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catholicisme

Les adversaires de la définition eussent voulu qu’à l’exemple de Trente, aucune résolution, en matière dogmatique du moins, ne fût prise qu’à l’unanimité morale, sinon à l’unanimité absolue. A cette prétention, le Vatican, qui, malgré les précédents, avait seul dressé les règlements du concile, répondit en édictant que toutes les décisions seraient prises à la simple majorité. Plus de cent évêques protestèrent en vain contre cet article d’un règlement qui avait déjà soulevé leurs stériles réclamations, sans oser revendiquer le droit de statuer eux-mêmes, ainsi que les Pères de Trente, sur l’ordre et les conditions de leurs travaux. La session s’avançant et les chaleurs de l’été menaçant de suspendre le concile avant que l’infaillibilité fût venue en discussion, les légats pontificaux, en dépit des représentations d’un grand nombre de Pères des deux partis, intervertirent l’ordre du jour de l’assemblée, renversant l’ordre logique et traditionnel des canons sur les droits de l’Eglise, sans s’arrêter à l’objection qu’avant d’aborder l’infaillibilité pontificale, il eût été bon de définir en quelles matières l’Eglise elle-même est infaillible. La question venue enfin au concile, les débats, déjà fort longs, il est vrai, furent écourtés, et ainsi le dernier espoir enlevé à l’opposition, réduite pour toute tactique à ne rien attendre que d’une prorogation.

La majorité, ardente, impatiente de délais, obtint des chefs de la minorité, de Mgr Haynald notamment, qu’ils renonçassent à la parole. Cette concession, traitée au premier moment de trahison par l’évêque d’Orléans, n’était pas du goût de tous. Quelques-uns, Mgr Dupanloup entre autres, eussent voulu maintenir leur droit à la parole ; l’attitude de l’assemblée les contraignit à se résigner également au silence. On accusait déjà l’opposition de s’être entendue pour prolonger indéfiniment la discussion en la faisant reprendre tour à tour par chacun de ses membres.

Des évêques dans un concile ne pouvaient, comme des Irlandais à la Chambre des Communes, s’exposer volontairement au reproche d’obstruction. Ils préférèrent se taire. Aussi vit-on, en une seule séance, vingt-deux orateurs de la minorité renoncer successivement à monter à l’ambon. Ce spectacle se renouvela deux jours de suite. A l’appel des secrétaires : Dominus episcopus accédai ad ambonem, les évêques ne se levaient plus. Enfin, le 13 juillet, la définition était votée en congrégation, autrement dit en comité secret, par 451 voix sur 601 votants ; 88 Pères avaient répondu Non placet ; 62 n’avaient donné qu’un oui conditionnel (Placet juxta tnodum).

Quelques jours après avait lieu, en séance publique, le scrutin définitif sous les yeux mêmes du Souverain Pontife, qui avait enfin attaché à la tiare cette couronne si longtemps contestée. La minorité, sentant toute résistance inutile, s’était résolue à ne pas affliger Pie IX en renouvelant publiquement ses votes dissidents à la face du Saint-Père. Qu’elle l’ait fait ou non de propos délibéré, le dogme récemment inscrit au Credo catholique a, de cette façon, comme elle le réclamait d’avance, obtenu du concile la presque unanimité. Deux voix seulement contre 533, la majorité ayant grossi d’un scrutin à l’autre, s’obstinèrent à la négative.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: Les catholiques libéraux, l'Église et le libéralisme de 1830 à nos jours, Librairie Plon, 1885, pages 254 à 256

[ déroulement ] [ historique ]

 

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moyen âge

Or, au cours du XIIe siècle, et plus encore au XIIIe siècle, il s’est produit un événement d’une portée incalculable et dont les conséquences n’ont pas fini de se faire sentir ; il s’agit de l’arrivée en Occident des écrits d’Aristote.

Ce qui était connu d’Aristote avant le XIIe siècle, c’est ce qu’on a appelé la Logique ancienne, c’est-à-dire les deux traités des Catégories et de L’Interprétation, communiqués aux Latins par Boèce, philosophe et homme politique mort martyr en 525. Tout le reste est inconnu. La philosophie avec laquelle s’est élaborée la pensée chrétienne, dès les origines, c’est le platonisme dont le représentant le plus éminent en Occident est S. Augustin, auquel il faut joindre Denys l’Aréopagite. C’est Platon qui a régné à peu près sans partage sur la pensée chrétienne durant douze cent ans. Mais c’est un Platon dont les œuvres sont ignorées. On ne connaît à cette époque que le Phédon et le Ménon, et une petite partie du Timée dont la cosmogonie inspirera l’Ecole de Chartres. Platon n’est pas une œuvre ou des textes, c’est une doctrine, une vision du monde et de Dieu qui enseigne une certaine idée de la création du monde, d’un Dieu-Providence et de l’immortalité de l’âme.

L’arrivée d’Aristote en Europe chrétienne est toute différente : c’est l’arrivée de textes. La thèse la plus répandue soutient que les œuvres d’Aristote, la Métaphysique, l’Ethique, la Physique, le Traité de l’âme, les Traités de sciences naturelles, etc., sont arrivés par l’intermédiaire des Arabes qui avaient traduit ces œuvres du grec en arabe, mais aussi du syriaque, traductions d’ailleurs exécutées à la demande des autorités musulmanes, par des savants chrétiens orientaux. Les chrétiens d’Occident entrent en contact avec cette littérature en Espagne, lors des débuts de la Reconquista, principalement à Tolède où, à l’instigation de l’archevêque Raymond et de Dominique de Gonsalvi, est créé un collège de traducteurs où collaborent les juifs, les arabes musulmans et les chrétiens. [...] L’arrivée des textes d’Aristote en Europe chrétienne provoqua une crise culturelle majeure qui concerne toute la civilisation européenne, et pas seulement le monde restreint des philosophes. Voici pourquoi.

Aristote révélait aux chrétiens l’existence d’un mode de pensée dont ils n’avaient eu jusqu’alors aucune expérience et qu’on peut désigner d’un mot : un mode de pensée scientifique. Autant qu’un métaphysicien, Aristote est apparu – et est en réalité – un physicien, un philosophe de la physis, de la nature. Comme l’ont reconnu les historiens de la science, la physique d’Aristote est un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain : c’est une admirable construction rationnelle. Or, la puissance de conviction de la raison est peu résistible. Ce qu’on a appelé la "crue aristotélicienne" faillit tout emporter et même la foi chrétienne. C’est qu’en effet [...] cette philosophie d’Aristote mettait en question trois dogmes fondamentaux de la révélation : le monde n’est pas créé, mais il existe depuis toujours ; Dieu n’est pas provident, il ignore le monde et ne connaît que lui-même ; enfin l’âme n’est pas immortelle, semble-t-il – car les textes d’Aristote à ce sujet sont ambigus. [...] C’est pourquoi l’Eglise ne pouvait accepter l’aristotélisme. A l’exception de la logique, tous les textes d’Aristote furent interdits de lecture à Paris en 1210, en 1215 puis, de la part de la papauté, en 1231, 1241, 1261, jusqu’à la condamnation du 7 mars 1277 [...]. Six ou sept condamnations portées au long du XIIIe siècle par l’autorité suprême, mais leur réitération même prouve leur inefficacité.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 191-192

[ remise en question ] [ découverte ] [ christianisme ]

 

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querelle religieuse

[…] je vis Monsieur N., docteur de Navarre, qui demeure près de chez moi et qui est, comme vous le savez, des plus zélés contre les Jansénistes ; et comme ma curiosité me rendait presque aussi ardent que lui, je lui demandai s’ils ne décideraient pas formellement que la grâce est donnée à tous, afin qu’on n’agitât plus ce doute. Mais il me rebuta rudement et me dit que ce n’était pas là le point ; qu’il y en avait de ceux de son côté qui tenaient que la grâce n’est pas donnée à tous, que les examinateurs mêmes avaient dit en pleine Sorbonne que cette opinion est problématique, et qu’il était lui-même dans ce sentiment : ce qu’il me confirma par ce passage, qu’il dit être célèbre, de Saint Augustin : Nous savons que la grâce n’est pas donnée à tous les hommes.

Je lui fis excuse d’avoir mal pris son sentiment, et le priai de me dire s’ils ne condamneraient donc pas au moins cette autre opinion des Jansénistes qui fait tant de bruit, que la grâce est efficace, et qu’elle détermine notre volonté à faire le bien. Mais je ne fus pas plus heureux en cette seconde question. Vous n’y entendez rien, me dit-il, ce n’est pas là une hérésie ; c’est une opinion orthodoxe : tous les Thomistes la tiennent, et moi-même je l’ai soutenue dans ma Sorbonique.

Je n’osai plus lui proposer mes doutes ; et même je ne savais plus où était la difficulté, quand, pour m’en éclaircir, je le suppliai de me dire en quoi consistait donc l’hérésie de la proposition de M. Arnauld. C’est, me dit-il, en ce qu’il ne reconnaît pas que les justes aient le pouvoir d’accomplir les commandements de Dieu en la manière que nous l’entendons.

Je le quittai après cette instruction ; et, bien glorieux de savoir le nœud de l’affaire, je fus trouver Monsieur N., qui se porte de mieux en mieux, et qui eut assez de santé pour me conduire chez son beau-frère qui est janséniste s’il y en eut jamais, et pourtant fort bon homme. Pour en être mieux reçu, je feignis d’être fort des siens, et lui dis : Serait-il bien possible que la Sorbonne introduisît dans l’Eglise cette erreur, que tous les justes ont toujours le pouvoir d’accomplir les commandements ? Comment parlez-vous ? me dit mon docteur. Appelez-vous erreur un sentiment si catholique, et que les seuls Luthériens et Calvinistes combattent ? Eh quoi ! lui dis-je, n’est-ce pas votre opinion ? Non, me dit-il ; nous l’anathématisons comme hérétique et impie. Surpris de cette réponse, je connus bien que j’avais trop fait le janséniste, comme j’avais l’autre fois été trop moliniste ; mais ne pouvant m’assurer de sa réponse, je le priai de me dire confidemment s’il tenait que les justes eussent toujours un pouvoir véritable d’observer les préceptes. Mon homme s’échauffa là-dessus, mais d’un zèle dévot, et dit qu’il ne déguiserait jamais ses sentiments pour quoi que ce fût, que c’était sa créance et que lui et tous les siens la défendraient jusqu’à la mort, comme étant la pure doctrine de saint Thomas et de saint Augustin, leur maître.

Il m’en parla si sérieusement, que je n’en pus douter ; et sur cette assurance, je retournai chez mon premier docteur, et lui dis, bien satisfait, que j’étais sûr que la paix serait bientôt en Sorbonne ; que les Jansénistes étaient d’accord du pouvoir qu’ont les justes d’accomplir les préceptes ; que j’en était garant, et que je [le] leur ferais signer de leur sang. Tout beau ! me dit-il ; il faut être théologien pour en voir le fin. La différence qui est entre nous est si subtile, qu’à peine pouvons-nous la marquer nous-mêmes ; vous auriez trop de difficulté à l’entendre. Contentez-vous donc de savoir que les Jansénistes vous diront bien que tous les justes ont toujours le pouvoir d’accomplir les commandements : ce n’est pas de quoi nous disputons ; mais ils ne vous diront pas que ce pouvoir soit prochain ; c’est là le point. 

Ce mot me fut nouveau et inconnu. Jusque-là j’avais entendu les affaires, mais ce terme me jeta dans l’obscurité, et je crois qu’il n’a été inventé que pour brouiller. Je lui en demandai donc l’explication ; mais il m’en fit un mystère et me renvoya, sans autre satisfaction, pour demander aux Jansénistes s’ils admettaient ce pouvoir prochain.

Auteur: Pascal Blaise

Info: Les " Provinciales ", Première lettre, éditions Gallimard, 1987, pages 44-45

[ jésuites ] [ jansénisme ] [ désaccord ]

 

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mort volontaire

Mourir encore belle, l’an prochain Jacqueline Jencquel a pris la décision de quitter ce monde en janvier 2020. L’élégante et vive septuagénaire basée à Gstaad ne souffre d’aucune maladie grave, mais juge qu’il sera temps de s’en aller Un jour du mois de juillet, Jacqueline Jencquel se promenait sur les hauteurs de Saanen, dans l’Oberland bernois, non loin de Gstaad où elle séjourne dans un hôtel. Elle a croisé des lamas, des ânes, des chiens (huit en tout) puis a vu un chalet et cette femme tétraplégique, humant l’air sur la terrasse. Elles ont sympathisé. Etrange rencontre. La dame, lourdement handicapée après une chute de cheval et qui ne peut même pas se moucher seule, est accrochée à la vie, s’imagine centenaire, se délecte des plaisirs les plus simples comme regarder le ciel, une herbe qui frémit, un rapace qui louvoie. Jacqueline Jencquel, 75 ans, qui saute régulièrement en parapente biplace, a de son côté pris la décision de mettre fin à ses jours dans une année. C’est mûrement réfléchi, irrévocable. Echanges forcément passionnants entre ces deux femmes. Sourire de Jacqueline: "C’est un peu fou en effet, mon amie si limitée mais enthousiaste, moi en relative bonne santé et qui veut cesser de vivre." Ni larmes ni discours Le jour de son départ, en janvier 2020, elle souhaite réunir son mari et ses trois enfants à Saanen, les convier autour d’une bonne table, manger, boire, parler. Puis elle partira avec Erika Preisig, médecin et présidente de Lifecircle, association bâloise engagée pour "l’autodétermination en fin de vie". Erika lui posera une perfusion de pentobarbital de sodium, un somnifère qui, à forte dose, provoque une mort sans douleur. "Je dois être parfaitement consciente et le montrer, je devrai donner ma date de naissance et exprimer mon choix, le fait que j’estime être atteinte par la limite d’âge et puis j’ouvrirai le robinet de la perfusion", explique Jacqueline. L’un de ses fils, qui vit à Berlin et réalise des documentaires, filmera tout cela. "Il a décidé de m’accompagner ainsi, avec sa caméra, il va me suivre durant toute l’année." Elle n’a plus de contact avec l’aîné de ses fils, qui réside à Paris, mais elle le conviera tout de même à cette ultime réunion. Le troisième, le plus jeune, est architecte d’intérieur à Bali. Lui est affligé par le départ programmé de sa mère. Jacqueline ne veut pas de larmes, ni de discours funéraires ou hommages. "Dire au revoir avant de partir", résume-t-elle. La vieillesse est une maladie incurable dont le pronostic est toujours fatal, dit-elle. A 76 ans, on peut être encore en forme mais certainement pas en bonne santé (...) Jacqueline a brûlé aussi sa vie, aujourd’hui elle dit qu’elle la flambe. A Paris où elle habite, elle a trouvé un petit ami qui a l'âge de ses fils. Mais le temps la rattrape. "Le sexe, dit-elle, est en berne, l’alcool donne mal à la tête, je ne veux pas sentir le vieux, puer, être ennuyeuse, avoir une bouche de grenouille, inspirer la compassion au lieu du désir." A Bali chez son fils, tout le monde l’appelle Oma, ce qui signifie mamie et elle a horreur de cela. Sombre constat qui suscite moult commentaires et pas des plus plaisants sur le blog qu’elle tient depuis peu sur le site du Temps. Elle s’en contrefiche. Cite Guitry: "Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui." Pourquoi Jacqueline Jencquel veut-elle mourir? La réponse ne tient pas en quelques mots mais en une vie. Elle biaise tout d’abord, évoque un modèle: Pamela Harriman, première femme ambassadrice des Etats-Unis en France (de 1993 à 1997), qui eut beaucoup de célèbres amants et qui est morte dans la piscine du Ritz à Paris à l’âge de… 76 ans. "Quelle belle fin!" soupire Jacqueline. Puis elle lâche: "J’ai dévoré la vie, je ne veux pas être nourrie à la petite cuillère." (...) "La Suisse est plus pragmatique et humaniste, dit-elle. Le patient éclairé peut décider quand il a assez vécu si la demande est réfléchie, réitérée et correspond à une situation dont le pronostic est fatal ou s’il y a une invalidité importante ou des souffrances intolérables", indique-t-elle. Mais Jacqueline souhaite que son second pays aille au-delà de ces derniers critères. "La vieillesse est une maladie incurable dont le pronostic est toujours fatal, dit-elle. A 76 ans, on peut être encore en forme mais certainement pas en bonne santé. Quand la somme des souffrances a dépassé celle des plaisirs, l’adulte doit avoir le choix de décider de s’en aller et de bénéficier d’une aide médicale." Pour éviter notamment les suicides violents comme la noyade ou la défenestration. (...) Coût moyen d’un suicide assisté chez Lifecircle: dans les 10 000 francs. "Certains disent que c’est cher, mais c’est nettement moins qu’un séjour en EMS ou une chimiothérapie", rétorque-t-elle. Jacqueline Jencquel croit en la science et s’intéresse au religieux. Les propos du philosophe Stève Bobillier dans Le Temps du 14 août l’ont interpellée. Ce collaborateur scientifique de la Commission de bioéthique des évêques suisses s’est interrogé sur le dilemme de l’accompagnement pastoral face au suicide assisté. "Comment le prêtre peut-il à la fois marquer son désaccord et accompagner le mourant?" s’est-il demandé. L’Eglise va peut-être ouvrir le débat, ce que Jacqueline trouve très bien. Nous sommes allés manger dans un très bon restaurant. Puis elle a tenu à rentrer à pied jusqu’à son hôtel. Elle aime marcher seule comme elle aimait voyager seule. Elle nous a dit aimer le feu de cheminée en hiver et un jardin parfumé en été. Et puis ceci: "J’ai toujours su que j’étais une louve et que mes ancêtres venaient de Sibérie. Je ne fais plus partie de la meute et le temps est venu pour moi de mourir."

Auteur: Internet

Info: Le Temps.ch, Christian Lecomte, vendredi 17 août 2018

[ suicide éthique ]

 

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fascisme religieux

Mon père, l’Iran et les " musulmans modérés " 

Des jardins d’Isphahan aux rives de la Seine… Djahanguir Riahi, mon père, est né en 1914 à Natanz (Iran). Parti en France poursuivre des études d’ingénieur grâce à une bourse d’études, il se met au lendemain de la Seconde guerre mondiale au service des relations économiques Franco-iraniennes. Installé en Europe depuis la révolution islamique, son intuition artistique hors du commun lui a permis de réunir l’une des plus importantes collections d’œuvres d’art du XVIIIème siècle français. Il est mort dans sa centième année, le 28 avril 2014, après avoir été élevé au grade de Commandeur de La Légion d’Honneur ainsi que des Arts et des Lettres. Grand donateur des Musées Nationaux, une salle du Musée du Louvre porte son nom.

Il m’avait demandé d’écrire ce texte au lendemain des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, et de l’inclure dans ses mémoires, que je rédigeais alors pour lui.

" Nous n’avons pas le même rapport à la barbarie et à la mort. L’attraction publique la plus appréciée de la population, à Mashhad comme dans toutes les villes où s’est déroulée mon enfance, consistait à s’attrouper sur la grand’place pour y assister aux pendaisons. La cruauté des exécutions était inouïe.

J’avais été horrifié, un jour, d’apprendre la condamnation d’un homme et de ses six fils. Le bourreau avait reçu du tribunal islamique l’ordre monstrueux de ne pendre le père qu’après qu’il eut assisté à la mort de tous ses enfants. Agha Djoun[1] se disait convaincu de l’innocence de ce pauvre homme. Et moi, je me disais, du haut de mes douze ou treize ans, en voyant leurs vêtements souillés par l’urine et la merde : pourquoi font-ils ça, sinon pour anéantir par la terreur toute forme de dignité humaine, toute forme de respect de la mort et donc de la vie ?

La mort, on s’y familiarise comme on prend l’habitude de tout. Lorsqu’en suivant le chemin de l’école au petit jour on longe la place des pendus, quand on assiste à des exécutions sommaires et barbares, on finit par apprivoiser la mort. Mais cette insensibilisation, ou plus exactement cette désacralisation, vous semble inconcevable en occident. Parce que vous êtes élevés dans le respect de la vie sans penser que la mort en est l’inéluctable corollaire.

Comme si la vie pouvait " être " sans la mort. Cette naïveté, à laquelle s’ajoute la pédagogie de l’émotion, est le fondement de la culture occidentale contemporaine. L’émotion priorisée, l’émotion magnifiée. On vit sur ce registre depuis la seconde moité du XXème siècle, sans doute par imprégnation des tendances éducatives à la mode aux Etats-Unis au lendemain de la guerre. L’enfant est devenu le barycentre de la civilisation occidentale. Héritière de la philosophie de Jean-Jacques Rousseau, la pédagogie contemporaine pose le principe que l’Homme naît bon et que c’est la société qui le pervertit. De même, dans le souci maniaque de préserver la planète, les mouvements écologistes ont entamé une régression qui efface inexorablement les progrès de la civilisation. On n’élève plus les enfants pour en faire des adultes ; on fait des enfants pour retomber soi-même en enfance, pour retrouver la puérilité sublimée de l’enfance.

Les islamistes jouent de cette émotivité occidentale. Si la religion dont ils se servent est primitive, leur stratégie de conquête est extrêmement sophistiquée. Ils vous observent et vous analysent depuis la fin des années 1970. Ils ont fréquenté les mêmes écoles, les mêmes universités que les élites occidentales. Ils ont vu les mêmes spectacles, les mêmes films ; lu les mêmes articles dans les mêmes revues. Ils savent que votre sensibilité au respect de la vie, votre peur de la mort, votre fragilité mentale et votre compulsion à la culpabilité sur un terrain compassionnel constituent votre talon d’Achille. Vous êtes tombés dans un triple piège :

- Le piège de l’anxiété collective " individualisée ". Certes, les guerres ont toujours fait des victimes civiles ; mais au World Trade Center ou dans les avions, il n’y avait " que " des victimes civiles. Chacun pouvait se dire : j’aurais pu me trouver parmi elles. Cette angoisse est le principe même du terrorisme, que les techniques de communication actuelles permettent d’individualiser simultanément à des milliards de témoins de la scène.

- Le piège de la " victimisation " des assassins. Pendant une centaine d’années, l’Europe a plus ou moins colonisé le monde ; en particulier les terres d’Islam que sont le Moyen-Orient, le Maghreb et l’Afrique. L’Amérique a toujours été solidaire des puissances européennes, sans parler de son soutien constant à l’Etat d’Israël. Pendant toute la durée de ces conflits, les victimes se sont comptées par centaines de milliers du côté des indigènes, sans que cela n’émeuve grand monde. Aujourd’hui, les victimes sont dans l’autre camp et toute une partie de la planète n’éprouve nullement l’envie de pleurer sur leur sort, considérant que c’est un juste retour des choses.

Le piège enfin du " chahid ", le martyr, celui qui meurt pour témoigner, alors que vous, pauvres larves invertébrées, vous pleurnichez de trouille en chiant dans votre froc, tant la mort vous effraie. Et cet exhibition du « héros » a le double avantage d’impressionner les musulmans, qui respectent le courage par principe, et de faire peur aux incroyants comme aux non pratiquants.

Les motivations fondamentales d’Al Qaida, celles des Islamistes en général, sont politiques et ne sont pas religieuses. Parce que la religion musulmane est intrinsèquement et historiquement politique. Il n’y a pas d’équivalent. Ni les juifs, ni les bouddhistes ou les hindouistes, ni les chrétiens n’ont eu pour vocation première de guerroyer et de conquérir. Bien sûr qu’ils ont tous été amenés à prendre les armes à divers moments de leur histoire. Mais ce n’était pas l’amorce ni la genèse de leur projet. Il faut en être conscient.

Mohammed – ou Mahomet comme vous l’appelez en France – n’a pas cherché à " spiritualiser " ses contemporains ni à leur apporter des réponses philosophiques. Son objectif était très prosaïque : il a voulu les rendre plus efficaces au travail et au combat !

Avant de " faire prophète " il était caravanier et commerçant. Issu de la tribu des Quraych et de tradition hanifiste, c’est-à-dire monothéiste, le jeune homme était intelligent, ambitieux et séduisant. Il sut se rendre indispensable à sa patronne, Khadija, une riche veuve de 15 ans son aînée, qu’il épousa et à laquelle il fit six enfants. Ses contacts sur la route avec des juifs et des chrétiens lui permirent de constater les avantages de la morale judéo-chrétienne et l’efficacité, par 45° à l’ombre, des prescritions hygiéniques et alimentaires de la kashrout.

On connaît la suite : Gibril dans le rôle de l’Ange Gabriel transforma ces préceptes en révélation divine et donna à l’accomplissement de ces pratiques un caractère religieux. Mais très objectivement, la plupart des Hadiths du Coran concernent l’organisation familiale et sociale, les pratiques et les règles juridiques à observer dans ces domaines, ce qui en fait un code civil plus qu’une somme théologique. L’islam a bénéficié de l’antériorité du Judaïsme et du Christianisme ; ses messages ont donc été parfaitement ajustés à leur objectif : discipliner et contrôler l’être humain. Le pouvoir politique l’a utilisé sans vergogne pour manipuler les peuples, tant il est vrai que la religion s’est toujours avérée l’arme la plus efficace pour anéantir toute aspiration à la démocratie et à la liberté.

Un simple constat: les monarchies héréditaires musulmanes se sont systématiquement trouvé une filiation directe avec le Prophète ou l’un de ses descendants ! Pour leurs chefs, pour les meneurs, la religion a toujours été un moyen, jamais une fin. Ben Laden, comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui prendront sa suite, n’en a strictement rien à faire (et je suis poli…) du projet spirituel du Djihad et de l’accomplissement des hadiths du Coran. L’Islamisme sert juste un dessein politique. La religion n’est que l’instrument de la conquête, ou plutôt de la reconquête. Qu’importe le temps que cela mettra : dix ans, vingt ans, plus de trente ans peut-être… Ce que l’Islam a programmé, c’est la chute de l’Occident et de la civilisation judéo-chrétienne. Pas pour le takbîr, mais pour conquérir le monde et ses richesses, asservir ses populations. Allahou Akbar, proclamé et calligraphié sur les emblèmes et les drapeaux, n’est qu’un cri de guerre destiné à galvaniser les pauvres idiots crédules qui se prennent pour des soldats d’Allah et ne sont que la chair à canon de ceux qui rêvent de pouvoir absolu et universel depuis 1422 ans !

Le terrorisme est une tactique, que les islamistes utilisent ponctuellement ; pour entretenir la terreur, bien sûr, mais aussi parce qu’ils ont compris tout le bénéfice qu’il pouvaient tirer de la dichotomie que vous avez créée entre la religion musulmane et l’Islam " radical ". En triant vous-mêmes les " bons musulmans " des mauvais, vous vous êtes tiré une balle dans le pied et vous leur avez rendu un fieffé service ! En focalisant l’attention sur le terrorisme, vous réduisez la cible contre laquelle vous devriez combattre. Grâce à la très ancienne tactique du leurre, les Islamistes vous montrent du doigt les djihadistes et détournent votre attention du cheval de Troie qu’ils ont construit et mis en marche pour vous soumettre.

Et que l’on ne vienne pas me parler de " musulmans modérés "! Ils sont, évidemment, très largement majoritaires aujourd’hui. Mais où et comment les voit-on condamner les agissement des fondamentalistes? Combien sont-ils à être descendus dans la rue pour manifester massivement contre Al Qaïda au lendemain du 11 septembre 2001 ? Pour hurler à la face du monde, dans tous les médias et dans toutes les langues qu’ils se désolidarisent du salafisme, du wahhabisme, du frérisme et autres branches radicales de l’Islam ? Pour affirmer qu’ils vont faire le ménage dans leurs pratiques, actualiser drastiquement la charia et définir une ligne exclusivement métaphysique à leur religion ?

La religion musulmane n’est pas monolithique et exclusivement constituée de conquérants assoiffés de pouvoir et de vengeance, c’est clair. Mais la conquête est consubstantielle de la religion musulmane. L’Islam, sa culture politique, sa doctrine, son prosélytisme, son histoire et sa finalité sont intrinsèquement d’inspiration guerrière. De même que la vie ne peut se concevoir sans la mort, il n’y a pas de soumission sans victoire, ni de victoire sans combat. Or, la soumission à Allah est l’essence même du message de l’Islam.

C’est pourquoi les musulmans se soumettent implicitement aujourd’hui au fondamentalisme que leur impose l’Islam radical. Ils s’y soumettront explicitement demain et vous ne résisterez pas, un jour, à la tentation de vous y soumettre à votre tour. Parce que la peur est l’arme absolue, l’arme que l’Islam politique utilise avec talent pour anéantir toute forme de résistance à leur domination. Ils l’utiliseront jusqu’au bout, contre vous, mais aussi contre ceux que vous appelez " les musulmans modérés " pour anéantir votre civilisation.

Bien sûr qu’il existe des courants plus ou moins progressistes comme le malikisme, dont le logiciel est régulièrement mis à jour par le Roi du Maroc. Bien sûr que l’on peut interpréter le Coran de dizaines, de centaines de manières. Bien sûr que l’on peut intellectualiser le concept du Djihad et en faire un idéal moral (…) Néanmoins le syllogisme est évident et les faits sont têtus : tous les musulmans ne sont pas des fondamentalistes islamiques ni des djihadistes ; mais tous les fondamentalistes islamiques et tous les djihadistes sont musulmans. Trop facile d’établir une distinction morale et sémantique entre les prescriptions religieuses supposées acceptables, que vous qualifiez d’ " islamiques " et celles, intolérables, cataloguées " islamistes ". Quand on tue au nom de l’Islam, on n’accomplit pas un acte de dément, pas plus qu’un crime de sang ordinaire. Quand on tue au nom de l’Islam, c’est qu’on vous a mis dans la tête qu’il est de votre devoir de croyant d’exterminer les incroyants, lesquels auraient soit disant " déclaré la guerre " aux soldats de la vraie foi !

La motivation du donneur d’ordre est politique, pas religieuse. Ils arriveront à leurs fins, parce que la dialectique de l’Islam est redoutable. Les stratégies et les techniques de communication qu’ils mettent en œuvre sont très subtiles et pertinentes, car ils savent parfaitement comment vous fonctionnez. Ils achètent depuis des années les réseaux de communication qui influencent l’opinion publique, en Europe comme aux USA. Vous êtes des enfants dans leurs mains. Ils vous connaissent très bien, alors que vous ne les connaissez pas. Vous êtes manipulés et vous ne le savez pas.

Ils ont compris voila longtemps que votre talon d’Achille, c’est la mauvaise conscience et la compassion. Les Français en sont rongés depuis qu’on leur a mis dans la tête que la colonisation de l’Afrique et du Maghreb avait été un crime contre l’Humanité commis par leurs aïeux. Les uns après les autres, tous les gouvernants français ont baissé leur froc et fait acte de " repentance " vis-à-vis de ces peuples que leurs pères avaient " exploités " ; mais a-t-on songé à demander aux Arabes de se repentir, eux qui ont réduit en esclavage pendant des siècles, des générations d’Africains ?

Je suis athée, mais je ne pourrais pas le dire si j’étais resté dans mon pays. Pas plus hier qu’aujourd’hui. Ce n’est pas un problème de liberté d’expression, c’est juste un problème de liberté d’être. On n’a pas le droit d’être athée en Islam : juif, chrétien, oui. Athée, non. Mon appréhension, au vu de tout ce qui s’est produit depuis une dizaine d’années, c’est que je ne puisse pas le dire demain ; ici, dans ce beau pays libre qu’est la France. Je ne le crains pas pour moi, bien sûr, je suis vieux. Mais je crains que mes enfants et mes petits enfants se trouvent confrontés à la main-mise de l’Islam, à laquelle j’ai eu la chance de me soustraire voila près d’un siècle.

En 25 ans, j’ai vu évoluer la société française d’un modèle républicain et comme vous dites " laïc " vers un modèle communautaire à l’anglo-américaine. Il a fallu dix-neuf siècles de conflits et de guerres pour que la France, " Fille aînée de l’Eglise " sépare sa " mère " de son Etat, en 1905. Et encore, nous sommes très loin du compte aujourd’hui, pour les raisons économiques et électoralistes que tu connais mieux que moi. Il n’y a qu’à regarder tes hommes politiques se trémousser dans les églises, les mosquées et les synagogues pour en être convaincu.

La religion est un leurre contre la peur de la mort ; un leurre pour assujettir ceux qui ont vocation à être dominés. Depuis toujours, la religion est l’auxiliaire du pouvoir. Dans toutes les religions. Pourquoi l’être humain a-t-il tellement besoin de se raccrocher à un Dieu et à un au-delà pour tenter d’évacuer la peur de la mort ? Je ne sais pas. Moi, vois-tu, je n’ai jamais eu peur. Jamais eu peur de la mort, en tous cas. Sauf (rires) que j’ai toujours craint d’être enterré vivant. Je fais très souvent un affreux cauchemar. On ferme mon cercueil alors que je suis assoupi. Je me réveille et je frappe désespérément sur le couvercle en hurlant : bande d’idiots, espèces d’imbéciles… Vous ne voyez donc pas que je ne suis pas mort ? "

Mon père est mort le 28 avril 2014 dans sa centième année. Il a arrêté de se nourrir, estimant qu’il avait suffisamment vécu.

Il n’a pas connu les attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan, de la Promenade des Anglais à Nice, ni l’égorgement du Père Jacques Hamel à St. Etienne-du-Rouvray.

A chacune de ces attaques terroristes et plus encore aujourd’hui, après le carnage barbare du Hamas perpétré le samedi 7 octobre 2023, j’ai repensé à ce qu’il m’avait dit au lendemain du 11 septembre 2001. 

Auteur: Mansouret Anne

Info: https://www.causeur.fr/, 21 octobre 2023, [1] Agha Djoun est mon grand-père, le père de mon père. C’est l’appellation donnée dans les familles, qui peut s’interpréter : " Votre Éminence chérie " et qui traduit tout à la fois la déférence et l’affection. En l’occurrence, mon grand-père était haut fonctionnaire territorial, c’est à dire Trésorier général dans plusieurs provinces, d’où les déménagements successifs vécus par ma famille.

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