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hypermarché

Je n’avais jamais, à mon âge, mis les pieds dans un centre Leclerc. Je fus ébloui. Jamais je n’aurais imaginé l’existence d’un magasin aussi richement achalandé, ce genre de choses était inconcevable à Paris. En outre, j’avais vécu mon enfance à Senlis, ville désuète, bourgeoise, anachronique même à certains égards – et mes parents s’étaient acharnés, jusqu’à leur mort, à soutenir par leurs achats l’existence d’un commerce de proximité. Quant à Méribel, n’en parlons pas, c’était un endroit artificiel, recréé, à l’écart des flux authentiques du commerce mondial, une pure pantalonnade touristique. Le centre Leclerc de Coutances, c’était autre chose, là on était vraiment dans la grande, la très grande distribution. Des produits alimentaires de tous les continents s’offraient au long de rayonnages interminables, et j’avais presque le vertige en songeant à la logistique mobilisée, aux immenses porte-conteneurs traversant les océans incertains.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Dans "Sérotonine", pages 273-274

[ abondance ] [ profusion ] [ mondialisation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

désillusion

Avant Valérie, en fait, je n’avais rencontré aucune fille qui arrive à la cheville des prostituées thaïes ; ou alors peut-être quand j’étais très jeune, avec des filles de seize ou dix-sept ans, j’avais pu ressentir quelque chose. Mais dans les milieux culturels que je fréquentais, c’était carrément la catastrophe. Ces filles ne s’intéressaient pas du tout au sexe, mais uniquement à la séduction – et encore il s’agissait d’une séduction élitiste, trash, décalée, pas du tout érotique en fait. Au lit, elles étaient tout bonnement incapables de quoi que ce soit. Ou alors il aurait fallu des fantasmes, tout un tas de scénarios fastidieux et kitsch dont la seule évocation suffisait à me dégoûter. Elles aimaient parler de sexe, c’est certain, c’était même leur seul sujet de conversation ; mais il n’y avait en elles aucune véritable innocence sensuelle. Les hommes, d’ailleurs, ne valaient guère mieux : c’est une tendance française, de toute façon, de parler de sexe à chaque occasion sans jamais rien faire ; mais ça commençait à me peser sérieusement.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Plateforme

[ femmes-par-homme ] [ libido ] [ théorie-pratique ]

 

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Ajouté à la BD par Bandini

dialogue

"Pasternak disait que c’était comme une marque sur du linge."
- Qui ça ?
- Pasternak.
- Pasternak disait que quoi était comme une marque sur du linge ? Il fit un geste, seulement de l’épaule, pour désigner le ciel assombri. "L’avion."
Ce qui me força à lever les yeux vers le ciel, par-delà l’étendue du parc, en direction de l’avion. La distance donnait l’impression qu’il était planté, immobile, dans le banc de nuages. Il ressemblait effectivement à un genre de monogramme. Une inscription apposée sur le bas d’une vaste chemise de ciel comme en laissent les employés du nettoyage à sec.
Cela ne m’aurait pas agacé outre mesure, si je n’avais pas ajouté bêtement : "C’est dans Jivago ? - Non. Dans un poème." Le ton impliquait, bien sûr, que tout ce que je connaissais de Pasternak se réduisait à Docteur Jivago et que je ne le connaissais que parce qu’on en avait tiré un film. Le fait que le garçon eût raison – je n’avais pas lu Docteur Jivago et j’avais vu le film – n’aidait pas.

Auteur: Hayes Alfred

Info: C'en est fini de moi

[ littérature ] [ cinéma ]

 

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pensée-de-femme

La force que tu trouves, qui déferle d’un coup sur toi, dans cette chambre du quatrième étage du service d’hématologie de l’hôpital Robert-Debré, elle vient de plus loin que toi. Elle vient d’un temps très ancien, c’est ta part archaïque, primitive, qui d’un coup a pris les commandes. Tu l’ignorais, mais le 18 mars 2020, dans la chambre avec ton fils, tu n’étais pas seule : il y avait derrière toi une puissance rugissante, l’histoire de toutes les mères depuis les premiers temps du monde. Tu étais traversée par leur courage, leur énergie inébranlable, elles avaient déposé en toi, sans que tu le saches, un limon fait d’instinct de survie et de protection, et tu ne le savais pas, toi qui jusque-là n’avais pas eu besoin de te confronter à l’innommable, tu ne le savais pas mais tu étais une louve, tu avais des crocs, un corps très massif. En cet instant tu découvres que tu es aussi vaste que le monde, aussi vieille et puissante que la première des mères. Tu protèges ton fils. Tu le portes. Tu le secours.

Auteur: Tardieu Laurence

Info: D'une aube à l'autre

[ accouchant ] [ océanique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

abstinence

Et mon âme s’élevait irrésistiblement, dans une spirale, vers le rose et le violet… Elle devenait aussi vaste que l’univers, aussi vaste qu’un trou noir ou que le passage du temps, tout en restant clouée à un point minuscule, à l’articulation du nom de l’Argentine. Il y avait autre chose en même temps, qui était et qui n’était pas mon âme : cette chaleur en hiver, ces ciels que ma personne parcourait en quête d’étoiles, cette présence du soleil… n’étaient-ils pas aussi une fable phallique venant s’installer dans ma vie ? Si, bien sûr, et pour être précis je dois en venir à quelques détails plus privés. Les mois qui suivirent ma séparation furent la saison la plus chaste de ma vie. J’étais si déprimé que je n’avais même pas envie de jouir seul. Mais la chasteté, comme tout le monde le sait, est en général une expérience phallique. Toutes les énergies qui auraient pu se perdre (il est vrai que cette perte est aussi une multiplication ; mais ce que personne ne considère, c’est que toute multiplication est lui donnant tel ou tel aspect.

Auteur: Aira César

Info: Les larmes

[ sexuelle ] [ dépression ] [ rupture ]

 

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épitaphe

Quelques années plus tard, en ouvrant le journal, j’appris que Robert R. Young, après avoir avalé œufs et jambon au petit-déjeuner, était remonté dans son bureau, avait calé le canon d’un fusil à pompe dans sa bouche et s’était fait exploser la cervelle. Cela me fit sourire. Il n’y avait rien de vindicatif dans ce sourire : je n’avais jamais considéré Young comme un homme de chair et de sang. Pour moi, ce n’était qu’un petit être guilleret que je voyais sautiller en haut de Grand Central, entouré d’une escouade d’encravatés. Je n’avais jamais cru en sa réalité. Je souris car tous ceux que je connaissais à New-York Central […] pensaient que Young était un homme décidé, un homme qui allait sauver l’industrie tout entière de quelques prises de décisions bien senties, de transport intermodal, de trains ultralégers et de prestations sur tout le territoire, oui monsieur ! Et mon sourire se fit triste, puis éploré : Young, avec ce seul beau geste, était devenu vivant pour moi, était devenu un homme. Car le suicide est le plus éloquent cri du cœur de ceux qui cherchent en vain leur chemin.

Auteur: Exley Frederick

Info: Le Dernier stade de la soif

[ autodestruction ] [ révélateur ]

 

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babas cool

Je quittai le cottage et Tucson après une prise de bec avec Webb au sujet des hippies. Non que le solitaire que j’étais éprouvât une tendresse particulière pour ces mectons. Qui venaient de se rendre compte, nuance, qui ne découvraient que maintenant, que la guerre était une saloperie, que passer quarante ou quarante-huit heures par semaine à faire un métier en tous points détestable vous foutait en l’air, et que le mariage était un piège tout aussi mortel. Je n’éprouvais toutefois pas la pleine petite envie de me joindre à eux. Outre qu’ils avaient un train de retard, les hippies adoraient se rassembler pour former de grandes rondes et gueuler leur mécontentement. Ah oui, parlons des drogues ! Qu’avaient-elles de si sensationnel ? J’en prenais lorsqu’on m’en offrait – amphétamines, barbituriques, antidépresseurs, LSD. Tout m’allait. Je les avalais sans faire mon délicat, mais je ne planais pas très longtemps. […]
Il découle de tout cela que je n’avais rien à voir avec ces hippies qui chantaient LOVE LOVE LOVE. De plus, ça sonnait comme un ordre, et mon poil se hérissait dès qu’on essayait de m’en donner. Aussi me tenais-je à bonne distance des hippies.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Un carnet taché de vin", pages 173-74

[ moquerie ] [ mouvement ] [ beat generation ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

néant

Je me suis étendu sur la couverture, le buste adossé à la tête du lit, et Irène s’est tournée vers moi, allongée sur le flanc, une main sous son visage. Je lui ai dit : "J’ai l’impression que rien n’existe, que tout n’est qu’une illusion de mon esprit." Ces mots énormes, trop grands, trop abstraits, ont à eux seuls commencé à faire dégonfler l’angoisse. Adressés à quelqu’un, ils semblaient presque grotesques. J’insistai tout de même : "Mais toi, tu es sûre qu’il y a quelque chose, tu es sûre que j’existe là, devant toi ?"

Je ne me souviens plus exactement de ce qu’après un bref instant de silence, en prenant ma main, elle a répondu à mon interrogation. Quelques mots presque maladroits mais simples, pleins – et prononcés par quelqu’un.

Et, précisément, je n’avais pas besoin d’une réponse, d’une démonstration, ni surtout d’un repli supplémentaire dans la conscience. Seule l’évidence d’une autre présence humaine était bienfaisante. Je me suis affaissé, un peu soulagé, et suis resté un moment immobile, les yeux ouverts, à écouter la respiration d’Irène qui se rendormait lentement, sentant l’épaisseur et la chaleur de sa main autour de la mienne.

Auteur: Lochmann Arthur

Info: Dans "Toucher le vertige", éditions Flammarion, 2021, pages 94-95

[ matérialité réconfortante ] [ surmentalisation ] [ parler ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

opinions politiques

Si je l’avais choisi comme analyste, c’était avec la conviction qu’il était d’extrême gauche, qu’il partageait les idéaux de la Révolution. Ses fréquentes allusions à Marx, la caution d’Althusser, ses relations avec les membres de la Gauche prolétarienne maoïste et avec celui devenu entre-temps son gendre, avaient renforcé cette illusion. Certes il lisait Le Figaro tous les matins. Mais je n’étais pas à une contradiction près. Les hommes d’envergure peuvent se compromettre avec le diable en gardant leur intégrité. En vérité, je n’avais pas saisi son projet d’après Mai 68, celui d’attirer à lui ces jeunes intellectuels fascinés par l’action violente et le terrorisme à la mode allemande des années de plomb, éviter que cette jeune élite intellectuelle ne s’égare dans les sables mouvants du terrorisme. C’est à lui, bien plus qu’à Sartre, dressé sur son tonneau, que l’on doit ce sauvetage de l’élite d’une génération. Mais avait-il prévu le revers de la médaille, à savoir que ces gauchistes analysés, voire devenus psychanalystes, sans faire le deuil de leur fascination totalitaire, allaient injecter dans le mouvement psychanalytique cette mortelle maladie de l’esprit qui frappera en premier lieu son propre enseignement et sa transmission. Du coup, l’institution analytique finira par ressembler à une association mafieuse ou sectaire.

Auteur: Haddad Gérard

Info: A propos de Jacques Lacan dans "Le jour où Lacan m'a adopté", éd. Grasset & Fasquelle, Paris, 2002, page 134

[ conséquences ] [ incompréhension ] [ cénacle ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

poème

TU DORS
La nuit est bien silencieuse.
      Tu dors
Et je veille.

      Tu rêves sans doute
Et moi j’égrène nos souvenirs
en t’écoutant respirer.

La nuit est bien silencieuse.
      Tu dors
Et je veille sur notre amour.

Je remue nos songes qu’ensevelissent les jours
Je les tire de l’oubli pour les hisser sur le pavois,
J’ai retrouvé nos larmes d’enfants

La nuit est bien silencieuse.

Je suis le vieux guetteur

qui monte la garde sur les remparts.
Je sais comment on prend une ville,
Je sais comment on perd un cœur.
      Tu dors
Et je veille.

Je suis le ciseleur des nuits étoilés,
l’orfèvre des jours.
J’ai pour messagers les aurores,
et l’arc-en-ciel des heures calmes.
Du temple de mon Dieu,
N’approche aucune odeur de poudre

      aucune odeur de sang
      Nul sanglot de femme.

Je suis le vieux guetteur
qui monte la garde sur les remparts.
La nuit est bien calme
Et tu dors…

Les hommes ont effeuillé mes songes
Je n’avais pas, pour paraître devant eux
      ma robe de lin,
Ils me demandaient un parchemin.

Je n’avais qu’un bouclier de guetteur.
Le jour point
Et, nous retrouverons demain dans le jardin
En poussières d’argent sur le rosier
nos rêves d’enfants.

Je suis le vieux guetteur
qui monte la garde sur les remparts.
J’ai dans les yeux, les aurores des temps anciens
Et dans la tête, la chanson des temps futurs.

Auteur: Dadié Bernard B.

Info: Hommes de tous les continents, 20 juillet 1960

[ déclaration d'amour ]

 

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