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souvenirs

Je me rappelle tout ce que j'entendais dire des amours d'Orpha et de Louis, tout ce que j'observais moi-même. Mais je ne m'en souviens ni quand je le voudrais, ni comme je le voudrais.

C'est comme pour les morceaux de piano, dont on m'obligeait à étudier cent fois les passages difficiles. Il me suffit aujourd'hui d'en jouer les deux premières notes pour que mes doigts retrouvent le tout; - à condition de ne pas penser à ce que je fais, à condition, que ma main seule travaille.

Ainsi, quand maman me montrait le postillon de l'étoile bêta de la Grande Ourse, ou la nébuleuse d'Orion... j'écarquillais les yeux: je ne la vois pas maman? "Regarde à côté tu verras."

Pour percevoir l'histoire d'Orpha et de Louis, il me faut la chercher, non directement dans le passé, mais parmi les choses d'alors, c'est-à-dire dans ma vie d'enfant, au jardin de mon père, que Louis cultivait.

Que je retrouve deux ou trois notes, tout le trait suivra; que je regarde "à côté" et je verrai ces choses, comme le postillon de la Grande Ourse; que je saisisse une couleur, une saveur, une lumière de ce temps-là, et leur amour renaîtra de la mer chantante du passé, comme la buée du printemps en ce jour de mon enfance, comme Vénus, de l'écume. Je retrouverai leur histoire, comme on découvre la nébuleuse d'Orion par les claires nuits de gelée sans lune.

Auteur: Gevers Marie

Info: Madame Orpha

[ mémoire récitative ] [ musique ]

 

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vie sociétale

Mon besoin de relations sociales (si l'on entend par là les relations autres que les relations amoureuses), d'abord très faible, était au fil des ans devenu nul. Était-ce normal ? Il est vrai que les peu ragoûtants ancêtres de l'humanité vivaient en tribus de quelques dizaines d'individus, et que cette formule s'était longtemps maintenue, aussi bien chez les chasseurs-cueilleurs que chez les premières peuplades agricoles, c'était à peu près de la taille d'un hameau. Mais du temps avait passé depuis lors, il y avait eu l'invention de la ville et son corollaire naturel, la solitude, auquel seul le couple pouvait vraiment offrir une alternative, nous ne retournerions jamais au stade de la tribu, certains sociologues de peu d'intelligence prétendaient distinguer de nouvelles tribus dans les familles recomposées, c'était bien possible, mais des familles recomposées pour ma part je n'en avais jamais vu, des familles décomposées oui, je n'avais même à peu près vu que ça, hormis bien entendu les cas d'ailleurs nombreux où le processus de décomposition intervenait déjà au stade du couple, avant la production d'enfants. Quant au processus de recomposition, je n'avais pas eu l'occasion de le voir à l'œuvre, "Quand notre cœur a fait une fois sa vendange / Vivre est un mal" écrivait justement Baudelaire, cette histoire de famille recomposée n'était à mon avis qu'une dégoûtante foutaise, quand bien même il ne s'agissait pas d'une propagande pure, optimiste, et postmoderne, décalée, dédiée au CSP plus et CSP ++, inaudible au-delà de la Porte de Charenton.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Dans "Sérotonine", page 312

[ communautés ] [ déliquescence ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-hommes

L'éjaculat est un liquide élaboré et émis par la prostate féminine. L'existence d'une prostate et d'une éjaculation féminine a été établie dès l'Antiquité et confirmée par la suite bien que tardivement comme on l'a vu précédemment. Si les médecins ont été si longs à l'admettre ce n'est pas tant en raison de la répression de la sexualité de la femme que parce qu'ils ne trouvaient pas dans l'éjaculat l'équivalent des spermatozoïdes; c'était ignorer que les cellules germinales de la femme ou ovocytes sont dans les ovaires et n'en sortent pas (sauf une fois tous les 28 jours et un à la fois). L'existence de la prostate féminine s'explique par l'embryologie : chez l'embryon au cours des premières semaines, l'appareil génital de l'être masculin et celui de l'être féminin sont semblables; ils ne commencent à se différencier qu'à la sixième semaine; le bourgeon qui doit donner la prostate se développe amplement chez le garçon, mais reste à un stade d'ébauche, quoique non négligeable, chez la fille. Chez la plupart des femmes adultes, cette ébauche persiste. [...] Biologiquement, l'éjaculation féminine ne sert à rien : elle ne joue aucun rôle dans la reproduction comme on le croyait autrefois. Elle n'a pas de rôle lubrifiant non plus puisqu'elle est émise par l'urètre et elle ne vient qu'en fin d'union sexuelle. Par contre, elle joue un grand rôle dans la relation amoureuse et érotique. [...] Les femmes évoquent des vagues de plaisir qui les portent, des flots ensoleillés qui sortent de leur vulve, des cascades qui les emportent. Elles se voient sources, elles abreuvent l'homme, elles irriguent la Terre!

Auteur: Leleu Gérard

Info: Traité des orgasmes, Leduc.S Éditions, France, 2007, pages 172 et 180

[ sciences ] [ femme fontaine ]

 

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communes

Vers 2000 avant notre ère, de l'Égypte à la Turquie, à l'Indus, à la Chine, au pourtour nord de la Méditerranée, des villes existent qui mettent en valeur le premier grand développement de la civilisation. Leur structure est singulièrement uniforme, mais ceci n'est pas pour surprendre, puisqu'on a vu que la cité n'est que l'élément expressif du nouveau dispositif fonctionnel pris par la collectivité humaine. À toute époque, et aussi bien en Amérique qu'en Europe non méditerranéenne ou en Afrique noire, chaque fois que le groupe, ayant atteint le seuil agricole, franchit le seuil métallurgique, le même dispositif fonctionnel prend forme. La cité en est le moyeu. Elle est enfermée dans son enceinte défensive, centrée sur les réserves de céréales et le trésor. Les cellules qui l'animent sont le roi ou son délégué, les dignitaires militaires et les prêtres, servis par un peuple de domestiques et d'esclaves. Les artisans forment à l'intérieur du dispositif urbain une série de cellules généralement endogames ; leur sort est lié à celui des classes dirigeantes. [...] L'évolution, depuis le développement des premières économies agraires, se fait donc dans le sens d'une sur-sédentarisation, par la suite de la formation d'un capitalisme qui est la conséquence directe de l'immobilisation autour des réserves de céréales. L'immobilisation aboutit à la formation d'un dispositif défensif entraînant inévitablement la hiérarchisation sociale. Cette hiérarchisation s'opère sur des bases normales puisque, comme un organisme vivant, le dispositif social possède une tête où s'élabore l'idéologie du groupe, des bras qui lui forgent ses moyens d'action et un vaste système d'acquisition et de consommation qui satisfait à l'entretien et à la croissance du groupe.

Auteur: Leroi-Gourhan André

Info: Le Geste et la Parole, tome 1 : Technique et Langage

[ historique ]

 

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Alcoran

Que sait-on historiquement du prophète de l'Islam ?

"Muḥammad islamique" et "Muḥammad historique"

Les recherches récentes attestent qu’entre la mort du Prophète et la constitution de la Sira deux siècles plus tard, on a, à l’image de la Mecque, un véritable trou noir pour ce qui concerne les seuls écrits musulmans. Rien n’émerge de l’histoire avant 50 de l’hégire (683) où le qualificatif "mḥmd" est mentionné pour la première fois sur une pièce de monnaie à l’effigie d’Abdallah Ibn al Zubayr, "anticalife", opposant aux Omeyyades et que la tradition musulmane décrit comme étant le "gouverneur de La Mecque" (monnaie frappée cependant à Bishapur, dans l’actuel Iran).

D’autres documents font état de témoignages contemporains de Muḥammad et le décrivent non pas comme un Prophète mais comme un guerrier apocalyptique à l’aise et instruit dans l’histoire de Moïse (Pseudo Sébéos). Dans tel témoignage, il apparaît comme dans la proximité de personnes qui l’auraient "instruit". Dans tel autre, il est présenté (Doctrina Jacobi) dans une discussion entre des Juifs comme pouvant être un possible candidat à la prophétie (c’est-à-dire "annoncer la venue du Messie").

Ce n’est qu’au 9ème siècle que la biographie (sīra) du Prophète est rédigée pour la première fois dans un empire qui s’étend du Maroc à l’Inde, très loin du milieu originel, dans un contexte contrôlé par l’autorité califale. C’est d’ailleurs à partir du 10ème, que sont écrits le discours des origines, les premières exégèses coraniques (tafāsīr), les premières histoires de conquêtes islamiques (maġāzī) et un nombre invraisemblable de hadiths forgés à la demande des califes dans le but de légitimer leur autorité et d’expliquer le Coran en forçant son interprétation*.

Auteur: Kerzazi Hocine

Info: https://blogs.mediapart.fr/hocine-kerzazi/blog. 27 avril 2018. *selon Alfred-Louis de Prémare

[ textes religieux ] [ origines ] [ source historique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

brassage génétique

Pendant la grossesse, des cellules fœtales passent dans le sang maternel, créant ce que les scientifiques appellent une "microchimère", un orga­nisme abritant un petit nombre de cellules provenant d’un autre individu. C’est grâce au microchimérisme qu’une simple prise de sang maternel permet de détecter des marqueurs de maladie dans l’ADN du fœtus. Bien que les cellules fœtales présentes dans le sang maternel soient en grande partie éliminées après l’accouchement, certaines peuvent persister pendant des décennies, voire toute la vie. Ces cellules fœtales peuvent même détecter de quel tissu elles sont entourées et se transformer en cellules de ce tissu, devenant ainsi partie intégrante du corps maternel, ce qui peut avoir des effets à la fois négatifs et positifs sur la santé de la mère – une sorte d’héritage en sens inverse. On a constaté que les cellules fœtales remédiaient au dysfonctionnement de la thyroïde et aidaient l’organisme maternel à lutter contre un cancer du sein. Quand un virus pénètre dans le corps de la mère, même des années après une grossesse, les cellules fœtales sont parmi les premières à partir à l’attaque. Mais ces cellules peuvent également favoriser l’apparition de maladies auto-immunes telles que l’arthrite rhumatoïde ou la sclérodermie. Et ce transfert d’ADN marche dans les deux sens : les cellules de la femme enceinte – qui contiennent l’ensemble de ses informations génétiques – peuvent pénétrer dans le fœtus et finir par faire partie du corps de l’enfant, y demeurant bien longtemps après la mort de la mère. Lors d’une deuxième grossesse, des cellules fœtales provenant de la première peuvent coloniser le nouveau fœtus, faisant du deuxième enfant une microchimère de sa mère, de son père et du premier-né. Adieu les ramifications joliment ordonnées de l’hérédité verticale.

Auteur: Crist Meehan

Info: Dans le magazine "Books" n°101, octobre 2019

[ communication biologique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

détail

Une crise d'urémie assez légère était cause qu'on lui avait prescrit le repos. Mais un critique ayant écrit que dans la Vue de Delft de Ver Meer (prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise), tableau qu'il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune (qu'il ne se rappelait pas) était si bien peint, qu'il était, si on le regardait seul, comme une précieuse oeuvre d'art chinoise, d'une beauté qui se suffirait à elle-même, Bergotte mangea quelques pommes de terre, sortit et entra à l'exposition. Dès les premières marches qu'il eut à gravir, il fut pris d'étourdissements. Il passa devant plusieurs tableaux et eut l'impression de la sécheresse et de l'inutilité d'un art si factice, et qui ne valait pas les courants d'air et de soleil d'un palazzo de Venise, ou d'une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant le Ver Meer qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. "C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune". Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l'un des plateaux, sa propre vie, tandis que l'autre contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune.

Auteur: Proust Marcel

Info: La Prisonnière. Vermeer

[ art pictural ] [ littérature ] [ peinture ]

 
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division bipartisane

La distinction moderne entre la "Droite" et la "Gauche "(qui est une transposition française de l’opposition, née en Angleterre, des Tories et des Whigs) correspond tout au long du XIXe siècle au conflit entre les défenseurs de l’ "Ancien Régime" - c’est-à-dire d’une société agraire et théologico-militaire – et les partisans du "Progrès" pour qui la révolution industrielle et scientifique (forme pratique du triomphe de la Raison) conduira, par sa seule logique, à réconcilier l’humanité avec elle-même. Le socialisme originel, au contraire, est, dans son principe, parfaitement indépendant de ce clivage. Il constitue avant tout la traduction en idées philosophiques des premières protestations populaires (luddites et chartistes anglais, canuts de Lyon, tisserands de Silésie, etc.) contre les effets humains et écologiques désastreux de l’industrialisation libérale. On ne trouvera par conséquent pas, chez Fourier ou chez Marx, de vibrants appels à unir un mystérieux "peuple de gauche" contre l’ensemble des forces supposées "hostiles au changement". Et durant tout le XIXe siècle, les socialistes les plus radicaux s’ont d’abord attentifs à ne pas compromettre la précieuse autonomie politique des travailleurs lors des différentes alliances éphémères qu’ils sont obligés de nouer, tantôt contre les puissances de l’Ancien Régime, tantôt contre les industriels libéraux. Ce n’est qu’après l’affaire Dreyfus – et non sans débats passionnés – que s’opérera véritablement pour le meilleur et pour le pire, l’inscription massive du mouvement socialiste dans le camp de la Gauche défini comme celui des "forces de Progrès". Pour valider cette opération historique, à la fois féconde et ambiguë, il sera d’ailleurs nécessaire (Durkheim jouant ici un rôle important) d’accentuer autrement la généalogie du projet socialiste. On choisira d’u voir désormais moins le produit de la créativité ouvrière qu’un développement "scientifique" de la philosophie des Lumières, rendu possible par l’œuvre du comte de Saint-Simon, et importé ensuite "de l’extérieur" dans la classe ouvrière. 

Auteur: Michéa Jean-Claude

Info: Préface à "La culture du narcissisme" de Christopher Lasch, éditions Flammarion, Paris, 2018

[ historique ] [ réappropriation bourgeoise ] [ gauche-droite ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

rituel

Le Coryphée. — Fais une offrande lustrale aux déesses que tu te trouves avoir abordées les premières et dont tu as foulé le sol.

Œdipe. — Et de quelle façon ? étrangers, dites-moi.

Le Coryphée. — Apporte-leur d’abord des libations pieuses prise à l’eau vive d’une source, et puisée avec des mains pures.

Œdipe. — Et quand j’aurais puisé cette libation pure ?

Le Coryphée. — Il est ici des cratères, œuvre d’un habile artisan : couronnes-en et la tête et les anses de chaque côté.

Œdipe. — de branches ? ou de laine ? — où comment encore ?

Le Coryphée. — Prends une toison frais tondue de jeune brebis.

Œdipe. — Bien ; mais après, par quoi dois-je terminer ?

Le Coryphée. — Répands tes libations, debout, face au Levant.

Œdipe. — En usant pour cela des vases que tu dis ?

Le Coryphée. — Oui, trois libations par vase — en vidant toutefois le dernier d’un seul coup.

Œdipe. — Et, avant de le mettre en place, de quoi le remplir ce dernier ? cela aussi, dis-le moi.

Le Coryphée. — De miel et d’eau. Garde-toi d’apporter du vin.

Œdipe. — Et quand la terre au noir feuillage aura reçu ces libations… ?

Le Coryphée. — Alors dépose sur elle, de l’une et de l’autre main, trois fois neuf branches d’olivier, puis prononce cette prière…

Œdipe. — C’est là ce que je veux entendre, car c’est là le plus important.

Le Coryphée. — Puisque nous leur donnons le nom de "Bienveillantes", qu’elles fassent donc, d’un cœur bienveillant, un accueil sauveur à leur suppliant. Demande-leur cela, toi même ou quelque autre pour toi, d’une voix qu’on n’entende pas, nous le son n’aille pas plus loin. Puis retire-toi sans tourner la tête. La chose une fois faite, je pourrai t’assister sans crainte. Sinon, j’aurais peur, étranger, pour toi.

Auteur: Sophocle

Info: Œdipe à Colone

[ Parques ] [ sacré ] [ apotropaïque ]

 
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cognition

Cependant, des questions se posent. Existe-t-il des gens qui ne soient pas de naïfs réalistes, ou des situations particulières lors desquelles le réalisme naïf disparaît ?
Ma théorie - celle de l'auto-modélisation de la subjectivité - prédit que dès qu'une représentation consciente devient opaque (c'est-à-dire dès qu'on la vit comme une représentation), on perd le réalisme naïf. Cela se produit chaque fois qu'à l'aide d'autres représentations de second ordre nous prenons conscience du processus de construction - de toutes les ambiguïtés et étapes dynamiques précédant l'état stable qui émerge à la fin.
Ou autrement, si cette fenêtre est sale ou fissurée, nous nous rendons immédiatement compte que la perception consciente n'est qu'une interface et prenons conscience du médium lui-même.
En clair, si le livre entre vos mains devient moins transparent, vous le ressentirez comme un état d'esprit plutôt que comme un élément du monde extérieur. Vous douterez même de son existence indépendante. Ce sera plus comme une pensée de livre qu'une perception de livre. C'est précisément ce qui se produit dans diverses situations - par exemple lors d'hallucinations visuelles au cours desquelles le patient est conscient d'halluciner, ou lors d'illusions d'optique ordinaires lorsque nous réalisons que nous ne sommes pas en contact véritable avec la réalité.
Si on pouvait consciemment faire l'expérience des premières étapes du traitement de la représentation du livre qu'on a entre les mains l'image deviendrait probablement instable et ambiguë, elle commencerait à respirer et à bouger légèrement. Sa surface deviendrait irisée, scintillant simultanément de couleurs différentes. Immédiatement on se demandera si ça peut être un rêve, si nos yeux ont un problème, ou si quelqu'un a mélangé un puissant hallucinogène à notre boisson.
Un segment du mur du tunnel de l'Ego a perdu sa transparence et la nature auto-construite du flux global de l'expérience a surgi. De manière non conceptuelle et entièrement non théorique, on comprend soudain, mieux que jamais, le fait que ce monde, en ce moment même, n'apparaît qu'à nous.

Auteur: Metzinger Thomas

Info: Le Tunnel de l'Ego : Science de l'esprit et mythe du moi

[ psyché ]

 

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