Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 233
Temps de recherche: 0.0443s

se dénuder

Il éprouvait une gêne intolérable : tout le monde était habillé, alors que lui était dévêtu, et, chose étrange, une fois dévêtu, il se sentit en quelque sorte coupable envers eux, surtout il était prêt à reconnaître lui-même qu’effectivement, il était soudain devenu leur inférieur à tous et que maintenant ils étaient pleinement en droit de le mépriser. "Quand tout le monde est déshabillé, on n’a pas honte, mais lorsqu’on l’est seul et que tous vous regardent, quelle ignominie !" Cette pensée lui traversait encore et encore l’esprit. "C’est comme en rêve, en rêve j’ai quelquefois subi une pareille honte." Mais retirer ses chaussettes lui causait même de la souffrance : elles n’étaient pas propres, son linge de corps non plus, et maintenant tout le monde l’avait vu. Et surtout, il n’aimait pas lui-même ses pieds, il avait toute sa vie, sans savoir pourquoi, trouvé laids ses gros orteils, notamment l’ongle grossier, plat, incurvé du pied droit, et voici qu’à présent ils allaient tous le voir. De honte intolérable il devint encore plus grossier, cette fois délibérément. Il arracha lui-même sa chemise.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", volume 2, traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, page 202

[ flux de conscience ] [ à poil ] [ rabaissement ] [ embarras ]

 
Commentaires: 2
Ajouté à la BD par Coli Masson

moches

D’après mon principe, on peut trouver dans toute femme quelque chose d’extrêmement intéressant, le diable m’emporte, ce qu’on ne trouverait chez aucune autre. Il faut seulement savoir le trouver, voilà tout le secret ! C’est un don ! Pour moi il n’y avait pas de laiderons : le seul fait d’être une femme, c’est déjà la moitié de tout... mais comment pourriez-vous le comprendre ! Même chez les vieilles filles on trouve quelquefois des choses telles qu’on est stupéfait de voir que les autres imbéciles ont pu les laisser vieillir sans les remarquer ! La va-nu-pieds, le laideron, il faut l’étonner tout d’abord, voilà comment il faut s’y prendre avec elle. Tu ne le savais pas ? Il faut l’étonner jusqu’à l’extase, au point qu’elle en soit transpercée, au point de la plonger dans la confusion à l’idée qu’un pareil seigneur s’est épris d’une souillon comme elle. Il est vraiment agréable de savoir qu’il y aura toujours au monde la canaille et les maîtres, on trouvera donc toujours une souillon et tu seras toujours son maître, et c’est tout ce qu’il faut pour être heureux dans la vie !

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, page 174

[ technique de séduction ] [ femmes-hommes ] [ pouvoir ] [ éducation du regard ]

 
Commentaires: 7
Ajouté à la BD par Coli Masson

libido routine

La seule chose plus triste, pour un couple, que de ne plus faire l'amour, c'est de baiser par automatisme, sans même s'en rendre compte. Je rassemble mes souvenirs... Elle a peut-être essayé de me chauffer, dans le salon. Puis on a dû migrer vers la chambre, de peur de tacher mon canapé. Et là, oui - ça me revient, je crois qu'elle m'a sucé pour me convaincre – ou alors, c'était la fois d'avant. Des images sans date, sans poésie se bousculent, toujours les mêmes: zoom sur sa chatte, ses seins, son cul, sa bouche, toujours droit au but. Le même tempo, la même durée, les mêmes accords. Je sais qu'autrefois, on avait un tas d'autres façons de s'exprimer notre amour, mais elles ont disparu dans le refrain des nuits. D'ailleurs, le seul fait d'appeler ça de l'amour m'apparait comme une erreur de sous-titrage, une mauvaise interpréation des images. C'est devenu autre chose: de l'exercice, une habitude ou peut-étre une tactique pour s'endormir. Quelquefois, les paupières closes, je tente de ressusciter le garçon d'avant, sa naiveté, son insouciance, mais il ne répond plus.

Auteur: Markov Bruno

Info: Le dernier étage du monde, 2023

[ ennui ] [ binôme ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

profession

Plus pauvre encore (que le bucheron), plus sale, plus chétif et plus inquiétant est le charbonnier. Ne maniant pas le fer mais le feu - le plus grand ennemi du bois, il est réellement diabolique. Le charbonnier ne se marie pas et n'a pas de postérité. Il ne quitte la forêt que pour s'enfermer dans une autre forêt, afin d'y continuer son oeuvre de destruction et de crémation. En toutes régions, les villageois ont peur du charbonnier. Dans les textes littéraires, notamment dans les romans courtois, les auteurs mettent quelquefois en scène un preux chevalier perdu au coeur de la forêt et contraint de demander son chemin à un horrible charbonnier. Pour les lecteurs du XIIe et du XIIIe siècle, cette rencontre constitue celle des extrêmes ; c'est le contraste social le plus fort qui puisse être imaginé. Dans ces textes, le charbonnier est toujours décrit de la même façon : petit, noir, velu, les yeux rouges et enfoncés, la bouche tordue et cruelle ; c'est l'archétype de l'homme situé au plus bas de l'échelle sociale : il est à la fois misérable, animal et démoniaque.

Auteur: Pastoureau Michel

Info: Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, p. 99

[ hiérarchie ] [ historique ] [ sociologie ]

 

Commentaires: 0

sous-bois

La forêt était courtaude - c'était des bouleaux, des hêtres nains, des frênes, de petits chênes surtout, ramus et tordus comme des poiriers - mais elle paraissait extraordinairement vivace et racinée, sans une déchirure, sans une clairière ; de chaque côté de l'aine et de la Meuse, on sentait que de toute éternité cette terre avait été crépue d'arbres, avait fatigué la hache et le sabre d'abatis par le regain de sa toison vorace. De temps en temps, un layon fuyait à travers les arbres, étroit comme une passée de bête. La solitude était complète, et cependant l'idée d'une rencontre possible ne disparaissait pas complètement ; quelquefois on croyait distinguer dans l'éloignement un homme debout au bord de la chaussée sous sa longue pèlerine : de près, c'était un petit sapin tout noir et carré d'épaules contre le rideau de feuilles claires. La laie devait suivre à peu près la crête du plateau, car on n'entendait de ruisseau nulle part, mais deux ou trois fois Grange aperçut une auge de pierre enterrée au bord du chemin dans un enfoncement des arbres, d'où s'égouttait un mince filet d'eau pure : il ajoutait au silence de forêt de conte.

Auteur: Gracq Julien

Info: Un balcon en forêt. p 19

[ silhouette ] [ paréidolie ] [ sentier ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

exil

Qu'on ne se contente pas trop facilement des explications les plus simples - un hasard, le mécénat, les commandes - quand il s'agit de cette question qui me paraît essentielle : pourquoi un peintre a-t-il changé de pays, laissant pour d'autres horizons, d'autres couleurs, et toujours une autre lumière, le lieu où il a vécu, où il a déjà travaillé ? Puisque sa grande page immobile peut s'ouvrir aux mouvements les plus rapides du ciel, aux indices les plus furtifs du passage de la journée ou du siècle, puisque son regard peut suivre sur un visage le cours paisible ou tragique de l'existence, puisque son rêve - si c'est cela qu'il préfère - peut s'évader de ce monde par simplement la contemplation d'un peu de pierre qui brille ou d'un bateau qui quitte le port, pourquoi fallait-il qu'il se dédidât à partir, et quelquefois pour si loin, comme s'il se lançait dans une poursuite, et cédait donc à une inquiétude ? Que peut espérer découvrir, là où il n'est pas arrivé encore, celui qui accède à tout, déjà, ou presque à tout, en chaque endroit où il passe ? Que semble promettre l'ailleurs à ceux qui savent l'ici du monde ?

Auteur: Bonnefoy Yves

Info: Début de "Le peintre dont l'ombre est le voyageur", in "Rue Traversière, et autres récits en rêve", éd. Poésie-Gallimard, p. 159-160

[ interrogation ] [ voyage ] [ quête ] [ beaux-arts ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Benslama

non-voyante

Il arrive que mes amis me signalent certaines attitudes non audibles afin de m'aider à les corriger (lorsque l'enfant s'essuies sur ses manches au lieu d'utiliser la serviette). Je perçois des choses avec retard, ce qui quelquefois énerve les voyants. Exemple : un enfant qui fait des saletés à table sera immédiatement repéré dès qu'il a fait une bêtise. Moi je le verrai au moment de débarrasser.
Élever seule des enfants, est déjà complexe. Le handicap rend la chose un peu plus difficile. La cécité, n'exclut en aucun cas la possibilité d'être une mère assumant toutes ses responsabilités. Cela demande des adaptations parfois simples, parfois plus complexes, mais ce sont là des faits qui nous sont coutumiers que nous soyons parent ou non. L'enfant d'une personne aveugle n'encourt pas plus de danger qu'un autre, peut-être sans doute moins car le parent s'assure des conditions de sécurité optimales. Vous allez sourire : lorsque nous allons au bois, je protège mes enfants en les rassurant, en étant présente, en poussant la balançoire. Par contre, lorsqu'ils vont à l'autre bout du parc, ils changent leur mère de banc, me guident à travers les sentiers.... C'est une réelle complicité et un échange formidable.

Auteur: Anonyme

Info: Internet

[ maman ]

 

Commentaires: 0

mai 68

J’ai assisté à une dizaine de séances au cirque d’en face, à l’Odéon. Au début, j’avais été séduit par le côté bordel métaphysique, par une mise en cause radicale de tout qui frisait quelquefois le délire ; puis la fatigue est vite venue : je ne connais rien de plus lassant que la rhétorique naïve des utopistes, jeunes ou vieux. Que l’essence de l’homme soit la parole, cela est plus ou moins vrai ; mettez à la place de l’homme le Français, et la définition est absolument exacte. Ce n’est pas au plaisir, c’est à la volupté, à l’orgasme de parler que j’ai assisté depuis trois semaines. Ce n’est pas un hasard que la Trappe* soit née au milieu de ce peuple : où ailleurs aurait-on inventé avec plus d’à-propos le supplice du silence ?

Ceci dit, le drame de ces étudiants est sans bornes : Dieu même ne pourrait trouver une solution aux problèmes que pose, rien qu’à Paris, l’existence de quarante mille “littéraires“ dont l’avenir est nécessairement bouché. Parmi eux, des milliers et des milliers “étudiant“ la sociologie, une science sans objet et qui a de plus le grand inconvénient de rendre arrogant quiconque en a acquis un vague vernis.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Lettre à Armel Guerne, 13 juin 1968 *ordre monastique cistercien

[ parlottes ]

 
Commentaires: 2
Ajouté à la BD par miguel

égoïsme

Je me sens la tête, et quelquefois le cœur gonflés, mais je ne puis rien achever et pour ainsi dire rien entreprendre. Je trouve le soir que le devoir a pris tout mon temps : il faut s’endormir comme la veille sans avoir pu suivre aucune de mes vues... Le besoin de produire sans explosion possible ! Il y a de quoi crever. Jugez de la fermentation ! C’est tout juste la machine de Papin. Quelquefois, pour me tranquilliser, je pense (sincèrement, sur mon honneur !) que ces espèces d’inspirations qui m’agitent comme une pythonisse ne sont que des illusions, de sottes bouffées du pauvre orgueil humain, et que si j’avais toute ma liberté, il n’en résulterait à ma honte qu’un ridiculus meus. D’autres fois, j’ai beau m’exhorter aussi bien que je puis à la raison, à la modestie, à la tranquillité, une certaine force, un certain gaz indéfinissable m’enlèvent malgré moi comme un ballon. Je me perds dans les nues... je voudrais faire, je voudrais, je ne sais pas trop ce que je voudrais. Peut-être que les circonstances me feront vouloir, à la fin une seule chose. Tiraillé d’un côté par la philosophie et de l’autre par les lois, je crois que je m’échapperai par la diagonale...

Auteur: Maistre Joseph de

Info: Lettre du 24 juillet 1785, à son ami le marquis de Barol

[ contraintes ] [ confession ]

 

Commentaires: 0

désintéressement

Spinoza était si sobre qu'il ne buvait généralement pas plus d'une pinte de vin par mois. On voit, par différents comptes trouvés dans ses papiers, dit son biographe Colerus, qu'il a vécu un jour entier d'une soupe au lait accommodée avec du beurre, ce qui lui revenait à trois sous, et d'un pot de bière d'un sou et demi. Un autre jour, il n'a mangé que du gruau apprêté avec des raisins et du beurre, et ce plat lui avait coûté quatre sous et demi.
Afin de pouvoir se livrer en paix à ses spéculations philosophiques, il apprit l'art de tailler des verres d'optique, et il partageait son temps entre l'étude et la fabrication de ces verres. Quand il était las et qu'il voulait se relâcher l'esprit, il cherchait des araignées, qu'il faisait lutter ensemble, et des mouches qu'il jetait dans la toile d'araignée, et regardait ensuite cette bataille avec tant de plaisir qu'il éclatait quelquefois de rire. Il refusa plusieurs fois les dons et les legs qu'on lui voulait faire; cependant Jean de Witt l'avait forcé d'accepter une rente de deux cents florins ; mais ses héritiers, faisant difficulté de continuer cette rente, Spinoza leur mit son titre entre les mains avec une si tranquille indifférence qu'ils rentrèrent en eux-mêmes.

Auteur: Saisset Émile-Edmond

Info: Précurseurs et disciples de Descartes

[ philosophie ] [ ascétisme ] [ anecdote ]

 

Commentaires: 0