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immanence
Certains écrivains romantiques interpréteront le livre d’Enoch d’une curieuse façon, mélangeant spiritualisme douteux et mysticisme social, le tout formant un édifiant exemple d’inversion spirituelle derrière laquelle se cache la griffe à peine voilée de la contre-initiation, puisque les anges déchus se sacrifieraient ici-bas pour apporter le bonheur à l’humanité. Il n’y aurait donc pas eu, selon eux, le péché originel si "Dieu" (ou la société, ou la bourgeoisie…) au lieu de refuser le bien-être au plus grand nombre, avait accepté d’être l’égal de tous. Si l’on suit ce genre de raisonnement, la seule voie pouvant amener au salut du monde serait celle de la révolte contre l’ordre divin. Les bases d’un occultisme prométhéen, pseudo-initiatique, étaient alors toutes tracées, ces thèmes contre-initiatiques dessinant la mythologie de base sur laquelle allaient se greffer les nombreuses théories conspirationnistes qui pulluleront sur la Toile à l’aube du XXIe siècle.
Auteur:
Anonyme
Années: ????? - 20??
Epoque – Courant religieux: Toutes
Sexe: H/F
Profession et précisions: ?
Continent – Pays: Tous
Info:
Dans "Les magiciens du nouveau siècle", pages 351-352
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dévoiement
]
[
récupération politique
]
[
Hénoch
]
fable oecuménique
Sur une île verdoyante, une vache vivait dans la solitude. Elle y paissait jusqu’à la tombée de la nuit et engraissait ainsi chaque jour. La nuit, ne voyant plus l’herbe, elle s’inquiétait de ce qu’elle allait manger le lendemain et cette inquiétude la rendait aussi maigre qu’une plume. A l’aube, la prairie reverdissait et elle se remettait à paître avec son appétit bovin jusqu’au coucher du soleil. Elle était de nouveau grasse et pleine de force. Mais, la nuit suivante, elle recommençait à se lamenter et à maigrir.
Le temps avait beau s’écouler, jamais il ne lui venait à l’esprit que, la prairie ne diminuant pas, il n’y avait guère lieu de s’inquiéter de la sorte.
Ton ego est cette vache et l’île, c’est l'univers. La crainte du lendemain rend la vache maigre. Ne t’occupe pas du futur. Mieux vaut regarder le présent. Tu manges depuis des années et les dons de Dieu n’ont jamais pour autant diminué.
Auteur:
Djalâl ad-Dîn Rûmî
Années: 1207 - 1273
Epoque – Courant religieux: Moyen-Age - Islam
Sexe: H
Profession et précisions: poète soufi
Continent – Pays: Asie - Afghanistan
Info:
Le Mesnevi : 150 contes soufis, pp. 153-154
[
monothéisme
]
[
généreuse gaïa
]
agrypnie
Je me lève aux premières lueurs de l’aube, après une nuit d’insomnie et de fantasmagories exténuantes… Je suis si fatigué, si troublé. Je n’en peux plus. Je ne peux plus continuer comme ça. Tous les chemins de l’ombre conduisent à cette certitude atroce : il m’est arrivé ce dont j’avais le plus peur. Et le pire est que je ne sais pas si c’est vrai, si c’est fini ou s’il manque encore quelque chose, causes ou effets… Tout est épars, flottant, incohérent. Je ne sais pas si c’est la vérité ou si je suis en train de l’inventer… J’ai inventé tant de choses, la réalité m’a démenti tant de fois, qu’il m’est impossible de ne pas avoir des doutes… Il n’est pas possible qu’il fasse déjà jour. La nuit se prolonge, elle se balance comme un grand bateau obscur, entre la pensée et le rêve, entre la terreur et le réalisme. Je voudrais attraper une idée, une seule, et la contempler… Mais elles passent toutes hors de ma portée.
Auteur:
César Aira
Années: 1949 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du sud – Argentine
Info:
Les larmes
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réveil
]
[
agitation
]
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gamberge
]
description
Elle a examiné le décor. On était en train de traverser des accumulations ridicules de saloperies illuminées, toute une mélasse pénible et clinquante de stations-service en nougat, motels à donjons et poivrières, pelouses en métal bariolé, mâts d’éclairage style palmiers, galeries marchandes extra-burlesques. De nos jours, on pénètre dans les villes par le derrière, le trou du cul. Elle regardait tout ça en silence, tout ce dépotoir considérable de rocades paysagées, frontons stuqués, mâchicoulis, discothèques au bord de la ruine, recommandations infantiles, vasques à fleurs, caméras de surveillance, entrepôts couleur pistache, consignes de prudence atterantes, plaidoyers pour le monde sans caries, le tout secoué, cerné, jonché de casses de voitures et de publicités au néon rose célébrant les bienfaits de l’univers à l’aube du XXIe siècle, la vertu des vacances veules, la beauté des souris d’ordinateurs, l’érotisme de la bière sans alcool, Degriff’Sanitaires, Mondial Jean, Hangar Center, let les enchantements de la fin de tout, le pouvoir d’achat personnalisable, les huit assurances-voyage indispensables et les nouvelles consoles de jeux.
Auteur:
Muray Philippe
Années: 1945 - 2006
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: essayiste et romancier
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans "On ferme !" pages 678-679
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urbain
]
[
périphérie
]
[
zone industrielle
]
[
zone commerciale
]
grand oeuvre
A la nigredo succède le lavage (ablutio, baptisma) qui conduit directement à l’albedo (passage au blanc), ou bien alors l’âme (anima) libérée par la mort est à nouveau unie au corps mort et détermine sa résurrection, ou enfin l’ensemble des couleurs (omnes colores ou cauda pavonis, la queue du paon) conduit à une couleur unique, le blanc, qui contient toutes les couleurs. A ce stade, le premier résultat essentiel du processus est atteint, on le nomme albedo, tinctura alba (teinture blanche), terra alba foliata (terre blanche foliée), lapis albus (pierre blanche), etc., que beaucoup d’alchimistes estimaient autant que s’il avait été le but dernier du processus. C’est l’état de l’argent ou de la lune, qui doit être encore élevé à l’état du soleil. L’albedo est en quelque sorte l’aube, alors que le rubedo (le rouge) est le lever du soleil. La transition jusqu’au rubedo est formée par le citrinitas (passage au jaune) qui, comme nous l’avons vu, sera supprimé plus tard. […] Le rouge et le blanc sont roi et reine qui, à ce stade, peuvent aussi célébrer leur "nuptiae chymicae"noir (noces chimiques).
Auteur:
Jung Carl Gustav
Années: 1875 - 1961
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste, médecin psychiatre, fondateur de la psychologie analytique et penseur influent
Continent – Pays: Europe - Suisse
Info:
Dans "Psychologie et alchimie", éd. Buchet-Chastel, 2014, trad. par Henry Pernet et Roland Cahen, page 325
[
réalisation
]
[
progression
]
[
étapes
]
[
symbolisme
]
racines
Personne n’est la patrie. Même pas le haut cavalier
qui dans l’aube d’une place déserte
régit un coursier de bronze le long du temps
(…)
Personne n’est la patrie. Même pas les symboles.
Personne n’est la patrie. Même pas le temps
chargé de batailles, d’épées et d’exodes
et du lent peuplement de ces régions
(…)
La patrie, mes amis, c’est un acte perpétuel
comme le perpétuel univers (si l’Eternel
Spectateur cessait de nous rêver
un seul instant, nous serions foudroyés
par le blanc et soudain éclair de son oubli)
Personne n’est la patrie, mais nous devons tous être dignes
de ces anciens gentilhommes qui jurèrent
qu’ils seraient ce qu’ils ignoraient, des Argentins,
(…)
Nous sommes l’avenir
De ces vaillants, la justification
de ces morts. Sauvons-les, assumons cette charge
de gloire que lèguent ces ombres à notre ombre.
Personne n’est la patrie, mais nous le sommes tous.
Que dans mon cœur et dans le vôtre, incessamment
brûle la limpide flamme mystérieuse.
Auteur:
Borges Jorge Luis
Années: 1899 - 1986
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain, devint aveugle, non-voyant
Continent – Pays: Amérique du sud - Argentine
Info:
Oda escrita, 1966, extraits. In "L’autre, le même". Pour célébrer le cent-cinquantenaire de l’indépendance de l’Argentine, traduction Ibarra
[
poème
]
[
nation
]
[
continuité
]
matin
J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route
du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes
se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq.
A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre,
je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu
son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Auteur:
Rimbaud Arthur
Années: 1854 - 1891
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète, aventurier
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Illuminations. Aube
[
poème
]
[
nature
]
chronos
Le temps
ne bouge pas
il est comme un mulet
assis
au milieu
d’un carrefour
je lui donne des coups de pied
je le tire
par son licou
je le pousse
il ne bouge pas
et pour autant
autour
de cet animal
noir et obtus
tout file
s’écoule
circule
s’agite
je me mets au lit
désespéré
après une journée
immobile
comme
un garde-fou
je m’endors
imaginant
que pendant que je dors
le mulet
se lève
et s’en va
l’aube arrive
je regarde
le mulet
il est toujours là
au milieu
de la chaussée
il n’a pas bougé
toujours là
avec sa tête
penchée
prisonnière
de ses œillères
énormes
avec ses narines
ourlées
de mouches
avec son ventre
gonflé
de foin
sur lequel
aux endroits plus clairs
serpentent
de dégoûtantes
veines
proéminentes
avec ses pattes
pelées
et écorchées
par ses sabots
encombrants.
Auteur:
Moravia Alberto
Années: 1907 - 1990
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Italie
Info:
L’homme nu et autres poèmes, préfacé par René de Ceccaty
[
poème
]
décadence
Aujourd’hui, au lieu de la découverte touchante et hésitante des corps lors des premiers émois, des études montrent que l’usage du Viagra s’est banalisé chez les jeunes mâles tétanisés par les exploits auxquels ils se sentent contraints pour satisfaire les exigences supposées de leur partenaire. Avec pour conséquence que, de plus en plus, la femme postmoderne "libérée" devra en réalité sa jouissance davantage à l’industrie pharmaceutique qu’au réel désir de partenaires pour lesquels l’acte sexuel est peu à peu ressenti comme une épreuve.
Cette pornocratie occidentale aura ainsi réussi à tout voler, à tout violer de la femme sans coups férir, à lui imposer que la généreuse visibilité et la disponibilité de son cul représentent de facto les seules preuves recevables de son émancipation, lui volant jusqu’à l’authenticité du désir qu’elle pense susciter, la renvoyant ainsi probablement à la condition la plus dégradante qu’elle ait jamais connue depuis l’aube des temps, et tout cela à l’insu de son plein gré.
Quant aux hommes, à qui l’on demande de surcroît d’être aujourd’hui des femmes comme les autres, de plus en plus nombreux sont ceux qui cherchent leur salut dans l’industrie pharmaceutique voire dans la poudre d’escampette, ou qui se contentent désormais de pornographie en rêvant des progrès forcément prometteurs de la robotique du plaisir.
Auteur:
Internet
Années: 1985 -
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: R
Profession et précisions: tous
Continent – Pays: Tous
Info:
In La frontière, le Système et le porno, sur entrefilets.com, nov.2016
[
plaisir
]
[
web
]
signes acoustiques
Il s’est d’abord agi d’un merle. La fenêtre de ma chambre était restée ouverte pour la première fois depuis des mois, comme un signe de victoire sur l’hiver. Son chant m’a réveillée à l’aube. Il chantait de tout son cœur, de toutes ses forces, de tout son talent de merle. Un autre lui a répondu un peu plus loin, sans doute d’une cheminée des environs. Je n’ai pu me rendormir. Ce merle chantait, dirait le philosophe Étienne Souriau, avec l’enthousiasme de son corps, comme peuvent le faire les animaux totalement pris par le jeu et par les simulations du faire semblant. Mais ce n’est pas cet enthousiasme qui m’a tenue éveillée, ni ce qu’un biologiste grognon aurait pu appeler une bruyante réussite de l’évolution. C’est l’attention soutenue de ce merle à faire varier chaque série de notes. J’ai été capturée, dès le second ou le troisième appel, par ce qui devint un roman audiophonique dont j’appelais chaque épisode mélodique avec un “et encore ?” muet. Chaque séquence différait de la précédente, chacune s’inventait sous la forme d’un contrepoint inédit.
Ma fenêtre est restée, à partir de ce jour, chaque nuit ouverte. À chacune des insomnies qui ont suivi ce premier matin, j’ai renoué avec la même joie, la même surprise, la même attente qui m’empêchait de retrouver (ou même de souhaiter retrouver) le sommeil. L’oiseau chantait. Mais jamais chant, en même temps, ne m’a semblé si proche de la parole.
Auteur:
Despret Vinciane
Années: 1959 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: philosophe des sciences
Continent – Pays: Europe - Belgique
Info:
Habiter en oiseau
[
turdus merula
]
[
communication sonore
]
[
homme-animal
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