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philosophie

Cet avènement de l'ego s'accompagne de nos jours, de manière lancinante et généralisée dans la psyché de nos contemporains, du sentiment que pour exister il est indispensable de faire quelque chose de notable, et si possible d’y exceller. Exister: ex - sistere. Se tenir debout hors de soi, à l'extérieur, pour l'extérieur. Jean-Paul Sartre, dans "Les mots", raconte que petit garçon il considérait, fasciné, dans la bibliothèque de son grand-père, les énormes volumes au dos desquels figurait un nom - celui de l'auteur. Il avoue avoir décidé alors, plus ou moins in petto, qu'un jour un ou plusieurs volumes semblables porteraient également un nom: le sien.

Quel sens tout ceci peut-il bien avoir? Platon a-t-il écrit le Phédon, la République et les Lois pour que figure sur la tranche de leur édition son nom? Jean-Sébastien Bach écrivait-il ses cantates et passions pour que l'on parle de lui? Bouddha a-t-il dispensé son enseignement pour que sa renommée s'étende au monde entier et que l'on ait son nom constamment à l'esprit? Soyons sérieux: Bouddha, Bach et Platon, et avec eux tous les authentiques grands esprits n'ont produit ce qu'ils ont produit que parce qu'ils étaient habités profondément par un propos qui devait impérativement s'exprimer, propos qui ne tenait sa validité que d'être adressé à leurs semblables, dans l'urgence de transmettre une nourriture vitale au sein de ce qui s'établit en dernier ressort comme une co-institution intersubjective. La posture de Sartre, très symptomatique de la nécrose relationnelle moderne et contemporaine, ressortit à une économie relationnelle objectivante.

Que signifie le fait de vouloir accoler son nom au dos d'un in quarto, sans même qu'ait été mentionné le propos ou le titre de l'ouvrage? Rien d'autre que le fait de remettre à autrui le soin d'attester notre existence, si possible de manière positive, en se plaçant face à lui en situation d'objet: objet de son attention, objet de son admiration, objet de sa considération. Objet, position humiliante s'il en est, qui nous renvoie aux tout premiers moments infantiles de notre inscription dans le monde, lorsque nous étions l'objet des soins de nos parents, l'objet de leurs réprimandes (mauvais objet), l'objet de leurs encouragements (bon objet). L'objet.

Or nous n'avons pas vocation à en rester à ce stade immature et matriciel, certes condition incontournable de notre incarnation et croissance en ce monde. Nous sommes appelés à devenir ce que nous sommes fondamentalement: des sujets. Or, objet et sujet sont des catégories qui s'excluent mutuellement. Il faut donc choisir entre la tentation objectivante et l'appel subjectivant, qui, lorsque le problème n'est pas posé dans les termes adéquats nous soumettent à des forces de marées qui nous écartèlent littéralement. La vieille antienne du Diable 6 , que l'on retrouve notamment dans les trois tentations du Christ au désert (Marc 1 12-13; Matthieu 4 1-11; Luc 4 1-13) est sans surprise, avec une répétitivité qui en devient lassante et en fait un horizon anthropologique universel, celle-là: vivre dans le regard - si possible admiratif - d'autrui, comme objet, donc, et non en soi-même, comme sujet.

En nous proposant l'exaltation extériorisée de notre personne - qui repose au passage sur l'abaissement et l'instrumentalisation de celle des autres (plus grand que, plus petit que, superstructure de toute perversion...), le Diable se moque de nous, et c'est sur la toile de fond de son rire que nous consentons à abdiquer le sujet qui est en nous et qui nous constitue de la manière la plus éminente, pour nous abaisser au statut d'objet. Consentir à ce statut n'est pas seulement offenser la part la plus éminente de nous-même, c'est également se servir d'autrui et de son regard, en l'instrumentalisant à notre profit, puisqu'il n'est là que pour nous servir à nous rassurer sur notre existence (d'objet) et sa validité. Ainsi se placer soi-même en position d'objet conduit mécaniquement à instrumentaliser autrui, soit donc le transformer lui-même en objet, loin de l'impératif pratique préconisé par Kant: "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité comme une fin, et jamais simplement comme un moyen". La phrase plus correcte, moins contaminée par les tendances essentialistes héritées de la Révolution française et de l'esprit du temps serait d'ailleurs: "Agis de telle sorte que tu traites ton prochain - ou ton semblable - comme une fin, et jamais simplement comme un moyen".

A rebours, lorsque l'on consent à établir ses quartiers sur la rive subjectale, de l'autre côté du Styx, toute parole que l'on profère, tout écrit que l'on produit, toute action que l'on pose, visent à aider ces autres nous-mêmes, autres sujets en devenir, à parvenir à la complétude de leur être. Ce qui compte dès lors n'est pas tant ce que l'on est que ce que l'on dit, écrit ou pose, en vertu du fait qu'on ne cherche plus qu'à servir cette vie merveilleuse qui nous traverse et qu'il importe tant de donner. On se fait alors cuisinier, afin, tant bien que mal, de contribuer à nourrir ceux qui ont faim, avec les moyens dont on dispose. Vivre, c'est aimer. Et, comme disait Victor Hugo, "aimer, c'est agir".

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme

[ ontologie individuelle ]

 

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judaïsme

Les Juifs, dit-on, fuyant de l'île de Crète, occupèrent les dernières terres de Libye. On tire un argument de leur nom; Ida est une célèbre montagne de Crète, habitée par les Idaei, mot dont l'addition barbare d'une lettre aura fait Judaei. Quelques-uns prétendent que, sous le règne d'Isis, l'Égypte regorgeant d'un excès de population s'en déchargea sur les terres voisines, et que la migration eut pour chefs Hierosolymus et Juda. Beaucoup font des Juifs une race d'Éthiopiens, que la crainte et la haine forcèrent, sous le roi Céphée, à changer de demeures; d'autres un assemblage d'Assyriens qui, faute de champs à cultiver, s'emparèrent d'une partie de l'Égypte, puis, se rapprochant de la Syrie, se bâtirent des villes et s'approprièrent les terres des Hébreux. Il en est enfin qui leur donnent une origine illustre; selon eux, les Solymes, nation célébrée dans les chants d'Homère, fondèrent une ville, et, de leur nom, l'appelèrent Hierosolyma.
La plupart des auteurs s'accordent à dire qu'une maladie contagieuse qui couvrait tout le corps de souillure s'étant répandue en Égypte, le roi Bocchoris en demanda le remède à l'oracle d'Amon, et reçut pour réponse de purger son royaume et de transporter sur d'autres terres, comme maudits des dieux, tous les hommes infectés. On en fit la recherche, et cette foule misérable, jetée dans un désert, pleurait et s'abandonnait elle-même, lorsque Moïse, un des exilés, leur conseilla de ne rien espérer ni des dieux ni des hommes, qui les avaient également renoncés, mais de se fier à lui comme à un guide céleste, le premier qui jusque-là eût apporté quelque secours à leurs misères. Ils y consentirent, et, sans savoir où ils allaient, ils marchèrent au hasard. Mais rien ne les fatiguait autant que le manque d'eau. Tout près d'expirer, ils s'étaient jetés par terre et gisaient dans ces vastes plaines, lorsqu'ils virent un troupeau d'ânes sauvages, revenant de la pâture, gagner une roche ombragée d'arbres. Moïse les suit, et, à l'herbe qui croît sur le sol, il devine et ouvre de larges veines d'eau. Ce fut un soulagement; et, après six jours d'une marche continuelle, le septième ils chassèrent les habitants de la première terre cultivée, s'y établirent et y fondèrent leur ville et leur temple.
Moïse, pour s'assurer à jamais l'empire de cette nation, lui donna des rites nouveaux et un culte opposé à celui des autres mortels. Là est profane tout ce qui chez nous est sacré, légitime tout ce que nous tenons pour abominable. L'effigie de l'animal qui leur montra la route et les sauva de la soif est consacrée dans le sanctuaire, et ils sacrifient le bélier comme pour insulter Amon. Ils immolent aussi le boeuf, que les Égyptiens adorent sous le nom d'Apis. Ils s'abstiennent de la chair du porc, en mémoire de la lèpre qui les avait jadis infectés, et à laquelle cet animal est sujet. Des jeûnes fréquents sont un aveu de la longue faim qu'ils souffrirent autrefois, et leur pain sans levain rappelle le blé qu'ils ravirent à la hâte. S'ils consacrent le septième jour au repos, c'est, dit-on, parce qu'il termina leurs misères; séduits par l'attrait de la paresse, ils finirent par y donner aussi la septième année. Suivant d'autres, cet usage fut établi pour honorer Saturne, soit qu'ils aient reçu les principes de la religion de ces Idéens qu'on nous montre chassés avec Saturne et fondant la nation des Juifs, soit parce que, des sept astres qui règlent la destinée des mortels, celui dont l'orbe est le plus élevé et la puissance la plus énergique est l'étoile de Saturne, et que la plupart des corps célestes exercent leur action et achèvent leur course par nombres septénaires.
Ces rites, quelle qu'en soit l'origine, se défendent par leur antiquité; ils en ont de sinistres, d'infâmes, que la dépravation seule a fait prévaloir. Car tout pervers qui reniait le culte de sa patrie apportait à leur temple offrandes et tributs. La puissance des Juifs s'en accrut, fortifiée d'un esprit particulier; avec leurs frères, fidélité à toute épreuve, pitié toujours secourable; contre le reste des hommes, haine et hostilité. Ne communiquant avec les autres ni à table, ni au lit, cette nation, d'une licence de moeurs effrénée, s'abstient pourtant des femmes étrangères; entre eux, tout est permis. Ils ont institué la circoncision pour se reconnaître à ce signe. Leurs prosélytes la pratiquent comme eux, et les premiers principes qu'on leur inculque sont le mépris des dieux, le renoncement à sa patrie, l'oubli de ses parents, de ses enfants, de ses frères. Toutefois on veille à l'accroissement de la population; il est défendu de tuer aucun nouveau-né, et l'on croit immortelles les âmes de ceux qui périssent dans les combats ou les supplices. Il s'ensuit qu'on aime à procréer et qu'on s'inquiète peu de mourir. Ils tiennent des Égyptiens l'usage d'enterrer les corps au lieu de les brûler; sur les enfers, même prévoyance, mêmes idées; quant au ciel, les croyances diffèrent. L'Égypte adore beaucoup d'animaux et se taille des images; les Juifs ne conçoivent Dieu que par la pensée et n'en reconnaissent qu'un seul. Ils traitent d'impies ceux qui, avec des matières périssables, se fabriquent des dieux à la ressemblance de l'homme. Le leur est le dieu suprême, éternel, qui n'est sujet ni au changement ni à la destruction. Aussi ne souffrent-ils aucune effigie dans leurs villes, encore moins dans leurs temples. Point de statues ni pour flatter leurs rois, ni pour honorer les Césars. Du reste, comme leurs prêtres chantaient au son de la flûte et des tambours, qu'ils se couronnaient de lierre, et qu'une vigne d'or fut trouvée dans le temple, quelques-uns ont cru qu'ils adoraient Bacchus, le vainqueur de l'Orient, opinion démentie par la différence des rites; Bacchus institua des fêtes riantes et joyeuses; le culte des Juifs est bizarre et lugubre.

Auteur: Tacite

Info: Histoires, Livre V [70 après J.-C.] A. Les affaires de Judée, 5,1-13

 

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citation s'appliquant à ce logiciel

Toute émergence "qui réfléchit" ne peut être que consensuelle. 

Le moi, je, ego incarné, de même que la race (espèce) auquel il appartient, doivent nécessairement développer un univers "accepté" dans ses grandes lignes. Pour l'espèce ça semble aller de soi ; sans cela pas de signes entre les sexes pour la reproduction. Et, pour les races-communautés plus complexes (évoluées?) comme la nôtre : pas de langages communs, musique, mathématiques, beaux-arts, codes informatique, sciences... 

Pour l'individu, l'idée semble moins aisée à comprendre. Parce qu'intuitivement la "singularité" qu'il représente apparait via certains détails (variantes) qui semblent - et ne sont - pas décisifs pour la survie de l'espèce. Ainsi des graines des arbres. Mais il y a bien un consensus individuel, intime, destiné à la survie personnelle et à la reproduction, qui est recherche d'un équilibre, autant interne qu'avec les autres. 

Ces moyens termes, collectifs et singuliers (qui tendent vers la complexité) semblent indiquer quelques pistes, si on veut bien user du recul de notre mémoire collective. 

Primo, rien de temporellement fixe (terme à la mode : durable) à quoi s'accrocher. Sauf si un "équilibre solide" est installé entre biotope et individus-espèce (pensons aux requins, entre autres exemples). 

Secundo, existent une adaptabilité et une curiosité incessantes chez l'homme, qui avec le temps semblent occuper toujours plus les activités cérébrales de l'individu, lui-même infime et singulière émergence - initiatico-spirituelle souvent -, qui "ouvre" le monde tout en le perpétuant. 

Tertio. De ce continu phénomène d'évolutions/adaptations, on pourra constater, et probablement modéliser, toutes sortes de décalages évidents, nécessaires, à plein d'échelles et de niveaux. Dissonnances fines qui peuvent aller jusqu'à des ruptures de compréhension-communication entre : générations, époques, genres/sexes, habitudes, manières de voir, etc. De là beaucoup de malentendus et conflits, et donc une grande nécessité de tolérance et d'amour. 

Alors, pour faire marcher ensemble les consensualités intriquées du grand univers objectif avec les singularités subjectives, autrement dit concilier nos indéniables solipsismes avec le plus de niveaux possible que présente le cosmos matrice insondable, on entrevoit un principe orgonomique de l'ordre de l'adaptation pragmatique. Stephen Wolfram va jusqu'à affirmer que quelques règles simples (un code source) pourraient sous-tendre tout ceci. Pourquoi pas.

En termes linguistiques on pourra tenter d'affiner la définition de ce principe orgonomique par l'ajouts de vocables comme effort, collaboration solidaire, amour, chance/hasard, curiosité, survie, etc. 

Et puis, en tout dernier, se pointe le mot "esprit". On ne peut entrevoir ce concept qu'en fin de chaine. En effet l'esprit - ou réflexion un peu continue -, s'articule lui-même sur le maniement de mots/concepts (quasi-esprits de Peirce), eux-mêmes péniblement émergés d'une évolution lexicologique somme toute très récente et souvent retraçable. Analyses, pensées, élaborations abstraites... souvent aussi appuyées sur d'autres idiomes comme les mathématiques.  

Au-delà des listes et autres inventaires, l'écriture et les signes permettent donc - finalement - de raisonner et réfléchir... et  "commencer à" s'extraire, à s'élever un tout petit peu pour tenter de mieux voir. 

On se demande dès lors comment et pourquoi certains penseurs, gourous et autres religieux, qui "moulinent à la parole", décrétent que l'Esprit est à la source de tout, alors qu'il ressemble plus à une conquête pour ce qui nous concerne. Infinitésimale.

En rappelant par honnêteté qu'il y a belle lurette que les grecs anciens ont établi que le langage (logos) était l'instrument de la raison. Et puis : issue de l'invraisemblable fatras du kabbalisme et des traditions sumériennes, vient la théologie chrétienne où, d'un coup d'un seul le "Logos" est employé pour désigner la deuxième personne de la Trinité chrétienne. En bref Jésus, le Christ, prend le même sens que "verbe, parole". L'origine de cette désignation étant formalisée bien a postériori ainsi dans la Bible : "Au commencement était la Parole, et la Parole (logos) était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, etc". (Évangile selon Jean, chapitre 1). Cet Évangile de Jean affirme donc que Dieu parle, sa parole est son hypostase, sa Parole créatrice est aussi puissante que Lui-même : Il est Sa Parole, etc... Ce concept de la parole de Dieu comme hypostase de Dieu même est commun à plusieurs religions, mais pour l'auteur de l'évangile, ce qui est original et unique à la chrétienté est que cette parole, hypostase, qui est Dieu même, est devenue homme et a habité parmi les hommes : "Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père." (Évangile selon Jean, chapitre 1, 14)

Arrêtons là et contentons-nous de prendre ce paragraphe comme une extraordinaire démonstration de langage performatif. Très très très performatif, au vu de la puissance et de la place prise par le judéo-christianisme en début de 3e millénaire. 

Mais assez : revenons à notre idée de départ, celle de l'invraisemblable mélange de consensus/échelles/êtres/univers/etc. que nous pouvons constater et de sa préhension par notre entendement. Entendement développé via nos signes/écrits, mémorisés et intégrés dans notre mémoire collective. Ce qui amène beaucoup de gens à vouloir croire que l'humain est "au-dessus", élu... Supérieur... Il bénéficierait d'un esprit d'ordre surnaturel, divin, astralement dessiné. Essence orgonomique que d'autres imaginent comme quelque chose de l'ordre du fluide vital, énergie subtile issue d'un autre espace (dimension), dotée pour le coup de capacités/pouvoirs au-delà de nos possibilités de modélisation, etc.

Avançons-nous un peu pour affirmer que ce fameux Esprit, à la lumière de nos faibles connaissances, ressemble beaucoup plus à la version "manipulation de signes" par des cerveaux tardivement accouché de l'évolution, qu'à une émergence extraordinaire, divine et miraculeuse. Surtout si on s'amuse à comparer ces manipulations aux merveilleuses complexités et aux presqu'insondables développements de la vie biologique.

Ici FLP pointe le bout de son nez et, avec l'aide de C.S. Peirce - unique penseur ayant développé une approche solide et cohérente en ce domaine -, propose un outil, souple, puissant et collectif qui permet (en français, humblement et à sa manière) d'explorer-rechercher-bidouiller langage et sémantique, ces dispositifs de signes aptes à traiter tout et son contraire, aptes à passer du mirage absolu au plus cru des réalisme - en mélangeant les deux. Mais aussi inaptes, de par leur nature immobile (un fois une pensée écrite, et donc arrêtée - et si on veut bien nous excuser cette énorme lapalissade) à véritablement traiter notre support réel, la vie, ce mouvant embrouillamini qui se permet de mélanger sans discontinuer les échelles, vitesses, sentiments, etc. 

Pour revenir sur terre on dirait bien que les résultats de ce magnifique entendement humain nous amènent plutôt, en ces années de pandémie Co-vid,  vers un abrutissement drastique de forces de vie humaines de moins en moins sollicitées à cause des "progrès" techniques et médicaux. Sans parler du genre de biocratie sanitaire qui en découle. Pensez : tout récemment encore l'occident se battait contre l'acharnement thérapeuthique, affolé par la poussée démographique et le vieillissement des populations. Aujourd'hui on dirait qu'il s'auto-asphyxie pour sauver les personnes âgées. 

Mais soyons positifs et rassurons-nous. Ce ralentissement aura permis à la planète de respirer, et aussi de s'unifier - contre le covid. Unification qui pourrait mettre en parallèle biologie et communications humaines à l'échelle de la planète et ainsi procéder à un développement-consolidation de signes communautaires, càd de mêmes terrestres.

Contemplons la suite et restont bien zens goguenards. 

Vigilants.

Auteur: Mg

Info: 10 janv. 2021

[ sémiotique ] [ pré-mémétique ] [ systèmes intelligents ]

 
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russie - occident

Publié il y a près d’un an, alors que l’invasion russe de l’Ukraine ne faisait que commencer, Le mage du Kremlin (Gallimard) a reçu à l’automne le prix de l’Académie française, et a manqué de très peu de remporter aussi le prix Goncourt.

Son auteur, Giuliano Da Empoli, Italo-suisse né en 1973, est le fils d’un conseiller politique blessé lors d’un attentat en 1986. Il a lui-même été conseiller politique pour Matteo Renzi. 

Politique-fiction

Depuis le succès de son livre, qui mêle politique et littérature, on voit régulièrement passer sa chevelure grisonnante sur les télévisions et les radios françaises. Avec son léger accent italien trainant, il y gratifie ses auditeurs de formules marquantes, comme, par exemple "j’ai l’habitude de dire que l’Italie est la Silicon Valley du populisme".

Le Russe Vladislav Sourkov, cofondateur du parti Russie unie, qui mena Vladimir Poutine au pouvoir, photographié ici en 2010. Photo : Wikimedia Commons.

L’ouvrage se penche sur un personnage énigmatique, Vadim Baranov, largement inspiré par Vladislav Sourkov, conseiller politique et idéologue de Vladimir Poutine depuis la fin des années 1990 jusqu’à sa prise de distance avec le Kremlin, en 2020. Au milieu des anciens du KGB, Sourkov, fan de John Lennon et du rappeur Tupac, détonnait quelque peu. En quelque sorte, il était l’un des derniers vestiges, sous l’ère Poutine, de la Russie hédoniste des années 1990, même s’il a lui aussi participé à la forte verticalisation du pouvoir. 

Un grand-père aristo, un père communiste

La part de fiction qu’ajoute Da Empoli semble se résumer à l’histoire d’amour compliquée de Baranov ("il n’existe pas une femme qui soit aussi précieuse que la vérité qu’elle nous révèle en nous faisant souffrir"), à sa solide culture classique, très française, pétrie de citations de Chamfort et de La Bruyère, et à sa généalogie. 

Baranov est le petit-fils d’un aristocrate excentrique, insolent à l’égard du pouvoir soviétique, qui "se serait fait pendre plutôt que de renoncer à un bon mot". Et le fils d’un apparatchik conformiste, qui a mené sa fronde à l’égard du paternel en adhérant totalement au régime communiste. "Je peux comprendre. C’est aussi une rébellion à sa façon. Quand tu grandis auprès d’un personnage tellement hors du commun, la seule révolte possible est le conformisme".

Quatre décennies de politique russe

Au tout début du roman, un narrateur français, de passage en Russie, échange avec un inconnu sur Twitter à coup d’allusions à Evgueni Zamiatine, auteur de science-fiction et compagnon de route très rapidement désillusionné de la Révolution de 1917. Un beau jour, il se laisse entrainer dans une grosse berline qui parcourt les kilomètres dans la forêt russe, avec une inquiétude montante au fil des heures : "La curiosité amusée qui m’avait habité jusque-là était en train de faire place à une certaine appréhension. En Russie, me disais-je, tout se passe en général très bien, mais quand les choses vont mal, elles vont vraiment très mal. À Paris, la pire chose qui puisse vous arriver c’est un restaurant surestimé, le regard méprisant d’une jolie fille, une amende. À Moscou, la gamme des expériences déplaisantes est considérablement plus vaste". Le narrateur se retrouve dans la riche demeure de Vadim Baranov et laisse débuter le long monologue de son hôte qui passe en revue quatre décennies de vie politique russe. Baranov raconte sa jeunesse soviétique et les paniers de victuailles réservés aux hauts fonctionnaires, puis la parenthèse libérale de la décennie 90, au cours de laquelle Baranov devient producteur d’une télévision plus trash encore que celle de l’Occident de la même époque, et l’ascension de Poutine, que l’oligarque Boris Berezovski vient dénicher dans les profondeurs du deep state. 

La première rencontre entre Poutine et Baranov, présentés l’un à l’autre par Berezovsky, est marquante : à ce moment-là, "le Tsar n’était pas encore le Tsar" ; c’est un fonctionnaire un peu terne, la main presque moite, à l’air un peu idiot. Bref, l’homme idéal selon Berezovsky (le vrai maître de la Russie de cette époque) pour donner un tour de vis au régime russe sans sacrifier pour autant les privilèges glanés par les oligarques. Avoir l’air un peu idiot n’a jamais été une mauvaise chose en politique : Louis-Napoléon Bonaparte avait volontiers joué ce jeu auprès des tenants de la droite de son époque, avant de ravir le pouvoir pendant plus de deux décennies. Juan Carlos avait également usé de la même stratégie auprès de Franco : "Faire l’idiot est une discipline fatigante, très dure pour les nerfs", confia-t-il plus tard. 

Berezovsky, capable, lui, de combiner à un haut niveau "intelligence pointue" et "stupidité abyssale", s’aperçoit mais un peu tard qu’il ne maîtrise plus du tout sa créature politique.

Hantises obsidionales et égo russes

Da Empoli parvient à se placer dans la tête du conseiller russe, à restituer les hantises obsidionales d’un pays qui se sent encerclé et qui a eu le sentiment d’être humilié par l’Occident pendant toutes les années 1990. On se souvient de la fameuse scène du fou rire de Clinton face à un Eltsine ivre mort et l’on se dit, nostalgiques, que le monde était globalement plus sûr quand nous étions coincés entre une Russie gouvernée par un alcoolique et une Amérique par un obsédé sexuel. Si la séquence a alimenté pendant des années le bêtisier des Enfants de la télé, elle a aussi mis plus bas que terre l’égo national russe. Lors de la première rencontre Poutine-Clinton, le nouveau président russe fixe tout de suite les nouvelles règles.  Baranov raconte : "Avec lui ce serait différent. Plus de claques dans le dos ni de gros rires. Clinton a été déçu, c’est évident. Il pensait que désormais tous les présidents russes seraient de braves portiers d’hôtels, gardiens des plus vastes ressources de gaz de la planète pour le compte de multinationales américaines. Pour une fois, lui et ses conseillers sont repartis un peu moins souriants que lorsqu’ils sont arrivés". Da Empoli restitue donc la mentalité du conseiller russe, sans entrer dans le jeu de la propagande russe. De toute façon, Baranov-Sourkov est un peu trop décalé, un peu trop occidental pour être totalement dupe de celle-ci.

Écrit avant le début de l’invasion russe, le livre n’avait évidemment pas anticipé le contexte actuel explosif. L’Ukraine n’est toutefois pas absente du roman, Baranov ayant observé attentivement la contestation ukrainienne des élections de 2004 autour d’une jeunesse rassemblée sur la place Maïdan et appuyée notamment par l’argent de Berezovsky. Cette subversion ukrainienne va inspirer directement le régime russe, qui va tenter de se mettre dans la poche tout ce que la Russie compte de marginaux et de subversifs, des bikers aux communistes en passant par l’extrême-droite, afin de maîtriser le mouvement. Baranov reçoit dans son bureau du Kremlin un certain Zaldostanov, chef d’un gang de motards. Baranov le met rapidement au service du pouvoir, grâce à une observation politique froide et clinique : "J’ai pu constater à plusieurs reprises que les rebelles les plus féroces sont parmi les sujets les plus sensibles à la pompe du pouvoir. Et plus ils grognent quand ils sont devant la porte, plus ils glapissent de joie une fois passé le seuil. Contrairement aux notables, qui cachent parfois des pulsions anarchiques sous l’habitude des dorures, les rebelles sont immanquablement éblouis comme les animaux sauvages face aux phares des routiers".

Porté par son écriture mais aussi par l’actualité, le livre connait un grand succès et a fait l’objet de plusieurs tirages depuis sa sortie. Un livre que l’auteur n’écrirait peut-être plus aujourd’hui. En décembre dernier, dans l’Express, il confiait : "il y a quelques années, Vladislav Sourkov m’apparaissait comme un personnage romanesque. C’était déjà un "méchant", mais il était aussi féru de théâtre d’avant-garde et présentait un profil atypique pour un homme de pouvoir. J’ai écrit Le Mage du Kremlin dans un autre contexte. Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, je n’en aurais plus envie… 



 

Auteur: Magellan Frédéric

Info: Causeur.fr, 20 février 2023. Giuliano Da Empoli n’écrirait plus “Le mage du Kremlin”, aujourd’hui

[ littérature ]

 

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passéistes

Alors que la revue Philitt publie un recueil de ses meilleures contributions, son directeur explique la démarche de l’antimoderne, et en quoi elle se distingue de celle du conservateur ou du réactionnaire .

FIGAROVOX : - Dans l’introduction de votre recueil "Résister à la modernité", vous reprenez l’apostrophe de Rimbaud "être absolument moderne" pour l’inverser "être absolument antimoderne". Qu’entendez-vous par antimoderne? Est-il possible de rejeter la modernité en bloc?

M. GIROUX :  - Les antimodernes renvoient à une tradition précise très bien thématisée par Antoine Compagnon dans un livre paru en 2005 Les antimodernes: De Joseph de Maistre à Roland Barthes. Il est essentiel de comprendre que les antimodernes sont des modernes. Ce sont, comme dit Compagnon, des modernes "déniaisés du moderne", des modernes "contrariés".

Car, en réalité, il n’y a d’anti-modernes que dans le monde moderne, époque dont la datation précise varie selon les écrivains. Certains disent que le monde moderne commence avec la révolution scientifique de Galilée (Michel Henry), d’autres avec la Réforme protestante (Joseph de Maistre), d’autres encore avec la Révolution industrielle (Günther Anders).

Charles Péguy, lui, fait commencer le "monde moderne" en 1881. Les antimodernes sont ceux qui identifient dans leur époque une forme de déclin spirituel et de diminution de l’homme. Les antimodernes sont paradoxaux car ils allient souvent une critique de l’idéologie du progrès avec une grande modernité esthétique. Baudelaire, Péguy, Bernanos détestent leur époque mais l’expriment à travers des formes littéraires renouvelées.

D’un point de vue politique, les anti-modernes sont encore ambivalents car ils sont souvent engagés dans les aventures politiques de leur temps. On peut aussi ajouter qu’ils sont très individualistes alors qu’il y a chez eux une critique permanente de l’individualisme. En résumé, les antimodernes sont, malgré eux, partie prenante de la modernité.

FIGAROVOX : - En quoi l’antimoderne se distingue-t-il du réactionnaire ou du traditionaliste?

M. GIROUX : - Joseph de Maistre, qui est le père de la réaction, est souvent considéré comme un antimoderne pour des raisons à la fois esthétiques et philosophiques. Sa langue est brillante et moderne, tant et si bien que Robert Triomphe disait de lui qu’il était un "Voltaire retourné". De même, Maistre, bien que contre-révolutionnaire estime que la "contre-révolution ne sera pas une révolution contraire mais le contraire de la révolution".

La Révolution est pour lui un châtiment qui doit purifier le peuple français par le sang. Il entérine la marche de l’histoire et un retour à l’ordre ancien n’a pas de sens à ses yeux. Selon moi, il y a presque un malentendu sur la notion de réactionnaire si l’on considère que Maistre l’initie. Aujourd’hui, le mot "réactionnaire" est dévoyé et ne renvoie à aucune réalité. On accuse confusément des personnalités d’être "réactionnaires" alors que ce sont, en gros, des libéraux conservateurs nostalgiques d’un passé récent, souvent celui de la France sous le Général de Gaulle.

Les traditionalistes à la Louis de Bonald ou les tenants de la Tradition à la René Guénon renvoient à des modes de pensée différents. Bonald est un doctrinal, précurseur de la sociologie française, qui n’a pas le charme esthétique d’un Maistre. De ce point de vue, c’est précisément parce qu’il n’est pas moderne qu’il n’est pas antimoderne.

Guénon, quant à lui, estime que l’histoire de l’humanité est une longue dégradation depuis un Âge d’or immémorial. Son logiciel mental est indépendant des catégories modernes. Il cherche moins à formuler une critique antimoderne qu’à asséner que la modernité est une anti-Tradition.

FIGAROVOX : - Vous critiquez l’homo reactus, c’est-à-dire le réactionnaire qui fait de l’anti-politiquement correct un réflexe. Pourquoi? N’est-il pas un peu snob que de vouloir trier entre les bons et les mauvais antimodernes? L’union contre le progressisme n’exige-t-elle pas de faire front?

M. GIROUX : - Homo reactus, néologisme inventé en référence à l’Homo festivus de Philippe Muray, n’est pas un réactionnaire au sens stricte. Si l’on considère que Joseph de Maistre est un réactionnaire - et nous avons vu que c’était déjà problématique - alors Homo reactus n’est pas un réactionnaire.

Homo reactus désigne plutôt une certaine frange des journalistes et des intellectuels qui ont fait du politiquement incorrect un argument commercial et une fin en soi. Homo reactus est politiquement incorrect, non parce qu’il défend une vision du monde profonde, mais par principe, pour montrer que, surtout, il n’est "pas-de-gauche".

Homo reactus, contrairement aux antimodernes, n’est pas du tout scandalisé par le monde tel qu’il est, il s’en accommode parfaitement et ne cherche pas à renverser la table. Comme son nom l’indique, Homo reactus réagit, mais il ne porte pas de discours positif. C’est un homme du ressentiment, tel qu’il a été thématisé par Nietzsche. Rien à voir donc avec les antimodernes dont la radicalité philosophique et esthétique bouleversent le sens commun.

FIGAROVX : - Vous nous faites découvrir énormément d’auteurs… Charles Péguy, Dostoïevski, Georges Bernanos, Léon Bloy, Soljenitsyne, Baudelaire, Guénon, Chesterton: quel est le point commun de tous ces écrivains ?

M. GIROUX : - Ce qui permet de rapprocher les antimodernes, tant ils différent sur de nombreux points quand on les prend individuellement, c’est leur ethos, c’est-à-dire leur tempérament. Ils sont habités par une conviction profonde: le monde qui est le nôtre a quelque chose de scandaleux. Le monde moderne est à la fois laid, bête et inique.

Le développement de la technique défigure la surface de la terre et avilit l’homme, les modes de vie contemporains encouragent un rapport utilitariste à autrui et mettent en berne la spiritualité, l’hégémonie du capitalisme aboutit à une nouvelle forme de servitude. Cet état de fait est la raison de la colère des antimodernes. Et ils ont en commun de ne pas transiger avec le monde tel qu’il est, de ne jamais "s’habituer", pour reprendre une terminologie de Péguy.

Leur vitupération, si elle peut être le signe d’un certain pessimisme, n’est pas pour autant une invitation au désespoir. Au contraire, l’antimoderne est travaillé par l’espérance et c’est de cette inadéquation entre la réalité et leur idéal que naît leur souffrance ainsi que leur inépuisable volonté d’en découdre.

FIGAROVOX : - Votre revue laisse une grande part à la littérature. En quoi celle-ci est-elle un antidote à la modernité?

M. GIROUX : - La littérature est une manière unique, non théorique, de rendre compte de la réalité. En cela, la littérature s’oppose à la démarche des sciences sociales. Alors que ces dernières réduisent la réalité à des entités objectives, évaluées selon des méthodes quantitatives, la littérature tire sa légitimité de la subjectivité qui la produit.

Ce serait une erreur, par exemple, de réduire l’œuvre de Balzac à une entreprise réaliste, voire naturaliste, de glorifier la Comédie humaine seulement parce que, comme on l’entend souvent, elle concurrencerait l’état-civil. Il y a chez Balzac plus qu’une description réaliste de la société française du XIXe siècle: il y a aussi la magie de la peau de chagrin ou le charisme faustien d’un Vautrin. Dostoïevski, qui avait beaucoup lu Balzac, avait compris cela.

Son œuvre, si elle a une dimension sociologique, est une aussi une plongée inquiétante dans les bas-fonds de la psyché humaine, une tentative de dévoilement du mystère profond de l’existence (Dieu, l’âme, la liberté). La littérature est intrinsèquement antimoderne dans la mesure où elle cherche à préserver l’existence de la vie intérieure. D’une certaine manière, on peut dire que le naturalisme - qui voulait donner à la littérature un statut scientifique - est une entreprise non-littéraire. La réduction sociologique de la littérature entraîne sa propre destruction.

FIGAROVOX : - Vous écrivez que le moderne se caractérise par la haine du secret et prescrivez contre le culte de la transparence et de l’exhibition la noblesse de la dissimulation. Pourquoi le moderne est-il hostile au secret? En quoi celui-ci est-il précieux à la civilisation?

M. GIROUX : - Le moderne ne croit pas qu’il existe une dimension cachée de l’existence, quelque chose qui échappe à une description objective. La modernité s’est en partie construite sur la dénonciation de certaines "illusions métaphysiques". Les grands mouvements scientistes de la fin du XIXe siècle sont la caricature de cette idéologie matérialiste: la nature de l’être est matérielle et rien n’existe qui ne puisse s’expliquer par des méthodes scientifiques.

Dès lors, ce qui n’est pas démontrable rationnellement mais qui renvoie à un autre type de convictions (la croyance, la foi, l’intuition etc.) est d’emblée exclu de la réalité. Le moderne est hostile au "secret" car il ne le comprend pas et préfère s’en moquer en l’accusant de relever d’une forme de superstition.

Michel Henry, ce grand philosophe malheureusement peu connu, estimait que la tradition philosophique occidentale avait été incapable de penser l’intériorité de la vie car elle fonctionnait selon le paradigme de la représentation, du voir, de la monstration.

Or, pour Henry, l’essence de la vie consistait à ne pas se montrer, à reposer dans le secret. Cette occultation de la vie est aux yeux de Henry la forme moderne de la barbarie.

Auteur: Giroux Matthieu

Info: sur https://www.lefigaro.fr, interview d'Eugénie Bastié, Publié le 23/01/2021

[ fermeture rationaliste ] [ penseurs ] [ réalité transposée ] [ codage du réel ] [ apriorisme aveugle ] [ tour d'horizon ]

 
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chimiosynthèse

Les cellules souterraines produisent de l'« oxygène sombre » sans lumière

Dans certaines profondes nappes souterraines, les cellules disposent d’une astuce chimique pour produire de l’oxygène qui pourrait alimenter des écosystèmes souterrains entiers.

(Photo - Dans un monde ensoleillé, la photosynthèse fournit l’oxygène indispensable à la vie. Au fond des profondeurs, la vie trouve un autre chemin.)

Les scientifiques se sont rendu compte que le sol et les roches sous nos pieds abritent une vaste biosphère dont le volume global est près de deux fois supérieur à celui de tous les océans de la planète. On sait peu de choses sur ces organismes souterrains, qui représentent l’essentiel de la masse microbienne de la planète et dont la diversité pourrait dépasser celle des formes de vie vivant en surface. Leur existence s’accompagne d’une grande énigme : les chercheurs ont souvent supposé que bon nombre de ces royaumes souterrains étaient des zones mortes pauvres en oxygène, habitées uniquement par des microbes primitifs qui maintiennent leur métabolisme au ralenti et se débrouillent grâce aux traces de nutriments. À mesure que ces ressources s’épuisent, pensait-on, l’environnement souterrain devient sans vie à mesure que l’on s’enfonce.

Dans une nouvelle recherche publiée le mois dernier dans Nature Communications , les chercheurs ont présenté des preuves qui remettent en question ces hypothèses. Dans des réservoirs d'eau souterraine situés à 200 mètres sous les champs de combustibles fossiles de l'Alberta, au Canada, ils ont découvert des microbes abondants qui produisent des quantités étonnamment importantes d'oxygène, même en l'absence de lumière. Les microbes génèrent et libèrent tellement de ce que les chercheurs appellent " l'oxygène noir " que c'est comme découvrir " le même quantité d'oxygène que celle  issue de la photosynthèse dans la forêt amazonienne ", a déclaré Karen Lloyd , microbiologiste souterrain à l'Université du Tennessee qui n'était pas partie de l’étude. La quantité de gaz diffusé hors des cellules est si grande qu’elle semble créer des conditions favorables à une vie dépendante de l’oxygène dans les eaux souterraines et les strates environnantes.

"Il s'agit d'une étude historique", a déclaré Barbara Sherwood Lollar , géochimiste à l'Université de Toronto qui n'a pas participé aux travaux. Les recherches antérieures ont souvent porté sur les mécanismes susceptibles de produire de l'hydrogène et d'autres molécules vitales pour la vie souterraine, mais cette création de molécules contenant de l'oxygène a été largement négligée car ces molécules sont très rapidement consommées dans l'environnement souterrain. Jusqu’à présent, " aucune étude n’a rassemblé tout cela comme celle-ci ", a-t-elle déclaré.

La nouvelle étude a porté sur les aquifères profonds de la province canadienne de l’Alberta, qui possède des gisements souterrains si riches en goudron, en sables bitumineux et en hydrocarbures qu’elle a été surnommée " le Texas du Canada ". Parce que ses énormes industries d'élevage de bétail et d'agriculture dépendent fortement des eaux souterraines, le gouvernement provincial surveille activement l'acidité et la composition chimique de l'eau. Pourtant, personne n’avait étudié systématiquement la microbiologie des eaux souterraines.

Pour Emil Ruff , mener une telle enquête semblait être " une solution facile " en 2015 lorsqu'il a commencé son stage postdoctoral en microbiologie à l'Université de Calgary. Il ne savait pas que cette étude apparemment simple le mettrait à rude épreuve pendant les six prochaines années.

Profondeurs encombrées

Après avoir collecté l'eau souterraine de 95 puits à travers l'Alberta, Ruff et ses collègues ont commencé à faire de la microscopie de base : ils ont coloré des cellules microbiennes dans des échantillons d'eau souterraine avec un colorant à base d'acide nucléique et ont utilisé un microscope à fluorescence pour les compter. En radiodatant la matière organique présente dans les échantillons et en vérifiant les profondeurs auxquelles ils avaient été collectés, les chercheurs ont pu identifier l'âge des aquifères souterrains qu'ils exploitaient.

Une tendance dans les chiffres les intriguait. Habituellement, lors d'études sur les sédiments sous le fond marin, par exemple, les scientifiques constatent que le nombre de cellules microbiennes diminue avec la profondeur : les échantillons plus anciens et plus profonds ne peuvent pas abriter autant de vie car ils sont davantage privés des nutriments produits par les plantes photosynthétiques. et des algues près de la surface. Mais à la surprise de l'équipe de Ruff, les eaux souterraines plus anciennes et plus profondes contenaient plus de cellules que les eaux plus douces.

Les chercheurs ont ensuite commencé à identifier les microbes présents dans les échantillons, à l’aide d’outils moléculaires pour repérer leurs gènes marqueurs révélateurs. Beaucoup d’entre eux étaient des archées méthanogènes – des microbes simples et unicellulaires qui produisent du méthane après avoir consommé de l’hydrogène et du carbone suintant des roches ou de la matière organique en décomposition. De nombreuses bactéries se nourrissant du méthane ou des minéraux présents dans l’eau étaient également présentes.

Ce qui n'avait aucun sens, cependant, c'est que bon nombre de bactéries étaient des aérobies, des microbes qui ont besoin d'oxygène pour digérer le méthane et d'autres composés. Comment les aérobies pourraient-ils prospérer dans des eaux souterraines qui ne devraient pas contenir d’oxygène, puisque la photosynthèse est impossible ? Mais les analyses chimiques ont également révélé une grande quantité d’oxygène dissous dans les échantillons d’eau souterraine de 200 mètres de profondeur.

C'était du jamais vu. "On a sûrement foiré l'échantillon", fut la première réaction de Ruff.

Il a d’abord tenté de montrer que l’oxygène dissous dans les échantillons était le résultat d’une mauvaise manipulation. "C'est comme être Sherlock Holmes", a déclaré Ruff. " Vous essayez de trouver des preuves et des indications " pour réfuter vos hypothèses. Cependant, la teneur en oxygène dissous semblait constante sur des centaines d’échantillons. Une mauvaise manipulation ne pouvait pas l'expliquer.

Si l’oxygène dissous ne provenait pas d’une contamination, d’où venait-il ? Ruff s'est rendu compte qu'il près de quelque chose de grand, même si faire des affirmations controversées va à l'encontre de sa nature. Beaucoup de ses co-auteurs avaient également des doutes : cette découverte menaçait de briser les fondements de notre compréhension des écosystèmes souterrains.

Produire de l'oxygène pour tout le monde

En théorie, l’oxygène dissous dans les eaux souterraines pourrait provenir de plantes, de microbes ou de processus géologiques. Pour trouver la réponse, les chercheurs se sont tournés vers la spectrométrie de masse, une technique permettant de mesurer la masse des isotopes atomiques. En règle générale, les atomes d’oxygène provenant de sources géologiques sont plus lourds que l’oxygène provenant de sources biologiques. L’oxygène présent dans les eaux souterraines était léger, ce qui impliquait qu’il devait provenir d’une entité vivante. Les candidats les plus plausibles étaient les microbes.

Les chercheurs ont séquencé les génomes de l’ensemble de la communauté microbienne présente dans les eaux souterraines et ont repéré les voies et réactions biochimiques les plus susceptibles de produire de l’oxygène. Les réponses pointaient sans cesse vers une découverte faite il y a plus de dix ans par Marc Strous de l'Université de Calgary, auteur principal de la nouvelle étude et chef du laboratoire où travaillait Ruff.

Alors qu'il travaillait dans un laboratoire aux Pays-Bas à la fin des années 2000, Strous avait remarqué qu'un type de bactérie se nourrissant de méthane, souvent présente dans les sédiments des lacs et les boues d'épuration, avait un mode de vie étrange. Au lieu d'absorber l'oxygène de son environnement comme les autres aérobies, ces bactéries créent leur propre oxygène en utilisant des enzymes pour décomposer les composés solubles appelés nitrites (qui contiennent un groupe chimique composé d'azote et de deux atomes d'oxygène). Les bactéries utilisent l’oxygène auto-généré pour transformer le méthane en énergie.

Lorsque les microbes décomposent les composés de cette façon, on parle de dismutation. Jusqu’à présent, on pensait que cette méthode de production d’oxygène était rare dans la nature. Des expériences récentes en laboratoire impliquant des communautés microbiennes artificielles ont cependant révélé que l'oxygène produit par la dismutation peut s'échapper des cellules et se répandre dans le milieu environnant au profit d'autres organismes dépendants de l'oxygène, dans une sorte de processus symbiotique. Ruff pense que cela pourrait permettre à des communautés entières de microbes aérobies de prospérer dans les eaux souterraines, et potentiellement également dans les sols environnants.

Chimie pour la vie ailleurs

Cette découverte comble une lacune cruciale dans notre compréhension de l’évolution de l’immense biosphère souterraine et de la manière dont la dismutation contribue au cycle des composés se déplaçant dans l’environnement mondial. La simple possibilité que de l'oxygène soit présent dans les eaux souterraines " change notre compréhension du passé, du présent et de l'avenir du sous-sol ", a déclaré Ruff, qui est maintenant scientifique adjoint au Laboratoire de biologie marine de Woods Hole, Massachusetts.

Comprendre ce qui vit dans le sous-sol de notre planète est également " crucial pour transposer ces connaissances ailleurs ", a déclaré Sherwood Lollar. Le sol de Mars, par exemple, contient des composés perchlorates que certains microbes terrestres peuvent transformer en chlorure et en oxygène. Europe, la lune de Jupiter, possède un océan profond et gelé ; la lumière du soleil ne peut pas y pénétrer, mais l'oxygène pourrait potentiellement y être produit par dismutation microbienne au lieu de la photosynthèse. Les scientifiques ont observé des panaches de vapeur d’eau jaillissant de la surface d’Encelade, l’une des lunes de Saturne. Les panaches proviennent probablement d’un océan souterrain d’eau liquide. Si un jour nous trouvons de la vie sur d’autres mondes comme ceux-là, elle pourrait emprunter des voies de dismutation pour survivre.

Quelle que soit l'importance de la dismutation ailleurs dans l'univers, Lloyd est étonné de voir à quel point les nouvelles découvertes défient les idées préconçues sur les besoins de la vie et par l'ignorance scientifique qu'elles révèlent sur l'une des plus grandes biosphères de la planète. " C'est comme si nous avions toujours eu un œuf sur le visage ", a-t-elle déclaré.

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/, Saugat Bolakhé, juillet 2023

[ perspectives extraterrestres ]

 

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exobiologie

Les extraterrestres sont-ils là sous nos yeux ?

Difficile de détecter quelque chose sans avoir aucune idée de ce que c'est.

Cette année, plusieurs missions sont en quête de vie sur la planète rouge. Mais reconnaîtrions-nous des extraterrestres si nous les trouvions ? En juillet, trois missions non habitées se sont envolées vers Mars : de Chine (Tianwen-1), depuis les États-Unis (Mars 2020 Perseverance Rover de la Nasa) et des Émirats arabes unis (Hope). Les missions chinoise et américaine sont équipées d'atterrisseurs qui rechercheront des signes de vie actuelle ou passée sur Mars. La Nasa prévoit également d'envoyer sa sonde Europa Clipper sur la lune de Jupiter, Europa, et l'atterrisseur robotisé Dragonfly sur la lune de Saturne, Titan. Ces deux lunes sont considérées comme des terrains de chasse prometteurs pour la vie dans notre système solaire, tout comme les océans souterrains d'Encelade, la lune glacée de Saturne.

En attendant, nous pouvons désormais entrevoir la composition chimique des atmosphères des planètes qui orbitent autour d'autres étoiles (exoplanètes), dont plus de 4 000 sont aujourd'hui connues. Certains espèrent que ces études pourraient révéler d'éventuelles signatures de vie.

Mais ces recherches peuvent-elles être efficaces si nous n'avons pas une idée claire de ce qu'est la "vie" ? La définition officieuse de la Nasa est la suivante : "système chimique autonome capable d'évolution darwinienne". "La Nasa a besoin d'une définition de la vie pour savoir comment construire des détecteurs et quels types d'instruments utiliser lors de ses missions", explique le zoologiste Arik Kershenbaum, de l'université de Cambridge. Mais tout le monde ne pense pas qu'elle utilise la bonne définition.

L'astrobiologiste Lynn Rothschild, du centre de recherche Ames de la Nasa en Californie, voit une mise en garde dans l'histoire de Winnie l'ourson d'AA Milne, dans laquelle Pooh et Piglet chassent un Woozle sans savoir à quoi il ressemble et confondent leurs propres empreintes avec ses traces. "On ne peut chasser quelque chose sans avoir aucune idée de ce que c'est", dit-elle.

Le problème de la définition de la vie hante les planétologues depuis que les deux atterrisseurs Viking de la Nasa se sont posés sur Mars en 1976. Depuis, les rovers ont parcouru des dizaines de kilomètres sur les plaines martiennes mais n'ont trouvé aucun signe de vie. Mais saurions-nous la reconnaître si nous la voyions ?

Certains astrobiologistes - scientifiques qui étudient la possibilité de vie sur d'autres mondes - pensent que notre vision est trop étroite. Nous ne connaissons qu'un seul type de vie : la vie terrestre. Tous les êtres vivants sur Terre sont constitués de cellules adaptées à un environnement aquatique, utilisant une machinerie moléculaire construite à partir de protéines et codée sous forme de gènes dans l'ADN. Peu de scientifiques pensent que la vie extraterrestre - si tant est qu'elle existe - repose sur les mêmes éléments chimiques. "Il serait erroné de supposer que la biochimie qui nous est familière est celle que nous allons trouver sur d'autres planètes", déclare Kershenbaum. La surface de Titan, par exemple, est trop froide (moins 179 °C) pour contenir de l'eau liquide, mais la mission de l'atterrisseur Huygens en 2005 a révélé la présence de lacs d'un autre type, constitués d'hydrocarbures comme ceux de l'essence, principalement du méthane et de l'éthane.

Rothschild pense que les règles universelles de la chimie réduisent certaines des options. "J'ai du mal à imaginer une autre forme de vie qui ne soit pas basée sur le carbone", dit-elle. Il est donc logique de concevoir les missions planétaires de recherche de la vie en gardant cela à l'esprit. L'eau présente également "une tonne d'avantages" en tant que solvant de la vie. Même si des réactions chimiques intéressantes se produisaient dans les lacs de méthane de Titan, elles seraient fortement ralenties par les températures glaciales. La vie pourrait-elle se dérouler à un rythme aussi glacial ? Le planétologue Stuart Bartlett, de l'Institut de technologie de Californie à Pasadena, garde l'esprit ouvert. "Il pourrait y avoir des organismes flottant dans l'atmosphère de Titan qui boivent essentiellement de l'essence pour se maintenir", dit-il.

On a longtemps pensé que toute entité méritant d'être qualifiée de vivante possède des attributs qui ne dépendent pas de sa composition chimique précise. Il est toutefois très difficile de définir ces qualités générales. Les systèmes vivants - même les bactéries - sont extrêmement complexes, maintenus par des informations qui passent (dans notre cas via les gènes) entre les générations et créent une organisation. Mais il ne s'agit pas de l'ordre froid et mort des cristaux, où les atomes sont empilés selon des motifs réguliers. Il s'agit plutôt de l'ordre dynamique d'une ville ou d'une formation nuageuse, que les scientifiques qualifient de "déséquilibré" : il est constamment alimenté en énergie et ne s'installe pas dans un état statique.

Bartlett et Wong proposent une catégorie plus large appelée "lyfe", dont la vie telle que nous la connaissons n'est qu'une variante.

Lorsque James Lovelock, aujourd'hui connu pour l'hypothèse Gaia qui propose que notre planète entière soit assimilée à une entité vivante, participa à la conception des atterrisseurs Viking dans les années 1970, il suggéra de rechercher un tel déséquilibre chimique dans l'environnement - que seule la vie pourrait éventuellement maintenir sur des échelles de temps géologiques. Il s'agit plutôt de l'ordre dynamique d'une ville ou d'une formation nuageuse, que les scientifiques qualifient de "déséquilibré" : Les deux étant constamment alimentés en énergie et ne s'installent pas dans un état statique.  Mais des états de "déséquilibre ordonné" peuvent également être trouvés dans des systèmes non vivants, comme des liquides fluides, de sorte que ce seul critère ne permet pas d'identifier la vie.

Bartlett, en collaboration avec l'astrobiologiste Michael Wong de l'Université de Washington à Seattle, soutient que nous devons échapper au carcan de la pensée terrestre sur la vie. Ils proposent d'introduire une catégorie plus large appelée "lyfe" (prononcé, d'une façon étrangement typique du West Country, comme "loif"), dont la vie telle que nous la connaissons n'est qu'une variation. "Notre proposition tente de se libérer de certains des préjugés potentiels dus au fait que nous faisons partie de cette seule instanciation de lyfe", explique Bartlett. Ils suggèrent quatre critères pour la lyfe :

1. Elle puise dans les sources d'énergie de son environnement qui l'empêchent de devenir uniforme et immuable.

2. Elle connaît une croissance exponentielle (par exemple par réplication).

3. Elle peut se réguler pour rester stable dans un environnement changeant.

4. Elle apprend et se souvient des informations sur cet environnement. L'évolution darwinienne est un exemple de cet apprentissage sur des échelles de temps très longues : les gènes préservent les adaptations utiles à des circonstances particulières.

Les deux chercheurs affirment qu'il existe des systèmes "sublyfe" qui ne répondent qu'à certains de ces critères, et peut-être aussi des "superlyfe" qui en remplissent d'autres : des formes lyfe qui ont des capacités supérieures aux nôtres et qui pourraient nous regarder comme nous regardons des processus complexes mais non vivants tels que la croissance des cristaux.

"Nous espérons cette définition libère suffisamment notre imagination pour que nous ne passions pas à côté de formes de lyfe qui pourraient se cacher à la vue de tous", déclare Bartlett. Lui et Wong suggèrent que certains organismes lytiques pourraient utiliser des sources d'énergie inexploitées ici sur Terre, comme les champs magnétiques ou l'énergie cinétique, l'énergie du mouvement. "Il n'existe aucune forme de vie connue qui exploite directement l'énergie cinétique dans son métabolisme", déclare Bartlett.

Selon eux, il pourrait y avoir d'autres moyens de stocker des informations que dans des brins génétiques comme l'ADN. Les scientifiques ont, par exemple, déjà imaginé des moyens artificiels de stocker et de traiter l'information en utilisant des réseaux bidimensionnels de molécules synthétiques, comme des réseaux en damier ou des abaques. Selon Bartlett, la distinction entre "alyfe" et "non-lyfe" pourrait être floue : être "alyve" pourrait être une question de degré. Après tout, les scientifiques se disputent déjà sur la question de savoir si les virus peuvent être considérés comme tels, même si personne ne doute de leur capacité à détruire la vie.

Il est sceptique quant à la notion de la définition de travail de la Nasa selon laquelle la vie ne peut apparaître et se développer que par l'évolution darwinienne. Il affirme que même les organismes terrestres peuvent façonner leur comportement d'une manière qui ne dépend pas d'un mécanisme Darwinien, à savoir des mutations aléatoires couplées à une compétition pour les ressources qui sélectionne les mutations avantageuses. "L'évolution darwinienne existe bien sûr, mais je pense qu'elle doit être complétée par une vision plus large de l'apprentissage biologique", déclare-t-il.

L'astrobiologiste et physicienne Sara Walker, de l'Arizona State University, partage cet avis. "Il se peut que certains systèmes possèdent de nombreux attributs de la vie mais ne franchissent jamais le seuil de la vie darwinienne", dit-elle. Mais dans son nouveau livre The Zoologist's Guide to the Galaxy, Kershenbaum affirme qu'il est difficile d'imaginer un autre processus susceptible de produire des systèmes chimiques complexes dignes d'être considérés comme vivants (ou alyves). L'évolution par sélection naturelle, dit-il, suit "des principes bien définis dont nous savons qu'ils s'appliqueront non seulement sur Terre mais aussi ailleurs dans l'univers" - et il est "très confiant dans le fait qu'elle sera à l'origine de la diversité de la vie sur les planètes extraterrestres". Si c'est le cas, affirme-t-il, nous pouvons faire des hypothèses raisonnables sur d'autres attributs de ces planètes : par exemple, la vie aura un processus comme la photosynthèse pour récolter l'énergie de l'étoile mère.

Bartlett et Wong se demandent également si les choses vivantes doivent avoir des frontières physiques bien définies.

Après tout, alors que nous pourrions imaginer n'être que tout ce qui se trouve à l'intérieur de notre peau, nous dépendons d'autres organismes en nous : le micro-biote des bactéries dans nos intestins par exemple. Et certains philosophes soutiennent que notre esprit s'étend au-delà de notre cerveau et de notre corps, par exemple dans nos appareils technologiques. "Nous pensons que la vie est un processus qui se déroule probablement à l'échelle de planètes entières", déclare Bartlett. Walker convient que "la seule limite naturelle des processus vivants est la planète", ce qui rappelle l'hypothèse Gaia de Lovelock.

Mais en l'absence d'une limite pour les ingrédients moléculaires, dit Rothschild, tous les composants d'un système vivant se dilueraient dans son environnement, comme des gouttelettes d'encre dans l'eau. Et Kershenbaum affirme que des organismes distincts et délimités sont nécessaires si l'évolution est darwinienne, car ce n'est qu'alors qu'il y a quelque chose d'autre à concurrencer.

Walker pense qu'en fait Bartlett et Wong ne vont pas assez loin dans leur tentative de libérer les idées quant à une vie terracentrique. Leur notion de lyfe, dit-elle, "fait table rase de bon nombre des problèmes omniprésents dans les définitions actuelles de la vie en proposant une définition plus large basée sur les définitions existantes. Les problèmes de base restent les mêmes. Nous n'avons pas besoin de nouvelles définitions de la vie. Ce dont nous avons besoin, c'est de nouvelles théories qui s'attaquent aux principes sous-jacents qui régissent la physique du vivant dans notre univers."

Une autre possibilité d'élargir notre vision de ce que pourrait être la vie est que nous devenions capables de créer de toutes pièces, en laboratoire, des systèmes vivants totalement différents de ceux que nous connaissons. "Nous en sommes beaucoup plus proches que vous ne le pensez", déclare M. Rothschild. En fait, cela s'est peut-être déjà produit et nous ne nous en sommes pas rendu compte, ajoute-t-elle, en plaisantant à moitié. Si nous ne savons pas ce que nous cherchons, un chercheur a peut-être déjà créé une nouvelle forme de vie - et l'a jetée dans l'évier.

En fin de compte, nous ne devrions peut-être pas être trop sûrs que la vie corresponde à une quelconque définition naturelle, estime M. Rothschild. "Je crois que ce que nous avons actuellement, ce sont des définitions non naturelles de la vie, parce que nous n'avons qu'un seul point de données. Je me demande si la vie n'est pas simplement ce que nous définissons."

"Nous pourrions découvrir des systèmes si bizarres et inattendus qu'il serait ompossible de décider s'ils sont vivants ou non", dit Kershenbaum. "Mais si nous découvrons quelque chose de vraiment intéressant et complexe qui ne correspond pas tout à fait à la définition de la vie, cela restera une avancée passionnante. Nous n'allons pas l'ignorer parce que ça ne correspond pas à notre définition !"

Auteur: Ball Philip

Info: The Guardian, 5 Septembre 2020 - Are aliens hiding in plain sight?

[ dépassement conceptuel ] [ spéculations ] [ changement de paradigme ] [ révolution scientifique ] [ monade planétaire ]

 

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hiérarchie cosmique

Les hypercivilisations et l’hypothèse des extraterrestres primitifs

De plus en plus de spécialistes admettent que la vie est partout dans l’Univers et que trois-quatre milliards d’années de conditions favorables, durables sur une planète, assurent l’émergence et le développement d’êtres intelligents et éventuellement la naissance d’une "civilisation technologique", capable de construire des vaisseaux spatiaux, pour voyager vers d’autres planètes habitables.

Ces conditions, bien que rares, se retrouvent en de nombreux endroits dans l’immensité de l’univers. Sur cette base, l’hypothèse extraterrestre est devenue le moyen le plus facile d’expliquer le phénomène OVNI.

D’un autre côté, des ufologues prestigieux, dont le Dr J. Allen Hynek ou Jacques Vallée, ont remis en question cette explication. Avec les sceptiques purs et durs, ils ont mentionné, entre autres, que les distances entre les civilisations sont trop grandes pour de tels voyages cosmiques.

Mais, comme je l’ai soutenu dans mon récent livre "UFOs over Romania", si nous adoptons une approche appropriée, nous découvrirons que les distances les plus importantes entre les civilisations cosmiques ne sont pas celles de l’espace mais celles du temps.

J’ai estimé que, dans l’histoire de notre Galaxie, un certain nombre de civilisations technologiques ont pu voir le jour, dont quelques centaines ont survécu aux maladies infantiles (auxquelles nous sommes confrontés sur Terre) et existent toujours.

Mais ces civilisations ne sont pas apparues simultanément. Par exemple, en juillet 2015, on a annoncé la découverte, à 1 400 années-lumière de la Terre, de l’exoplanète Kepler 452b.

Elle est similaire à la Terre et orbite dans la zone habitable d’une étoile semblable au Soleil. Ce système solaire est plus vieux d’un milliard d’années que le nôtre. Cela signifie que la vie et une éventuelle civilisation technologique pourraient y être apparues un milliard d’années plus tôt que sur Terre.

Plus généralement, les premières civilisations technologiques dans la Voie lactée pourraient apparaître il y a un milliard d’années, ou même avant.

Par conséquent, nous comprenons que les civilisations possibles dans le Cosmos sont très éloignées les unes des autres non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. Dans notre Galaxie, ces quelques centaines de civilisations survivantes, estimées ci-dessus, sont apparues, très probablement, une fois tous les quelques millions d’années. Par conséquent, dans la Voie lactée, il n’existe aucune civilisation proche de notre niveau.

Qu’adviendra-t-il de notre civilisation (si elle survit) dans des millions (ou des milliards) d’années ? Il est impossible de l’imaginer. Nous n’oublions pas que nous ne sommes pas en mesure de prévoir notre avenir, même dans une perspective de quelques centaines d’années seulement. À quoi ressembleraient les habitants d’une civilisation qui nous aurait devancés de plusieurs millions d’années ?

Peut-être sont-ils devenus immortels, peut-être le temps et l’espace ne comptent-ils pas pour eux, peut-être se sont-ils déplacés dans une réalité virtuelle omniprésente, dans d’autres dimensions, etc. Mais la véritable réponse est très certainement encore plus complexe et défie notre logique et notre imagination. Nous pouvons toutefois accepter qu’ils se soient transformés en quelque chose d’autre, au-delà de notre compréhension, en quelque chose que nous pouvons nommer une "hypercivilisation".

Si quelqu’un considère que nous avons été trop optimistes et que les êtres intelligents sont beaucoup plus rares, nous devrions ajouter que notre Voie lactée n’est qu’une des 150 milliards de galaxies de l’Univers, plus ou moins semblables, accessibles à nos instruments. Et nous avons de fortes raisons de croire qu’il existe aussi d’autres Univers, peut-être des Univers "parallèles", peut-être d’autres états de la matière, ou des parties d’un "Multivers", etc.

La scolarisation et la science-fiction, mais pas seulement, ont fixé nos esprits sur des schémas ignorant complètement la possibilité d’hypercivilisations. Par conséquent, nous sommes confrontés à deux "hypothèses extraterrestres" : la première est ce que nous pourrions appeler "l’hypothèse des extraterrestres primitifs", l’autre celle des hypercivilisations.

L' "hypothèse des extraterrestres primitifs" suppose que toutes les civilisations cosmiques sont plus ou moins au même niveau d’évolution. Elle nourrit donc de fausses idées préconçues telles que : des voyages cosmiques très longs et difficiles, le désir d’atterrir sur la pelouse de la Maison Blanche, l’égalité des droits, la conversation, l’invasion, l’intervention, l’aide et ainsi de suite.

Cette vision primitive est totalement invraisemblable. Si les hypercivilisations existent (et elles existent, avec une probabilité de 99,999999%) elles ont exploité, dans les moindres détails, notre Galaxie, il y a des millions d’années, donc elles connaissent, depuis longtemps, notre existence. Ce raisonnement a conduit Enrico Fermi, quand il a dit, en 1950 : "ils devraient être ici ; où sont-ils ?"

Mais ni lui, ni beaucoup d’autres, n’ont envisagé que des représentants d’hypercivilisations pourraient être ici, parmi nous, mais pourraient avoir une apparence si différente de nos attentes que nous ne pourrions pas les reconnaître. Ce qui nous empêche de les voir, c’est aussi un ensemble de préjugés répandus et profondément enracinés, comme ceux qui suivent.

L’idée préconçue de l’égalité des droits. Une différence de plusieurs millions d’années, voire de centaines de millions, est aussi énorme qu’entre nous et un lézard ou même une fourmi.

S’ils sont là (comme c’est très probable), ils peuvent nous examiner, suivre notre évolution, voire nous contacter sous une forme ou une autre, mais ils ne se mettront jamais au même niveau que nous.

L’idée préconçue de la conversation. En 1959 déjà, Giuseppe Cocconi et Philip Morrison affirmaient que si la différence entre deux civilisations est de plusieurs millions d’années, la probabilité qu’elles puissent échanger des idées est nulle. Nous interagissons parfois avec un lézard ; mais il ne s’agira jamais d’une conversation, disaient-ils.

Le provincialisme temporel (terme utilisé par le Dr J. Allen Hynek). Il affirme qu’en opposition avec les siècles sombres précédents, les trois-quatre cents dernières années nous ont finalement amenés à la lumière de la vérité réelle et de la science.

Dans cette lumière, nous pouvons maintenant décider quels faits peuvent être acceptés et lesquels ne seront jamais possibles. Si, il y a environ cent ans, nous avons commencé à utiliser la radio, certains pensent qu’elle restera à jamais le meilleur moyen de communication.

Si Einstein a postulé il y a cent ans que la vitesse de la lumière est une limite, aucune autre loi physique ne sera découverte jusqu’à la fin des temps pour éviter cette limite, etc.

Comme exemple particulier, nous avons la préconception SETI. Selon elle, même si les signaux radio mettent des milliers d’années à passer d’un monde habité à l’autre, les civilisations cosmiques considéreront que la signalisation par ondes radio sera, pour toujours, le moyen de contact le plus approprié et que nous devons dépenser de l’argent pour les rechercher.

L’idée préconçue de l’invasion. Pour beaucoup de gens, il devrait être normal que si une civilisation cosmique arrive sur Terre, elle tente de nous conquérir par la force. Mais les hypercivilisations savaient probablement, il y a des millions d’années, que nous étions là ; elles pouvaient donc nous envahir à tout moment et, dans un certain sens, elles nous envahissent probablement déjà, depuis des millions d’années. Certains "artefacts déplacés" pourraient en être un indice.

L’idée préconçue d’une intervention et d’une aide. Certains espèrent que les extraterrestres nous aideront (ou du moins certains "élus") à surmonter les catastrophes futures. Mais même nous, si nous découvrons un terrain de valeur, qui a échappé à l’intrusion humaine, nous essayons de le déclarer réserve, ne permettant qu’une intervention très limitée, pour des raisons scientifiques. Cette attitude semble se renforcer avec le temps.

Une hypercivilisation observant la Terre et la civilisation technologique humaine devrait agir de manière similaire, en évitant d’interférer dans notre évolution, mais en prélevant des échantillons, en faisant quelques expériences, en ayant des contacts très limités (pas du tout officiellement ou entre égaux) avec seulement quelques individus, sélectionnés selon leurs critères et non les nôtres.

Par conséquent, aucune installation, aucune destruction, d’une part, et aucun contact officiel, aucune conversation ou aide substantielle, d’autre part, ne sont à attendre des civilisations cosmiques hautement avancées, même si elles sont ici maintenant.

La différence entre une hypercivilisation et nous pourrait être aussi grande que celle entre nous et les fourmis. Les entomologistes qui se proposeraient d’étudier la vie d’une fourmilière essaieraient de perturber, le moins possible, sa vie. Ils pourront bien sûr faire des expériences, en examinant ou en modifiant certaines fourmis, voire en les emmenant dans des laboratoires éloignés, en essayant de créer de nouvelles "races", etc.

Ils essaieront certainement de découvrir, autant que possible, la vie de la fourmilière, mais ne présenteront pas de "références" à la reine des fourmis.

Si les entomologistes disposent de la technologie nécessaire, ils créeront quelques fourmis robots, les enverront dans la fourmilière et observeront depuis un endroit sûr, par exemple "sur l’écran de l’ordinateur", les données qu’elles transmettent. Et si une fourmi robot se perdait dans cette mission, l’incident alourdirait un peu les coûts de la recherche, sans être une tragédie.

Nous pouvons spéculer qu’une hypercivilisation pourrait tenter de réaliser, en utilisant du matériel génétique provenant de la Terre, de nouvelles races, avec un cerveau plus grand, une intelligence supérieure, adaptées à certaines tâches spéciales, etc. Par conséquent, de nombreuses "races" décrites par les prétendus abductés (les gris, les grands blonds, etc.) peuvent être de telles races humaines artificielles ou même des bio-robots dérivés de l’espèce humaine.

Ils peuvent être "produits" par exemple dans des réserves ou des bases situées quelque part en dehors de la Terre. De la même manière, nous créons de nouvelles variétés de blé à partir des variétés traditionnelles. Parfois, la variété de blé parfaite devient stérile ou exposée à de nouvelles maladies.

À ce moment-là, les agronomes tentent de trouver des gènes appropriés dans le pool représenté par les espèces primitives de blé, afin d’améliorer la variété "parfaite".

Et si les humains sur Terre étaient le "réservoir sauvage" de gènes, aptes à améliorer des races artificielles ailleurs ? Dans ce cas, il n’y aura pas de problème de compatibilité entre les visiteurs et nous, comme dans certaines histoires d’enlèvement et d’hybridation par des ovnis, mais aussi, par exemple, dans la note biblique : "En ces jours-là, les êtres divins et les filles humaines avaient des relations sexuelles et donnaient naissance à des enfants".

"Ce sont les anciens héros" (Genèse, 6, 4). Certains supposent même qu’il existe une intervention extérieure permanente dans l’évolution de la race humaine afin de l’améliorer.

Mais il est évident que la comparaison ci-dessus – de l’humanité avec une fourmilière – est légèrement forcée, car l’humanité est, néanmoins, une future hypercivilisation potentielle. L’apparition d’une civilisation technologique pourrait être un événement très rare dans notre Galaxie, ne se produisant probablement qu’une fois en plusieurs millions d’années. Il est donc normal que nous intéressions les intelligences supérieures. Mais que peuvent-elles attendre de nous ?

Une hypercivilisation se comportera de manière insaisissable et ne nous donnera pas ses connaissances et ses technologies ; plus encore, elle nous l’interdira. Ce n’est pas seulement à cause de l’agressivité et de la xénophobie humaines, qui font de toute nouvelle technologie de nouvelles armes, ni seulement pour éviter un "choc culturel", qui pourrait virtuellement détruire toutes nos structures sociales, économiques, politiques, militaires, scientifiques, religieuses et culturelles.

Je peux spéculer qu’ils ont aussi d’autres raisons pour cela. Les hypercivilisations pourraient attendre (et peut-être même récolter maintenant) nos idées originales, nos points de vue, nos créations (dans l’art, la science, la philosophie, l’éthique, etc.), qui sont le résultat de millions d’années de notre évolution indépendante. Et toute cette récolte attendue pourrait être détruite par un contact prématuré.

Certaines histoires anciennes, apparemment absurdes, peuvent être une indication d’une telle attitude : la punition pour la pomme de l’arbre interdit de la connaissance, l’enchaînement de Prométhée, ou les anges déchus (du livre d’Enoch), jetés dans une fosse pleine de feu, parce qu’ils ont enseigné aux terriens certaines compétences.

De nombreuses personnes enlevées ou contactées ont parlé des boules de lumière éthérées comme de "dépôts de connaissance et d’intelligence", enregistrant "tout dans l’Univers", entre autres, la vie de tous les individus (ou des plus intéressants). Nous avons quelques indices à ce sujet lorsque nous parlons du "livre de la vie", des "archives akashiques", de l' "inconscient collectif", ou même du "champ morphogénétique", etc.

Cette "super-mémoire" pourrait être écrite sur un support "spirituel", ou sur quelque chose autour de nous que nous ne sommes pas encore capables d’imaginer. Parfois, certaines personnes, sous certaines conditions, pourraient avoir accès à cet entrepôt de données.

C’est ainsi que l’on peut expliquer : le channelling, la "xénoglossie", les "walk-ins", la "réincarnation", les fantômes, etc. Dans une telle réalité virtuelle, le temps est différent. Nous pouvons voyager dans le passé, vivre des événements, sans changer le passé réel, ou nous pouvons voir des scénarios du futur (parfois apocalyptiques), sans accepter la fatalité.

Bien sûr, tout ce qui précède n’est pas une preuve que les hypercivilisations sont l’explication de tout ce qui est étrange et notamment des ovnis. Ce n’est qu’une hypothèse, mais – je pense – une hypothèse qui ne peut être facilement écartée.

 

Auteur: Farcaş Daniel D.

Info: Hypercivilisations and the primitive extraterrestrial hypothesis, openminds 19 july 2017

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proto-linguistique

Cette langue ancienne use de la seule grammaire basée entièrement sur le corps humain

Une famille de langues en voie de disparition suggère que les premiers humains utilisaient leur corps comme modèle de réalité

Un matin de décembre 2004, des adultes et des enfants erraient sur le rivage de Strait Island dans le golfe du Bengale lorsque l'un d'eux a remarqué quelque chose d'étrange. Le niveau de la mer était bas et des créatures étranges qui habitent normalement la zone crépusculaire profonde de l'océan se balançaient près de la surface de l'eau. “ Sare ukkuburuko ! ”— la mer s'est renversée! — cria Nao Junior, un des derniers héritiers d'une sagesse transmise sur des milliers de générations à travers sa langue maternelle. Il savait ce que signifiait ce phénomène bizarre. Tout comme d'autres peuples autochtones des îles Andaman. Ils se sont tous précipités à l'intérieur des terres et en hauteur, leurs connaissances ancestrales les sauvant du tsunami dévastateur qui s'est abattu sur les côtes de l'océan Indien quelques minutes plus tard et qui a emporté quelque 225 000 personnes.

Lorsque j'ai rencontré Nao Jr. pour la première fois, au tournant du millénaire, il était dans la quarantaine et l'un des neuf seuls membres de son groupe autochtone, le Grand Andamanais, qui parlait encore l'idiome de ses ancêtres ; les jeunes préférant l'hindi. En tant que linguiste passionnée par le décodage de structure, j'avais étudié plus de 80 langues indiennes de cinq familles différentes : indo-européenne (à laquelle appartient l'hindi), dravidienne, austroasiatique, tibéto-birmane et taï-kadaï. J'étais sur les îles pour documenter leurs voix autochtones avant qu'elles ne se transforment en murmures. Le peu que j'ai entendu était si déconcertant que j'y suis retourné plusieurs fois au cours des années suivantes pour essayer de cerner les principes qui sous-tendent les grandes langues andamanaises.

Ici mes principaux professeurs, Nao Jr. et une femme nommée Licho, parlaient un pastiche de langues qui comptaient encore quelque 5 000 locuteurs au milieu du 19e siècle. Le vocabulaire moderne étant très variable, dérivé de plusieurs langues parlées à l'origine sur l'île d'Andaman du Nord. Ce qui m'était vraiment étranger, cependant, c'était leur grammaire, qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais jamais rencontré.

Une langue incarne une vision du monde et, alors qu'une civilisation, change et se développe par couches. Les mots ou les phrases fréquemment utilisés se transforment en formes grammaticales de plus en plus abstraites et compressées. Par exemple, le suffixe "-ed", signifiant le passé en anglais moderne, provient de "did" (c'est-à-dire que "did use" est devenu "used") ; Le vieil anglais où in steed et sur gemong sont devenus respectivement "instead" et "among". Ces types de transitions font de la linguistique historique un peu comme l'archéologie. Tout comme un archéologue fouille soigneusement un monticule pour révéler différentes époques d'une cité-État empilées les unes sur les autres, un linguiste peut séparer les couches d'une langue pour découvrir les étapes de son évolution. Il faudra des années à Nao Jr. et Licho endurant patiemment mes interrogatoires et mes tâtonnements pour que j'apprenne enfin la règle fondamentale de leur langue.

Il s'avère que le grand andamanais est exceptionnel parmi les langues du monde de par son anthropocentrisme. Il utilise des catégories dérivées du corps humain pour décrire des concepts abstraits tels que l'orientation spatiale et les relations entre les objets. Bien sûr, en anglais, nous pourrions dire des choses comme "la pièce fait face à la baie", "la jambe de la chaise s'est cassée" et "elle dirige l'entreprise". Mais en Grand Andamanais, de telles descriptions prennent une forme extrême, avec des morphèmes, ou segments sonores significatifs, qui désignent différentes zones du corps s'attachant aux noms, verbes, adjectifs et adverbes - en fait, à chaque partie du discours - pour créer des significations diverses. Parce qu'aucune autre langue connue n'a une grammaire basée sur le corps humain et/ou un partage des mots apparentés -  des mots qui ont une signification et une prononciation similaires, ce qui indique un lien généalogique - avec le grand andamanais, la langue constitue sa propre famille .

L'aspect le plus durable d'une langue est sa structure, qui peut perdurer sur des millénaires. Mes études indiquent que les Grands Andamanais furent effectivement isolés pendant des milliers d'années, au cours desquelles leurs langues ont évolué sans influence perceptible d'autres cultures. La recherche génétique corrobore ce point de vue, montrant que ces peuples autochtones descendent d'un des premiers groupes d'humains modernes qui a migré hors d'Afrique. En suivant le littoral du sous-continent indien, ils ont atteint l'archipel d'Andaman il y a peut-être 50 000 ans et y vivent depuis dans un isolement virtuel. Les principes fondamentaux de leurs langues révèlent que ces humains anciens ont conceptualisé le monde à travers leur corps.

PIÈCES DU CASSE-TÊTE

Lorsque je suis arrivé en 2001 à Port Blair, la principale ville de la région, pour mener une enquête préliminaire sur les langues autochtones, j'ai été dirigé vers Adi Basera, une maison que le gouvernement indien autorisait les Grands Andamanais à utiliser lorsqu'ils étaient en ville. C'était un bâtiment délabré avec de la peinture écaillée et des pièces sales ; enfants et adultes flânaient nonchalamment dans la cour. Quelqu'un m'a apporté une chaise en plastique. J'ai expliqué ma quête en hindi.

"Pourquoi es-tu venu ?" demanda Boro Senior, une femme âgée. "Nous ne nous souvenons pas de notre langue. Nous ne le parlons ni ne le comprenons. Il s'est avéré que toute la communauté conversait principalement en hindi, une langue essentielle pour se débrouiller dans la société indienne et la seule que les enfants apprenaient." Pendant que je le sondais cependant, Nao Jr. a avoué qu'il connaissait le Jero, mais parce qu'il n'avait personne avec qui en parler, il l'oubliait. Boro Sr. s'est avéré être la dernière personne à se souvenir de Khora, et Licho, alors dans la fin de la trentaine, qui était la dernière à parler le sare, la langue de sa grand-mère. Lorsqu'ils conversaient entre eux, ces individus utilisaient ce que j'appelle le Grand Andamanais actuel (PGA), un mélange de Jero, Sare, Bo et Khora - toutes langues des Andaman du Nord.

Lorsque les autorités britanniques ont établi une colonie pénitentiaire à Port Blair en 1858, les forêts tropicales de Great Andaman - comprenant le nord, le centre et le sud d'Andaman, ainsi que quelques petites îles à proximité - étaient habitées par 10 tribus de chasseurs et de cueilleurs qui semblaient culturellement liées. Les habitants du Great Andaman ont résisté aux envahisseurs, mais leurs arcs et leurs flèches n'étaient pas à la hauteur des fusils et, à une occasion, des canons de navires. Encore plus mortels furent les germes apportés par les étrangers, contre lesquels les insulaires n'avaient aucune immunité. Dans les années 1960, époque à laquelle les Andamans appartenaient à l'Inde, il ne restait plus que 19 Grands Andamanais, vivant principalement dans les forêts du nord d'Andaman. Les autorités indiennes les ont alors installés sur la petite île du détroit.

Un autre groupe de chasseurs-cueilleurs, les Jarawa, vivaient dans le sud d'Andaman, et lorsque les Grands Andamanais s'éteignirent , les Jarawa s'installèrent dans leurs territoires évacués du Moyen Andaman. Les Jarawa ont résisté au contact - et aux germes qui l'accompagnent - jusqu'en 1998 et sont maintenant au nombre d'environ 450. Leur culture avait des liens avec celle des Onge, qui vivaient sur Little Andaman et qui ont été sous controle des Britanniques dans les années 1880. Apparemment, les habitants de North Sentinel Island étaient également apparentés aux Jarawa. Ils continuent d'ailleurs de vivre dans un isolement volontaire, qu'ils ont imposé en 2018 en tuant un missionnaire américain.

(photo-schéma avec détails et statistiques des langage des iles adamans)

Mon enquête initiale a établi que les langues des Grands Andamanais n'avaient aucun lien avec celles des Jarawa et des Onge, qui pourraient constituer leur propre famille de langues. Réalisant que je devais documenter le Grand Andamanais avant qu'il ne soit réduit au silence, je suis revenu avec une équipe d'étudiants en 2005. C'était peu de temps après le tsunami, et les autorités avaient évacué les 53 Grands Andamanais vers un camp de secours à côté d'Adi Basera. Ils avaient survécu, mais leurs maisons avaient été inondées et leurs biens perdus, et un sentiment de bouleversement et de chagrin flottait dans l'air. Dans cette situation, Licho a donné naissance à un garçon nommé Berebe, source de joie. J'ai appris que les bébés étaient nommés dans l'utérus. Pas étonnant que les grands noms andamanais soient non sexistes !

Au camp, j'ai rencontré l'octogénaire Boa Senior, dernier locuteur de Bo et gardien de nombreuses chansons. Nous deviendrons très proches. Les grands jeunes andamanais avaient répondu au mépris des Indiens dominants pour les cultures autochtones en se détournant de leur héritage. Boa Sr me tenait la main et ne me laissait pas partir car elle était convaincue que ma seule présence, en tant qu'étranger rare qui valorisait sa langue, motiverait les jeunes à parler le grand andamanais. Pourtant, je l'ai appris principalement de Nao Jr. et Licho, dont l'intérêt pour leurs langues avait été enflammé par le mien. Il s'est avéré que Nao Jr. en savait beaucoup sur l'environnement local et Licho sur l'étymologie, étant souvent capable de me dire quel mot venait de quelle langue. J'ai passé de longues heures avec eux à Adi Basera et sur Strait Island, les accompagnant partout où ils allaient - pour nous prélasser à l'extérieur de leurs huttes, errer dans la jungle ou pêcher sur la plage. Plus ils s'efforçaient de répondre à mes questions, plus ils puisaient dans les profondeurs de la mémoire. J'ai fini par collecter plus de 150 grands noms andamanais pour différentsespèces de poissons et 109 pour les oiseaux .

Les responsables britanniques avaient observé que les langues andamanaises étaient un peu comme les maillons d'une chaîne : les membres des tribus voisines des Grands Andamans se comprenaient, mais les langues parlées aux extrémités opposées de l'archipel, dans les Andamans du Nord et du Sud, étaient mutuellement inintelligibles. En 1887, l'administrateur militaire britannique Maurice Vidal Portman publia un lexique comparatif de quatre langues, ainsi que quelques phrases avec leurs traductions en anglais. Et vers 1920, Edward Horace Man compila un dictionnaire exhaustif de Bea, une langue des Andaman du Sud. C'étaient des enregistrements importants, mais aucun n'a résolu le puzzle que la grammaire posait.

Moi non plus. D'une manière ou d'une autre, ma vaste expérience avec les cinq familles de langue indienne ne m'aidait pas. Une fois, j'ai demandé à Nao Jr. de me dire le mot pour "sang". Il m'a regardé comme si j'étais une imbécile et n'a pas répondu. Quand j'ai insisté, il a dit: "Dis-moi d'où ça vient." J'ai répondu: "De nulle part." Irrité, il répéta : "Où l'as-tu vu ?" Il fallait que j'invente quelque chose, alors j'ai dit : "sur mon doigt. Sa réponse est venue rapidement — "ongtei !" – puis il débita plusieurs mots pour désigner le sang sur différentes parties du corps. Si le sang sortait des pieds ou des jambes, c'était otei ; l'hémorragie interne était etei; et un caillot sur la peau était ertei . Quelque chose d'aussi basique qu'un nom changeait de forme en fonction de l'emplacement.

Chaque fois que j'avais une pause dans mon enseignement et d'autres tâches, je visitais les Andamans, pendant des semaines ou parfois des mois. Il m'a fallu un an d'étude concertée pour entrevoir le modèle de cette langue - et quand je l'ai fait, toutes les pièces éparses du puzzle se sont mises en place. Très excité, je voulus tout de suite tester mes phrases inventées. J'étais à l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutive à Leipzig, en Allemagne, mais j'ai téléphoné à Licho et je lui ai dit : "a Joe-engio eole be". Licho a été bouleversé et m'a fait un compliment chéri : "Vous avez appris notre langue, madame !"

Ma phrase était simplement "Joe te voit". Joe était un jeune Grand Andamanais, et -engio était "seulement toi". Ma percée avait été de réaliser que le préfixe e- , qui dérivait à l'origine d'un mot inconnu désignant une partie interne du corps, s'était transformé au fil des éons en un marqueur grammatical signifiant tout attribut, processus ou activité interne. Donc l'acte de voir, ole, étant une activité interne, devait être eole. Le même préfixe pourrait être attaché à -bungoi , ou "beau", pour former ebungoi, signifiant intérieurement beau ou gentil ; de sare , pour "mer", pour former esare, ou "salé", une qualité inhérente ; et au mot racine -biinye, "pensant", pour donner ebiinye , "penser".

LE CODE CORPOREL

La grammaire que j'étais en train de reconstituer était basée principalement sur Jero, mais un coup d'œil dans les livres de Portman et de Man m'a convaincu que les langues du sud du Grand Andamanais avaient des structures similaires. Le lexique se composait de deux classes de mots : libre et lié. Les mots libres étaient tous des noms faisant référence à l'environnement et à ses habitants, tels que ra pour "cochon". Ils pourraient se produire seuls. Les mots liés étaient des noms, des verbes, des adjectifs et des adverbes qui existaient toujours avec des marqueurs indiquant une relation avec d'autres objets, événements ou états. Les marqueurs (spécifiquement, a- ; er- ; ong- ; ot- ou ut- ; e- ou i- ; ara- ; eto- ) dérivaient de sept zones du corps et étaient attaché à un mot racine, généralement sous forme de préfixe, pour décrire des concepts tels que "dedans", "dehors", "supérieur" et "inférieur". Par exemple, le morphème er- , qui qualifiait presque tout ce qui concernait une partie externe du corps, pouvait être collé à -cho pour donner ercho , signifiant "tête". Une tête de porc était ainsi raercho.

(Photo/schéma désignant les 7 zones du corps humain qui font référence ici)

Zone     Marqueur          Parties corps/sémantique       

1              a -                  en rapport avec la bouche/origine 

2              er -                 corps et parties externes supérieures

3              ong -              extrémités (doigts main, pied) 

4              ut/ot -             (cerveau/intellect) produits corporels, partie-tout,

5              e / i -               organes internes

6              ara -                organes sexuels et formes latérales/rondes

7              o -                   jambes/partie basse         

Cette dépendance conceptuelle n'était pas toujours le signe d'un lien physique. Par exemple, si la tête du porc était coupée pour être rôtie, le marqueur t- pour un objet inanimé serait attaché à er- pour donner ratercho ; ce n'était plus vivant mais toujours une tête de cochon. Le suffixe -icho indiquait des possessions véritablement séparables. Par exemple, Boa-icho julu signifiait "les vêtements de Boa".

Tout comme une tête, un nom, ne pouvait pas exister conceptuellement par lui-même, le mode et l'effet d'une action ne pouvaient être séparés du verbe décrivant l'action. Les Grands Andamanais n'avaient pas de mots pour l'agriculture ou la culture mais un grand nombre pour la chasse et la pêche, principalement avec un arc et des flèches. Ainsi, la racine du mot shile , qui signifie "viser", avait plusieurs versions : utshile , viser d'en haut (par exemple, un poisson) ; arashile, viser à distance (comme un cochon); et eshile, visant à percer.

Inséparables également de leurs préfixes, qui les dotaient de sens, étaient les adjectifs et les adverbes. Par exemple, le préfixe er- , pour "externe", a donné l'adjectif erbungoi , pour "beau" ; le verbe eranye, signifiant "assembler" ; et l'adverbe erchek, ou "rapide". Le préfixe ong- , la zone des extrémités, fournissait ongcho , "piquer", quelque chose que l'on faisait avec les doigts, ainsi que l'adverbe ongkochil, signifiant "précipitamment", qui s'appliquait généralement aux mouvements impliquant une main ou un pied. Important aussi était le morphème a-, qui renvoyait à la bouche et, plus largement, aux origines. Il a contribué aux noms aphong, pour "bouche", et Aka-Jero , pour "son langage Jero" ; les adjectifs ajom , "avide", et amu, "muet" ; les verbes atekho, "parler", et aathitul , "se taire" ; et l'adverbe aulu, "avant".

Ces études ont établi que les 10 langues originales du grand andamanais appartenaient à une seule famille. De plus, cette famille était unique en ce qu'elle avait un système grammatical basé sur le corps humain à tous les niveaux structurels. Une poignée d'autres langues autochtones, telles que le papantla totonaque, parlé au Mexique, et le matsés, parlé au Pérou et au Brésil, utilisaient également des termes faisant référence à des parties du corps pour former des mots. Mais ces termes ne s'étaient pas transformés en symboles abstraits, ni ne se sont propagés à toutes les autres parties du discours.

(Photo - tableau - schéma avec exemples de mots - verbes - adverbes, dérivés des  7 parties)

Plus important encore, la famille des langues semble être d'origine vraiment archaïque. Dans un processus d'évolution en plusieurs étapes, les mots décrivant diverses parties du corps s'étaient transformés en morphèmes faisant référence à différentes zones pour fusionner avec des mots basiques pour donner un sens. Parallèlement aux preuves génétiques, qui indiquent que les Grands Andamanais ont vécu isolés pendant des dizaines de milliers d'années, la grammaire suggère que la famille des langues est née très tôt, à une époque où les êtres humains conceptualisaient leur monde à travers leur corps. La structure à elle seule donne un aperçu d'une ancienne vision du monde dans laquelle le macrocosme reflète le microcosme, et tout ce qui est ou qui se passe est inextricablement lié à tout le reste.

ANCÊTRES, OISEAUX

Un matin sur Strait Island, j'ai entendu Boa Sr. parler aux oiseaux qu'elle nourrissait. J'ai écouté pendant un bon moment derrière une porte, puis je me suis montrée pour lui demander pourquoi elle leur parlait.

"Ils sont les seuls à me comprendre", a-t-elle répondu.

"Comment ça se fait?" J'ai demandé.

"Ne sais-tu pas qu'pas sont nos ancêtres ?"

J'ai essayé de réprimer un rire étonné, mais Boa l'a perçu. "Oui, ce sont nos ancêtres", a-t-elle affirmé. "C'est pourquoi nous ne les tuons ni ne les chassons. Tu devrais demander à Nao Jr.; il connaît peut-être l'histoire."

Nao ne s'en souvint pas tout de suite, mais quelques jours plus tard, il raconta l'histoire d'un garçon nommé Mithe qui était allé à la pêche. Il a attrapé un calmar, et en le nettoyant sur la plage, il a été avalé par un Bol , un gros poisson. Ses amis et sa famille sont venus le chercher et ont réalisé qu'un Bol l'avait mangé. Phatka, le plus intelligent des jeunes, a suivi la piste sale laissée par le poisson et a trouvé le Bol en eau peu profonde, la tête dans le sable. C'était un très grand, alors Phatka, Benge et d'autres ont appelé à haute voix Kaulo, le plus fort d'entre eux, qui est arrivé et a tué le poisson.

Mithe est sorti vivant, mais ses membres étaient engourdis. Ils allumèrent un feu sur la plage et le réchauffèrent, et une fois qu'il eut récupéré, ils décidèrent de manger le poisson. Ils le mirent sur le feu pour le faire rôtir. Mais ils avaient négligé de nettoyer correctement le poisson, et il éclata, transformant toutes les personnes présentes en oiseaux. Depuis ce moment-là, les Grands Andamanais conservent une affinité particulière avec Mithe, la Colombe Coucou Andaman ; Phatka, le corbeau indien ; Benge, l'aigle serpent Andaman; Kaulo, l'aigle de mer à ventre blanc ; Celene, le crabe pluvier; et d'autres oiseaux qu'ils considéraient comme des ancêtres.

Dans la vision de la nature des Grands Andamanais, la principale distinction était entre tajio, le vivant, et eleo , le non-vivant. Les créatures étaient tajio-tut-bech, "êtres vivants avec des plumes" - c'est-à-dire de l'air; tajio-tot chor, "êtres vivants à écailles", ou de l'eau ; ou tajio-chola, "êtres vivants de la terre". Parmi les créatures terrestres, il y avait des ishongo, des humains et d'autres animaux, et des tong, des plantes et des arbres. Ces catégories, ainsi que de multiples attributs d'apparence, de mouvement et d'habitudes, constituaient un système élaboré de classification et de nomenclature, que j'ai documenté pour les oiseaux en particulier. Parfois, l'étymologie d'un nom grand andamanais ressemblait à celle de l'anglais. Par exemple, Celene, composé de mots racines pour "crabe" et "épine", a été ainsi nommé parce qu'il craque et mange des crabes avec son bec dur et pointu.

La compréhension extrêmement détaillée de l'environnement naturel détenue par le peuple des Grands Andamanais (Nao Jr. nomma au moins six variétés de bords de mer et plus de 18 types d'odeurs) indique une culture qui a observé la nature avec un amour profond et un intérêt aigu. Considérant la nature comme un tout, ils ont cherché à examiner l'imbrication des forces qui construisent cet ensemble. L'espace était une construction culturelle, définie par le mouvement des esprits, des animaux et des humains le long d'axes verticaux et horizontaux. Dans la vision du monde des Grands Andamanais, l'espace et tous ses éléments naturels - le soleil, la lune, la marée, les vents, la terre et la forêt - constituaient ensemble le cosmos. Dans cette vision holistique, les oiseaux, les autres créatures et les esprits étaient tous interdépendants et faisaient partie intégrante du concept d'espace.

Le temps aussi était relatif, catégorisé en fonction d'événements naturels tels que la floraison des fleurs saisonnières, la disponibilité du miel - le calendrier du miel, pourrait-on l'appeler - le mouvement du soleil et de la lune, la direction des vents, la disponibilité des ressources alimentaires et le meilleur moment pour chasser le poisson ou d'autres animaux. Ainsi, lorsque la fleur de koroiny auro fleurit, les tortues et les poissons sont gras ; lorsque le bop taulo fleurit, les poissons bikhir, liot et bere sont abondants ; lorsque le loto taulo fleurit, c'est le meilleur moment pour attraper les poissons phiku et nyuri ; et quand le chokhoro taulo fleurissent, les cochons sont les plus gras et c'est le meilleur moment pour les chasser.

Même le "matin" et le "soir" étaient relatifs, selon la personne qui les vivait. Pour dire, par exemple, "Je te rendrai visite demain", on utiliserait ngambikhir, pour "ton demain". Mais dans la phrase "je finirai ça demain", le mot serait tambikhir, "mon demain". Le temps dépendait de la perspective de celui qui était impliqué dans l'événement.

Les mythes des Grands Andamanais indiquaient que leurs premiers ancêtres résidaient dans le ciel, comme dans une autre histoire que Nao Jr. m'a racontée. 

Le premier homme, sortant du creux d'un bambou, trouva de l'eau, des tubercules, de l'argile fine et de la résine. Il modela un pot en argile, alluma un feu avec la résine, fit bouillir les tubercules dans le pot et savoura un repas copieux. Puis il fabriqua une figurine en argile et ll laissa sur le feu. À son étonnement et à sa joie, elle se transforma en femme. Ils eurent beaucoup d'enfants et étaient très heureux. Après un long séjour sur Terre, le couple partit pour un endroit au-dessus des nuages, rompant tous les liens avec ce monde.

Des larmes ont coulé sur les joues de Nao Jr. alors qu'il racontait ce conte de création, qui présentait tous les éléments de la vie : l'eau, le feu, la terre, l'espace et l'air. Pour cet homme solitaire - sa femme l'avait quitté il y a des années pour un autre homme -, créer une partenaire selon ses désirs était la fable romantique ultime. Alors que je lui avais demandé des histoires pour la première fois, il avait dit ne pas en avoir entendu depuis 40 ans et qu'il n'en avait pas pour moi faute de mémoire. Mais au cours de nombreuses soirées, avec le gazouillis des grillons et les cris des grenouilles à l'extérieur, il m'a raconté 10 histoires précieuses, presque inédites pour une langue au bord de l'extinction. Peut-être que l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes tellement liés était que nous étions tous les deux raupuch - quelqu'un qui a perdu un frère ou une sœur. Nao Jr. a été choqué d'apprendre que ni l'anglais ni aucune langue indienne n'a un tel mot. "Pourquoi?" Il a demandé. "n'aimez-vous pas vos frères et soeurs"

Nao Jr. a quitté ce monde en février 2009. Avec cette mort prématurée, il a emporté avec lui un trésor de connaissances qui ne pourra jamais être ressuscité et m'a laissé raupuch à nouveau. Boro Sr. est décédé en novembre et Boa Sr. en janvier 2010, laissant sa voix au travers de plusieurs chansons. Licho est décédé en avril 2020. À l'heure actuelle, seules trois personnes - Peje, Golat et Noe - parlent encore une langue de la grande famille andamanaise, dans leur cas le Jero. Ils ont tous plus de 50 ans et souffrent de diverses affections. Toute la famille de ces langues est menacée d'extinction imminente.

Sur les quelque 7 000 langues parlées par les humains aujourd'hui, la moitié se taira d'ici la fin de ce siècle. La survie à l'ère de la mondialisation, de l'urbanisation et des changements climatiques oblige les communautés autochtones à remplacer leurs modes de vie et leurs langues traditionnels par ceux de la société dominante. Quand l'ancienne génération ne peut plus enseigner la langue aux plus jeunes, une langue est condamnée. Et avec chaque langue perdue, nous perdons une mine de connaissances sur l'existence humaine, la perception, la nature et la survie. Pour donner le dernier mot à Boa Sr. : "Tout est parti, il ne reste plus rien – nos jungles, notre eau, notre peuple, notre langue. Ne laissez pas la langue vous échapper ! Tiens bon !"

Auteur: Anvita Abbi

Info: "Whispers from Deep Time" dans Scientific American 328, 6, 62-69 (juin 2023). Trad et adaptation Mg

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