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emmurée

Je suis aveugle à son malheur, aveugle à la détresse de mon beau-père, aveugle au désarroi de ma petite sœur. Je me tiens quelque part, cachée, en arrière de mes yeux, en arrière de la vie, en arrière du chagrin, et je flotte, dans l’égoïsme immense de mon adolescence. J’écris. Je lis des romans gothiques et des ouvrages de psychanalyse. Je vois tous les films d’Ingmar Bergman et de Nagisa Oshima, en mangeant les restes de céréales au chocolat que j’avais jetées à la poubelle et que je m’étais juré de ne plus jamais toucher. Je pense à un homme qui, chaque jour, vient dans le même café que moi.

Auteur: Chiche Sarah

Info: Dans "Les enténébrés"

[ autoportrait ] [ monde intérieur ] [ transitoire ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

écriture

Un jour, ma femme était en train de lire un roman de science-fiction, je ne me souviens plus du titre, donc je ne ferai de peine à personne, même si je le voulais ! Et elle m'a dit "Nom d'un chien, ce que c'est mauvais ! Tu devrais essayer, tu ferais bien mieux !" Et alors, sur une crise de fantaisie, j'ai laissé tomber mon essai de roman policier, j'ai arraché toutes les feuilles du cahier à spirales sur lesquelles j'avais griffonné déjà, je les ai jetées à la poubelle et je me suis mis au travail sur ce cahier vierge, en disant à ma femme : "Je vais t'écrire un roman de SF, et celui-là sera bon ! "

Auteur: Wul Stefan

Info:

[ amorce ] [ déclic ] [ motivation ]

 

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délinquance

J'avais tort. Je savais que j'avais tort, et pourtant j'ai persisté. S'il y a une explication c'est celle-ci : dès l'instant où j'ai quitté mon père, mes chaines ont été arrachées, ou je les ai jetées moi-même en vivant avec les gens du milieu. Je n'ai pas passé une heure en compagnie d'une personne honnête. J'ai vécu dans une atmosphère de vol, d'escroquerie et de crime. Je pensais en termes de vol. Les maisons étaient construites pour être cambriolées, les citoyens là pour être volés, la police devait être évitée et détestée, les mouchards châtiés. Les voleurs devaient être aidés et protégés. Tel était mon code, le code de mes compagnons. L'atmosphère que je respirais. "Si tu vis avec des loups, tu apprends à hurler."

Auteur: Black Jack

Info: You Can't Win

[ criminalité ] [ apprentissage ]

 

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famille

Ma propre mère avait écrit d'inutiles pages de mémoires à l'attention de son petit-fils, dans le dessein de conserver pour lui la substantifique moelle de l'affaire une fois le volumineux dossier judiciaire broyé par le tri sélectif de la France devenue, comme dans la chanson de Camille Dalmais, "celle des photocopies". Si je me souviens de ses feuilles graisseuses et dont la taille des caractères variait sans cesse, au gré de l'importance présumée de l'exploit familial narré, c'est parce que je les ai jetées moi-même, et avec quelle assurance ! Sans douter le moins du monde du caractère indispensable de ce geste d'assainissement. Bien qu'elle ne soit pas réellement au courant, je crois que pour une fois elle ne serait pas en désaccord avec ma destruction. Peut-être écrivait-elle pour ne pas faire le ménage ?

Auteur: Danoux Gabrielle

Info: Le chemin du fort, Ma Nouvelle. p. 152

[ tri transgénérationnel ] [ mère-fille ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

misère

La vue de ces sans-abris avait jadis suscité en moi un profond sentiment de compassion. Mais cela n'avait pas duré. La maladie de la subjectivité, ou de l'objectivité - je ne sais toujours pas comment l'appeler-, me faisait voir les épreuves de ces gens de tant de points de vue différents qu' au bout du compte leur spectacle n'en était plus qu'un parmi tant d'autres et ce que la vision de ces gens suscitait en moi était désormais d'une nature bien différente. Rien, me disais-je maintenant, ne pouvait plus être rejeté. Ni les saletés qui avaient été jetées puis récupérées dans les poubelles pour être remises en circulation sur les trottoirs de Broadway. Ni ces gens eux-mêmes, des saletés humaines, officiellement rejetées, mais sans endroit spécialement conçu pour les tenir hors de la vue. Les égouts privés et publics étaient pleins, ils débordaient, dégorgeant et remettant en circulation tout ce qui avait été rejeté.

Auteur: Tesich Steve

Info: Karoo

[ USA ] [ clochard ]

 

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Asie

Voici qu'apparaissait l'hexagramme*, produit par les mouvements aléatoires des tiges végétales. Aléatoires, et pourtant enracinés dans le moment dans lequel il vivait, dans lequel sa vie était liée à toutes les autres vies et particules de l’univers. L’hexagramme indispensable, dont le motif de traits pleins et brisés représentait la situation. Lui, Juliana, l’usine de Gough Street, les Missions Commerciales dominatrices, l’exploration des planètes, les milliards de tas de produits chimiques en Afrique, qui maintenant n'étaient plus des cadavres, les aspirations des milliers de gens alentour dans les bidonvilles de San Francisco, les créatures démentes de Berlin, avec leurs visages calmes et leurs projets maniaques – tout lié dans ce moment, où les tiges d’achillée étaient jetées pour choisir la sagesse exactement appropriée dans un livre commencé au trentième siècle avant Jésus-Christ. Un livre créé par les sages chinois sur une période de cinq mille ans, raffiné, perfectionné, cette superbe cosmologie – et science –, codifiée avant que l’Europe ait seulement appris à poser des division.

Auteur: Dick Philip K.

Info: Le maître du haut château, *symbole constitué de trait yīn et de trait yáng utilisé dans le Yì Kīng.

[ Occident ] [ taoïsme ]

 

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désespoir

C'est un fait divers qui remonte à très longtemps, mais je me rappelle très bien avoir vu au journal télévisé que deux adolescentes s'étaient jetées du toit d'un immeuble en laissant une lettre disant : "Nous n'avons pas de raisons de mourir, mais nous n'avons pas de raison de vivre non plus." Parfois, je repense à ces jeunes filles. Si j'avais eu la chance de pouvoir leur parler de l'autre côté de la barrière, tout en haut de cet immeuble, qu'aurais-je bien pu dire ou faire pour qu'elles s'éloignent de la rambarde ? Peut-être aurais-je pu leur montrer les trois premières cases d'un manga et attendre qu'elles reviennent vers moi pour leur faire découvrir la suite. Cela aurait très bien pu marcher. Mais il aurait fallu que ce soit vraiment drôle et qu'elles rient au point de changer d'avis, et de retourner à l'école le lendemain... Cela aurait été génial... Mais si j'étais aussi doué pour dessiner des mangas qui ont ce pouvoir-là, j'en vendrais des montagnes et je serais riche. Ce serait bien si j'étais aussi bon...

Auteur: Makoto Yukimura

Info:

[ thérapie ] [ recette ] [ succès ] [ suicide ]

 

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végétarien

Ma mère était convaincue, et j'ai gardé à cet égard ses convictions, que tuer les animaux pour se nourrir de leur chair et de leur sang est l'une des plus déplorables et des plus honteuses infirmités de la condition humaine, que c'est une de ces malédictions jetées sur l'homme. Elle croyait, et je crois comme elle, que ces habitudes d'endurcissement du coeur à l'égard des animaux les plus doux, ces immolations, ces appétits de sang, cette vue des chairs palpitantes, poussent les instincts du coeur à la cruauté et à la férocité. (...) Ma mère croyait, et je le crois aussi, que cette nourriture [carnée], plus succulente et plus énergétique en apparence, contient en soi des principes irritants et putrides qui agitent le sang et abrègent les jours de l'homme ... Elle ne me laissa jamais manger de la viande avant l'âge où je fus jeté dans la vie pêle-mêle des Collèges. ... Je ne vécus donc, jusqu'à douze ans, que de pain, de laitages, de légumes et de fruits. Ma santé n'en fut pas moins forte, mon développement pas moins rapide [...]

Auteur: Lamartine Alphonse de

Info:

[ . ]

 

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papa

Mon fils, quel magnifique mystère que mon fils, si attentif à mes moindres faits et gestes, si prompt à s'enflammer pour ma moindre action un peu spectaculaire mais, à l'instar de ses soeurs, tellement plus secret, caché, abritant, je crois, une spatialité intérieure plus ample, plus sérieuse, plus libre, déjà conscient par instinct de son avenir de combattant destiné - je n'ose écrire franchement, condamné - à séduire, exister. Faire sa place. Ses soeurs, petites boules d'amour chatoyantes, déjà tellement dans leur espace propre de petites dames, confiantes dans l'amour du monde, dans la transmission de la vie, prêtes à se livrer pour leur descendance... appliquées... inquiètes dans leurs certitudes, préparant depuis la nuit des temps le nid à venir... l'oeil aux aguets dans l'attente du prince charmeur car, quand à leur naïveté je suis d'un optimisme convaincu, elles devineront beaucoup et se tromperont rarement.
Elles défensives, lui au contraire, balançant franchement ses petits bras contre la réalité tangible, mettant en place ses capacités de mesure. Comme l'a si bien écrit Gibran, nous ne sommes que les arcs qui projettent les enfants, avec pour simple mission d'envoyer ces flèches d'un relâchement assuré et attentif de la main. Une main inquiète, tu le sais, qui a l'expérience de ces cibles mouvantes aux carreaux indécis, traits fragilisés par une impulsion trop ceci ou trop cela dans un parcours ou entrent en compte de redoutables charmes.
Mon fils, mes filles, quelques-unes parmi je ne sais combien de centaines d'autres millions de graines jetées aux vents. Brises, tourbillons, ouragans, souffles que l'on espère magnanimes mais dispensateurs de sursauts, rafales, tornades, cyclones pédagogiques habilement distribués par le destin. Avec une préférence pour le Zéphyr.

Auteur: Mg

Info: 2002

[ pensée-d'homme ]

 

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interprétation

Cinq adaptations "exemplaires" (littérature et cinéma)
Dès ses origines, le cinéma a tissé avec la littérature des liens contradictoires et complexes. Alors que le septième art a toujours tenté de s'affirmer comme art " autonome ", il a d'une manière constante puisé dans les classiques de la littérature pour se nourrir et s'enrichir. L'opinion commune veut qu'une adaptation cinématographique d'un texte littéraire soit vouée à être moins intéressante que l'oeuvre d'origine. Or un examen un peu attentif prouve que l'histoire du cinéma est truffée de chefs-d'oeuvre tirés de romans ou de pièces de théâtre. La question, dès lors, est de savoir comment le cinéma peut parvenir à traduire sur grand écran des oeuvres littéraires sans les trahir et en conservant sa propre singularité d'art " visuel ".
Entre littérature et cinéma, c'est une histoire immédiate. Lorsque Georges Meliès réalise, en 1902, Le voyage dans la lune, il s'inspire déjà du roman de Jules Verne De la terre à la lune. Et même lorsqu'il est encore muet, le cinéma trouve dans les oeuvres de Victor Hugo (L'homme qui rit de Paul Leni en 1928) ou d'Alexandre Dumas une inépuisable source d'inspiration.
Parce que le cinéma est parvenu à développer, au temps du muet, une grammaire et des articulations très fines, une esthétique qui n'appartient qu'à lui ; certains voient dans le passage au parlant une régression et un retour à la théâtralité, à la littérature.
Pourtant, les noces entre les deux arts s'avèrent fructueuses : les romans donnent naissance à de grands classiques de l'histoire du cinéma (citons, de manière exemplaire, Autant en emporte le vent de Victor Fleming) et les écrivains s'intéressent au septième art et passent parfois de l'autre côté de la barrière de manière ponctuelle (André Malraux réalisant Espoir en1938-39) ou plus régulière (Pagnol, Guitry, Duras et Robbe-Grillet érigeant de véritables oeuvres cinématographiques).
Au début des années 50 François Truffaut, alors jeune critique, s'en prend violemment au cinéma français " de qualité ", reprochant en particulier aux cinéastes de se contenter d'illustrer pour le grand écran des classiques du patrimoine littéraire de manière totalement académique (Le rouge et le noir d'Autant-Lara, Notre-Dame de Paris et La princesse de Clèves de Jean Delannoy, etc.). Il oppose à ce cinéma poussiéreux un cinéma à la première personne où le réalisateur serait, tel un écrivain,l'auteur d'une oeuvre personnelle et intime.
Pourtant, Truffaut comme les autres cinéastes de la Nouvelle Vague, adapteront à leur tour des oeuvres littéraires. A quel moment, peut-on dire qu'un film se contente d'illustrer platement un roman ou bien qu'il transcende son matériau d'origine pour offrir au spectateur une oeuvre cinématographique à part entière ?
La question est tellement vaste qu'un simple article ne suffirait pas à en épuiser toutes les dimensions. Alors de manière subjective, tentons de nous appuyer sur cinq films pour analyser les éléments qui entrent en compte dans le succès d'une d'une adaptation d'une oeuvre littéraire.
1- Des mots aux images : Mouchette (1967) de Robert Bresson (d'après Bernanos)
La première difficulté à laquelle se heurte un cinéaste, c'est de traduire de manière " visuelle " des mots qui sont, eux-mêmes, porteurs d'images. A vouloir se contenter uniquement des mots, on prend le risque de laisser de côté les questions de mise en scène cinématographique de ces mots et de retomber dans le piège de l'illustration académique (Cf. Germinal de Claude Berri). Du coup, les mots doivent devenir le corps même de l'oeuvre et certains vont s'y employer en procédant par accumulation (la parole qui s'emballe chez Guitry et Pagnol) ou par soustraction. Robert Bresson appartient à la deuxième catégorie. Lorsqu'il adapte Mouchette sur grand écran, il n'en est pas à sa première tentative de transposition d'une oeuvre littéraire. Il a déjà filmé Diderot (Les dames du bois de Boulogne) et Bernanos (Le journal d'un curé de campagne). Pour lui, pas question de trouver un système d'équivalences mais d'adapter les oeuvres de manière littérale (avec, par exemple, un recours à la voix-off ou des cartons). Dans Mouchette, la parole se raréfie et c'est la stylisation d'une mise en scène épurée jusqu'à l'extrême qui permet de traduire la noirceur du roman d'origine. Lorsque la petite Mouchette se suicide en roulant obstinément jusqu'à un cours d'eau, Bresson parvient à traduire l'âpreté du roman de Bernanos et nous bouleverse de manière indélébile.
2- L'anecdote : Le mépris (1963) de Jean-Luc Godard (d'après Moravia)
Une des difficultés de l'adaptation cinématographique est la question de l'anecdote. Beaucoup de cinéastes se sont contentés de prendre les romans comme de beaux scénarios. L'anecdote l'emporte sur l'invention cinématographique. C'est peut-être pour cette raison que les meilleures adaptations sont sans doute celles qui se sont appuyées sur des oeuvres littéraires mineures, permettant aux cinéastes de dépasser l'anecdote et d'injecter dans leurs films des thèmes personnels. Belle de jour de Kessel n'est pas un roman très intéressant. En revanche, Buñuel en a fait un chef-d'oeuvre du cinéma, une oeuvre totalement énigmatique et opaque où l'onirisme et l'ironie sont de mises. De la même manière, il est couramment admis que les films d'Hitchcock comme Rebecca et Les oiseaux sont supérieurs aux romans de Daphné du Maurier qui les ont inspirés.
A l'origine du Mépris, il y a un roman de Moravia que les connaisseurs s'accordent à trouver médiocre (j'avoue ne pas l'avoir lu) mais le plus important n'est pas dans l'anecdote mais dans la manière dont Jean-Luc Godard parvient à la transplanter sur son propre territoire : le cinéma, le mythe et les questions que le taraudent toujours : l'amour, la trahison, le malentendu...
3- La réappropriation : Shining (1980) de Stanley Kubrick (d'après Stephen King)
Toujours dans le même ordre d'idée, les romans regroupés parfois sous l'étiquette " mauvais genre " (la série noire, le fantastique, la science-fiction, l'érotisme...) furent de formidables réservoirs à récits pour les cinéastes. Certains écrivains de polars, comme Raymond Chandler, furent également scénaristes pour Hollywood. Parmi les auteurs contemporains oeuvrant dans le fantastique, Stephen King fut sans doute l'écrivain le plus adapté au cinéma, pour le meilleur (Dead Zone de Cronenberg, Carrie de De Palma, Stand by me et Misery de Rob Reiner...) ou pour le pire (Firestarter de Lester, Peur bleue...).
Avec Shining, nous nous trouvons face à un cas intéressant car il est évident que Stanley Kubrick trahit l'oeuvre originale (King ne s'est pas entendu avec le cinéaste et détestait cette adaptation) mais il se la réapproprie de manière totalement personnelle et livre un des plus beaux films d'épouvante jamais tourné. Avec ce film, le cinéaste tente de réaliser LE film d'horreur définitif (comme il cherchera à réaliser LE film de guerre absolu avec Full Metal Jacket) et nous offre une oeuvre mentale où l'espace de l'hôtel et du jardin qui l'entoure devient la projection d'un cerveau atteint par la folie.
4- Le style : Le temps retrouvé (1999) de Raoul Ruiz (d'après Marcel Proust)
Un des problèmes majeurs auxquels se heurtent les cinéastes projetant d'adapter une oeuvre littéraire, c'est celui du style. Si, au cinéma, l'anecdote importe moins que la mise en scène et le style du réalisateur ; il est évident que l'intérêt d'un livre tient avant tout à son style et non pas à son " histoire ".
C'est sans doute pour cette raison que certains grands stylistes n'ont jamais été adaptés au cinéma, que ce soit Céline ou James Joyce qui ne fut adapté que pour son récit le plus " classique " (Gens de Dublin par John Huston en 1987). Même si certaines tentatives maladroites ont été effectuées, certains romans conservent la réputation d'être inadaptables, que ce soit Belle du seigneur de Cohen ou A la recherche du temps perdu de Proust. Contrairement à ce que l'on entend parfois, Proust a fait l'objet de quelques adaptations cinématographiques. Parfois catastrophiques (le très académique Un amour de Swann de Schlöndorff avec Alain Delon en 1984), parfois intéressantes (La captive de Chantal Akerman), ces transpositions restèrent néanmoins assez éloignées de l'univers de l'écrivain. Dans Le temps retrouvé, c'est le caractère extrêmement mouvant de la mise en scène qui frappe. Ruiz a recours aux effets qu'il affectionne depuis toujours : juxtaposition du zoom et du travelling dans des directions opposées, décors mobiles, amples mouvements de caméra donnant la sensation d'un univers extrêmement fluctuant et éphémère. Grâce à ses partis pris de mise en scène, le cinéaste parvient à nous loger au coeur même de la tête de l'écrivain qui revient, à la veille de sa mort, sur son existence et son oeuvre, comme si tout était désormais écrit. Le film est donc à la fois une oeuvre cinématographique et une traduction assez juste de l'univers évanescent de Proust. Pour transposer à l'écran un écrivain au style unique, il fallait un styliste de la caméra !
5- Les limites : Salo ou les 120 journées de Sodome (1975) de Pier Paolo Pasolini (d'après Sade)
Dernier écueil auquel se heurte le cinéma : les limites de la représentation. Lorsque Apollinaire évoque un " soleil cou coupé " ou que Breton nous entraîne à sa suite dans un Paris mystérieux et poétique dans Nadja, on a du mal à concevoir quelles images photographiques pourraient traduire la poésie de ces mots et les gouffres imaginaires qu'ils entrouvrent.
Réaliste par essence, l'image cinématographique se heurte à certaines limites que ne connaissent pas les mots. Lorsqu'il s'agit de violence ou de sexe, il paraît littéralement impossible de montrer ce que les mots peuvent parfois dire. Une adaptation fidèle d'American psycho de Brett Easton Ellis serait tout bonnement insoutenable.
De la même manière, on imagine mal un film qui suivrait scrupuleusement les descriptions du marquis de Sade. Pourtant, le grand écrivain fut maintes fois adaptés au cinéma, de manière classique et édulcoré comme dans le Justine de Claude Pierson ou de manière plus originale (mais " soft ") dans Marquis de Sade : Justine de Jess Franco.
Lorsqu'il entreprend de filmer Les 120 journées de Sodome, Pasolini sort de sa " trilogie de la vie " où il exaltait les sens et une sexualité débridée en s'appuyant sur des oeuvres littéraires du passé (Les mille et une nuits, Le Décaméron de Boccace et Les contes de Canterbury de Chaucer). Mais ce qu'il voit autour de lui le rend pessimiste et il cherche désormais à dénoncer les excès du consumérisme dans lesquels s'inscrit la prétendue " libéralisation des moeurs ". Il choisit d'adapter Sade qu'il transpose à l'époque fasciste. Là encore, la réappropriation qu'il se permet de l'oeuvre du divin Marquis est une sorte de " trahison " mais elle lui permet de transgresser les limites de la représentation. On a vu des films beaucoup plus " pornographiques " ou même plus violents mais le style glacial de Pasolini confère à cette oeuvre un caractère éprouvant et en fait un des films les plus effrayants jamais tourné.
Il y aurait sans doute beaucoup d'autres choses à dire sur ces liens paradoxaux entre le cinéma et la littérature mais ces quelques idées jetées de manière maladroite ici ont déjà pris beaucoup de place. Il ne vous reste plus qu'à vous laisser réagir et à vous inciter à citer des adaptations que vous trouvez réussies...

Auteur: Internet

Info: Dr Orlof, http://drorlof.over-blog.com/

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