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inventivité

On fera peut-être l’objection que cette méthode écarte trop le travail de l’imagination. Nous voulons, en effet, réduire son rôle au strict nécessaire.

Le travail de l’imagination est une activité purement humaine, ce n’est donc pas une prière. Et ceci est une première raison pour chercher à le restreindre.

Sans doute, sous l’influence de la grâce, cette activité inférieure est élevée et dirigée vers un but surnaturel. Il reste néanmoins que l’imagination, comme toute faculté sensitive, s’épuise très vite et se lasse de son objet. Construire et maintenir des représentations imaginaires, c’est un travail trop fatigant pour que l’on puisse le prolonger d’une façon continue. Il faut donc éviter d’en faire un élément important ou essentiel de notre oraison, puisque celle-ci doit devenir, selon le précepte évangélique, simple et constante.

L’imagination ne saurait d’ailleurs atteindre les réalités surnaturelles, qui ne sont accessibles qu’à la foi pure. Elle ne fait tout au plus que jouer avec l’ombre de ces réalités invisibles, auxquelles les vertus théologales nous font adhérer substantiellement.

Est-ce à dire que nous prétendons exclure de l’oraison toute image ? Non, car cela est impossible ; mais nous voudrions que l’on se servît des images seulement dans la mesure où cela est nécessaire, et pas davantage.

Auteur: Anonyme moine chartreux

Info: Dans "Amour et silence", éditions du Seuil, 1951, pages 52-53

[ créativité ] [ inconvénients ] [ réserve ] [ curiosité réfrénée ] [ indiscrétion modérée ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

déclaration d'amour

Je pense et repense tous les jours à ce profond silence. La solitude où je suis entretient encore mes chagrins et ma profonde mélancolie. Des intérêts d’honneur et de famille m’attachent encore pour sept ou huit mois dans ce pays-ci : je commence à sentir combien ce temps me va coûter cher.

Ce sera la dernière lettre dont je t’accablerai : je ne te demande qu’une grâce, qui est de croire que je t’aime encore ; peut-être que c’est la seule chose que je puisse à présent espérer de toi.

Mets au feu toutes les bagatelles que tu sais. J’ai juré de ne plus écrire de ma vie, puisque je n’ai pas réussi pour la seule personne du monde à qui j’aurais souhaité de plaire.

L’état d’incertitude où je suis me paraît plus rude que tous les malheurs que je crains. Je vous demande en grâce, Madame, de m’instruire d’une chose qui doit intéresser toute ma vie. La dernière lettre que vous m’écrivîtes était une lettre très tendre ; je la relus cent milles fois, et je n’aurais jamais soupçonné qu’elle dût être la dernière.

Mon cher cœur, si tu ne m’aimes plus, cache-le-moi encore pour quelque temps ; je n’ai pas encore la force qu’il faut pour pouvoir l’apprendre. Ayez pitié d’un homme que vous avez aimé, si vous n’avez pas pitié du plus malheureux de tous les hommes.

Auteur: Montesquieu Charles de

Info: Lettre à à Marie-Anne Goyon de Matignon, marquise de Graves. In Correspondance de Montesquieu, Paris, Champion, 1914, p. 74

[ rupture ] [ couple ] [ épistole ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

spiritualité

Nous ne possédons rien au monde - car le hasard peut tout nous ôter - sinon le pouvoir de dire je. C'est cela qu'il faut donner à Dieu, c'est-à-dire détruire. Il n'y a absolument aucun autre acte libre qui nous soit permis, sinon la destruction du je.

Offrande : on ne peut pas offrir autre chose que le je, et tout ce qu'on nomme offrande n'est pas autre chose qu'une étiquette posée sur une revanche du je.

Rien au monde ne peut nous enlever le pouvoir de dire je. Rien, sauf l'extrême malheur. Rien n'est pire que l'extrême malheur qui du dehors détruit le je, puisque dès lors on ne peut plus le détruire soi-même. Qu'arrive-t-il à ceux dont le malheur a détruit du dehors le je ? On ne peut se représenter pour eux que l'anéantissement à la manière de la conception athée ou matérialiste.

Qu'ils aient perdu le je, cela ne veut pas dire qu'ils n'aient plus d'égoïsme. Au contraire. Certes, cela arrive quelquefois, quand il se produit un dévouement de chien. Mais d'autres fois l'être est au contraire réduit à l'égoïsme nu, végétatif. Un égoïsme sans je.

Pour peu qu'on ait commencé le processus de destruction du je, on peut empêcher qu'aucun malheur fasse du mal. Car le je n'est pas détruit par la pression extérieure sans une extrême révolte. Si on se refuse à cette révolte par amour pour Dieu, alors la destruction du je ne se produit pas du dehors, mais du dedans.

Auteur: Weil Simone

Info: La pesanteur et la grâce, p.35, Pocket-Agora no99

[ ego ] [ abandon ]

 
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adolescents

Pour les jeunes qui ne sont pas sportifs, pour ceux qui aiment la lecture, ceux qui sont gays, ceux qui commencent à être révoltés par les injustices sociales, "afficher sa différence" est à la fois une découverte de soi et de l'autodéfense. Lors des grands rassemblements avant une compétition sportive, ils vous crèvent le coeur. Blottis les uns contre les autres, tout en haut des gradins, dans leurs impers trop grands et leurs vêtements de l'Armée du Salut, ils contemplent d'un air malheureux la consécration des élèves les plus populaires, approuvée par l'institution scolaire. Ils subissent des brimades, ces gosses - surtout ceux qui refusent de raser les murs. On leur fait des croche-pieds dans les couloirs, on les pousse contre les casiers aux vestiaires, on les bombarde de mie de pain au réfectoire. Leurs bourreaux sont pour la plupart extrêmement malins. Un prof accaparé, sortant des bureaux de l'administration ou se hâtant vers le photocopieur entre deux cours lancera peut-être un regard noir ou laissera tomber sèchement un "Ça suffit !", mais il ne s'arrêtera sans doute pas pour autant. Et si une petite brute sans finesse dépasse les bornes et se fait pincer, il y a de fortes probabilités pour que le CPE soit un ex-sportif et un ex-bourreau - quelqu'un qui comprend ce mode de fonctionnement, réprimande la petite brute et la renvoie en cours. Les marginaux savent où se réfugier : à la bibliothèque, au club de théâtre, au cours d'arts plastiques ou dans les ateliers d'écriture.

Auteur: Lamb Wally

Info: Le chagrin et la grâce, p. 51-52

[ Etats-Unis ] [ culture des vainqueurs ] [ école ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

lendemain de cuite

Un valet vint ouvrir les persiennes et les fenêtres des salons. L’assemblée se trouva sur pied, rappelée à la vie par les chauds rayons du soleil qui pétilla sur les têtes des dormeurs.

Les mouvements du sommeil ayant brisé l’élégant édifice de leurs coiffures et fané leurs toilettes, les femmes frappées par l’éclat du jour présentèrent un hideux spectacle : leurs cheveux pendaient sans grâce, leurs physionomies avaient changé d’expression, leurs yeux si brillants étaient ternis par la lassitude. Les teints bilieux qui jettent tant d’éclat aux lumières faisaient horreur, les figures lymphatiques, si blanches, si molles quand elles sont reposées, étaient devenues vertes ; les bouches naguère délicieuses et rouges, maintenant sèches et blanches, portaient les honteux stigmates de l’ivresse.

Les hommes reniaient leurs maîtresses nocturnes à les voir ainsi décolorées, cadavéreuses comme des fleurs écrasées dans une rue après le passage des processions.

Ces hommes dédaigneux étaient plus horribles encore. Vous eussiez frémi de voir ces faces humaines, aux yeux caves et cernés qui semblaient ne rien voir, engourdies par le vin, hébétées par un sommeil gêné, plus fatigant que réparateur. Ces visages hâves où paraissaient à nu les appétits physiques sans la poésie dont les décore notre âme, avaient je ne sais quoi de féroce et de froidement bestial.

Ce réveil du vice sans vêtements ni fard, ce squelette du mal déguenillé, froid, vide et privé des sophismes de l’esprit ou des enchantements du luxe, épouvanta ces intrépides athlètes, quelque habitués qu’ils fussent à lutter avec la débauche. Artistes et courtisanes gardèrent le silence en examinant d’un œil hagard le désordre de l’appartement où tout avait été dévasté, ravagé par le feu des passions.

Auteur: Balzac Honoré de

Info: Dans "La peau de chagrin", Librairie générale française, 1984, pages 232-233

[ tête dans le cul ] [ laideur ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

querelle religieuse

En m’informant après de la doctrine des nouveaux Thomistes : Elle est bizarre, me dit-il. Ils sont d’accord avec les Jésuites d’admettre une grâce suffisante donnée à tous les hommes ; mais ils veulent néanmoins que les hommes n’agissent jamais avec cette seule grâce, et qu’il faille, pour les faire agir, que Dieu leur donne une grâce efficace qui détermine réellement leur volonté à l’action, et laquelle Dieu ne donne pas à tous. De sorte que, suivant cette doctrine, lui dis-je, cette grâce est suffisante sans l’être. Justement, me dit-il : car, si elle suffit, il n’en faut pas davantage pour agir ; et si elle ne suffit pas, elle n’est pas suffisante.

Mais, lui dis-je, quelle différence y a-t-il donc entre eux et les Jansénistes ? Ils diffèrent, me dit-il, en ce qu’au moins les Dominicains ont cela de bon qu’ils ne laissent pas de dire que tous les hommes ont la grâce suffisante. J’entends bien, répondis-je, mais ils le disent sans le penser, puisqu’ils ajoutent qu’il faut nécessairement, pour agir, avoir une grâce efficace, qui n’est pas donnée à tous : ainsi s’ils sont conformes aux Jésuites par un terme qui n’a pas de sens, ils leur sont contraires, et conformes aux Jansénistes dans la substance de la chose. Cela est vrai, dit-il. Comment donc, lui dis-je, les Jésuites sont-ils unis avec eux, et que ne les combattent-ils aussi bien que les Jansénistes, puisqu’ils auront toujours en eux de puissants adversaires, lesquels, soutenant la nécessité de la grâce efficace qui détermine, les empêcheront d’établir celle qu’ils veulent être seule suffisante ?

Les Dominicains sont trop puissants, me dit-il, et la Société des Jésuites est trop politique pour les choquer ouvertement. Elle se contente d’avoir gagné sur eux qu’ils admettent au moins le nom de grâce suffisante, quoiqu’ils l’entendent en un autre sens.

Auteur: Pascal Blaise

Info: Les " Provinciales ", Deuxième lettre, éditions Gallimard, 1987, pages 51-52

[ jansénisme ] [ sophisme ] [ intérêts temporels ] [ calculateurs ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

cité imaginaire

A partir de là, après sept jours et sept nuits, l'homme arrive à Zobéïde, ville blanche, bien exposée à la lune, avec des rues qui tournent sur elles-mêmes comme des files d'une pelote. Voici ce qu'on raconte à propos de sa fondation : des hommes de diverses nations firent un rêve semblable, ils virent une femme courir en pleine nuit dans une ville inconnue, ils la virent de dos avec ses cheveux longs, et elle était nue. Ils rêvèrent qu'ils la suivaient. A la fin, chacun la perdit. Ayant rêvé, ils partirent à la recherche de la ville, ils ne la trouvèrent pas mais se retrouvèrent ensemble ; ils décidèrent de construire une ville comme dans leur rêve. Dans la disposition des rues chacun reconstitua l'itinéraire de sa poursuite : là où il avait perdu les traces de la fugitive, il ordonna l'espace et les murs autrement que dans le rêve, de telle sorte qu'elle ne puisse plus s'échapper. Ce qui donna la ville de Zobéïde où ils s'établirent dans l'attente qu'une nuit se répète la scène. Aucun d'entre eux, ni en rêve, ni à l'état de vaille, ne revit jamais la femme. Les rues de la ville étaient celles par lesquelles ils allaient au travail tous les jours, sans plus aucune relation avec la poursuite du rêve. Qui du reste était déjà oublié depuis longtemps. D'autres hommes arrivèrent d'autres pays, ayant fait un rêve semblable au leur, et ils reconnaissaient dans la ville de Zobéïde quelque chose des rues de leur rêve, et ils changeaient de place arcades et escaliers de manière à ce que cela ressemble mieux au chemin de la dame poursuivie et que là où elle avait disparu il ne reste plus d'issues par ou s'échapper. Les premiers arrivés ne comprenaient pas ce qui attirait ces gens à Zobéïde, dans cette ville sans grâce, cette souricière.

Auteur: Calvino Italo

Info: les villes invisibles

[ légende ] [ littérature ] [ femmes-hommes ]

 

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hérésies

Tout le développement des luttes dogmatiques soutenues par l’Eglise au cours des siècles, si on l’envisage du point de vue purement spirituel, nous apparaît dominé par la préoccupation constante qu’a eue l’Eglise de sauvegarder à chaque moment de son histoire la possibilité pour les chrétiens d’atteindre la plénitude de l’union mystique. En effet, l’Eglise lutte contre les gnostiques pour défendre l’idée même de la déification comme fin universelle : "Dieu se fit homme pour que les hommes puissent devenir dieux". Elle affirme contre les ariens le dogme de la Trinité consubstantielle, parce que c’est le Verbe, le Logos, qui nous ouvre la voie vers l’union avec la divinité, et, si le Verbe incarné n’a pas la même substance avec le Père, s’Il n’est pas le vrai Dieu, notre déification est impossible. L’Eglise condamne le nestorianisme, pour abattre la cloison par laquelle, dans le Christ même, on a voulu séparer l’homme d’avec Dieu. Elle s’élève contre l’apollinarisme et le monophysitisme, pour montrer que la plénitude de la vraie nature humaine ayant été assumée par le Verbe, notre nature entière doit entrer en union avec Dieu. Elle combat les monothélites, parce qu’en dehors de l’union des deux volontés, divine et humaine, on ne saurait atteindre à la déification : "Dieu a créé l’homme par sa volonté seule, mais Il ne peut le sauver sans le concours de la volonté humaine." L’Eglise triomphe dans la lutte pour les images, en affirmant la possibilité d’exprimer les réalités divines dans la matière, - symbole et gage de notre sanctification. Dans les questions qui se posent successivement, sur le Saint-Esprit, sur la grâce, sur l’Eglise elle-même, - question dogmatique de l’époque où nous vivons, - la préoccupation centrale, l’enjeu de la lutte est toujours la possibilité, le mode ou les moyens de l’union avec Dieu. Toute l’histoire du dogme chrétien se développe autour du même noyau mystique, défendu par des armes différentes contre des adversaires multiples au cours des époques successives.

Auteur: Lossky Vladimir Nikolaïevitch

Info: "Essai sur la théologie mystique de l'Eglise d'Orient", éditions du Cerf, 2005, page 8

[ objectifs ] [ protection ]

 

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christianisme

Le mystère de l’Incarnation fait partie des enseignements de la religion. Cet enseignement est en lui-même une grâce, qui nous dispose à croire ce qui nous est révélé – qui nous y oblige aussi. Mais ici, que veut dire "croire" ? ce n’est pas nécessairement avoir l’esprit tout empli de ce qui est cru. Ce croire est à titre essentiel un vouloir-croire et un penser-croire, un tenir-pour-vrai (Fürwahrhalten), mais jamais, sauf sans doute grâce particulière, une persuasion aussi absolue que celle qui procède directement de la lumière naturelle. 

[…] Faut-il tenir ce mode du croire pour définitivement inauthentique, moyennant quoi l’on devrait conclure que Descartes, quoique s’étant déclaré chrétien, n’a proprement rien cru de la matière de la révélation ?

Ce serait aller trop vite. Il existe une modalité faible et traditionnelle du croire, qui n’est pas rien. […]

1) Une fois tracées, comme Descartes s’y est efforcé, des limites précises entre le domaine de la raison et celui de la foi, ce qui est de la foi pourra toujours paraître incroyable à la raison, ou même ne pourra manquer de paraître tel ; mais ce ne sera pas une raison pour que la raison ne se soumette pas.

2) La croyance au sens faible coïncide avec une soumission pratique – celle de la parole et de l’action à une certaine règle. C’est […] une attitude propositionnelle, ou la décision de respecter cette règle ou proposition par toutes les voies observables.

3) Dans aucun de ses écrits, Descartes ne juge de la religion : il ne juge que de la théologie. Sur la religion du peuple, il n’a pas un mot […]. La superstition n’est pas son objet. Quant à la théologie ordinaire, elle est mauvaise parce qu’elle transgresse incessamment les limites de l’usage légitime de la raison ou de l’autorité, ce que ne font ni la bonne et orthodoxe théologie (par exemple celle d’Arnauld), ni la bonne et vraie philosophie, qui s’attache au contraire tout entière à ces démarcations.

Auteur: Kambouchner Denis

Info: La question Descartes, éditions Gallimard, 2023, pages 251 à 253

[ lien ] [ doute ]

 

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reines de beauté

[Un samedi soir, le comité syndical organise pour les jeunes travailleurs une soirée ayant pour thème l'élection de "Miss Usine". Mais pour les vigilants activistes, aucun divertissement ne peut avoir lieu sans une finalité éducative, voire idéologique.]

Devant les trognes de tartuffe d'un jury pesamment sérieux, rafraîchi par quelques jeunes qui, au milieu de petites vieilles et de vieux gâteux, avaient l'impression de se trouver comme des gamins au premier jour de maternelle, se succédèrent, à tour de rôle, lentement, avec une certaine grâce, d'authentiques beautés, des jambes sculpturales et les seins d'albâtre, des rousses minces, frêles, aux regards innocents comme ceux des veaux nouveau-nées, des hanches solides, prolétaires, et des jambes charnues, des regards simulant le désarroi ou l'innocence et des salopes à l'air monacal, accompagnées d'un délire d'applaudissements, sifflées et encouragées par leurs connaissances, venues nombreuses, des blondes évaporées et des brunes pécheresses, toutes invitées en chœur à venir dans divers bistrots à la réputation douteuse : "la rousse numéro dix à La Grenouille verte ! ; la rouquine numéro cinq à La Mégère magnifique ! ; la deux au Canonnier ! ; la trois au Porte-Jarretelle rouge ! ; nous fournissons la bière, toi, viens avec ce que tu as de mieux !", ce qui énervait de plus en plus le jury. À la fin, sur le grand nombre de candidates, quatre remportèrent à peu près autant de points. Le jury s'était retiré dans une pièce attenante pour formuler des questions de manière à les départager, les goûts étant tellement divers, la simple beauté n'était pas suffisante pour devenir Miss. Et tandis que Jomo incontournable et insouciant comme toujours installait sa chaise au milieu de la scène, pour pleurer de nouveaux avec son chant et sa guitare les chevaux innocents en si grand nombre sacrifiés en l'honneur de l'apparition des tracteurs, les candidates passaient au second plan, se tenaient grelottantes et malheureuses derrière lui, abandonnées provisoirement même de leurs admirateurs ; la voix de Jomo, claire, puissante dominait la salle, réveillant dans le public des souffrances sans nom, une étrange envie de pleurer, à telle enseigne que la réapparition du jury fut accueillie par des sifflets et des huées ; c'est Jomo qu'ils voulaient, mais celui-ci quitta la scène l'air soumis et absent, laissant aux belles, tirées brusquement de leur torpeur, les applaudissements qui n'en finissaient plus.

Auteur: Buzura Augustin

Info: Vocile nopții, traduit du roumain par Guy Hoedts

[ prolétaires ] [ défilé ] [ spectacles mélangés ] [ malentendu ] [ musique ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste