'être heureux à tes dépens, et qu'un seul refus de ta part eût fait taire un délire insensé. Je m'en serais livré plus innocemment aux douceurs de l'état où tu m'avais mis ; l'épreuve de ta force m'eût rendu plus circonspect à t'exposer à des combats que j'avais trop peu su te rendre pénibles. J'avais tant de titres pour mériter que tes faveurs et ta pitié même ne me fussent point ôtées ; hélas ! que faut-il que je me dise pour me consoler de les avoir perdues si ce n'est que jamais trop pour les avoir conservées. [...]

Auteur: Rousseau Jean-Jacques

Info: à Sophie D'Houdetot vers le 15 octobre 1757

[ regrets ]

 

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en douceur

Les choses sont noires parce que tu essayes trop fort.

Légèrement, mon enfant, légèrement. Apprends à tout faire avec légèreté.

Oui, ressentir avec légèreté même si tu ressens beaucoup de choses.

Laisse les choses arriver avec légèreté et gère-les avec légèreté.



J'étais tellement sérieux à l'époque, un petit con sans humour.

Léger, léger - c'est le meilleur conseil qu'on m'ait jamais donné.

Même lorsqu'il s'agit de mourir. Rien de pesant, ni de prétentieux, ni d'emphatique.

Pas de rhétorique, pas de trémolos,

pas de personnage conscient de lui-même imitant le Christ ou la petite Nell.

Et bien sûr, pas de théologie, pas de métaphysique.

Juste le fait de mourir et le fait de la lumière claire.



Alors, débarrasse-toi de tes bagages et va de l'avant.

Il y a des sables mouvants tout autour de nous, qui nous aspirent par les pieds,

Qui tentent de nous faire sombrer dans la peur, l'apitoiement et le désespoir.

C'est pourquoi il faut y aller avec légèreté.

Légèrement, ma chérie,

sur la pointe des pieds et sans bagages,

pas même un sac en éponge,

complètement désencombré. 





It’s dark because you are trying too hard.

Lightly child, lightly. Learn to do everything lightly.

Yes, feel lightly even though you’re feeling deeply.

Just lightly let things happen and lightly cope with them.



I was so preposterously serious in those days, such a humorless little prig.

Lightly, lightly – it’s the best advice ever given me.

When it comes to dying even. Nothing ponderous, or portentous, or emphatic.

No rhetoric, no tremolos,

no self conscious persona putting on its celebrated imitation of Christ or Little Nell.

And of course, no theology, no metaphysics.

Just the fact of dying and the fact of the clear light.



So throw away your baggage and go forward.

There are quicksands all about you, sucking at your feet,

trying to suck you down into fear and self-pity and despair.

That’s why you must walk so lightly.

Lightly my darling,

on tiptoes and no luggage,

not even a sponge bag,

completely unencumbered.

Auteur: Huxley Aldous

Info: Island. Trad Mg

[ poème ] [ délicatement ] [  doucement ] [ sans se presser ] [ succomber ] [ aérien ] [ lâcher prise ] [ acceptation ] [ facilement ] [ simplement ] [ diaphane ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

vieillesse

J’ai compté mes années et j'ai découvert qu’à partir de maintenant, j’ai moins de temps à vivre que ce que j’ai vécu jusqu’à présent…

Je me sens comme ce petit garçon qui a gagné un paquet de friandises: la première il la mangea avec plaisir, mais quand il s’aperçut qu’il lui en restait peu, il commença réellement à les savourer profondément.

Je n’ai plus de temps pour des réunions sans fin où nous discutons de lois, des règles, des procédures et des règlements, en sachant que cela n’aboutira à rien.

Je n’ai plus de temps pour supporter des gens stupides qui, malgré leur âge chronologique n’ont pas grandi.

Je n’ai plus de temps pour faire face à la médiocrité.

Je ne veux plus assister à des réunions où défilent des égos démesurés.

Je ne tolère plus les manipulateurs et opportunistes.

Je suis mal à l´aise avec les jaloux, qui cherchent à nuire aux plus capables, d’usurper leurs places, leurs talents et leurs réalisations.

Je déteste assister aux effets pervers qu’engendre la lutte pour un poste de haut rang.

Les gens ne discutent pas du contenu, seulement les titres.

Moi, mon temps est trop précieux pour discuter des titres.

Je veux l’essentiel, mon âme est dans l’urgence… il y a de moins en moins de friandises dans le paquet…

Je veux vivre à côté de gens humains, très humains, qui savent rire de leurs erreurs, qui ne se gonflent pas de leurs triomphes, qui ne se sentent pas élu avant l’heure, qui ne fuient pas leurs responsabilités, qui défendent la dignité humaine, et qui veulent marcher à côté de la vérité et l’honnêteté.

L’essentiel est ce que tu fais pour que la vie en vaille la peine.

Je veux m'entourer de gens qui peuvent toucher le cœur des autres… des gens à qui les coups durs de la vie leurs ont appris à grandir avec de la douceur dans l’âme.

Oui… je suis pressé de vivre avec l’intensité que la maturité peut m'apporter.

J’ai l’intention de ne pas perdre une seule partie des friandises qu´il me reste…

Je suis sûr qu’elles seront plus exquises que toutes celles que j´ai mangées jusqu’à présent.

Mon objectif est d’être enfin satisfait et en paix avec mes proches et ma conscience.

J’espère que la vôtre sera la même, parce que de toute façon, vous y arriverez…

Auteur: Andrade Mario Paul de Morais dit Mario de

Info:

[ maturité ] [ dégustation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sexe

La serviette-éponge tomba de ses reins. Marc commença de se raser avec la lame enveloppée d’un côté dans du papier journal. Il me vit dans le miroir.

-Ne regarde pas ! dit Marc.

[…] Je regardai. J’espérais que je le ranimerais et que je l’intéresserais à distance ; j’espérais que Marc me dirait : "Je ne pars plus, viens." Je le regardai longtemps, je réchauffai sans le toucher le petit tombé du nid. Je levai les yeux. Nos regards se croisèrent encore dans le miroir. Marc voyait ce que je faisais avec mes yeux. Il s’éclaircit la voix, il faillit se couper. Je baissais toujours les yeux. Je le ranimai, je le réchauffai, je le flattai encore plus bas. Marc jeta se lame de rasoir sur la tablette de verre. Il saisit mes poignets :

-Non, Thérèse, non ! Avec ton régime nous serons cinglés avant six mois.

-Nous serons cinglés, dis-je sans lever les yeux.

Je sentis que Marc aussi baissait les yeux et se regardait. Il serra les poings, il reprit sa lame de rasoir sur la tablette.

-Nus à dix heures du matin dans ce trou, dit Marc.

Je regardai : il se rasait et il regardait dans le miroir si je baissais les yeux pour voir plus bas. Je vins dans son dos, je lui frôlai lentement les hanches. Il ne me repoussa pas.

Nos regards se croisaient toujours dans le miroir, nos yeux brillaient. La main de Marc trembla, la lame de rasoir tomba dans l’évier. Je la pris, je l’essuyai et la rendis à Marc. Il haussa les épaules, il s’approcha du miroir. Je revins derrière lui, je l’enlaçai. Ma main suivit le chemin rêvé depuis le transparent de cheveux argent jusqu’à l’aine.

-Je te le donne, je te le donne ! dit Marc avec désespoir.

Le bouton d’iris que j’enfermais dans ma main avait une douceur d’apôtre.

La main de Marc trembla plus fort. Il cessa de se raser.

-Il n’y a pas que cela au monde, dit Marc.

Je le serrais, je le fortifiais, mon âme remerciait, les murs ruisselaient. Marc lança la lame dans l’évier, il enleva ma main avec des doigts contractés.

Je le suivis dans la chambre.

Il se jeta à plat ventre sur le lit, il serra l’oreiller dans ses bras.

Il souffre : j’ai la paix. Il souffre : je vais et je viens dans la chambre. Il souffre : je ne suis plus la vague qui se brise contre le rocher. 

Auteur: Leduc Violette

Info: Dans "Ravages", éd. Gallimard, Paris, 1955, pages 334-335

[ marchandage ] [ consentement forcé ] [ vengeance ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

dernières paroles

Ici nous sommes cinq mille
Dans cette petite partie de la ville.
Nous sommes cinq mille.
Je me demande combien nous sommes en tout
Dans les villes et dans le pays entier ?
Rien qu'ici
Il y a dix mille mains qui sèment les graines
Et font tourner les usines
Combien d'humanité
Exposée à la faim, au froid, à la panique, la douleur,
pression morale, terreur et folie
Six d'entre nous ont été perdus
Comme dans un espace étoilé.
Un mort, autre battu comme je n'ai jamais imaginé
qu'un être humain puisse être battu.
Les autres quatre ont que leur terreur finisse
En bondissant dans le néant,
Un autre tapait sa tête contre un mur,
Mais tous avec le regard fixe de la mort.
Quelle horreur crée le visage du fascisme !
Ils effectuent leurs plans avec la précision du couteau.
Rien ne compte pour eux.
Pour eux le sang égale les médailles,
Le massacre est acte d'héroïsme.
Oh Dieu, est-ce le monde que tu as créé,
Pendant tes sept jours d'étonnement et le travail ?
Entre ces quatre murs seulement un nombre existe
qui ne progresse pas,
qui lentement exigera toujours plus la mort.
Mais soudainement ma conscience se réveille
Et je vois que cette marée n'a aucun battement de coeur,
Seulement l'impulsion de machines
Et les militaires montrant des visages de sages-femmes
pleins de douceur.
Laissez le Mexique, Cuba et le monde
Crier contre cette atrocité!
Nous sommes dix mille mains
Qui ne peuvent rien produire.
Combien d'entre nous dans tout le pays ?
Le sang de notre Président, notre compagnon
Frappera avec plus de force que des bombes et des mitrailleuses!
Ainsi notre poing mènera la grève à nouveau!
Comme il est dur de chanter
Quand il faut chanter d'horreur.
Horreur que je vis,
Horreur dont je meurs.
Me voir parmi tant et
tant de moments d'infini
dans lequel silence et cris
sont la fin de ma chanson.
Ce que je vois, je n'ai jamais vu
Ce que j'ai ressenti et ce que je sens
Donneront naissance au moment...

Il ne peut achever car rapidement on le sépare des autres prisonniers. Mais il peut à le transmettre à un prisonnier qui parvient à le dissimuler dans sa chaussure. Plusieurs témoignages rapportent qu'il fut ensuite battu, qu'on lui coupa les doigts à la hache et qu'ensuite ses tortionnaires lui proposèrent ironiquement de jouer de la guitare et de chanter. C'est alors qu'il aurait entonné "Venceremos" l'hymne de campagne de Salvador Allende... dont voici le premier couplet et le refrain.

Desde el hondo crisol de la patria
se levanta el clamor popular,
ya se anuncia la nueva alborada,
todo Chile comienza a cantar.

Venceremos, venceremos,
mil cadenas habrá que romper,
venceremos, venceremos,
la miseria al fascismo sabremos vencer.

Auteur: Jara Victor

Info: battu à nouveau il est ensuite abattu à la mitraillette

[ exécutions ]

 

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