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ésotérisme

L'humain est un petit monde, un microcosme à l'intérieur du grand univers. Comme un fœtus, il est suspendu, par ses trois esprits, dans la matrice du macrocosme ; et tandis que son corps terrestre est en sympathie constante avec sa terre mère, son âme astrale vit à l'unisson avec l'anima mundi sidérale. Il est en elle, comme elle est en lui, car l'élément qui imprègne le monde remplit tout l'espace et est l'espace lui-même, seulement sans rivage et infini. Quant au troisième esprit, le divin, n'est-il qu'un rayon infinitésimal, l'une des innombrables radiations qui procèdent directement de la Cause la plus haute, la Lumière spirituelle du monde ? C'est la trinité de la nature organique et inorganique - le spirituel et le physique, qui sont trois en un, et dont Proclus dit que "la première monade est le Dieu éternel ; la seconde, l'éternité ; la troisième, le paradigme, ou modèle de l'univers" ; les trois constituant la Triade intelligible.

Auteur: Blavatsky Helena Petrovna

Info: Isis dévoilée

[ triade intégrée ] [ hermétisme ] [ mysticisme ]

 

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corps-esprit

Je crois sincèrement que beaucoup du mauvais et du bon dans la nature humaine résulte de causes et d’influences purement physiques ; que la valeur et l’ambition sont aussi souvent suscitées par un estomac brouillé que la mauvaise humeur par une dent cariée ; que Socrate, dans le corps de Bonaparte, n’aurait guère pu être Socrate, mais que cette combinaison aurait peut-être pu produire un Timoléon ou un Washington ; et enfin, que ces sages qui s’évertuent à améliorer la nature morale de leur espèce n’atteindront leur but qu’une fois qu’ils auront amélioré la nature physique de leur cheptel. Les esprits forts peuvent opérer sans égard aux penchants dictés par le corps, voire s’en affranchir entièrement ; mais les esprits ordinaires occupent leur corps comme l’eau imprègne l’éponge, uniment diffusés à travers chacune de leurs parties, affectés par les affections qui touchent ces parties, modifiés par leurs modifications, et fusionnés si intimement avec la matrice charnelle que la simple amputation d’une jambe, m’est avis, est susceptible de laisser l’esprit boiteux pour le reste de sa vie.

Auteur: Montgomery Bird Robert

Info: Sheppard Lee, P. 144

[ souffrance ] [ affaiblissante ]

 

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parallèle

Le christianisme au XVIe siècle, c’était l’air qu’on respirait bien davantage que des dogmes ; c’étaient des cérémonies, des traditions et des rites qui accompagnaient les individus de la naissance à la mort. Baptême, processions, messes de requiem, sacrement du mariage : toutes les journées, tous les actes de toutes les vies étaient […] saturées de religion. Les heures elles-mêmes, sonnées par les églises, parlaient chrétien. Aujourd’hui l’homme des villes, par ses fenêtres ouvertes, l’été, peut entendre s’égrener dans les appartements voisins la musique annonciatrice des informations, les jingles précédant la pub, les génériques ronflants ou primesautiers des émissions de l’après-midi ou celles du prime-time. Le fond de l’air parle média. La succession invariable des prières et des offices est remplacée par celle des jeux, des débats et des films. […] Les processions obligatoires contre la peste, la sécheresse ou les invasions de mulots ont leur équivalent dans les émissions sur le sida, la mucoviscidose, le trou de la couche d’ozone ou les inondations de Vaison-la-Romaine. On pourrait assez facilement montrer que le Spectacle imprègne la vie des hommes de façon à peu près aussi complète que le faisait la religion jadis.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le portatif", pages 21-22

[ paradigme ] [ scander ] [ conditionnement ] [ renaissance française ]

 

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dualité cosmique

D’après les philosophes de l’Inde, l’univers tout entier est composé de deux substances. L’une est l’âkâsha* ; c’est l’existence omniprésente, qui imprègne tout. Tout ce qui a forme, tout ce qui est le produit d’une combinaison provient de cet âkâsha. C’est l’âkâsha qui devient l’air, qui devient les liquides, qui devient les solides ; c’est l’âkâsha qui devient le soleil, la terre, la lune, les étoiles, les comètes ; c’est l’âkâsha qui devient le corps humain, le corps des animaux, les plantes, toutes les formes que nous voyons, tout ce qui peut tomber sous nos sens, tout ce qui existe. Il ne peut pas être perçu, il est si subtil qu’il échappe à toute perception ordinaire ; on ne peut le voir que lorsqu’il s’est épaissi, lorsqu’il a pris forme. Au début de la création, il n’existe que lui ; à la fin du cycle, les solides, les liquides et les gaz se fondent tous à nouveau en l’âkâsha, et la création suivante proviendra de même de cet âkâsha.

Quelle est la force qui, de cet âkâsha, confectionne l’univers ? La puissance de prâna. Tout comme l’âkâsha est la substance infinie et omniprésente de cet univers, de même le prâna est la force infinie et omniprésente qui s’y manifeste

Auteur: Vivekânanda Swâmi

Info: Les Yogas pratiques, Albin Michel, 1988, p. 373. *Est vu dans la tradition comme le cinquième élément, celui qui constitue la substance physique, substrat qui a la qualité du son

[ source de vie ] [ réalités vibratoires ] [ définitions ]

 

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champ morphogénétique

Jung considérait le peuplement de l’Amérique du Nord par une population à prédominance germanique comme "la plus grande expérience" de transplantation raciale. A la seconde génération, un "type Yankee" s’est formé, "tellement identique au type indien" que l’on aurait pu l’attribuer immédiatement à un métissage de races si l’on avait su qu’il n’y a qu’une infime portion de sang indien chez l’Américain du Nord. L’indianisation mystérieuse de la population américaine ne devint compréhensible pour Jung que lorsqu’il traita analytiquement un grand nombre d’Américains. Ce qui le frappa ensuite fut l’énorme influence des nègres – "influences psychologiques, naturellement". Le tempérament plein de vivacité de l’Américain aux jeux de base-ball "peut difficilement être dérivé des ancêtres germaniques ; il doit plutôt être rapproché des "jacassements" des villages nègres". Et ainsi de suite jusqu’à la conclusion : "Ainsi, les Américains nous offrent un étrange tableau : un Européen avec des comportements de Nègre et une âme d’Indien." Dans l’air et le sol d’une contrée il y a "un x et un y qui imprègnent lentement l’homme et le modèlent sur le type de l’habitant aborigène… Il me souvient en particulier d’avoir vu à New York une famille d’immigrants allemands. Trois des enfants étaient nés en Allemagne et quatre en Amérique. Les trois aînés étaient clairement des Allemands, alors que les autres étaient de totue évidence Américains." Ainsi, apparemment, l’inconscient collectif n’est pas après tout ce qui détermine en fin de compte le caractère et le comportement humain. L’x et l’y de l’air et du sol peuvent faire plus, semble-t-il, en deux générations que l’inconscient collectif en un million d’années. Mais non, cependant, et c’est bien étrange, lorsqu’il s’agit de Juifs. 

Auteur: Glover Edward

Info: Dans "Freud ou Jung ?", trad. Lucy Jones, P.U.F., Paris, 1954, page 123

[ psychologie de comptoir ] [ contradictions internes ] [ spéculations ]

 
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art pictural

Velasquez, après cinquante ans, ne peignait plus jamais une chose définie. Il errait autour des objets avec l’air et le crépuscule, il surprenait dans l’ombre et la transparence des fonds les palpitations colorées dont il faisait le centre invisible de sa symphonie silencieuse. Il ne saisissait plus dans le monde que les échanges mystérieux, qui font pénétrer les uns dans les autres les formes et les tons, par un progrès secret et continu dont aucun bruit, aucun sursaut ne dénonce ni n’interrompt la marche.
L'espace règne. C'est comme une onde aérienne qui glisse sur les surfaces, s'imprègne de leurs émanations visibles pour les définir et les modeler, et emporter partout ailleurs comme un parfum, comme un écho d'elles qu'elle disperse sur toute l'étendue environnante en poussière impondérable.

Le monde où il vivait était triste. Un roi dégénéré, des infants malades, des idiots, des nains, des infirmes, quelques pitres monstrueux vêtus en princes qui avaient pour fonction de rire d'eux-mêmes et d'en faire rire des êtres hors la loi vivante, étreints par l'étiquette, le complot, le mensonge, liés par la confession et le remords. Aux portes, l'Autodafé, le silence..

Un esprit nostalgique flotte, mais on ne voit ni la laideur, ni la tristesse, ni le sens funèbre et cruel de cette enfance écrasée.

Velázquez est le peintre des soirs, de l'étendue et du silence. Même quand il peint en plein jour, même quand il peint dans une pièce close, même quand la guerre ou la chasse hurlent autour de lui. Comme ils ne sortaient guère aux heures de la journée où l'air est brûlant, où le soleil éteint tout, les peintres espagnols communiaient avec les soirées.

Auteur: Faure Elie

Info: L’histoire de l’Art, L’art Moderne, pp. 128-132. Extrait lu par Belmondo dans Pierrot le fou de Godard

[ maturité ]

 
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cité imaginaire

C’est en vain, ô Kublai magnanime, que je m’efforcerai de te décrire la ville de Zaïre aux bastions élevés. Je pourrais te dire de combien de marches sont faites les rues en escalier, de quelle forme sont les arcs des portiques, de quelles feuilles de zinc les toits sont recouverts; mais déjà je sais que ce serait ne rien te dire. Ce n’est pas de cela qu’est faite la ville, mais des relations entre les mesures de son espace et les événements de son passé: la distance au sol d’un réverbère, et les pieds ballants d’un usurpateur pendu; le fil tendu du réverbère à la balustrade d’en face, et les festons qui ornent le parcours du cortège nuptial de la reine; à quelle hauteur est placée cette balustrade, et le saut de l’homme adultère qui l’enjambe à l’aube; l’inclinaison d’une gouttière, et un chat qui s’y engage pour passer par la même fenêtre; la ligne de tir de la canonnière apparue brusquement derrière le cap, et l’obus qui détruitla gouttière; les déchirures des filets de pêche, et les trois vieillards, assis sur le quai pour raccommoder les filets, qui se racontent pour la centième fois l’histoire de la canonnière de l’usurpateur, dont on dit qu’il était un enfant adultérin de la reine, abandonné dans ses langes, là sur le quai. Cette vague qui reflue avec les souvenirs, la villes’en imprègne comme une éponge, et grossit. Une description de Zaïre telle qu’elle est aujourd’hui devrait comprendre tout le passé de Zaïre. Mais la ville ne dit pas son passé, elle le possède pareil aux lignes d’une main, inscrit au coin des rues, dans les grilles des fenêtres, sur les rampes des escaliers, les paratonnerres, les hampes des drapeaux, sur tout segment marqué à son tour de griffes, dentelures, entailles, virgules.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ mémoire ]

 

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source

Energie du vide.

Les physiciens pensent désormais qu'il existe une force sous-jacente qui remplit tout l'espace. Ils l'ont appelée "énergie du vide" et elle est plus que simplement omniprésente ; sa puissance est énorme. Les estimations de l'énergie contenue dans chaque petit morceau d'espace apparemment vide varient considérablement. Il est probable que l'espace à l'intérieur d'un pot de mayonnaise contienne suffisamment d'énergie pour faire bouillir instantanément l'océan Pacifique. (En réalité, les scientifiques n'en sont encore qu'aux premiers stades de la compréhension de cette énergie omniprésente. Il existe un écart inquiétant de 100 ordres de grandeur entre les prédictions théoriques de sa puissance et les valeurs mesurées à ce jour. Cet écart est connu sous le nom de "catastrophe du vide").

La solution la plus proche est de refroidir la matière au zéro absolu, à -459,67° Fahrenheit (-273,15° Celsius), où tout mouvement moléculaire s'arrête. Alors et seulement alors, les choses sont à parité avec cette puissance omniprésente. C'est pourquoi on l'appelle aussi l'énergie du point zéro.

L'énergie du point zéro est donc présente lorsque toute autre énergie est absente. Pour que cette énergie de mousse quantique illimitée vous parvienne, il faut créer des conditions inférieures au zéro absolu. Cela signifie faire en sorte que les atomes se déplacent plus lentement qu'"à l'arrêt".

Le cosmos est imprégné d'une énergie qui fait paraître les simples ondes lumineuses et les champs électriques qui nous entourent, en comparaison, comme des simulacres de mauviettes. Cela signifie que cette essence d'Être - cette Nature de toutes choses, ce véritable Soi derrière la conscience et la vie elle-même, ce vide apparent qui semble être la matrice, le chevalet, la toile de fond de toutes nos mésaventures humaines - est une entité incroyablement puissante. Son énergie est inimaginable. Son potentiel illimité. Le fait que nous ne voyions et ne ressentions rien de tout cela ne signifie rien ; nos sens sont architecturalement construits pour percevoir ce qui est utile dans notre vie quotidienne. À quoi servirait-il de percevoir cette source ultra-énergie aveuglante qui imprègne chaque crevasse de la réalité ?

Auteur: Lanza Robert

Info: Beyond biocentrism

[ monde épiphénomène ] [ pré priméité ] [ question ]

 

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cognition

Les couleurs et les sons

Leonard Bernstein a affirmé : " Un compositeur de symphonie a devant lui toutes les notes de l'arc en ciel". Plus qu’une transdisciplinarité, l’association de la musique et de la couleur est un énomène qui a toujours existé. Les expériences multisensorielles dans l’art sont nombreuses. Voyons ici comment mettre à profit ce lien son/couleur dans l’apprentissage des enfants, notamment en ce qui concerne la lecture et l’écriture.

Chromesthésie

Derrière ce nom compliqué, se cache la capacité à percevoir différemment le son et à le ressentir "visuellement". Cette particularité ne concerne que peu de personnes et fait référence de manière plus large à l’expérience singulière de la synesthésie, terme signifiant en grec ensemble et sens. Autrement dit, certains individus goûtent une couleur, voient un son ou bien sentent un mot. 

Entre autres synesthètes célèbres, l’on trouve Vincent Van Gogh, Duke Ellington, Jean Sibelius ou encore Wagner avec son œuvre d’art totale le Gesamtkunstwerk. Goethe quant à lui a déclaré que "la couleur et le son ont la même source […] mais coulent dans des conditions différentes". Ainsi, textures, formes et couleurs apparaissent dans le champ de perception du synesthète lors de la stimulation par la musique ou les notes. En 1842 Franz Liszt aurait à ce sujet interloqué les musiciens de l’orchestre de Weimar lors d’une répétition en leur demandant de jouer "un peu plus bleu […] et "moins rose".

Faciliter l'apprentissage par les sons et les couleurs

Ce phénomène neurologique étrange et individuel nous emmène au potentiel pédagogique contenu dans l’association des sons et des couleurs. Comment faciliter les apprentissages des enfants si ce n’est par l’aspect multisensoriel et ludique des vibrations et de la couleur ? Lorsque par exemple à travers la lecture les enfants ne reconnaissent pas toutes les voyelles dans un texte, les couleurs auxquelles ils sont très réceptifs les aident. En effet, plus ils rencontrent les graphies d’un son coloré, plus ils s’en imprègnent facilement.  D’autre part, ils parviennent à déchiffrer les sons non appris grâce aux couleurs. Les enfants allophones apprennent de plus les couleurs comme premiers mots. 

Le principe pédagogique pour s’approprier la correspondance entre les graphèmes et la couleur est le suivant : le son est inclus dans le nom de la couleur : jAUne, rOUge nOIr, marrON etc. Créer un arc-en-ciel de sons complexes représente un outil efficace pour les plus petits ou les enfants en difficulté car il repose sur un moyen mnémotechnique simple. Ce dernier contribue à faciliter le décodage et l’encodage des associations graphèmes phonèmes. Le son audible par l’oreille associé à une couleur perceptible par l’œil ancre mentalement la phonétique.

Il est aussi possible de trouver une correspondance entre timbres des instruments de musique et couleurs ; ainsi les enfants peuvent manipuler et moduler les sons et jouer à reconnaître les couleurs de leur choix.  Lorsque les sens sont associés et que les gestes se joignent à la parole et à l’écoute des sons, cela concourt à l’apprentissage tant de la lecture que de l’écriture. Composer et lire des syllabes en couleurs constitue un véritable tremplin sensoriel pour développer les capacités de l’enfant.

Auteur: Alcais Claire

Info: https://icm-association.fr/le-blog/collectivites-locales/les-couleurs-et-les-sons. 19 avril 2022

[ éducation ] [ pédagogie ] [ ondes ] [ double perception ] [ septénaires ]

 

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cheptel humain

Malgré tout le bonheur que m’a procuré, à titre personnel, chaque voyage entrepris ces dernières années, une impression tenace s’est imprimée dans mon esprit : une horreur silencieuse devant la monotonie du monde. Les modes de vie finissent par se ressembler, à tous se conformer à un schéma culturel homogène. Les coutumes propres à chaque peuple disparaissent, les costumes s’uniformisent, les mœurs prennent un caractère de plus en plus international. Les pays semblent, pour ainsi dire, ne plus se distinguer les uns des autres, les hommes s’activent et vivent selon un modèle unique, tandis que les villes paraissent toutes identiques. Paris est aux trois quarts américanisée, Vienne est budapestisée : l’arôme délicat de ce que les cultures ont de singulier se volatilise de plus en plus, les couleurs s’estompent avec une rapidité sans précédent et, sous la couche de vernis craquelé, affleure le piston couleur acier de l’activité mécanique, la machine du monde moderne. Ce processus est en marche depuis fort longtemps déjà : avant la guerre, Rathenau avait annoncé de manière prophétique cette mécanisation de l’existence, la prépondérance de la technique, comme étant le phénomène le plus important de notre époque. Or, jamais cette déchéance dans l’uniformité des modes de vie n’a été aussi précipitée, aussi versatile, que ces dernières années. Soyons clairs ! C’est sans doute le phénomène le plus brûlant, le plus capital de notre temps.

[…]

Conséquences : la disparition de toute individualité, jusque dans l’apparence extérieure. Le fait que les gens portent tous les mêmes vêtements, que les femmes revêtent toutes la même robe et le même maquillage n’est pas sans danger : la monotonie doit nécessairement pénétrer à l’intérieur. Les visages finissent par tous se ressembler, parce que soumis aux mêmes désirs, de même que les corps, qui s’exercent aux mêmes pratiques sportives, et les esprits, qui partagent les mêmes centres d’intérêt. Inconsciemment, une âme unique se crée, une âme de masse, mue par le désir accru d’uniformité, qui célèbre la dégénérescence des nerfs en faveur des muscles et la mort de l’individu en faveur d’un type générique. La conversation, cet art de la parole, s’use dans la danse et s’y disperse, le théâtre se galvaude au profit du cinéma, les usages de la mode, marquée par la rapidité, le “succès saisonnier”, imprègnent la littérature. Déjà, comme en Angleterre, la littérature populaire disparaît devant le phénomène qui va s’amplifiant du “livre de la saison”, de même que la forme éclair du succès se propage à la radio, diffusée simultanément sur toutes les stations européennes avant de s’évaporer dans la seconde qui suit. Et comme tout est orienté vers le court terme, la consommation augmente : ainsi, l’éducation, qui se poursuivait de manière patiente et rationnelle, et prédominait tout au long d’une vie, devient un phénomène très rare à notre époque, comme tout ce qui s’acquiert grâce à un effort personnel.

[…]

Toutes ces choses, que j’ai seulement évoquées, le cinéma, la radio, la danse, tous ces nouveaux moyens de mécanisation de l’humanité, exercent un pouvoir énorme qui ne peut être dépassé. Toutes répondent en effet à l’idéal le plus élevé de la moyenne : offrir du plaisir sans exiger d’effort. Et leur force imbattable réside en cela : elles sont incroyablement confortables. La nouvelle danse peut être apprise en trois heures par la femme de ménage la plus maladroite, le cinéma ravit les analphabètes, desquels on n’exige pas une grande éducation pour profiter de la radio ; il suffit de mettre les écouteurs sur la tête, pour déjà l’entendre rouler dans l’oreille – même les dieux luttent en vain contre un tel confort. Ce qui n’exige que le minimum d’effort, mental et physique, et le minimum de force morale doit nécessairement l’emporter auprès des masses, dans la mesure où cela suscite la passion de la majorité. Et ce qui aujourd’hui encore réclame l’indépendance, l’autodétermination ou la personnalité dans le plaisir paraît dérisoire face à un pouvoir aussi surdimensionné. À vrai dire, au moment où l’humanité s’ennuie toujours davantage et devient de plus en plus monotone, il ne lui arrive rien d’autre que ce qu’elle désire au plus profond d’elle-même. L’indépendance dans le mode de vie et même dans la jouissance de la vie ne constitue plus, désormais, un objectif, tant la plupart des gens ne s’aperçoivent pas à quel point ils sont devenus des particules, des atomes d’une violence gigantesque. Ils se laissent ainsi entraîner par le courant qui les happe vers le vide ; comme le disait Tacite : “ruere in servitium”, ils se jettent dans l’esclavage […].

Ainsi, aucune résistance ! Ce serait une présomption scandaleuse que d’essayer d’éloigner les gens de ces petits plaisirs (intérieurement vides). Parce que nous – pour être honnêtes – qu’avons-nous d’autre à leur donner ? Nos livres ne les touchent plus, car ils ont cessé depuis longtemps de procurer les sueurs froides ou les excitations fébriles, que le sport et le cinéma prodiguent à foison. Ils ont même l’impudence d’exiger au préalable de nos livres, de notre effort mental et de notre éducation, une coopération des sentiments et une tension de l’âme. Nous sommes devenus – admettons-le – terriblement étrangers à tous ces plaisirs et passions de masse et donc à l’esprit de l’époque, nous, dont la culture spirituelle est une passion pour la vie, nous, qui ne nous ennuyons jamais, pour qui chaque jour est trop court de six heures, nous, qui n’avons besoin ni de dispositifs pour tuer le temps ni de machines d’arcade, ni de danse, ni de cinéma, ni de radio, ni de bridge, ni de défilés de mode. Il nous suffit de passer devant un panneau d’affichage dans une grande ville ou de lire un journal qui décrit en détail les batailles homériques des matchs de football pour sentir que nous sommes déjà devenus des outsiders, tels les derniers encyclopédistes pendant la Révolution française, une espèce aussi rare et menacée d’extinction aujourd’hui en Europe que les chamois et les edelweiss. Peut-être qu’un jour un parc naturel sera créé pour nous, derniers spécimens d’une espèce rare, pour nous préserver et nous conserver respectueusement en tant que curiosités de l’époque, mais nous devons avoir conscience que nous manquons depuis longtemps d’un quelconque pouvoir pour tenter la moindre chose contre cette uniformité croissante du monde. Devant cette lumière éblouissante de fête foraine, nous ne pouvons que demeurer dans l’ombre et, tels les moines des monastères pendant les grandes guerres et les grands bouleversements, consigner dans des chroniques et des descriptions un état de choses que, comme eux, nous tenons pour une déroute de l’esprit.

Auteur: Zweig Stefan

Info: L'uniformisation du monde

[ indifférenciation ] [ loisirs ] [ industrialisation ] [ normalisation ]

 
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