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catholicisme

Les adversaires de la définition eussent voulu qu’à l’exemple de Trente, aucune résolution, en matière dogmatique du moins, ne fût prise qu’à l’unanimité morale, sinon à l’unanimité absolue. A cette prétention, le Vatican, qui, malgré les précédents, avait seul dressé les règlements du concile, répondit en édictant que toutes les décisions seraient prises à la simple majorité. Plus de cent évêques protestèrent en vain contre cet article d’un règlement qui avait déjà soulevé leurs stériles réclamations, sans oser revendiquer le droit de statuer eux-mêmes, ainsi que les Pères de Trente, sur l’ordre et les conditions de leurs travaux. La session s’avançant et les chaleurs de l’été menaçant de suspendre le concile avant que l’infaillibilité fût venue en discussion, les légats pontificaux, en dépit des représentations d’un grand nombre de Pères des deux partis, intervertirent l’ordre du jour de l’assemblée, renversant l’ordre logique et traditionnel des canons sur les droits de l’Eglise, sans s’arrêter à l’objection qu’avant d’aborder l’infaillibilité pontificale, il eût été bon de définir en quelles matières l’Eglise elle-même est infaillible. La question venue enfin au concile, les débats, déjà fort longs, il est vrai, furent écourtés, et ainsi le dernier espoir enlevé à l’opposition, réduite pour toute tactique à ne rien attendre que d’une prorogation.

La majorité, ardente, impatiente de délais, obtint des chefs de la minorité, de Mgr Haynald notamment, qu’ils renonçassent à la parole. Cette concession, traitée au premier moment de trahison par l’évêque d’Orléans, n’était pas du goût de tous. Quelques-uns, Mgr Dupanloup entre autres, eussent voulu maintenir leur droit à la parole ; l’attitude de l’assemblée les contraignit à se résigner également au silence. On accusait déjà l’opposition de s’être entendue pour prolonger indéfiniment la discussion en la faisant reprendre tour à tour par chacun de ses membres.

Des évêques dans un concile ne pouvaient, comme des Irlandais à la Chambre des Communes, s’exposer volontairement au reproche d’obstruction. Ils préférèrent se taire. Aussi vit-on, en une seule séance, vingt-deux orateurs de la minorité renoncer successivement à monter à l’ambon. Ce spectacle se renouvela deux jours de suite. A l’appel des secrétaires : Dominus episcopus accédai ad ambonem, les évêques ne se levaient plus. Enfin, le 13 juillet, la définition était votée en congrégation, autrement dit en comité secret, par 451 voix sur 601 votants ; 88 Pères avaient répondu Non placet ; 62 n’avaient donné qu’un oui conditionnel (Placet juxta tnodum).

Quelques jours après avait lieu, en séance publique, le scrutin définitif sous les yeux mêmes du Souverain Pontife, qui avait enfin attaché à la tiare cette couronne si longtemps contestée. La minorité, sentant toute résistance inutile, s’était résolue à ne pas affliger Pie IX en renouvelant publiquement ses votes dissidents à la face du Saint-Père. Qu’elle l’ait fait ou non de propos délibéré, le dogme récemment inscrit au Credo catholique a, de cette façon, comme elle le réclamait d’avance, obtenu du concile la presque unanimité. Deux voix seulement contre 533, la majorité ayant grossi d’un scrutin à l’autre, s’obstinèrent à la négative.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: Les catholiques libéraux, l'Église et le libéralisme de 1830 à nos jours, Librairie Plon, 1885, pages 254 à 256

[ déroulement ] [ historique ]

 

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résilience

Une équipe de chercheurs de l'Université de Stuttgart a envoyé dans l'espace, en septembre 2007, des oursons d'eau (ou tardigrades) avec la mission Foton-M3 à partir du cosmodrome de Baïkonour. Après avoir été exposés aux conditions hostiles de l'espace - rayonnement cosmique et ionisant, vide et froid extrême - ces petits animaux pluricellulaires, d'une taille de l'ordre d'un millimètre, ont été rapatriés à Stuttgart. Les chercheurs ont ainsi pu constater qu'un nombre non négligeable d'entre eux avait survécu.
Les oursons d'eau vivent dans la mer, l'eau douce et en milieu terrestre, dès lors qu'ils trouvent un film d'eau fin. Ils sont capables de résister à la chaleur comme au froid ou aux périodes de sécheresse en adoptant un état de latence (cryptobiose), dans lequel ils présentent une forme de tonneau et une activité métabolique nulle. Dès que les conditions environnementales s'améliorent, ils se réveillent en l'espace d'une demi-heure et rampent sur leurs huit pattes.
L'équipe du Dr. Ralph Schill a cherché à savoir si ces animaux peuvent également survivre dans l'espace. Pendant 10 jours deux espèces de tardigrades ont tourné autour de la Terre à 270 km d'altitude. Au lieu d'être protégés dans une capsule, ils étaient exposés aux conditions spatiales dans le module Biopan-6. Certains d'entre eux, protégés par des filtres, n'ont dû supporter que le vide et l'apesanteur, d'autres ont été exposés au rayonnement spatial à différentes intensités.
Le vide, qui conduit à un dessèchement extrême, n'a pas semblé poser de sérieux problèmes aux tardigrades. Le rayonnement, en revanche, qui se compose de rayons gamma, d'ultraviolets de la lumière solaire et de pluie de particules du rayonnement cosmique, a décimé l'échantillon. Les deux espèces se sont, en outre, avérées inégalement résistantes. A la différence de leurs cousins suédois (Richtersius coronifer), les tardigrades allemands (Milnesium tardigadum) ont bien supporté les UV. Certains d'entre eux ont même survécu à un rayonnement spatial non filtré: environ 2% d'entre eux ont pu être réanimés. Il reste à éclaircir comment ces animaux peuvent résister à de si fortes doses de rayonnement pendant 10 jours.
Les oursons exposés seulement aux rayons UV-A et UV-B ont globalement bien survécu à cette expérience. De retour sur Terre et après réhydratation, les chercheurs ont constaté que plus de la moitié des animaux avait résisté au séjour dans l'espace. Dans les jours suivants, quelques-uns sont morts, les autres se sont mis en quête de nourriture et ont même pondu des oeufs. Ceux-ci ont donné naissance à des oursons d'eau tout à fait normaux, ne présentant pas de séquelles liées au séjour de leurs parents dans l'espace.
Jusqu'ici, la résistance aux conditions très hostiles de l'espace n'avait été observée que chez des bactéries et des lichens, jamais encore chez des animaux. Pour le Dr. Schill, les oursons d'eau et leurs capacités particulières de survie devraient permettre d'apprendre beaucoup, en particulier sur la manière dont ces animaux protègent et réparent leurs cellules et leurs composants cellulaires. "Sur la base de ces connaissances, de nouvelles méthodes pourraient être développées pour mieux conserver des macromolécules, des cellules ou des organismes entiers", espère-t-il.

Auteur: Internet

Info: http://www.bulletins-electroniques.com, Des oursons d'eau font le tour de la Terre et reviennent de l'espace

 

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apprentissage du langage

[…] la maîtresse d’Helen Keller, Ann Sullivan, s’efforçait d’apprendre à son élève à communiquer à l’aide de signes, alors confondus à des signaux, en tapant d’une manière déterminée selon les cas, dans la paume de l’enfant. Elle voulait ainsi associer à la perception d’un signal la sensation d’un objet. Par exemple, elle plaçait la main droite d’Helen sous un jet d’eau fraîche, pendant que sur l’autre, elle frappait le signal convenu. Dans cette pratique, spontanément behaviouriste, le signe est conçu comme l’index de son référent, qu’il a pour fonction essentielle d’évoquer. On prouvera qu’on a compris ce qu’est un signe si l’on peut user de cet index pour désigner le référent, quand on en a besoin. Tout être capable d’un tel comportement sera réputé savoir "parler". Or, la difficulté étonnante à laquelle se heurta Ann Sullivan, est que la petite Helen, tout en étant à même de communiquer quelques-uns de ses besoins au moyen des signaux que sa maîtresse lui avait appris à utiliser, semblait néanmoins piétiner à la porte d’un monde interdit. Il y avait là pourtant tous les éléments d’une relation de communication : émetteur, récepteur, médium de transmission et code. Plus encore : cet ensemble fonctionnait, mais la petite Helen – elle avait alors six ans – ne savait toujours pas parler.

Le miracle se produisit le 5 avril 1887. Ann Sullivan s’efforçait inlassablement d’épeler le mot tasse dans la main d’Helen, puis lui en donnait une à tenir. "Elle versait ensuite de l’eau dans la tasse, y trempait le doigt de l’enfant, et attendait, espérant qu’Helen réagirait en épelant e-a-u". En vain. Etant descendue au jardin afin de distraire l’enfant, elle s’approcha avec elle d’un puits d’où le jardinier tirait un seau d’eau. Une dernière fois, elle lui mit la tasse dans la main, y fit couler un peu d’eau, et épela water, sur l’autre main, de plus en plus rapidement, cette eau qu’Helen aimait à faire couler sur sa main. Soudain l’enfant lâcha la tasse, et, pétrifiée, laissa une pensée envahir et illuminer son esprit : w-a-t-e-r ! w-a-t-e-r ! cette chose merveilleusement fraîche, cette chose amie, c’était w-a-t-e-r ! Elle venait de comprendre que toute chose a un nom, que toute chose peut être dite ou signifiée, que le signe énonce la chose, ou encore qu’il l’exprime, c’est-à-dire que le rapport qui unit la chose à son index n’est pas celui d’une association entre deux perceptions sensibles […] mais un rapport de représentation, en sorte que le signe w-a-t-e-r s’identifie à la chose merveilleuse tout en en demeurant distinct : il "tient lieu" de la chose. Dans un tel rapport de signification, les deux éléments mis en relation ne sont plus du même ordre. Ils sont bien perçus tous les deux comme deux réalités également sensibles, et de ce point de vue, rien ne permet de les distinguer. Pourtant, dans le rapport de signification, la présence sensible de l’un cesse de valoir pour elle-même, cesse d’être le signal de son existence, qui est ainsi occultée, et se trouve valoir pour l’existence d’un autre, dont elle tient la place. C’est là l’expérience fondamentale de la signification. Les deux éléments sensibles ne sont plus unis par une relation horizontale de juxtaposition, mais par une relation verticale, et purement intellectuelle, de lieutenance.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Histoire et théorie du symbole", éd. L'Harmattan, Paris, 2015, pages 125-126

[ sourd-muet-aveugle ] [ différence signe-signal ] [ invisible ] [ arrachement sémantique ] [ célèbre anecdote ] [ déclic ]

 

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émission tv

Dès le début, dès le générique de ce "Fort Boyard", on pressent que ça va être gênant de regarder ça jusqu’au bout. Quel est cette espèce de fortin saugrenu et laid dont se rapproche la caméra, posé en pleine mer, semblable à une grosse boucle de ceinturon à la dérive ? Qu’est-ce qui s’y déroule de si excitant, tous les vendredis soirs, sur Antenne 2 ? Cela faisait longtemps que je me le demandais, mais je passais toujours sur une autre chaîne avant d’avoir la réponse parce que je me doutais que celle-ci n’aurait pas plus d’intérêt que ma question. Cette fois je suis resté, et je me suis forcé à regarder, du début à la fin, sans sourciller, cette chose morbide entre toutes, et quasiment impensable, qu’on appelle un jeu télévisé.

Les jeux ne sont pas mon fort, en tout cas pas ceux-là. En limitant le jeu au jeu, on essaie toujours de vous convaincre que la vie n’est pas un Jeu. Voilà encore un truc de contrat social. Jeu est un autre !  Je me doute bien que celui-ci, "Les clés de Fort-Boyard", n’est pas le pire de tous : un rouage entre mille, dans la grande Machine à divertir d’après la fin d tout. Mais puisqu’il semble condenser quelques-uns des ingrédients essentiels qu’il faut pour me déplaire, allons-y.

L’architecture sombre et sauvage du décor, pour commencer ; les remous antipathiques de l’océan autour de ces murailles isnistres de cachot ; le romantisme aquatique à son plus haut degré de stupidité iodée autour du romantisme de l’enfermement ; l’animateur et l’animatrice, aussi, avec leur enthousiasme farineux et leurs promesses à faire dresser les cheveux sur la tête ("Vivre en une heure les aventures romanesques de toute une vie !") ; le barde à fausse barbe, également, malheureux figurant dans sa vigie de pacotille payé pour proposer des devinettes ineptes ("Bien pendue, elle est bavarde" : mais oui, c’est la langue, vous êtes formidable !) ; et puis tous ces périls sans danger, toutes ces bêtes féroces qui ne vous feront aucun mal, ces mygales qui ne piquent pas, ces tigres qui resteront à tourner comme des idiots démobilisés derrière leurs barreaux mais qu’on vous montre, comme une nostalgie de jungle, comme un souvenir de l’aventure perdue, comme un échantillon de risque, donc d’Histoire, terminés ; à la façon dont on vous esquisse également des nostalgies de sexe sous la forme d’un bref combat de femmes dans la boue (jolies visions de fesses, intéressants aperçus de cuisses et de cellulite) ; ou encore, au détour d’un labyrinthe, sous les apparences de cette fille nue dont vous n’apercevrez qu’un bout de sein furtivement dressé dans l’obscurité…

C’est ça, un jeu télé, à la fin du XXe siècle ? Oui ; mais j’oubliais l’essentiel, c’est-à-dire les candidats bien sûr. Quatre ou cinq garçons et filles en pleine santé, amis des sports et du grand air, quatre ou cinq asperges dynamiques sélectionnées parce qu’elles ont des têtes à avoir inventé le saut à l’élastique. Rien n’est plus déprimant à contempler, et rien en même temps n’est plus comique, que ces jeunes damnés du Tertiaire, démoniaques et souriants représentants des classes moyennes, incarnations de la nouvelle France profonde jaillie enfin en pleine lumière, sataniques employés de banque ou attachés commerciaux en train de cavaler à travers ce Luna Park de cauchemar, pour exécuter avec un esprit de sérieux épouvantable leur misérable parcours du combattant et récupérer je ne sais combien de clés qui leur feront gagner un monceau d’or. Rien n’est plus instructif non plus : il n’y a pas que la face cachée du spectacle qui soit captivante ; inutile d’espérer rien comprendre à celle-ci si on néglige de contempler, de temps en temps, sa face exhibée, la face montrée de la grande Terreur, l’effrayante et souriante et pathétique face visible de la Tyrannie, avec son armée carnavalesque de sergents recruteurs. Comme dit en ce moment un slogan pour un autre jeu : "On commence par gratter et on finit à la télé." C’est valable littéralement et dans tous les sens, dans un monde où Eros et Thanatos, désormais, portent des nez rouges.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, pages 414-415

[ critique ] [ caricature ] [ reflet du monde ]

 

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intolérance

Une démission ordinaire

Il est des faits qui, malgré leur caractère anecdotique, nous en apprennent beaucoup sur l’époque dans laquelle nous vivons : la démission récente de Peter Boghossian est de ceux-là. La nouvelle passera probablement inaperçue ; elle est pourtant révélatrice du climat qui règne désormais dans les universités nord-américaines (au Québec y compris, plusieurs pourraient en témoigner).

Peter Boghossian, dont une partie des lecteurs du Devoir ignorent sans doute — à juste titre — le nom, était jusqu’à tout récemment professeur adjoint de philosophie à l’Université d’État de Portland. Il est surtout connu du grand public pour sa participation au canular dit des "Grievance Studies". En 2018, avec ses deux complices Helen Pluckrose et James Lindsay, il est en effet parvenu à faire publier dans diverses revues de sciences humaines des études parfaitement bidon, mais qui adoptaient le ton dénonciateur et les clichés du prétendu progressisme contemporain. Sur les sept qui furent acceptées, l’une s’inquiétait de la "culture du viol" omniprésente dans les parcs à chiens de Portland, une autre préconisait la création d’un "fat bodybuilding" afin que les personnes obèses ne se sentent plus opprimées par la surexposition des corps athlétiques de M. ou Mme Muscle, une troisième était constituée de certains passages de Mein Kampf réécrits en ayant recours au jargon typique des théories déconstructionnistes, etc. Leur but était évidemment de se moquer des "studies" (sur le genre, la race, les gros, etc.) qui se multiplient dans les universités alors même que leur caractère scientifique est parfois douteux, la dénonciation rituelle de l’"oppression" dont sont victimes les minorités y remplaçant trop souvent la rationalité, l’objectivité, voire la simple honnêteté intellectuelle.

Le monde à l’envers

À la suite de ce canular, on aurait pu penser que quelques-uns de ses collègues universitaires feraient amende honorable et reconnaîtraient, au moins à demi-mot, l’existence d’un manque de rigueur dans l’évaluation par les pairs de ces études, et peut-être même d’un problème plus général de remplacement, au sein de certains secteurs des sciences humaines, d’une démarche scientifique rigoureuse, rationnelle, critique, ouverte au débat, par un militantisme obtus, idéologique, réfractaire à toute remise en question et faisant feu de tout bois pour faire avancer la Cause.

Mais c’est tout le contraire qui se passa ; Boghossian devint à partir de là la cible d’un harcèlement généralisé, non seulement de la part de ces étudiants qui se qualifient d’"éveillés" (woke), mais aussi de plusieurs de ses collègues et même de l’administration de son université. Tandis que son nom était associé à des croix gammées dans des graffitis dans les toilettes proches du département de philosophie, qu’il était chahuté durant ses cours ou qu’un sac contenant des excréments était déposé devant la porte de son bureau, le CPP (sorte de comité éthique) de l’université d’État de Portland engagea contre lui des poursuites au motif qu’il avait réalisé des recherches (celles ayant mené à la rédaction de ces fameux articles) portant sur des sujets humains sans obtenir préalablement leur approbation — ce qui fit dire au célèbre biologiste Richard Dawkins que ce CPP manifestait ainsi son opposition "à l’idée même de la satire comme forme d’expression créative" et qu’on ne pouvait s’empêcher de soupçonner chez ses membres la présence de quelque "arrière-pensée".

Comme on le voit, c’est un peu le monde à l’envers désormais à l’université : ce n’est plus le fait de publier à répétition des études tendancieuses ni de manipuler des résultats de recherche pour les rendre conformes à certains présupposés, pas plus que de se cacher derrière une pseudoscientificité pour avancer, dans des travaux amplement subventionnés, des thèses d’une radicalité politique parfois surprenante qui devient problématique, mais celui d’user d’ironie pour se moquer de ces dérives. Ces professeurs, si radicaux quand il s’agit de mettre en question les "rapports de pouvoir", le "patriarcat " ou la "culture blanche et suprémaciste", n’entendent pas à rire avec leurs propres réflexions et leur propre pouvoir et se montrent sur ces sujets aussi chatouilleux que les théologiens et les inquisiteurs d’autrefois sur les points de doctrine. Bizarrement, les théories les plus critiques, qui n’hésitent pas à remettre en question jusqu’au simple bon sens, ne croient pas nécessaire de se soumettre elles-mêmes à la critique.

Quant à Peter Boghossian, qui pratiquait lui-même autant qu’il formait ses étudiants à la pensée critique et à la méthode socratique, il vient de démissionner estimant ne plus être en mesure d’enseigner dans une université qui a cessé d’être un "bastion de la recherche libre" pour devenir "une usine de justice sociale", écrit-il dans sa lettre de démission. " Je n’ai jamais cru, poursuit-il, que le but de l’instruction était de mener les étudiants à certaines conclusions particulières", mais qu’il devait être plutôt "de les aider à acquérir les outils leur permettant de parvenir à leurs propres conclusions". Or, conclut-il, on "n’enseigne plus aux étudiants de l’Université d’État de Portland à penser", on les entraîne à reproduire "les certitudes morales qui sont le propre des idéologues".

Nous sommes nombreux, je pense, à regretter qu’un tel professeur ait été acculé à la démission, et encore plus à déplorer que rien ne semble devoir arrêter cette métamorphose de certains cours ou programmes universitaires en machines à endoctriner.

Auteur: Moreau Patrick

Info: ledevoir.com, 1 octobre 2021

[ terrorisme intellectuel ] [ suppression des contrepouvoirs ] [ cancel culture ] [ censure ] [ tyrannie ]

 

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judaïsme

Les Juifs, dit-on, fuyant de l'île de Crète, occupèrent les dernières terres de Libye. On tire un argument de leur nom; Ida est une célèbre montagne de Crète, habitée par les Idaei, mot dont l'addition barbare d'une lettre aura fait Judaei. Quelques-uns prétendent que, sous le règne d'Isis, l'Égypte regorgeant d'un excès de population s'en déchargea sur les terres voisines, et que la migration eut pour chefs Hierosolymus et Juda. Beaucoup font des Juifs une race d'Éthiopiens, que la crainte et la haine forcèrent, sous le roi Céphée, à changer de demeures; d'autres un assemblage d'Assyriens qui, faute de champs à cultiver, s'emparèrent d'une partie de l'Égypte, puis, se rapprochant de la Syrie, se bâtirent des villes et s'approprièrent les terres des Hébreux. Il en est enfin qui leur donnent une origine illustre; selon eux, les Solymes, nation célébrée dans les chants d'Homère, fondèrent une ville, et, de leur nom, l'appelèrent Hierosolyma.
La plupart des auteurs s'accordent à dire qu'une maladie contagieuse qui couvrait tout le corps de souillure s'étant répandue en Égypte, le roi Bocchoris en demanda le remède à l'oracle d'Amon, et reçut pour réponse de purger son royaume et de transporter sur d'autres terres, comme maudits des dieux, tous les hommes infectés. On en fit la recherche, et cette foule misérable, jetée dans un désert, pleurait et s'abandonnait elle-même, lorsque Moïse, un des exilés, leur conseilla de ne rien espérer ni des dieux ni des hommes, qui les avaient également renoncés, mais de se fier à lui comme à un guide céleste, le premier qui jusque-là eût apporté quelque secours à leurs misères. Ils y consentirent, et, sans savoir où ils allaient, ils marchèrent au hasard. Mais rien ne les fatiguait autant que le manque d'eau. Tout près d'expirer, ils s'étaient jetés par terre et gisaient dans ces vastes plaines, lorsqu'ils virent un troupeau d'ânes sauvages, revenant de la pâture, gagner une roche ombragée d'arbres. Moïse les suit, et, à l'herbe qui croît sur le sol, il devine et ouvre de larges veines d'eau. Ce fut un soulagement; et, après six jours d'une marche continuelle, le septième ils chassèrent les habitants de la première terre cultivée, s'y établirent et y fondèrent leur ville et leur temple.
Moïse, pour s'assurer à jamais l'empire de cette nation, lui donna des rites nouveaux et un culte opposé à celui des autres mortels. Là est profane tout ce qui chez nous est sacré, légitime tout ce que nous tenons pour abominable. L'effigie de l'animal qui leur montra la route et les sauva de la soif est consacrée dans le sanctuaire, et ils sacrifient le bélier comme pour insulter Amon. Ils immolent aussi le boeuf, que les Égyptiens adorent sous le nom d'Apis. Ils s'abstiennent de la chair du porc, en mémoire de la lèpre qui les avait jadis infectés, et à laquelle cet animal est sujet. Des jeûnes fréquents sont un aveu de la longue faim qu'ils souffrirent autrefois, et leur pain sans levain rappelle le blé qu'ils ravirent à la hâte. S'ils consacrent le septième jour au repos, c'est, dit-on, parce qu'il termina leurs misères; séduits par l'attrait de la paresse, ils finirent par y donner aussi la septième année. Suivant d'autres, cet usage fut établi pour honorer Saturne, soit qu'ils aient reçu les principes de la religion de ces Idéens qu'on nous montre chassés avec Saturne et fondant la nation des Juifs, soit parce que, des sept astres qui règlent la destinée des mortels, celui dont l'orbe est le plus élevé et la puissance la plus énergique est l'étoile de Saturne, et que la plupart des corps célestes exercent leur action et achèvent leur course par nombres septénaires.
Ces rites, quelle qu'en soit l'origine, se défendent par leur antiquité; ils en ont de sinistres, d'infâmes, que la dépravation seule a fait prévaloir. Car tout pervers qui reniait le culte de sa patrie apportait à leur temple offrandes et tributs. La puissance des Juifs s'en accrut, fortifiée d'un esprit particulier; avec leurs frères, fidélité à toute épreuve, pitié toujours secourable; contre le reste des hommes, haine et hostilité. Ne communiquant avec les autres ni à table, ni au lit, cette nation, d'une licence de moeurs effrénée, s'abstient pourtant des femmes étrangères; entre eux, tout est permis. Ils ont institué la circoncision pour se reconnaître à ce signe. Leurs prosélytes la pratiquent comme eux, et les premiers principes qu'on leur inculque sont le mépris des dieux, le renoncement à sa patrie, l'oubli de ses parents, de ses enfants, de ses frères. Toutefois on veille à l'accroissement de la population; il est défendu de tuer aucun nouveau-né, et l'on croit immortelles les âmes de ceux qui périssent dans les combats ou les supplices. Il s'ensuit qu'on aime à procréer et qu'on s'inquiète peu de mourir. Ils tiennent des Égyptiens l'usage d'enterrer les corps au lieu de les brûler; sur les enfers, même prévoyance, mêmes idées; quant au ciel, les croyances diffèrent. L'Égypte adore beaucoup d'animaux et se taille des images; les Juifs ne conçoivent Dieu que par la pensée et n'en reconnaissent qu'un seul. Ils traitent d'impies ceux qui, avec des matières périssables, se fabriquent des dieux à la ressemblance de l'homme. Le leur est le dieu suprême, éternel, qui n'est sujet ni au changement ni à la destruction. Aussi ne souffrent-ils aucune effigie dans leurs villes, encore moins dans leurs temples. Point de statues ni pour flatter leurs rois, ni pour honorer les Césars. Du reste, comme leurs prêtres chantaient au son de la flûte et des tambours, qu'ils se couronnaient de lierre, et qu'une vigne d'or fut trouvée dans le temple, quelques-uns ont cru qu'ils adoraient Bacchus, le vainqueur de l'Orient, opinion démentie par la différence des rites; Bacchus institua des fêtes riantes et joyeuses; le culte des Juifs est bizarre et lugubre.

Auteur: Tacite

Info: Histoires, Livre V [70 après J.-C.] A. Les affaires de Judée, 5,1-13

 

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éloge funèbre

Roland Jaccard a mis fin à ses jours hier, lundi 20 septembre. Nombre de ses amis ont reçu un courriel matinal indiquant qu’il était sur le point de partir, qu’il tirait sa révérence. Pour moi, c’était à 8h09. Avec pour objet "Une leçon de dandysme helvétique" et les phrases suivantes dans le corps du texte : "Tu es un des seuls à m’avoir compris! Amitiés vives !"

Roland m’a fait beaucoup d’honneur. Nous n’étions peut-être pas beaucoup à l’avoir compris, mais il y en avait tout de même quelques-uns. À l’avoir compris et à l’avoir aimé. J’ai trainé un vilain pressentiment, toute la matinée, mais j’étais face à des étudiants et je me suis promis de l’appeler dès la pause de midi. Deux coups de téléphone de Gil Mihaely puis d’Elisabeth Lévy m’ont indiqué que c’était devenu inutile.

J’ai été sidéré mais pas surpris. Sidéré parce que, tout de même, la mort d’un ami, d’une de ces amitiés littéraires transformée en affection réciproque avec le temps, c’est une espèce de bloc d’abîme au creux de l’âme et des tripes, un bloc d’abîme que connaissent tous ceux qui apprennent la disparition brutale d’un être cher. 

Mais je n’ai pas été surpris : qui connaissait Roland savait que le suicide était chez lui un thème récurrent, une obsession, une porte de sortie presque rassurante. Le suicide est cette liberté terrible des stoïciens, et il y avait du stoïcien chez Roland au-delà de son hédonisme élégant, résumé ainsi par Marc-Aurèle dans Pensées pour moi-même : "Il y a trop de fumée ici, je m’en vais". Le suicide, Roland connaissait : en leur temps son père et son grand-père avaient eux aussi choisi la nuit. Il écrivait dans "Les Carnets de mon père", un de ses "Billets du vaurien" qu’il donnait chaque semaine à Causeur : "Soyons francs : nous avons aimé vivre une fois, mais nous n’aimerions pas recommencer. C’était aussi l’opinion de mon père." C’est à 80 ans que son père avait tiré sa révérence. Roland a écrit et dit, souvent, qu’il n’avait pas l’intention de le dépasser en âge. Et de fait, il allait avoir 80 ans, le 22 septembre. Quand vous aimez quelqu’un, vous ne l’écoutez pas, ou vous ne voulez pas le croire. C’est oublier que derrière la désinvolture de Roland, derrière son élégante et éternelle dégaine d’adolescent filiforme, il était d’une terrible rigueur. Il n’épargnait personne de ses sarcasmes et surtout pas lui-même. Mais on se rassure comme on peut, quand on aime. Après tout, un de ses maîtres et amis, Cioran, n’avait-il pas dans toute son œuvre parlé du suicide comme seule solution rationnelle à l’horreur du monde sans jamais passer à l’acte ? 

Non, décidément, malheureux comme les pierres mais pas surpris : lundi 13 septembre, après des mois d’absence puisqu’il avait décidé de revenir vivre dans sa ville natale, à Lausanne, depuis le début de la crise sanitaire, il était apparu à une réunion de rédaction suivie d’un pot célébrant le départ d’un des nôtres. Il paraît évident, maintenant, qu’il était venu nous dire au revoir ou plus précisément, car là encore on méconnait trop souvent à quel point celui qui faisait profession de cynisme aimait l’amitié, il avait voulu passer un peu de temps avec nous une dernière fois. De quoi ai-je parlé avec Roland pour ce qui était, sans que je le sache, une ultime rencontre ? Je ne sais pas pourquoi, j’ai du mal à m’en souvenir. Je voudrais vous dire qu’il avait donné des indices implicites, ce ne serait pas vrai. Il avait son flegme habituel, son sourire oriental, son exquise courtoisie d’homme qui a perdu depuis longtemps toute illusion mais qui n’en fait pas un drame, courtoisie héritée de cette civilisation naufragée de la Mitteleuropa à laquelle avait appartenu sa mère autrichienne.

Je voudrais tout de même souligner, maintenant, son importance dans le paysage intellectuel français. Il a écrit des livres essentiels sur la psychanalyse avec laquelle il entretenait des rapports ambigus comme avec tout le reste, notamment L’exil intérieur en 1975. Il y disait d’une autre manière, ce que Debord avait cerné dans La Société du Spectacle : l’impossibilité dans le monde moderne pour les êtres de rencontrer d’autres êtres, et pire encore l’impossibilité pour l’homme de coïncider avec lui-même. Il a été aussi une des plus belles plumes du Monde comme critique des essais et surtout un éditeur hors pair aux PUF où sa collection, "Perspectives critiques", présente un catalogue de rêve. On lui doit la découverte d’André Comte-Sponville mais il a aussi publié Clément Rosset ou Marcel Conche et a assuré, à travers plusieurs autres auteurs, les noces de la philosophie et de la littérature : on y trouve ainsi les inclassables et tellement talentueux Romain Slocombe et Frédéric Pajak.

Après, d’autres le réduiront sans doute à une légende qu’il a malicieusement entretenue dans ses journaux intimes dont le monumental Le Monde d’avant (1983-1988) paru au début de l’année dont nous avons rendu compte dans Causeur. Son amitié, jamais reniée, avec Matzneff malgré les brouilles, son goût pour les jeunes filles qui ressemblaient à son idole, Louise Brooks, ou qui venait de l’Empire du Levant. Sa manière de jauger et de juger les hommes à la manière dont ils jouaient au ping-pong et aux échecs. Une de ses grandes tristesses fut d’ailleurs la fermeture pour rénovation du Lutétia, où on pouvait le trouver tous les dimanches dans les salons où il vous mettait très rapidement échec et mat. 

Au-delà de son refus de la postérité, celle qui consiste à avoir des enfants comme celle qui nous fait survivre à notre propre mort en étant encore lu dans vingt ou trente ans, le nihiliste Roland était un homme étonnamment soucieux de transmettre. Il refusait de l’admettre, il disait que je le taquinais, mais pourtant il suffit d’ouvrir un de ses livres pour avoir envie de lire les auteurs dont il parle : Cioran, bien sûr mais aussi son cher Amiel ou encore Paul Nizon. J’en oublie, forcément.

Je ne sais pas où est Roland désormais. Il se riait de mon communisme comme de mon catholicisme qui revient avec l’âge. Il n’empêche, je suis content d’avoir ses livres dans ma bibliothèque. Je vais le relire. C’est encore la meilleure des prières en même temps que le plus beau des hommages que je peux lui rendre. Le plus consolant aussi, car nous allons être un certain nombre, à Causeur et ailleurs, à avoir besoin d’être consolé.

Auteur: Leroy Jérôme

Info: Causeur, 21 sept 2021

[ eulogie ] [ écrivain-sur-écrivain ]

 
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géopolitique

L’Allemagne était [au début du 16e siècle] un pays sans unité : voilà l’essentiel. Il y avait, nombreux, forts, actifs, des Allemands, beaucoup d’Allemands parlant des dialectes voisins les uns des autres, ayant dans une large mesure des mœurs, des usages, des façons d’être et de penser communes. Ces Allemands formaient une "nation" au sens médiéval du mot. Ils n’étaient point groupés, tous, solidement, dans un État bien unifié et centralisé, corps harmonieux aux mouvements commandés par un unique cerveau.

Dans une Europe qui, partout, s’organisait autour des rois, l’Allemagne restait sans souverain national. Il n’y avait pas de roi d’Allemagne, comme il y avait, et depuis bien longtemps, un roi de France, un roi d’Angleterre, riches, bien servis, prestigieux, et sachant rallier aux heures de crise toutes les énergies du pays autour de leur personne et de leur dynastie. Il y avait un empereur, qui n’était plus qu’un nom, et un Empire qui n’était plus qu’un cadre. Dans ce cadre démesuré, le nom, le trop grand nom écrasait de son poids un homme faible, un homme pauvre — parfois un pauvre homme — qu’un vote, disputé comme un marché de foire, élevait finalement à la dignité suprême, mais impuissante.

En un temps où se révélait la valeur de l’argent, au temps décrit dans le livre classique d’Ehrenberg, l’empereur en tant que tel était un indigent. De son Empire il ne tirait plus rien de substantiel. La valeur d’une noisette, disait Granvelle — moins que, de leur évêché, certains évêques allemands. Fondus, les immenses domaines impériaux qui avaient fait la force des Saxons et des Franconiens. Concédés, aliénés, usurpés les droits régaliens, les droits de collation, tout ce qui aurait pu nourrir un budget régulier. Et cependant, plus que tout autre souverain de son temps, le prince au titre retentissant mais à qui les diètes, s’ingéniant, refusaient tout subside, aurait eu pour agir besoin d’être riche. Car, titulaire d’une dignité éminente et qui ne se transmettait pas, comme un royaume, par hérédité ; né d’un vote en faveur d’un prince chrétien qui n’était pas plus obligatoirement allemand que le pape n’était forcément italien   — l’empereur, courbé sous le poids d’une couronne lourde d’un trop lourd passé, devait courir partout, et veiller au monde en même temps qu’à l’Allemagne. Si, dans ce pays, son autorité de jour en jour périclitait — c’est que sa grandeur même empêchait d’agir ce souverain d’un autre âge. Elle le tenait enchaîné devant les véritables maîtres des pays germaniques : les princes, les villes.

Les princes avaient sur l’empereur une grande supériorité. Ils étaient les hommes d’un seul dessein. Et d’une seule terre. Ils n’avaient pas de politique mondiale à suivre, eux — pas de politique "chrétienne" à conduire. L’Italie ne les sollicitait pas. Ils ne dédaignaient point, certes, d’y faire de temps à autre un voyage fructueux. Mais ils n’allaient point là-bas, comme les empereurs, poursuivre des chimères vieillies ou d’illusoires mirages. Tandis que les Césars fabriqués à Francfort par les soins diligents de quelques-uns d’entre eux, se ruinaient en de folles et stériles aventures, une seule chose tenait les princes en souci : la fortune de leur maison, la grandeur et la richesse de leur dynastie. Précisément, à la fin du XVe siècle, au début du XVIe siècle, on les voit opérer un peu partout, en Allemagne, un vigoureux effort de concentration politique et territoriale. Plusieurs d’entre eux, profitant de circonstances favorables, de hasards heureux, s’employaient à constituer des états solides, moins morcelés qu’auparavant. Dans le Palatinat, en Wurtemberg, en Bavière, en Hesse, dans le Brandebourg et le Mecklembourg, ailleurs encore, la plupart des maisons qui, à l’époque moderne, joueront dans l’histoire allemande un rôle de premier plan, affirment dès le début du XVIe siècle une vigueur nouvelle et unifient leurs forces pour de prochaines conquêtes.

On va donc vers une Allemagne princière. On y va seulement. N’ayant point à sa tête de chef souverain vraiment digne de ce nom, l’Allemagne paraît tendre à s’organiser sous huit ou dix chefs régionaux, en autant d’états solides, bien administrés, soumis à un vouloir unique. Mais cette organisation, elle n’existe point encore. Au-dessus des princes il y a toujours l’empereur. Ils ne sont souverains que sous sa souveraineté. Et au-dessous d’eux, ou plutôt, à côté d’eux, il y a (pour ne point parler des nobles indisciplinés et pillards), les villes.

Les villes allemandes au seuil du XVIe siècle : une splendeur. Et telle, que les étrangers ne voient qu’elles lorsqu’ils visitent l’Allemagne, comme si l’éclat des cités éblouissait leurs yeux. Vingt capitales, chacune possédant en propre ses institutions, ses industries, ses arts, ses costumes, son esprit. Celles du Sud : l’Augsbourg des Fugger, porte d’entrée et de sortie du trafic italo-germain, préface pittoresque avec ses maisons peintes à fresque, du monde ultramontain. Mieux encore, Nuremberg, la patrie de Durer, de Fischer, d’Hans Sachs, de Martin Behaim, assise au pied de son Burg à mi-chemin entre Main et Danube. Mais celles du Nord aussi : l’industrieuse et réa-iste Hambourg, légère de scrupules et commençant sa magnifique ascension ; Lübeck, reine déjà déclinante de la Hanse ; Stettin, la ville du blé, et, tout au loin, Dantzig, ses vastes édifices, ses grandes églises de brique, enseignes d’une propriété sans défaillance. Sur le front oriental, Francfort-sur-l’Oder, entrepôt du trafic polonais ; Breslau, porte naturelle de la Silésie. Et à l’Ouest, sur le grand fleuve fougueux, la brillante pléiade des villes rhénanes, de Cologne à Bâle ; par-derrière, l’énorme marché francfortois ; et par-derrière encore Leipzig, un carrefour, au vrai cœur de cette Allemagne multiple. 

[…] Implantées au milieu des domaines princiers, elles [les villes] les trouent, les déchiquettent, limitent leur expansion, les empêchent de se constituer fortement. Elles-mêmes, peuvent-elles s’étendre ? Non. Se fédérer ? Non plus. Autour de leurs murailles, le plat pays : des campagnes soumises à un droit dont le droit de la ville est la négation. Là, sous des maîtres avides, des paysans incultes et grossiers, parfois misérables, prêts à se révolter et grondant sous le joug, étrangers en tout cas à la culture urbaine, si particuliers que les artistes peintres et graveurs ne se lassent pas de décrire leurs aspects sauvages, leurs mœurs primitives. Les villes veulent-elles s’entendre, collaborer ? Ce ne peut être que par-dessus de larges étendues, de vastes territoires hétérogènes qui contrastent avec elles, vigoureusement, en tout. Ces civilisations urbaines, si prestigieuses : des civilisations d’oasis. Ces villes : des prisonnières, vouées à l’isolement, et que guettent les princes, et qui se guettent l’une l’autre.

Leurs ressources, leurs richesses, à quoi vont-elles ? Aux arsenaux dont elles s’enorgueillissent, mais qui les ruinent. Aux canonniers, techniciens exigeants, qu’il faut payer très cher. Aux remparts, aux bastions sans cesse à réparer, parfois à modifier de fond en comble... Et encore, ces ressources, elles vont aux ambassades, aux missions diplomatiques lointaines, aux courriers sans cesse sur les hauts chemins et pour quelles randonnées furieuses ! Villes libres, elles payent leur liberté : trop cher. Car malgré tous les sacrifices, elles sont faibles, à la merci du prince qui s’installe sur le fleuve, en amont, en aval, pour barrer le trafic ; à la merci du hobereau qui les détrousse et les nargue, du haut de son nid d’aigle imprenable pour des milices bourgeoises, à la merci de la cité rivale, qui, rompant les accords, se retourne contre la voisine jalousée.

Faiblesse, sous des apparences de prospérité ; surprenante faiblesse politique contrastant avec tant de puissance économique. Ces cités si brillantes et qui offusquent de leur éclat nos villes françaises du temps, comme leurs bourgeois sont loin de ce sens national, de ce sens politique qui, aux époques de crise, groupe autour du roi toutes les bonnes villes de France empressées à maintenir Louis XI contre les hommes du Bien public, ou, contre les princes, Charles VIII ! Parties d’un tout bien ordonné, les cités françaises d’où la culture rayonne sur les campagnes qu’elles "urbanisent" à leur image. Les villes allemandes : des égoïsmes furieux, en lutte sans répit contre d’autres égoïsmes.

D’une telle situation, si fiers de leurs fortunes, de leur sens des affaires, de leurs belles réussites, les Allemands souffraient. Ils souffraient de ne former qu’un pays divisé, fait de pièces et de morceaux, sans chef, sans tête : un amalgame confus de villes autonomes et de dynasties plus ou moins puissants.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 64 à 67

[ historique ] [ teutons ] [ renaissance ]

 

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pouvoir oligarchique

Le véritable Big Brother

Jeff Bezos est le propriétaire du Washington Post, qui dirige les médias américains qui soutiennent et promeuvent le néoconservatisme, l'impérialisme américain et les guerres. Cela comprend des sanctions, des coups d'État et des invasions militaires contre des pays que les milliardaires américains veulent contrôler mais ne contrôlent pas encore - comme le Venezuela, la Syrie, l'Iran, la Russie, la Libye et la Chine.

Ce sont des guerres agressives contre des pays qui n'ont jamais agressé les États-Unis. Ils ne sont pas du tout sur la défensive, mais exactement le contraire. Ce n'est pas nécessairement une guerre sans fin (même Hitler n'avait pas prévu cela), mais une guerre jusqu'à ce que la planète entière soit passée sous le contrôle du gouvernement américain, un gouvernement qui est lui-même contrôlé par les milliardaires américains, les financeurs du néoconservatisme et de l'impérialisme - dans les deux principaux partis politiques américains, les think tanks, les journaux, les réseaux TV, etc.

Bezos a joué un rôle crucial dans le néoconservatisme, lors de la réunion Bilderberg du 6 au 9 juin 2013, il s'est arrangé avec Donald Graham, le propriétaire du Washington Post, pour acheter ce journal, pour 250 millions $. Bezos avait déjà négocié, en mars de la même année, avec le directeur néoconservateur de la CIA, John Brennan, un contrat de dix ans de 600 millions de dollars pour le cloud computing qui a transformé Amazon Corporation, qui était au départ une entreprise fiable et peu rentable, en une entreprise rentable et fiable.

La valeur nette de Bezos a donc augmenté encore plus Il est devenu le vendeur le plus influent non seulement pour les livres, mais aussi pour la CIA et pour des méga-corporations comme Lockheed Martin. L'impérialisme a gonflé sa richesse, mais il n'en est pas le seul responsable. Bezos est peut-être l'homme d'affaires le plus férocement doué de la planète.

Certains milliardaires américains ne se soucient pas autant que lui de la conquête internationale, mais tous acceptent le néoconservatisme ; aucun d'entre eux, par exemple, n'établit et ne donne de grosses sommes à des organisations anti-impérialistes ; aucun milliardaire américain n'est déterminé à mettre fin au règne du néoconservatisme, ni même à aider la lutte pour y mettre fin, ou du moins pour en finir avec sa prise sur le gouvernement américain. Aucune. Pas même un seul d'entre eux ne le fait.

Mais beaucoup d'entre eux créent et donnent des sommes importantes à des organisations néoconservatrices, ou dirigent des organes néoconservateurs comme le Washington Post. C'est comme ça que sont les milliardaires, du moins aux États-Unis. Tous sont impérialistes. Ils commanditent ; ils en font la promotion et embauchent des gens qui le font, et ils rétrogradent ou se débarrassent des gens qui ne le font pas. L'expansion d'un empire est extrêmement rentable pour ses aristocrates, et l'a toujours été, même avant l'Empire romain.

Bezos veut privatiser tout ce qui peut l'être partout dans le monde, comme l'éducation, les autoroutes, les soins de santé et les pensions. Plus les milliardaires contrôlent ces choses, moins tout le monde les contrôle ; et empêcher le public de les contrôler aide à protéger les milliardaires contre une démocratie qui augmenterait leurs impôts et contre une réglementation gouvernementale qui réduirait leurs profits en augmentant les dépenses de leurs sociétés. Ainsi, les milliardaires contrôlent le gouvernement afin d'augmenter leurs recettes publiques.

Avec l'aide de la promotion de guerre du Washington Post, Bezos est l'un des meilleurs vendeurs personnels au monde du complexe militaro-industriel américain. Il contrôle et est le plus grand investisseur d'Amazon corporation, dont la division Web Services fournit tous les services de cloud-computing au Pentagone, à la CIA et à la NSA. (Il mène la charge dans la technologie de reconnaissance faciale la plus avancée aussi.)

En avril, il y avait un gros titre, "CIA Considering Cloud Contract Worth'Tens of Billions'", qui pourrait faire grimper la richesse personnelle de Bezos bien plus haut dans la stratosphère).

Il domine également à l'échelle mondiale et augmente constamment son contrôle sur la promotion et la vente de livres et de films, parce que son Amazon est le plus grand détaillant au monde (et maintenant aussi l'un des plus grands éditeurs, producteurs et distributeurs.) Cela aussi peut avoir un impact énorme sur la politique et le gouvernement, indirectement, en favorisant les travaux les plus néocon contribuant à former le discours intellectuel (et les votes des électeurs) dans les pays.

Bezos écrase des millions de détaillants par sa capacité inégalée à contrôler un marché après l'autre en tant qu'Amazon ou en tant qu'intermédiaire essentiel pour - et souvent même en tant que contrôleur - les concurrents d'Amazon.

Il croit fermement au "libre marché", qu'il maîtrise peut-être mieux que quiconque. Cela signifie que Bezos soutient la capacité non régulée des milliardaires, par le biais de leur argent, de contrôler et éventuellement d'absorber tous ceux qui sont moins puissants qu'eux.

Parce qu'il est si doué pour amasser des richesses, il a réussi jusqu'à présent à se hisser au sommet mondial, comme un des individus les plus puissants du monde. Le plus riche de tous est le roi Salman d'Arabie saoudite, dont Aramco (la plus grande compagnie pétrolière du monde) vaut, à elle seule, plus d'un trillion de dollars. (Forbes et Bloomberg excluent les monarques de leur classement.)

En fait, Bloomberg est même tellement frauduleux à ce sujet qu'il a fait cette manchette le 10 août dernier, " Les 25 dynasties les plus riches de la planète contrôlent 1,4 billion de dollars " et a violé leur tradition en incluant sur leur liste un monarque, le roi Salman, qui est classé au quatrième rang des détenteurs de seulement 100 millions $, une estimation ridicule qui ne se borne pas à Aramco mais qui exclut sans vergogne la totalité de la fortune nette d'Arabie saoudite.

Bloomberg n'a même pas essayé de justifier leur méthodologie farfelue, mais a simplement présumé la crédulité du lecteur pour son acceptation. Ce roi est donc au moins sept fois plus riche que Bezos. Il est peut-être aussi puissant que Bezos. L'héritier suprême est beaucoup plus riche même que le milliardaire suprême, ou "entrepreneur".

Certes, les deux hommes sont parmi les géants qui dominent le monde à notre époque. Et les deux hommes sont des Libertariens - champions de la croyance que les droits de propriété (dont les milliardaires ont tant) sont la base de tous les droits, et ils croient donc que les personnes les plus riches possèdent le plus de droits, et que les plus pauvres en ont le moins, et que toutes celles dont la valeur nette est négative (ayant plus de dettes que de biens) ne possèdent aucun droit sauf les dons ou autres subventions de riches, par bienveillance ou autre (comme les liens familiaux).

C'est cela - la privatisation de tout - c'est ce qu'est le libertarianisme : la valeur d'une personne est sa "valeur nette" - rien d'autre. Cette croyance est du pur libertarianisme. C'est une croyance que beaucoup, sinon la plupart des milliardaires ont. Les milliardaires sont impérialistes parce qu'ils cherchent à maximiser la liberté des super-riches, qu'il s'agisse d'augmenter leurs recettes auprès de tous ceux qui ne sont pas super-riches ou de les appauvrir. Ils ont une idéologie cohérente. C'est basé sur la richesse. Du coup le public croit plutôt aux mythes que les milliardaires propagent.

Comme tout milliardaire, Bezos embauche et retient des employés et d'autres agents qui font ce qu'il/elle veut qu'ils fassent. C'est leur pouvoir direct. Mais les milliardaires possèdent aussi un pouvoir indirect énorme en raison de leurs interdépendances, car chaque grande société est liée par contrat à d'autres sociétés, surtout à de grandes sociétés comme la leur ; et, par conséquent, le pouvoir que possède un milliardaire donné est en fait un pouvoir partagé avec les autres. (Un exemple était l'accord conclu par Bezos avec Graham.)

Collectivement, ils travaillent en réseau, même avec ceux qu'ils n'auraient peut-être jamais rencontrés personnellement, mais seulement par l'intermédiaire de leurs représentants, et même avec leurs propres principaux concurrents économiques. Il s'agit d'un pouvoir collectif que les milliardaires possèdent en plus de leur pouvoir individuel en tant que payeurs d'employés et autres agents.

Alors que Winston Smith, dans le roman allégorique prophétique "1984", demandait à son supérieur et tortionnaire O'Brien : "Est-ce que Big Brother existe ?"

"Bien sûr qu'il existe. Le Parti existe. Big Brother est l'incarnation du Parti."

"Existe-t-il de la même façon que moi ?"

" Tu n'existes pas", dit O'Brien.

Ce pouvoir collectif est incarné par Bezos aussi bien que tout milliardaire. Quelques-uns des autres l'incarnent peut-être aussi, comme Bill Gates, Warren Buffett, Larry Ellison, Mark Zuckerberg, Charles Koch, Sergey Brin, Michael Bloomberg, George Soros et Jack Dorsey. Ils se font concurrence et ont donc des priorités différentes pour le gouvernement américain, mais ils sont tous d'accord bien plus qu'ils ne sont en désaccord sur ce que le gouvernement "devrait" faire (surtout que l'armée américaine devrait être renforcée - aux frais des contribuables, bien sûr, pas aux leurs).

Fondamentalement, ce Big Brother, dans le monde réel, est remarquablement cohérent et unifié - bien plus que le public - et c'est l'une des raisons pour lesquelles ils contrôlent le gouvernement, contournant le public.

Voici comment tout cela se passe, en termes de ce que les agents de Bezos ont accompli :

Son Amazon paie peu ou pas d'impôts fédéraux parce que le gouvernement fédéral a écrit les lois fiscales pour encourager les entreprises à faire le genre de choses que Bezos a toujours voulu qu'Amazon fasse.

Le gouvernement américain encourage donc les méga-sociétés, par le biais de taxes et de règlements, à écraser les petites entreprises en rendant leur croissance plus difficile. Cela verrouille quelque peu l'aristocratie existante pour qu'elle soit moins auto-construite (comme l'était Bezos lui-même, mais ses enfants ne le seront pas).

Les politiciens élus appuient massivement cette idée parce que la plupart des fonds de leur campagne électorale provient de ces personnes très riches, leurs employés et autres agents. C'est un système auto-renforçant. Le super-riche contrôle le gouvernement, qui (avec les super-riches et leurs sociétés) contrôle le public, ce qui réduit les possibilités économiques pour eux. Le résultat final est un renforcement institutionnel de l'extrême inégalité des richesses, qui devient de plus en plus extrême.

Les milliardaires sont les vrais Big Brother. Et Bezos est le plus grand de tous.

Auteur: Zuesse Eric

Info: https://consortiumnews.com, Août 2019

[ mondialisation ]

 

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citation s'appliquant à FLP

A l'origine il y a cet atavisme, l'attrait et le plaisir des formules verbales. Mais que dans la tête donc, parce qu'à l'époque, on n'avait pas de portables pour enregistrer en vitesse un bon mot sur la fonction dictaphone... Plus tard je me suis amusé à noter les idées, marrantes ou pas. J'avais mes petits papiers... cahiers...

Mon premier ordinateur était un Atari, avec une mémoire de termite : 500 ko si je me rappelle bien, c'était l'équivalent d'une disquette d'alors. Mais quel ne fut pas mon plaisir, par ce confort informatique soudain, de pouvoir conserver et organiser les extraits qui me plaisaient. Et surtout corriger et peaufiner mes propres textes au fur et à mesure. Et puis arriva Microsoft Office et surtout Excel, ce qui permit l'ouverture de deux bases de données, parallèles aux textes proprement dits, bases qui n'ont cessé de se développer depuis : une pour les auteurs (avec les dates, pays, profession, etc..) l'autre avec les catégories et leurs corrélats... J'étais sur la voie d'un début d'organisation.

De fils en aiguille, les années passant et les ordinateurs s'améliorant, sans oublier l'irruption d'Internet, cette manie s'amplifia... J'en vins à parler de ce syndrome quasi maladif avec un élève de mes cours de musique, Fabrice. Etant informaticien, il se proposa de programmer un logiciel PHP afin de classer le moins mal possible ces données. Il fut décidé de faire simple, en taguant les textes/formules à deux niveaux distincts : CATEGORIE et CORRELATS. La recherche pouvant ensuite se combiner de multiples manières (par corrélat, mot du texte, catégorie, auteur, etc... et leurs mélanges). Il faut aussi savoir que le mot du tag n'apparait pas dans le texte cible, ce qui constitue une véritable VALEUR AJOUTEE, même si elle est subjective. Ainsi se sont développées des grappes de citations classées par catégories... Les tags des corrélats venant soit en éclairage secondaire soit, en les prenant tous ensemble, comme un mur de mots venant préciser l'extrait où la formule. En même temps se développaient les deux bases. Celle des auteurs permettant d'avoir une structure temporelle très intéressante puisqu'on peut voir les 21000 auteurs se déployer chronologiquement sur près de 5000 ans, en commençant par les égyptiens. Et celle des catégorie et des corrélats, structure centrale de tous les tags connectés, tablés sur Excel, un peu comme une transposition des associations diverses - et bien sûr subjectives - de mon petit cerveau... Outil fort utile ma foi quand, ne sachant plus trop quoi faire pour taguer ou associer intelligemment une citation ou un mot, je m'y réfère, utilisant aussi beaucoup les dictionnaires de synonymes en ligne pour ce faire.

Il y a bien sûr énormément de manques, de redondances, d'erreurs, doublons... Cette application est tout sauf exhaustive. Je conserve cependant espoir que l'électronique aidant il sera toujours plus aisé de corriger, d'augmenter les entrées, d'affiner et de contrôler mieux les tags, etc., d'autant qu'avec une mise en ligne on pourra user du retours des internautes. Tiens, par exemple il fut ajouté sur suggestion externe un filtre pour pouvoir choisir la longueur du texte recherché. (actuellement 25 mots au max, ou 100, ou illimité). L'établissement des catégories est une problématique complexe. Il faudrait pouvoir synthétiser le plus possible avec un mot unique ce qui est impossible. Et puis la langue évolue... et nous aussi... et chacun a sa manière de voir. Bref je me suis de fait retrouvé à établir des "mots clefs catégories" toujours plus affinés, et qui s'affineront encore avec le temps je suppose. Exemples : hommes-par-femmes, femmes-par-hommes, dialogue-web (pour mes emprunts sur les chats), pensée-de-femme, art-de-vivre, fond-forme... et beaucoup d'autres que vous découvrirez si vous vous promenez sur l'application.

Ainsi, au fil des années, (à ce jour près d'une trentaine), s'est établi une routine matinale d'une ou deux heures où je vais à la pêche aux extraits. Une prédation qui prend plusieurs formes. D'abord la traduction (de l'anglais et de l'allemand, avec une dilection pour les sciences et l'humour), ce qui constitue un excellent exercice, et qui permet parfois d'importer des idées différentes dans la langue française. Ensuite par le surf, au hasard d'un concept, en allant sur des sites spécialisés ou autre. Enfin, en lisant tel livre ou tel dictionnaire et en en annotant les parties que je fais ensuite saisir par ma fille ainée - contre salaire ! Cette marotte matinale me permet du coup de noter les idées qui me viennent au cours du processus. Transmutées en langage électronique je les tague aussi, avant de les mettre dans la base de données, ce qui me permet, oh immense présomption, de mêler mon nom et mes cogitations à celles d'immenses créateurs... tout autant qu'à celles d'illustre inconnus. 

Je me vois souvent mieux en sémanticien-joueur-explorateur, plutôt qu'en écrivain ou compilateur ; le langage - en tant qu'émergence de codes de communication - m'intéresse finalement plus que les histoires proprement dites. On pourra donc déceler un fort tropisme vers les jeux de mots, la poésie, les réparties amusantes, les paradoxes...

Mais en fait, ce qui est passionnant ici, c'est de taguer. Car classer est une forme de jugement, de critique... (avec une petit pensée au passage pour Perec). Alors : classer de manière neuronale ?!.. Bref c'est un plaisir, une quête... Du coup j'ai pris aussi quelques voies latérales, établissant par exemple, à l'aide de sites spécialisés, un classement personnel des personnages importants de l'histoire et de la pensée humaine dans plusieurs domaines (penseurs militaires, philosophes, maîtres spirituels...). Ce qui me permit, en utilisant ma classification des écrivains clefs, d'ouvrir quelques catégories sur certains pivots de la littérature mondiale. On retrouvera donc des textes où sont commentés Dostoïevski, Nietzsche, les grecs anciens, Montaigne, Dante, Shakespeare, Cervantès, etc. Auteurs qui se retrouvent de fait être les seuls et uniques à exister aussi bien dans la base de données "auteurs" que dans celle des "mots/clefs et corrélats". La problématique du tri sélectif dans l'histoire de la culture humaine a toujours été une grande interrogation personnelle. Pourquoi ceci ou cela demeure dans la culture humaine.

Il existe beaucoup de pistes pour des éléments de réponse mais il me semble que j'aurai vécu cette époque charnière, c'est à dire celle d'une explosion informatique ou l'outil intellectuel s'est retrouvé multiplié de manière incroyable. De fait ce délire personnel participera peut-être d'une manière ou d'une autre à quelque forme de tri futur ? Allons savoir.

On aura donc compris combien l'application FLP ne fut initiée que par des choix subordonnés à mon bon plaisir, mon goût pour l'ordre et la fantaisie... et aussi une ouverture naturelle que je ne réfrène aucunement. C'est à dire, pour être vraiment clair, que j'ai toujours eu une appétence autant pour le sérieux que pour le vulgaire, le superficiel, voire le grossier choquant... Est-ce ce qu'on appelle aimer les extrêmes ? Avec pour résultat que j'ai parfois une légère honte rétrospective quant à certaines catégories : porno, vulgarité... Je n'y suis parfois pas allé avec le dos de la cuillère... je ne sais pas me restreindre je vous dis... et comme l'informatique ne nous limite pas en terme de mémoire...

A aussi émergé, avant de bien se développer, une catégorie "Citations s'appliquant au logiciel", à l'instar de "Titre possible pour ce logiciel", qui permettent de consulter un grand nombre du vues que moi ou d'autres considèrent comme pertinentes quant à la définition de cette application.

Maintenant une de mes principales espérance reste qu'il devrait être possible pour tout un chacun, avec cet outil, tout comme je le fais moi-même, de développer et de fixer des filaments de pensées, (voir sous Memex) un peu à l'image de ces photos de l'univers où l'on voit les amas de galaxies s'étirer en de grands lambeaux dorés... J'ai vécu beaucoup de ces "voyages sur un concept" de par et grâce à l'organisation de cette base de donnée, les voyant se développer malgré moi en fonction de l'avancée de l'indexation de tel ou tel mot. Une des premières rubriques qui fit scintiller mes neurones se passa avec ce beau mot : "réminiscence"...

Beaucoup de catégories se sont donc développées en parallèle, certaines comme "humour" ou "littérature" venant au fil du temps envelopper de grands pans de la base. D'autres prenant de très grandes dimensions en terme de nombre d'entrées : femmes-hommes, déclarations d'amour, justifications... Au point qu'un jour cela donna lieu à l'édition d'un recueil, les "dernières paroles". J'avais fait sans le savoir de l'édition "en live".

Il y a aussi quelques domaines où, de par ma curiosité propre, mon parcours de vie et l'accumulation des données, j'ai la faiblesse de m'auto bombarder "connaisseur". En voici quelques-uns : musique, extraterrestres, judaïsme...

Il y eu souvent aussi des périodes, de quelques jours à quelques semaines, où je me suis concentré sur un mot/concept/catégorie précis, comme : haïkus, questions, positiver, réparties, quête.... Ou mieux. Suite à des demandes, il m'est arrivé de faire des recherches plus précises. Sur deux mots par exemple. Un jour une connaissance m'interrogea sur l'existence d'un extrait "littéraire" où serait décrit quelqu'un en pleine lecture lors d'une forte pluie. Ne trouvant pas l'extrait, je l'ai écrit. Eh oui... Le client est finalement roi !! Donc, pour qui utiliserait le logiciel pour ce cas précis, il lui faudra faire une recherche qui associera ces deux mots : pluie et lecture.

Et puis il y eut la rencontre avec cet incroyable logicien sémanticien que fut C.S. Peirce, qu'on pourra découvrir via les extraits que nous avons intégrés, sur Internet... ou dans la profession de foi de FLP. Et puis je fis connaissance avec notre chère Colimasson dont les retours et autres remontrances aidèrent, à partir de 2015, à préciser beaucoup de choses. Et puis il y a tous les autres contributeurs, que je ne puis que chaleureusement remercier ici. 

Bon, assez, je vous laisse essayer si ça vous dit -, moi j'y retourne. Ces temps j'ai un petit faible pour "crépuscule" et "source"... Que suis-je d'autre, ma foi, que la personne, subjective et égocentrée, à la source de cette compilation multidimensionnelle. Le dico des avocats ? Devenu FLP.

Avec maintenant les chatbots, bons outils comparatifs, qui nous aident à préciser certaines choses.

Auteur: Mg

Info: 24 nov. 2012. Précisé et mis à jour au fil du temps

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