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ambition

Sans doute le moins estimable des rêves de jeunesse est-il le désir de célébrité D'abord parce que la célébrité est une indication quantitative et non qualitative. L'ampleur n'en est à aucun degré proportionnelle (ni directement ni inversement, d'ailleurs) au bien-fondé du motif pour lequel elle se met à draper un quidam. En d'autres termes, c'est une grandeur, ce n'est pas une valeur. Ensuite parce que c'est un désir de dupe. Dans un double sens. Le premier, qu'elle ne nous paraît jamais suffisante. J'ai connu des écrivains, des savants, des peintres jouissant d'une gloire mondiale et qui, du lever au coucher, s'épuisaient en propos envieux et en dénigrements obsessionnels envers des rivaux fort éloignés d'égaler leur réputation. Ils ne suspendaient l'étalage de leur aigreur que pour détailler à leur auditoire tous les articles du catalogue récent des témoignages d'admiration dont ils avaient eux-mêmes été l'objet. Je les voyais, en somme, d'autant plus malheureux qu'ils étaient plus illustres. Leur célébrité détruisait leur sérénité. Elle la rongeait aussi dans un deuxième sens. Pour un auteur, un chercheur, un artiste, la célébrité transforme le monde extérieur en source intarissable d'extermination de leurs forces et de leur liberté. Elle met en pièces chaque jour ce loisir intérieur, l'otium des Anciens, cette réserve spirituelle de silence et d'énergie sans laquelle ne naît point d'oeuvre, ni même d'envie d'en faire.

Auteur: Revel Jean-François

Info: Mémoires/Plon 1997, p.637-638

[ dérisoire ]

 

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autodérision

Ce qui caractérise la psychanalyse, c’est qu’il faut l’inventer. L’individu ne se rappelle de rien. On l’autorise à déconner. On lui dit : "Déconne, déconne mon petit ! ça s’appelle associer. Ici personne ne te juge, tu peux déconner, à ton aise". Moi, la psychiatrie, je l’appelle la déconniatrie. Mais, pendant que le patient déconne, qu’est-ce que je fais ? Dans le silence ou en intervenant – mais surtout dans le silence -, je déconne à mon tour. Il me dit des mots, des phrases. J’écoute les inflexions, les articulations, où il met l’accent, où il laisse tomber l’accent… comme dans la poésie.
J’associe avec mes propres déconnages, mes souvenirs personnels, mes élaborations quelconques. Je suis presque endormi, il est presque endormi. On dit au type "Déconne!". Mais ce n’est pas vrai, il s’allonge, il veut avoir raison, il fait des rationalisations, il raconte des histoires précises du réel : "Mon père par ci, ma mère par là…" Et il ne déconne jamais. Par contre, moi, je suis obligé de déconner à sa place. Et avec ce déconnage que je fais – à partir de l’accent et de la musique de ce qu’il dit, davantage que de ses paroles – je remplis mon ventre. Et alors, de temps en temps, je me dis : tiens, si je lui sortais ça maintenant, une petite interprétation ?

Auteur: Tosquelles François

Info: https://vimeo.com/167991974

[ décrochage ] [ affects joyeux ] [ réinvention ] [ poids des mots ] [ attention flottante ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

éducation

une ado. Un jour, maman m'a énervée, je voulais porter à l'école un vêtement qui était dans la corbeille de linge sale, et j'ai commencé à brailler qu'elle n'avait pas fait son boulot. [...] Elle a répondu que si je n'étais pas satisfaite de sa façon de s'occuper de mon linge, je savais où se trouvait la machine. Alors j'ai ouvert le lecteur de cassettes qui était dans la cuisine, arraché celle qui était dedans, et je l'ai jetée par terre. La cassette a éclaté en deux, le ruban s'est dévidé, et ce n'était pas récupérable. Je suis restée figée, horrifiée d'avoir fait une chose pareille. J'ai pensé qu'elle allait me tuer. Au lieu de quoi, elle a laissé tomber ce qu'elle était en train de faire, elle est venue ramasser la cassette, terriblement calme, a regardé laquelle c'était, et a dit : "James Taylor. C'est celle avec 'Your smiling face', ma préférée. Tu sais pourquoi je l'aime autant ? Parce que ça commence par 'Dès que je vois ton sourire, je souris aussi, car je t'aime.' [...]" Et elle a ajouté : "C'est ma chanson préférée parce que, chaque fois que je l'entends, elle me fait penser à toi, combien je t'aime. Et là, après ce que tu viens de faire, il faudrait plus que jamais que j'écoute cette chanson."

Auteur: Barclay Linwood

Info: Cette nuit-là, p. 170-171

[ enfance ] [ amour ] [ musique ] [ colère ]

 

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paradoxe

Notre position de sujet (dont chacun est seul responsable), est toujours compromise a priori par le fait que nul ne peut échapper au discours dominant de son époque.

Dans la logique du Château tu es toujours déjà coupable a priori car il n'existe aucun pardon possible pour les innocents.

On peut retrouver la même structure de pensée chez Spinoza pour qui avoir conscience que rien ne peut jamais échapper à la nécessité est la seule façon de se libérer de la nécessité.

Pareil pour l'idéologie chez Althusser où dire "je suis dans l'idéologie" est la seule façon d'éviter le cercle vicieux de l'idéologie.

Mais le premier exemple d'entre tous, le plus célèbre, reste le paradoxe du menteur crétois, où dire : "ce que je suis en train de dire est un mensonge" permet d'articuler la différence entre sujet de l'énonciation et sujet de l'énoncé (distingués par Lacan) car en disant "je mens" je reconnais l'inauthenticité de mon être, sa non-coïncidence à lui-même, la division constitutive de mon sujet, donc l'inconsistance de ma position subjective d'énonciation, et en ce sens, je dis la vérité.

L’être ne se produit que par l’échec de l’étant à se dire.

Le parlêtre que nous sommes est donc cette créature qui dit la vérité en mentant, qui ment en disant la vérité.

Quand je dis je mens, je mens.

Auteur: Dubuis Santini Christian

Info:

[ aporie ontologique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

misanthropie

Je ne fréquente mes semblables qu’avec parcimonie […], considérant l’amour de l’humanité comme une illusion sentimentale autant que politique, et tentant de comprendre comment l’humanité s’abolit dans l’illégitimité du nombre, par exemple dans la foule que je traversais, ce jour-là, principalement composée de Noirs, de Maghrébins, de Pakistanais, d’Asiatiques, de diverses sortes de métis, et de quelques Blancs, hommes et femmes, dont deux petites lesbiennes se tenant par la main avec défi, suivies d’un nain dandinant son corps pitoyable entre de jeunes beautés tapageuses, et des enfants, des vieillards, laids, mal vêtus, l’ensemble se mouvant dans une puanteur constituée de relents d’égouts, de viennoiseries, de parfums et de produits de chez Mc Donald’s, au sein d’un vacarme dont on ne savait plus s’il annonçait la fin du monde ou s’il la faisait désirer, sur ce quai de la station Châtelet-les-Halles, un samedi après-midi, dans ce qui fut le ventre de Paris, et qui est devenu cette gigantesque gare souterraine, au-dessous des anciens cimetières des Innocents et de Saint-Eustache : des bas-fonds, où je ne descends jamais sans songer qu’à la foule se mêlent les spectres d’innombrables défunts, dont j’avais vu exhumer les os, quarante ans auparavant, et me demandant au milieu des grondements, des rumeurs et des cris, si, plus encore que la lumière, l’air libre n’est pas la première manifestation de la vérité. 

Auteur: Millet Richard

Info: Arguments d’un désespoir contemporain, Hermann éditeurs, 2011

[ mégapole ] [ surpopulation ] [ freaks ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

fleurs

– Je te dérange ?
– Tout va bien. Je m’occupais de mes pivoines. Je leur soignais les ailes.
– Les ailes ?
– Et oui. La pivoine, c’est la seule fleur qui aurait pu être un oiseau. Qui aurait dû. "Pivoines", tu ne trouves pas que ça fait nom d’oiseau ? On aurait pu dire : tiens, regarde, un vol de pivoines…
– Jamais remarqué.
– Et puis, quand tu observes une pivoine de près, tu sais, on dirait ces plumes contrariées qu’il y a sur le cou des cygnes, ou le jabot mouillé d’un flamand rose dans le vent. Un bouquet de pivoines, c’est une volée d’oiseaux qui se blottissent les uns contre les autres, qui tremblent de ne pouvoir voler.
(...)
– Et puis, surtout, j’en ai marre des roses. C’est snob les roses. C’est tout droit, tout raide, trop bien peigné. Les roses, ça a un côté petite-bourgeoise endimanchée qui m’agace. Un côté collet monté qui ne veut pas se salir. Un peu trop net pour être vrai. Alors que la pivoine… La pivoine, c’est une fleur décoiffée, une fleur ébouriffée. Tu as déjà vu une pivoine blanche ? On dirait une mariée au petit matin, qui a dansé et bu toute la nuit et dont la robe s’est froissée à force de tournoyer. Un froissement de froufrou et la belle se volatilise…

Auteur: François d'Épenoux

Info: Le réveil du coeur de

[ comparées ]

 

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psychotique

Il est violé, manipulé, transformé, parlé de toutes les manières et, je dirais, jacassé. Vous lirez en détail ce qu’il dit de ce qu’il appelle les oiseaux du ciel et leur pépiement. C’est bien de cela qu’il s’agit – il est le siège de toute une volière de phénomènes, et c’est ce fait qui lui a inspiré cette énorme communication qui est la sienne, ce livre de quelque cinq cents pages, résultat d’une longue construction qui a été pour lui la solution de son aventure intérieure.

Le doute porte au départ, et à tel moment, sur ce à quoi renvoie la signification, mais qu’elle renvoie à quelque chose, cela ne fait pour lui aucun doute. Chez un sujet comme Schreber, les choses vont si loin que le monde entier est pris dans ce délire de signification, de telle sorte qu’on peut dire que, loin qu’il soit seul, il n’est à peu près rien de tout ce qui l’entoure que d’une certaine façon, il ne soit.

Par contre, tout ce qu’il fait être dans ces significations, est en quelque sorte vide de lui-même. [...] Dieu, son interlocuteur imaginaire, ne comprend rien à tout ce qui est à l’intérieur, à tout ce qui est des êtres vivants, et [...] il n’a jamais affaire qu’à des ombres ou à des cadavres.

Auteur: Lacan Jacques

Info: A propos du cas du Président Schreber, étudié par Freud, dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, page 128

[ perception paranoïaque ] [ psychose ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

testament

Dieu. L’âme. La responsabilité. Cette triple notion suffit à l’homme. Elle m’a suffi. C’est la religion vraie. J’ai vécu en elle. Je meurs en elle. Vérité, lumière, justice, conscience, c’est Dieu. Deus, Dies.

Je donne quarante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans le corbillard des pauvres.

Mes exécuteurs testamentaires sont MM. Jules Grévy, Léon Say, Léon Gambetta. Ils s’adjoindront qui ils voudront. Je donne tous mes manuscrits et tout ce qui serait trouvé écrit ou dessiné par moi à la Bibliothèque nationale de Paris, qui sera un jour la Bibliothèque des États-Unis d’Europe.

Je laisse une fille malade et deux petits-enfants. Que ma bénédiction soit sur tous. Excepté les huit mille francs nécessaires à ma fille, tout ce qui m’appartient appartient à mes deux petits-enfants. Je note ici, comme devant être réservées, la rente annuelle et viagère que je donne à leur mère, Alice, et que j’élève à douze mille francs ; et la rente annuelle et viagère que je donne à la courageuse femme qui, lors du coup d’État, a sauvé ma vie au péril de la sienne et qui, ensuite, a sauvé la malle contenant mes manuscrits.

Je vais fermer l’oeil terrestre ; mais l’oeil spirituel restera ouvert, plus grand que jamais. Je repousse l’oraison de toutes les églises. Je demande une prière à toutes les âmes.

Auteur: Hugo Victor

Info: Codicille – 2 août 1883

[ épistole ] [ dernières paroles ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

oser

Il meurt lentement

celui qui ne voyage pas,

celui qui ne lit pas,

celui qui n'écoute pas de musique,

celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.



Il meurt lentement celui qui détruit son amour-propre,

celui qui ne se laisse jamais aider.



Il meurt lentement celui qui devient esclave de l'habitude

refaisant tous les jours les mêmes chemins,

celui qui ne change jamais de repère,

ne se risque jamais à changer la couleur de ses vêtements

ou qui ne parle jamais à un inconnu.



Il meurt lentement celui qui évite la passion et son tourbillon d'émotions,

celles qui redonnent la lumière dans les yeux et réparent les cœurs blessés.



Il meurt lentement celui qui ne change pas de cap lorsqu'il est malheureux au travail ou en amour,

celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves,

celui qui, pas une seule fois dans sa vie, n'a fui les conseils sensés.



Vis maintenant!

Risque toi aujourd'hui !

Agis tout de suite !

Ne te laisse pas mourir lentement !

Ne te prive pas d'être heureux !

Auteur: Neruda Pablo

Info:

[ poème ] [ vivre ] [ aventurer ]

 

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humiliation

Les enfants dans les écoles sont une engeance impitoyable : pris séparément, ce sont des anges du ciel mais ensemble, surtout à l’école, ils sont très souvent impitoyables. Ils le taquinaient donc, un noble esprit s’est éveillé en Ilioucha. Un petit garçon ordinaire, un fils faible se serait résigné, aurait eu honte de son père, mais lui, il s’est dressé seul contre tous pour défendre son père. Son père et la vérité, la justice. Car ce qu’il a enduré alors qu’il baisait la main de votre frère et qu’il criait : "Pardonnez à mon petit papa, pardonnez à mon petit papa", cela Dieu seul le sait, et moi. Et c’est ainsi que nos petits, j’entends les nôtres, pas les vôtres, les petits des miséreux, méprisés mais nobles, c’est ainsi que, dès l’âge de neuf ans, ils apprennent à connaître la vérité sur cette terre. Les riches, comment pourraient-ils l’apprendre, eux ? De toute leur vie, ils n’exploreront jamais une telle profondeur, tandis que mon Iliouchka, au moment même où, sur la place, il lui baisait les mains, a accédé à toute la vérité. Elle est entrée en lui, cette vérité, et l’a marqué à jamais, prononça le capitaine avec passion, l’air de nouveau éperdu et, ce faisant, il frappa de son poing droit la paume de sa main gauche, comme pour montrer comment cette "vérité" avait marqué Ilioucha.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, page 262

[ réel ] [ cruauté ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson