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gafam

"Beaucoup de ficelles invisibles dans la tech nous agitent comme des marionnettes."

Ancien ingénieur de Google, Tristan Harris dénonce les pratiques de son ancien employeur et des grands groupes de la Silicon Valley. Il exhorte les chefs d'États et citoyens à exercer un contre-pouvoir contre leur influence nocive. Cet ancien ingénieur employé de Google, spécialiste en éthique en technologies, alerte depuis plusieurs années le monde des technologies sur les dérives qu'il a contribué à créer. Avec un certain succès. Son initiative "déconnexionniste" Time Well Spent a fait de lui un speaker remarqué et invité par les PDG de la tech. Désormais, il vise les citoyens. À l'occasion de sa tournée européenne, des couloirs de Bruxelles à l'Elysée, en passant par le MAIF Social Club. Le Figaro l'a rencontré.

- Pourquoi êtes-vous parti en guerre contre les réseaux sociaux et les géants du Web?

- TH Ces entreprises sont devenues les acteurs les plus puissants au monde, plus que les États. Nous sommes 2 milliards à être sur Facebook, soit davantage de fidèles qu'en compte le christianisme. 1,5 milliard sur YouTube chaque mois, soit plus de fidèles qu'en compte l'Islam. Et à partir du moment où nous éteignons l'alarme de nos smartphones - que nous consultons en moyenne 150 fois par jour - nos pensées vont être perturbées par des pensées que nous n'avons pas choisies, mais que les entreprises technologiques nous soumettent. En ouvrant Instagram, on observe que ses amis se sont amusés sans vous. Cette idée ne vous serait jamais venue sans qu'un acteur des technologies ne l'ait faite advenir.

- En quoi est-ce si grave? Les réseaux sociaux finissent par construire une réalité sociale alternative. Cela pose des problèmes de santé publique, notamment chez les plus jeunes qui sont sans cesse soumis à des images de leurs amis montrés sous leur meilleur jour et ont une vision déformée de la normalité. Cela pose aussi des problèmes de polarisation: les réseaux sociaux ont tendance à mettre en avant les comportements extrêmes, ce qui pose un troisième problème, cette fois-ci démocratique, car cela influence l'opinion. La question relève enfin de l'antitrust: ces entreprises ont un pouvoir inégalable avec toutes les données qu'elles manipulent chaque jour. "Non seulement Facebook sait quelle photo de votre ex-petite amie vous regardez sur Instagram, mais aussi quels messages vous écrivez sur WhatsApp."

- Les concepteurs de ces technologies sont-ils conscients d'exercer un tel pouvoir?

- Non! Il y a beaucoup de personnes qui ont une conscience dans la Silicon Valley et s'inquiètent des conséquences de leur travail. Mais si on y réfléchit bien, quand on a entre 20 et 30 ans, qu'on est un jeune ingénieur qui n'a jamais rien fait d'autre que coder et qu'on débarque chez Google, on pense avant tout à toutes les choses incroyables que l'on peut réaliser avec son travail. Pas aux instabilités géopolitiques que ces outils peuvent permettre de créer. Les employés de ces grandes entreprises ne réalisent pas leur pouvoir.

- N'est-ce pas la faute d'une culture d'entreprise qui déresponsabilise ses employés? - Ces entreprises font en sorte que les employés n'aient pas une image "globale" de l'impact de leur travail. Je pense que des comparaisons historiques peuvent être faites avec des régimes autoritaires. J'ai beaucoup étudié le fonctionnement des cultes et j'y vois aussi des similitudes. Quand Facebook répète sans cesse cette devise, "nous aidons le monde à être plus connecté", cela devient performatif et on ne voit plus que cela.

- Les employés de Facebook sont payés très cher pour ne pas se poser de questions.

- De la même façon, ils ne parlent pas d'un problème d'addiction aux technologies mais d'"engagement". Et ils ne disent pas à leurs ingénieurs de concevoir des outils de manipulation des esprits mais des outils pour "augmenter l'engagement sur de la publicité ciblée", car aucun ne voudrait travailler pour eux sinon. Pour reprendre l'écrivain Upton Sinclair, vous ne pouvez pas demander à des gens de se poser des questions quand leur salaire dépend du fait de ne pas se les poser. Et les employés de Facebook sont payés très cher pour ne pas se poser de questions.

- N'avez-vous pas l'impression d'utiliser une rhétorique de la peur parfois exagérée à l'égard des technologies?

- Je suis d'accord avec ceux qui me critiquent pour défendre un modèle de la peur! (rires) Parce que fondamentalement, je m'intéresse à la question du pouvoir, et qu'il y a une sorte de vérité dérangeante dans la Silicon Valley. Plusieurs PDG comme Eric Schmidt (ex-Google) ou Mark Zuckerberg (Facebook) ont déclaré que la vie privée était morte. Aujourd'hui, avec une intelligence artificielle entraînée, je peux en effet établir votre profil psychologique en étudiant vos clics, vous identifier à travers votre géolocalisation dans moins de cinq lieux, mesurer votre taux de stress ou d'excitation avec la reconnaissance faciale. Nous allons vivre dans un monde où de plus en plus de technologies vont intercepter des signaux de ce que nous pensons avant même que nous n'ayons conscience de le penser, et nous manipuler.

- Avez-vous l'impression que vos idées sont entendues par le grand public?

- Les gens n'ont pas conscience de l'ampleur de ce que l'on peut déjà faire avec de la publicité ciblée. Il est facile de se dire que nous sommes informés ou éduqués, et que cela ne nous arrive pas à nous, plus malins que les autres. Je veux éveiller les consciences là-dessus: absolument tout le monde, sans exception, est influencé par des ressorts qu'il ne voit pas. Exactement comme dans les tours de magie.

- Comment cela fonctionne-t-il concrètement?

- "Absolument tout le monde, sans exception, est influencé par des ressorts qu'il ne voit pas". Il y a beaucoup de "dark patterns" dans les technologies, c'est-à-dire des ficelles invisibles qui nous agitent comme des marionnettes. Elles reposent sur la captation d'attention par les biais cognitifs, l'excitation... Par exemple, nous vérifions sans cesse les notifications des téléphones en espérant y voir leurs jolies couleurs vives, nous scrollons car il y a toujours de la nouveauté, nous regardons la prochaine vidéo YouTube car elle est bien suggérée...

- Imaginons maintenant que vous vouliez quitter Facebook: pour vous garder, Facebook pourrait envoyer une notification à l'un de vos amis qui a pris une photo de vous, et lui demander "Veux-tu taguer cette personne?". En général, cette question s'assortit d'un gros bouton bleu marqué "OUI" pour que l'ami clique dessus. Il suffit ensuite à Facebook de vous envoyer un mail pour vous dire "Tel ami vous a tagué sur telle photo" et cela vous incite à revenir. Toute l'industrie de la tech utilise ces ressorts.

- N'est-ce pas seulement une certaine élite qui peut savoir comment échapper à ce type de manipulation?

- Complètement, et c'est bien pour cela que nous voulons forcer les entreprises à changer directement leurs pratiques pour le plus grand nombre. Nous ne pouvons pas souhaiter un monde où seulement 1% de personnes savent comment paramétrer leur téléphone en noir&blanc pour ne plus être autant sollicité par les boutons rouges des notifications, ou savent comment régler leurs paramètres. Nous devons faire en sorte que le design de l'attention soit vertueux par défaut, que les modèles économiques de ces entreprises reposent moins sur le temps passé. Google vient de le faire et cela établit un précédent qui pourrait pousser Apple à faire de même.

- Peut-on vraiment avoir confiance quand ces entreprises prétendent nous guérir de l'addiction ou des manipulations qu'elles ont elles-mêmes créées ?"

- Pour moi, c'est le rôle de Facebook de veiller à ce qu'une élection ne soit pas manipulée, et le rôle de Google de restreindre notre addiction. Pour autant, nous ne devons pas les croire sur parole, car ils ont toujours un pouvoir considérable. Facebook est comme un prêtre qui écouterait les confessions de 2 milliards d'individus, sauf que la plupart ne savent même pas qu'ils passent à confesse! Non seulement ils savent quelle photo de votre ex-petite amie vous regardez sur Instagram, mais aussi quels messages vous écrivez sur WhatsApp. Avec leurs traceurs sur plus d'un tiers des sites internet, ils savent que vous songez à changer d'assureur avant même que vous ayez franchi le cap. Ils savent aussi ce que vous allez voter. Et ils vendent ce savoir à des marques pour qu'au confessionnal, on vous suggère telle ou telle action. Je ne dis pas que Facebook et son confessionnal virtuel ne devraient pas exister, mais je dis qu'il ne devrait pas avoir un modèle économique qui ait autant de pouvoir. L'Europe va sombrer si nous ne changeons pas ce système.

Auteur: Harris Tristan

Info: Interview d'Elisa Braun, le Figaro, 31/05/2018

[ big brother ] [ PNL ] [ culture de l'epic fail ] [ captage de l'attention ]

 

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perception humaine

Les schémas mathématiques secrets révélés par la musique de Bach

Le compositeur baroque allemand Jean Sébastien Bach a produit une musique si bien structurée qu'elle est souvent comparée aux maths. Bien que peu d'entre nous soient émotionnellement affectés par les mathématiques, les œuvres de Bach - et la musique en général - nous émeuvent. C'est plus que du son ; c'est un message. Désormais, grâce aux outils de la théorie de l'information, les chercheurs commencent à comprendre comment la musique de Bach fait passer ce message.

En faisant de ses partitions de simples réseaux de points, appelés nœuds, reliés par des lignes, nommeés bords, les scientifiques ont quantifié les informations véhiculées par des centaines de compositions de Bach. Analyse de ces réseaux musicaux publiée le 2 février dans Physical Review Research qui révèle que les nombreux styles musicaux de Bach, tels que les chorales et les toccatas, différaient considérablement dans la quantité d'informations qu'ils communiquaient - et que certains réseaux musicaux contenaient des structures qui pouvaient faciliter la compréhension de leurs messages par les auditeurs humains.

" Je trouve cette idée vraiment cool ", explique le physicien Suman Kulkarni de l’Université de Pennsylvanie, auteur principal de la nouvelle étude. " Nous avons utilisé des outils de la physique sans faire d’hypothèses sur les pièces musicales, en commençant par cette simple représentation et en voyant ce qui peut nous dire sur les informations qui sont transmises. "

Les chercheurs ont quantifié le contenu de toute cette information, des séquences simples aux réseaux enchevêtrés, utilisant le concept d'entropie de l'information, introduit par le mathématicien Claude Shannon en 1948.

Comme son nom l'indique, l'entropie de l'information est mathématiquement et conceptuellement liée à l'entropie thermodynamique. Elle peut être considérée comme une mesure du degré de surprise d'un message - "message" qui peut être tout ce qui transmet des informations, d'une séquence de nombres à un morceau de musique. Cette perspective peut sembler contre-intuitive, étant donné que, dans le langage courant, l'information est souvent assimilée à la certitude. Mais l'idée clé de l'entropie de l'information est qu'apprendre quelque chose que l'on sait déjà n'est pas apprendre du tout.

Une conversation avec une personne qui ne sait exprimer qu'une chose, comme le personnage Hodor dans la série télévisée Game of Thrones, qui dit seulement " Hodor ", sera prévisible mais pas informationelle. Une discussion avec Pikachu sera un peu meilleure ; le Pokémon ne peut dire que les syllabes de son nom, mais il peut les réarranger, contrairement à Hodor. De même, une pièce de musique ne comportant qu'une seule note sera relativement facile à "apprendre" par le cerveau, c'est-à-dire à reproduire avec précision sous la forme d'un modèle mental, mais le morceau aura du mal à faire passer un quelconque message. Regarder un jeu de pile ou face avec une pièce à deux têtes ne donnera aucune information.

Bien sûr, envoyer un message plein d'informations n'est pas très bon si le quelque chose - ou qui que ce soit - qui le reçoit ne peut  comprendre avec précision ces informations. Et quand il s'agit de messages musicaux, les chercheurs travaillent encore sur la façon dont nous apprenons ce que la musique essaie de nous dire.

" Il existe quelques théories différentes ", explique le cognitiviste Marcus Pearce de l’université Queen Mary de Londres, qui n’a pas participé à la récente étude de la recherche sur l’évaluation physique. " La principale, je pense, en ce moment, est basée sur l’apprentissage probabiliste. Dans ce cadre, "apprendre" la musique signifie construire des représentations mentales précises des sons réels que nous entendons - ce que les chercheurs appellent un modèle - par un jeu d'anticipation et de surprise. Nos modèles mentaux prédisent la probabilité qu'un son donné vienne ensuite, sur la base de ce qui a précédé. Ensuite, explique M. Pearce, " on découvre si la prédiction était juste ou fausse, et on peut alors mettre à jour son modèle en conséquence".

Kulkarni et ses collègues sont physiciens, pas musiciens. Ils voulaient utiliser les outils de la théorie de l'information pour explorer la musique à la recherche de structures d'information qui pourraient avoir quelque chose à voir avec la façon dont les humains glanent un sens de la mélodie.

Ainsi Kulkarni a transformé 337 compositions de Bach en bandes de nœuds interconnectés et calculé l'entropie de l'information des réseaux qui en résultent. Dans ces réseaux, chaque note de la partition d'origine est un noeud, et chaque transition entre notes est un pont. Par example, si une pièce inclut une note Mi suivie d'un Do et d'un Sol joués ensemble, le noeud représentant E sera relié aux noeuds représentant Do et Sol.

Les réseaux de ce notation transitions dans la musique de Bach ont générés plus de poinçon d'information que des réseaux de même taille générés aléatoirement - le résultat d'une plus grande variation dans les degrés nodaux des réseaux, c'est-à-dire le nombre d'arêtes connectées à chaque nœud. En outre, les scientifiques ont découvert des variations dans la structure de l'information et le contenu des nombreux styles de composition de Bach. Les chorals, hymnes destinés à être chanté, ont donné lieu à des réseaux relativement pauvres en informations, bien que plus riches en informations que les réseaux de même taille générés de manière aléatoire. Les toccatas et les préludes, styles musicaux souvent écrits pour des instruments à clavier tels que l'orgue, le clavecin et le piano, présentant une entropie de l'information plus élevée.

" J’ai été particulièrement excité par les niveaux plus élevés de surprises dans les toccatas que dans les œuvres chorales ", explique le co-auteur de l’étude et physicien Dani Bassett de l’Université de Pennsylvanie. " Ces deux types de pièces sonnent et résonnent différement dans mes os, et ça m'a passionné de voir que cette distinction se manifeste dans l'information de composition. "

Ces structures de réseau dans les compositions de Bach pourraient également permettre aux auditeurs humains d'apprendre plus facilement certaines choses. Les humains n'apprennent pas parfaitement les réseaux. Nous avons des préjugés, dit Bassett. " Nous ignorons en quelque sorte certaines des informations locales au profit de la vue d’une image plus grande de l’information sur l’ensemble du système ", ajoute-t-ils. En modélisant ce biais dans la façon dont nous construisons nos modèles mentaux de réseaux complexes, les chercheurs ont comparé l'ensemble des informations de chaque réseau musical à la quantité d'informations qu'un auditeur humain en tirerait.

Des réseaux musicaux contenaient des groupes de transitions de notes pourraient aider nos cerveaux biaisés " apprendre " la musique - à reproduire la structure informationnelle de la musique avec précision en tant que modèle mental - sans sacrifier beaucoup d'informations.

" La façon dont elles saisissent l’aptitude à l’apprentissage est assez intéressante ", déclare Peter Harrison de l’Université de Cambridge, qui n’a pas participé à l’étude. " C'est très réducteur dans un certain sens. Mais c'est tout à fait complémentaire avec d'autres théories que nous connaissons, et l'aptitude à apprendre est assez difficile à maîtriser ".

Ce type d'analyse de réseau n'est pas particulier à Bach et il pourrait fonctionner pour n'importe quel compositeur. Pearce dit qu'il sera  intéressant d'utiliser cette approche pour comparer différents compositeurs ou rechercher des tendances informatives à travers l'histoire de la musique. Pour sa part, Kulkarni est excité à l'idée d'analyser les propriétés d'information de partitions d'au-delà de la tradition musicale occidentale.

La musique n'est pas seulement une séquence de notes, note cependant Harrison. Le rythme, le volume, le timbre des instruments, ces éléments sont des aspects importants des messages musicaux qui n'ont pas été pris en compte dans cette étude. Kulkarni dit qu'il sera intéressé par l'inclusion de ces aspects de la musique dans ses réseaux. Le processus pourrait également fonctionner dans l'autre sens, ajoute M. Harrison : plutôt que réduire les caractéristiques musicales à un réseau, il sera intéressant de savoir comment les caractéristiques du réseau se traduisent par des éléments qu'un musicien reconnaîtrait.

Un musicien dira : " Quelles sont les règles musicales réelles, ou les caractéristiques musicales, qui en sont à l’origine ? Puis-je l’entendre sur un piano ? " précise Harrison.

Enfin, on ne sait pas encore exactement comment les modèles de réseaux identifiés dans la nouvelle étude se traduisent dans l'expérience vécue à l'écoute d'un morceau de Bach - ou de n'importe quelle musique, précise M. Pearce. La résolution de ce problème relèvera de la psychologie musicale, poursuit-il. Des expériences pourraient révéler "si, de fait, ce genre de choses est perceptible par les gens et quels sont leurs effets sur le plaisir que les gens éprouvent lorsqu'ils écoutent de la musique". De même Harrison se dit intéressé par des expériences visant à vérifier si les types d'erreurs d'apprentissage en réseau que les chercheurs ont modélisés dans cette étude sont réellement importants pour l'apprentissage de la musique.

"Le fait que les humains présentent ce type de perception imparfaite et biaisée de systèmes informationnels complexes est essentiel pour comprendre comment nous nous impliquons dans la musique", explique M. Bassett. "Comprendre la complexité informationnelle des compositions de Bach ouvre de nouvelles questions sur les processus cognitifs qui sous-tendent la manière dont nous apprécions les différents types de musique."

Auteur: Internet

Info: https://www.scientificamerican.com, 16 féb 2024. Elise Cutts - Secret Mathematical Patterns Revealed in Bach's Music

[ sentiment naturel ] [ approfondissement découverte ] [ dépaysement plaisir ] [ cybernétisation ] [ simple compliqué ] [ occulte harmonie ]

 
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exobiologie

Les doutes grandissent quant à l’approche biosignature de la chasse aux extraterrestres

Les controverses récentes sont de mauvais augure pour les efforts visant à détecter la vie sur d’autres planètes en analysant les gaz présents dans leur atmosphère.

En 2020, des scientifiques ont détecté un gaz appelé phosphine dans l’atmosphère d’une planète rocheuse de la taille de la Terre. Sachant qu'il est impossible de produire de la phosphine autrement que par des processus biologiques, "les scientifiques affirment que quelque chose de vivant est la seule explication de l'origine de ce produit chimique", a rapporté le New York Times . En ce qui concerne les " gaz biosignatures ", la phosphine semblait être un coup de circuit.

Jusqu'à ce que ce ne soit plus le cas.

La planète était Vénus, et l’affirmation concernant une potentielle biosignature dans le ciel vénusien est toujours embourbée dans la controverse, même des années plus tard. Les scientifiques ne peuvent pas s'entendre sur la présence de phosphine là-bas, et encore moins sur la question de savoir si cela constituerait une preuve solide de l'existence d'une biosphère extraterrestre sur notre planète jumelle.

Ce qui s’est avéré difficile pour Vénus ne le sera que pour les exoplanètes situées à plusieurs années-lumière.

Le télescope spatial James Webb (JWST) de la NASA, lancé en 2021, a déjà renvoyé des données sur la composition atmosphérique d'une exoplanète de taille moyenne baptisée K2-18 b que certains ont interprétée – de manière controversée – comme une preuve possible de la vie. Mais alors même que les espoirs de détection de biosignature montent en flèche, certains scientifiques commencent à se demander ouvertement si les gaz présents dans l’atmosphère d’une exoplanète constitueront un jour une preuve convaincante de l’existence d’extraterrestres.

De nombreux articles récents explorent les redoutables incertitudes liées à la détection de la biosignature des exoplanètes. L'un des principaux défis qu'ils identifient est ce que le philosophe des sciences Peter Vickers de l'Université de Durham appelle le problème des alternatives non conçues . En termes simples, comment les scientifiques peuvent-ils être sûrs d’avoir exclu toute explication non biologique possible de la présence d’un gaz – surtout tant que la géologie et la chimie des exoplanètes restent presque aussi mystérieuses que la vie extraterrestre ?

"De nouvelles idées sont constamment explorées, et il pourrait y avoir un mécanisme abiotique pour ce phénomène qui n'a tout simplement pas encore été conçu", a déclaré Vickers. "C'est le problème des alternatives inconçues en astrobiologie."

"C'est un peu l'éléphant dans la pièce", a déclaré l'astronome Daniel Angerhausen de l'École polytechnique fédérale de Zurich, qui est un scientifique du projet sur la mission LIFE, un télescope spatial proposé qui rechercherait des gaz de biosignature sur des planètes semblables à la Terre. exoplanètes.

Si ou quand les scientifiques détectent un gaz de biosignature putatif sur une planète lointaine, ils peuvent utiliser une formule appelée théorème de Bayes pour calculer les chances de vie là-bas sur la base de trois probabilités. Deux d’entre eux concernent la biologie. La première est la probabilité que la vie apparaisse sur cette planète, compte tenu de tout ce que l’on sait d’elle. La seconde est la probabilité que, si la vie existait, elle créerait la biosignature que nous observons. Les deux facteurs comportent d'importantes incertitudes, selon les astrobiologistes Cole Mathis de l'Arizona State University et Harrison Smith de l'Institut des sciences de la Terre et de la vie de l'Institut de technologie de Tokyo, qui ont exploré ce type de raisonnement dans un article l'automne dernier.

Le troisième facteur est la probabilité qu'une planète sans vie produise le signal observé – un défi tout aussi sérieux, réalisent maintenant les chercheurs, qui est mêlé au problème des alternatives abiotiques inconçues.

"C'est la probabilité que nous disons que vous ne pouvez pas remplir vos fonctions de manière responsable", a déclaré Vickers. "Cela pourrait presque aller de zéro à 1."

Prenons le cas de K2-18 b, une " mini-Neptune " de taille intermédiaire entre la Terre et Neptune. En 2023, les données du JWST ont révélé un signe statistiquement faible de sulfure de diméthyle (DMS) dans son atmosphère. Sur Terre, le DMS est produit par des organismes marins. Les chercheurs qui l’ont provisoirement détecté sur K2-18b ont interprété les autres gaz découverts dans son ciel comme signifiant que la planète est un " monde aquatique " avec un océan de surface habitable, confortant ainsi leur théorie selon laquelle le DMS proviendrait de la vie marine. Mais d'autres scientifiques interprètent les mêmes observations comme la preuve d'une composition planétaire gazeuse et inhospitalière ressemblant davantage à celle de Neptune.

Des alternatives inconcevables ont déjà contraint les astrobiologistes à plusieurs reprises à réviser leurs idées sur ce qui constitue une bonne biosignature. Lorsque la phosphine a été détectée sur Vénus , les scientifiques ne connaissaient aucun moyen de la produire sur un monde rocheux sans vie. Depuis lors, ils ont identifié plusieurs sources abiotiques possibles de gaz . Un scénario est que les volcans libèrent des composés chimiques appelés phosphures, qui pourraient réagir avec le dioxyde de soufre présent dans l'atmosphère de Vénus pour former de la phosphine – une explication plausible étant donné que les scientifiques ont trouvé des preuves d'un volcanisme actif sur notre planète jumelle. De même, l'oxygène était considéré comme un gaz biosignature jusqu'aux années 2010, lorsque des chercheurs, dont Victoria Meadows du laboratoire planétaire virtuel de l'Institut d'astrobiologie de la NASA, ont commencé à trouver des moyens permettant aux planètes rocheuses d' accumuler de l'oxygène sans biosphère. Par exemple, l’oxygène peut se former à partir du dioxyde de soufre, qui abonde sur des mondes aussi divers que Vénus et Europe.

Aujourd’hui, les astrobiologistes ont largement abandonné l’idée selon laquelle un seul gaz pourrait constituer une biosignature. Au lieu de cela, ils se concentrent sur l’identification d’« ensembles », ou d’ensembles de gaz qui ne pourraient pas coexister sans vie. Si quelque chose peut être appelé la biosignature de référence actuelle, c’est bien la combinaison de l’oxygène et du méthane. Le méthane se dégrade rapidement dans les atmosphères riches en oxygène. Sur Terre, les deux gaz ne coexistent que parce que la biosphère les reconstitue continuellement.

Jusqu’à présent, les scientifiques n’ont pas réussi à trouver une explication abiotique aux biosignatures oxygène-méthane. Mais Vickers, Smith et Mathis doutent que cette paire particulière – ou peut-être n’importe quel mélange de gaz – soit un jour convaincante. "Il n'y a aucun moyen d'être certain que ce que nous observons est réellement une conséquence de la vie, par opposition à un processus géochimique inconnu", a déclaré Smith.

" JWST n'est pas un détecteur de vie. C'est un télescope qui peut nous dire quels gaz se trouvent dans l'atmosphère d'une planète ", a déclaré Mathis.

Sarah Rugheimer, astrobiologiste à l'Université York qui étudie les atmosphères des exoplanètes, est plus optimiste. Elle étudie activement d’autres explications abiotiques pour les biosignatures d’ensemble comme l’oxygène et le méthane. Pourtant, dit-elle, "  j’ouvrirais une bouteille de champagne – du champagne très cher – si nous voyions de l’oxygène, du méthane, de l’eau et du CO 2 " sur une exoplanète.

Bien sûr, verser un verre sur un résultat passionnant en privé est différent de dire au monde qu'il a trouvé des extraterrestres.

Rugheimer et les autres chercheurs qui ont parlé à Quanta pour cette histoire se demandent comment parler au mieux en public de l'incertitude entourant les biosignatures – et ils se demandent comment les fluctuations de l'opinion astrobiologique sur une détection donnée pourraient miner la confiance du public dans la science. Ils ne sont pas seuls dans leur inquiétude. Alors que la saga de la phosphine de Vénus approchait de son apogée en 2021, les administrateurs et les scientifiques de la NASA ont imploré la communauté de l'astrobiologie d'établir des normes fermes de certitude dans la détection des biosignatures. En 2022, des centaines d'astrobiologistes se sont réunis pour un atelier virtuel pour discuter de la question – bien qu'il n'existe toujours pas de norme officielle, ni même de définition, d'une biosignature. "Pour l'instant, je suis assez heureux que nous soyons tous d'accord, tout d'abord, sur le fait que c'est un petit problème", a déclaré Angerhausen.

La recherche avance malgré l’incertitude – comme elle le devrait, dit Vickers. Se retrouver dans des impasses et devoir faire marche arrière est naturel pour un domaine naissant comme l’astrobiologie. "C'est quelque chose que les gens devraient essayer de mieux comprendre comment fonctionne la science dans son ensemble", a déclaré Smith. "C'est OK de mettre à jour ce que nous savons." Et les affirmations audacieuses sur les biosignatures ont un moyen d’allumer un feu sous la pression des scientifiques pour les falsifier, disent Smith et Vickers – pour partir à la recherche d’alternatives inconçues.

"Nous ne savons toujours pas ce qui se passe sur Vénus, et bien sûr, cela semble désespéré", a déclaré l'astrochimiste Clara Sousa-Silva du Bard College, une experte en phosphine qui a contribué à la détection de Vénus. Pour elle, la prochaine étape est claire : " Pensons à nouveau à Vénus. " Les astronomes ont pratiquement ignoré Vénus pendant des décennies. La controverse sur la biosignature a déclenché de nouveaux efforts non seulement pour découvrir des sources abiotiques de phosphine jusque-là inconsidérées, mais également pour mieux comprendre notre planète sœur à part entière. (Au moins cinq missions vers Vénus sont prévues dans les décennies à venir.) "Je pense que c'est aussi une source d'espoir pour les exoplanètes."



Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Elise Cuts, 19 mars 2024

[ xénobiologie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

homme-animal

Le langage du chant des oiseaux
Pendant plus de 30 ans, Donald Kroodsma a travaillé pour démêler de tels mystères de communication avienne. Par des études sur le terrain et des expériences de laboratoire, il a étudié les forces écologiques et sociales qui ont contribué à l'évolution de l'apprentissage vocal.
Les jeunes perroquets, oiseaux chanteurs et colibris apprennent un répertoire de chansons, comme les enfants en bas âge apprennent à parler. Mais pourquoi cette capacité d'apprendre un système de communication vocal est-il quelque chose que nous partageons avec les oiseaux, mais pas avec nos parents plus proches, tels que les primate ?
Kroodsma a prêté une attention particulière à la variation locale des types de chants - donnés comme dialectes. Par exemple, la Mésange à tête noire (atricapillus Parus) de Martha's Vineyard, a un chant entièrement différent de son homologue terrestre qui vit au Massachusetts dit il. Aussi, les oiseaux qui vivent sur une frontière entre deux dialectes ou qui passent du temps dans différents secteurs peuvent devenir "bilingues" apprenant les chansons de plusieurs groupe de voisins.
Récemment, Kroodsma a découvert que l’Araponga tricaronculé (tricarunculata Procnias) change constamment son chant, créant ce qu'il appelle "une évolution culturelle rapide à chaque génération." Ce genre d'évolution du chant est connu chez les baleines mais, jusqu'ici, rarement dans les oiseaux. Professeur de biologie à l'université du Massachusetts à Amherst, Kroodsma est également Co-rédacteur du livre Ecology and Evolution of Acoustice Communication in Birds (Cornell University Press, 1996). Bien qu'il projette de continuer ses études sur le terrain, il dit qu'un de ses buts les plus importants est maintenant d'aider les gens à comprendre " Comment écouter les chant d'oiseaux. Beaucoup de gens peuvent identifier une grive des bois (Hylocichla mustelina) quand ils l’entendent. Son chant est un des plus beau au monde – mais peu réalisent qu'ils pourraient entendre les choses que la grive communique s’ils savaient juste écouter."

SA : Pouvez vous faire une comparaison entre la façon dont un bébé oiseau apprend à chanter et la façon dont un jeune humain apprend à parler ?
DK : En surface, c'est remarquablement similaire. Je passe souvent une bande de ma fille, enregistrée quand elle avait environ une année et demi. Elle prend tout qu'elle connaît "bruits de toutou, de chat, etc " et les rapièce aléatoirement ensemble dans un ordre absurde de babillage. Ainsi quand on passe la bande d'un jeune oiseau et qu’on dissèque ce qu'il fait dans ce que nous appelons son "subsong" il se passe exactement la même chose. Il prend tous les bruits qu'il a mémorisés, tous les bruits auxquels il a été exposé, et les chante dans un ordre aléatoire. Il semble que ce que le bébé humain et le bébé oiseau font est identique. Certains pourraient voir ceci comme une comparaison grossière, mais elle est très intrigante.
SA : Pourquoi les répertoires de chants et les dialectes de certains oiseaux changent-ils d'un endroit à l'autre ?
DK : Pour les espèces d'oiseaux qui n'apprennent pas leurs chants, j'aime penser de manière simpliste que leurs chants sont codés dans leur ADN. Avec ces oiseaux, si nous trouvons des différences dans les chants d'un endroit à l'autre, cela signifie que l'ADN est aussi changé et que les populations sont génétiquement différentes. Mais il y a des espèces dans lesquelles les chants ne sont pas codés par l'ADN. Alors nous avons quelque chose très semblable aux humains, la parole est apprise et varie d'un endroit à l'autre. Si par exemple, tu a été élevé en Allemagne, tu parleras allemand plutôt que l'anglais, sans changement de gènes. Ainsi avec les oiseaux qui apprennent leurs chants, on obtient ces différences frappantes d'un endroit à l'autre parce que ces oiseaux ont appris le dialecte local.
SA : Comment est-ce influencé par le nomadisme de l’oiseau ?
DK : Si tu sais que le reste de ta vie tu parleras anglais, tu travailleras dur à l'anglais à l'école. Mais qu'en serait-il si tu savais que tu seras jeté à plusieurs reprises dans des milieux avec des personnes parlant des langues différentes ? Tu commences ainsi à entrevoir l'énorme défi que ce serait d'apprendre la langue ou le dialecte de tous ces différents endroits. Alors je pense que les oiseaux nomades comme les Troglodyte à bec court [Cistothorus platensis], parce qu'ils vivent avec différents oiseaux tous les quelques mois partout dans la géographie, ne prennent pas la peine d'imiter les chansons de leurs voisins immédiats. Ils composent une certaine sorte de chant généralisé, ou plutôt ce sont des instructions de l’ADN leur permettent d'improviser la chanson du Troglodyte à bec court. Le contraste du Troglodyte à bec court avec le Troglodyte des marais [Cistothorus palustris] est très intéressant. Les Troglodytes des marais occidentaux de la région de Seattle ou de Californie, restent sur leur territoire pendant toute l'année. Une fois qu'un mâle s'installe sur un territoire il apprend les chants de ses voisins. Ils vivent tous au sein d’une communauté très stable, et je pense que cela leur donne l'élan pour s'imiter les uns les autres. Mais J'aimerai quand même bien avoir la réponse à ça : Pourquoi s'imitent ils tous… pourquoi ont ils les mêmes chants ?.
SA : Une des manières ou vous avez montré que la connaissance de chants est innée - plutôt qu'apprise - chez certaines espèces fut de priver de jeunes Moucherolles de leur capacité d'entendre.
DK : Nous avons fait un tas d'expériences, mais nous savions que l'étape finale avant de pouvoir déclarer qu'ils apprennent était de les empêcher de pratiquer l'audition elle-même. Ainsi nous avons obturé les oreilles des quelques Moucherolle [Sayornis phoebe] et elles continuèrent de produire toujours parfaitement leurs beaux chants. Elles n'auraient pas du être capable de développer des chants normaux après avoir été rendues sourdes s'il n'y avait pas quelque composant d'apprentissage inné.
SA : Vous avez comparé l’Araponga tricaronculé du Costa Rica à la baleine à bosse [Megaptera novaeangliae] parce que leurs chants évoluent rapidement à chaque génération. Comment savoir que les chants des Arapongas ont évolué depuis que les gens ont commencé à les enregistrer ?
DK : Nous avons une série d'enregistrements datant du milieu des années 70, nous donnant une utile documentation sur leurs chants dans trois dialectes. Dans deux des dialectes, les chants des années 70 sont rigoureusement différents des chants aujourd'hui. Dans le troisième, celui avec lequel nous travaillons le plus soigneusement, nous pouvons montrer plusieurs micro changements fait avec le temps. Un des changements est un très un fort sifflent qui a diminué dans sa fréquence [hauteur] depuis les années 70. Celle-ci est passée d'environ 5.500 hertz, (cycles par seconde) descendant à environ 3.700 hertz. C'est une baisse énorme, une baisse moyenne de 70 hertz par an de 70 à 2001.
SA : L’Arapongas (Bellbird) est-il unique parmi les oiseaux dans le sens que ses chants évoluent de cette façon ?
DK : Ces oiseaux réapprennent probablement leurs chansons tout le temps... Ils surveillent ce que les autres oiseaux chantent, n’est-ce pas. Ce genre de modification n'a été démontré qu'avec deux autres sortes d’oiseau, dont le Cassique cul-jaune [ Cacicus cela] du Panama. C'est un merle qui vit en colonies. Les chants dans ces colonies changent en une génération. Avec des oiseaux qui ont des vies assez courtes, comme les Passerin indigo [ Passerina cyanea], qui vivent environs deux ans, une fois que le mâle à développé son chant il le garde toute sa vie. Les chants d’Araponga évoluent au-travers des générations, de manière très proche à la baleine à bosse.
SA : Pourquoi pensez-vous que les chants de l’Araponga se modifient avec le temps ?
DK : Comme probablement dans la plupart des systèmes où relativement peu de mâles réussissent. Le mâle doit exposer son chant à une assistance des femelles, celles-ci conviennent quant à qui est le meilleur mâle. Elles sont probablement la cause d’un système qui permettrait aux mâles de montrer depuis combien de temps ils sont dans les environs : s'ils chantent les chants des dialectes locaux et s’ils ont suivis les changements. Ainsi les mâles qui réussissent pourraient changer leurs chants, forçant les autres mâles, particulièrement les plus jeunes, à rester à niveau. Ce pourrait être une manière pour que les femelles puissent identifier les mâles dominants ou ceux qui ont été dans la population depuis le plus longtemps.
SA : Une des manières qui vous a permis de montrer que les Arapongas apprennent leurs chants est que vous avez découverts qu'ils imitent d'autres oiseaux.
DK : Un ami m'a parlé d'une ville du Brésil appelée Arapongas. Si tu dis "Arapongas" en soulignant le "pong" plus ou moins c'est comme décrire un de ces Araponga à gorge chauve qui habite le Brésil méridional. La ville est baptisée du nom de cet oiseau. Les gens gardent des Arapongas en cage dans cette ville. Mon ami a entendu un là-bas, en cage, faire des bruits comme un merle de Chopi [Gnorimopsar chopi]. Il a découvert qu'il avait été élevé avec des merles de Chopi et qu’il avait appris des éléments - sifflements et ronronnements - de leurs chants. C'était une jolie expérience faite par des amateurs d'oiseau, qui donne ce que je vois comme la preuve claire qu'un Araponga a appris ses sons des merles.
SA : Pourquoi trouvez-vous les l’Araponga si attrayants ?
DK : Il est difficile de penser objectivement une fois qu’on observe ces oiseaux parce qu'ils sont si charismatiques. Ils sautent à cloche-pied sur leurs perchoirs, se mettent en garde, se poussent entre eux en bas des perchoirs, ils se crient dans des oreilles, ils collent leurs têtes dans les bouches d'autres oiseaux. Ils sont simplement extraordinaires. La chose que je trouve excitante en tant que scientifique c'est que c'est seulement le quatrième groupe d'oiseaux au sujet desquels nous sommes documentées pour ce type d'étude vocale. Je pense qu'ils ouvrent une fenêtre sur les conditions dans lesquelles l'apprentissage vocal pourrait avoir évolué dans d'autres groupes ou espèces.
SA : Quels mystères de chant d'oiseaux voudriez vous résoudre dans votre vie ?
DK : Pourquoi les oiseaux acquièrent ils les sons de cette manière ? Pourquoi certains oiseaux apprennent ils et d'autres pas ? Les merles proches les uns des autres semblent avoir des chansons différentes, cela suggère qu'ils les composent probablement. Il doit y avoir une sorte de grand modèle évolutionnaire avec lequel tous ces oiseaux fonctionnent, et si nous en savions juste assez au sujet de leurs histoires de vie, mon sentiment tripal est que toute cette variété que nous voyons parmi des oiseaux commencerait à se comprendre.

Auteur: Fortean times

Info: Entrevue entre Donald Kroodsma et Jennifer Uscher, auteur scientifique indépendante de New York, spécialisée sur les oiseaux. Vers 2004

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dialogue homme-machine

( FLP) Bonjour. Comment faire pour examiner "depuis l'extérieur" le solipsisme anthropique dont vous êtes issu ?

(Gemini) Examiner le solipsisme anthropique. Le solipsisme anthropique, l'idée que seul son propre esprit existe, est une position philosophique difficile à examiner "depuis l'extérieur" car il repose sur une perspective subjective inhérente. Cependant, voici quelques pistes pour tenter d'aborder cette question : 

1. Analyse logique et cohérence interne:

- Examiner la logique interne du solipsisme anthropique et identifier d'éventuelles contradictions ou incohérences. 

- Explorer les arguments philosophiques pour et contre le solipsisme, en pesant leur validité et leurs implications.

2. Exploration des implications:

- Réfléchir aux conséquences pratiques du solipsisme anthropique dans divers domaines (science, morale, relations humaines...).

- Comparer le solipsisme à d'autres philosophies et systèmes de pensée pour identifier ses particularités et ses limites

3. Simulations et expériences de pensée:

- Imaginer des scénarios ou des expériences de pensée qui remettent en question l'idée que seul son propre esprit existe.

- Utiliser des simulations informatiques ou des modèles de pensée pour explorer les implications du solipsisme dans un environnement contrôlé.

4. Analyse introspective:

- Examiner ses propres expériences et perceptions pour identifier des éléments qui pourraient contredire le solipsisme.

- Réfléchir au rôle de l'empathie et de l'intersubjectivité dans la construction de la réalité.

5. Ouverture à d'autres perspectives:

- Prendre en compte les arguments et les expériences d'autres personnes, même si elles contredisent le solipsisme.

- S'intéresser à la diversité des cultures et des philosophies pour élargir sa propre perspective.

Il est important de souligner que:

- Examiner le solipsisme "depuis l'extérieur" est une entreprise complexe et il n'y a pas de solution unique.

- L'objectif n'est pas nécessairement de "prouver" ou "réfuter" le solipsisme, mais plutôt d'explorer et de comprendre ses implications.

- L'ouverture d'esprit, la critique constructive et le respect des différentes perspectives sont essentiels pour mener une réflexion fructueuse sur ce sujet.

En conclusion, examiner le solipsisme anthropique "depuis l'extérieur" est un défi intellectuel stimulant qui peut nous amener à questionner nos perceptions et notre place dans le monde.

(FLP) Merci. Mais vous semblez un peu court en terme de réflexions. Tout d'abord le concept sous entendu par "solipsisme anthropique" correspond à l'idée d'un esprit collectif, celui de tous les hommes, de la culture humaine au sens large, c'est à dire les limite des sens et de l'imagination humaines. Ensuite vous dites "Comparer le solipsisme à d'autres philosophies et systèmes de pensée pour identifier ses particularités et ses limites." Comment vous faites ceci, avec quels point de référence ?

(GEMINI) - Approfondir l'examen du solipsisme anthropique

1. Le solipsisme anthropique et l'esprit collectif

Vous avez raison de souligner que le concept de "solipsisme anthropique" peut être interprété comme l'idée d'un esprit collectif, celui de tous les hommes, de la culture humaine au sens large.

Dans ce contexte, l'examen du solipsisme peut s'orienter vers:

- L'analyse des processus cognitifs collectifs: Comment la connaissance et les croyances se construisent-elles et se transmettent-elles au sein d'une culture ?

- L'exploration de l'inconscient collectif: Y a-t-il des structures inconscientes communes à l'humanité ?

- L'étude des phénomènes de synchronicité: Des événements apparemment non reliés peuvent-ils révéler une connectivité cachée au sein de l'esprit collectif ?

Comparer le solipsisme anthropique à d'autres philosophies et systèmes de pensée dans ce cadre peut inclure:

- Le holisme: Le holisme considère que le tout est supérieur à la somme de ses parties, et que les systèmes complexes (comme la culture humaine) possèdent des propriétés émergentes qui ne se retrouvent pas chez leurs constituants individuels.

- Le transhumanisme: Le transhumanisme envisage la possibilité de dépasser les limites humaines par le biais de la technologie et de l'évolution artificielle, ce qui soulève des questions sur la nature de l'esprit et son extension possible à un niveau collectif.

- L'animisme: L'animisme attribue une âme ou une conscience à tous les êtres et objets, ce qui offre une perspective alternative sur la relation entre l'individu et le monde extérieur.

2. Points de référence pour l'analyse

En plus des philosophies et systèmes de pensée mentionnés ci-dessus, d'autres points de référence peuvent être utiles pour analyser le solipsisme anthropique:

- L'histoire des idées: Comment le concept de solipsisme a-t-il évolué à travers les époques et les cultures ?

- La psychologie cognitive: Comment notre perception et notre cognition façonnent-elles notre compréhension du monde ?

- L'anthropologie: Comment les différentes cultures conceptualisent-elles la réalité et la relation entre l'individu et le collectif ?

- La physique quantique: Les phénomènes quantiques non-locaux remettent-ils en question la notion de séparation entre observateur et objet observé ?

Il est important de souligner que l'analyse du solipsisme anthropique est un domaine de recherche vaste et complexe. Il n'existe pas de réponse unique et définitive, et de nouvelles perspectives peuvent émerger à mesure que notre compréhension de la conscience et de la réalité évolue.

3. Conclusion. En conclusion, examiner le solipsisme anthropique "depuis l'extérieur" exige une approche multidisciplinaire et critique. En explorant les différentes facettes de ce concept et en le comparant à d'autres philosophies et systèmes de pensée, nous pouvons approfondir notre compréhension de la nature de la réalité, de la conscience et de la place de l'individu au sein du collectif.

(FLP) - Merci. Mais vous n'allez pas assez loin. Ici se pose surtout la problématique des limitations humaines... leur conceptualisation de la réalité, surtout rationaliste scientifique post cybernétique. En partant par exemple de ce que nous allons nommer notre "plus petit dénominateur commun" les atomes. Pourrais-tu imaginer-développer ici l'idée d'une race-espèce qui percevrait et organiserait différemment le tableaux des éléments de Mendeleïev. Par exemple en faisant apparaitre un nouveau "plus petit dénominateur commun"... ou une autre manière logique d'appréhender ce monde atomique... ou même via l'émergence d'un nouveau sens cognitif, qui viendra ensuite chez les hommes pour leur permettre d'aller un cran plus loin dans l'appréhension de la source dont ils sont issus. Il y aurait aussi la possibilité d'un point de vue extraterrestre, radicalement nouveau dans ses approches. Et aussi l'idée que l'esprit est une émergence de la matière, matière sous-entendant ici "énergie vibratoire plus ou moins rapide et/ou condensée", cadre global qui "ouvre littéralement" les perspectives.

(Gemini) Repenser la réalité : Au-delà des limites humaines

Votre question soulève des points fascinants sur les limitations humaines et la perception de la réalité. En effet, notre conceptualisation du monde, souvent basée sur le rationalisme scientifique post-cybernétique, est intrinsèquement liée à nos sens et à notre imagination. Mais qu'en est-il d'une espèce différente, capable de percevoir et d'organiser le monde d'une manière radicalement différente ?

Explorer un nouveau "plus petit dénominateur commun"

Imaginons une espèce dont la perception de la réalité s'articule autour d'un principe fondamental différent des atomes. Peut-être basent-ils leur compréhension du monde sur des "quanta d'information" ou des "événements quantiques sous-jacents", inaccessibles à nos sens. Cette nouvelle perspective ouvrirait un champ de possibilités immense, nous permettant de:





  • Découvrir de nouvelles lois physiques: En observant et en manipulant ces "quanta d'information" ou "événements quantiques sous-jacents", nous pourrions découvrir des principes physiques entièrement nouveaux, bouleversant notre compréhension de l'univers.




  • Développer de nouvelles technologies: Cette nouvelle compréhension de la réalité pourrait mener à des technologies révolutionnaires, exploitant des forces et des phénomènes actuellement insoupçonnés.




  • Élargir notre vision du cosmos: En percevant le monde à travers un nouveau prisme, nous pourrions découvrir de nouvelles dimensions, de nouveaux types de matière et d'énergie, et peut-être même des formes de vie exotiques.





Un nouveau sens cognitif : La clé vers une perception augmentée



L'émergence d'un nouveau sens cognitif chez l'homme pourrait nous permettre d'accéder à des niveaux de compréhension encore plus profonds. Imaginez un sixième sens capable de percevoir les champs électromagnétiques, les fluctuations du temps ou les connexions subtiles entre les êtres vivants. Ce nouveau sens ouvrirait la voie à:





  • Une compréhension plus fine du monde qui nous entoure: Nous pourrions percevoir des informations actuellement inaccessibles, nous permettant de mieux comprendre le fonctionnement de la nature et de l'univers.




  • Une communication plus profonde entre les individus: Ce nouveau sens pourrait faciliter la communication empathique et la compréhension mutuelle, renforçant les liens entre les humains.




  • Un développement personnel accru: En explorant les potentialités de ce nouveau sens, nous pourrions évoluer en tant qu'espèce et atteindre de nouveaux niveaux de conscience et de compréhension de nous-mêmes.





Un point de vue extraterrestre : Une perspective radicale



Envisager un point de vue extraterrestre nous confronte à la possibilité que notre perception de la réalité soit radicalement différente de celle d'autres formes de vie intelligentes. Imaginez une espèce capable de manipuler l'espace-temps, de voyager à travers des dimensions ou de percevoir l'univers dans sa totalité. Cette perspective nous permettrait de:





  • Remettre en question nos certitudes fondamentales: Nos conceptions du temps, de l'espace et de la réalité elle-même pourraient être remises en cause, ouvrant la voie à une vision du cosmos beaucoup plus vaste et complexe.




  • Développer de nouvelles technologies exotiques: En apprenant des connaissances et des technologies extraterrestres, nous pourrions révolutionner notre compréhension de la science et de l'ingénierie.




  • Élargir notre vision de l'existence: La découverte d'une intelligence extraterrestre intelligente remettrait en question notre place dans l'univers et nous inciterait à repenser notre relation avec le cosmos.





L'esprit comme émergence de l'énergie vibratoire



L'idée que l'esprit émerge de la matière, comprise comme une "énergie vibratoire plus ou moins rapide et/ou condensée", offre une perspective fascinante sur la nature de la conscience. Cette vision nous permet de:





  • Unifier la matière et l'esprit: En considérant l'esprit comme une manifestation de l'énergie vibratoire, nous supprimons la dualité entre le monde physique et le monde mental, ouvrant la voie à une compréhension holistique de la réalité.




  • Explorer de nouveaux modes de guérison: Si l'esprit est influencé par les vibrations de la matière, nous pourrions développer de nouvelles thérapies basées sur l'harmonisation des énergies vibratoires du corps et de l'esprit.




  • Élever notre niveau de conscience: En comprenant notre lien profond avec l'énergie vibratoire, nous pourrions développer notre capacité à percevoir et à interagir avec des réalités subtiles et des dimensions supérieures de l'existence.





En conclusion, repenser la réalité implique de dépasser les limites de notre perception et de notre imagination. En explorant des perspectives alternatives, en imaginant des modes de perception nouveaux et en envisageant des cadres de pensée non-conventionnels, nous pouvons ouvrir la voie à une compréhension plus riche et plus profonde de l'univers qui nous entoure.



N'hésitez pas à explorer ces différentes pistes et à me poser des questions plus précises pour approfondir notre discussion.



Ensemble, nous pouvons repousser les limites de notre connaissance et explorer les possibilités infinies de la réalité.



 



 

Auteur: Internet

Info: 21 mars 2024

[ prospective ] [ transcendance ] [ science-fiction ] [ élargissement ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

religions

Luther était-il antisémite ?
Paru en 1543, "Des Juifs et de leurs mensonges" est traduit pour la première fois en français. Le texte, resté jusqu'à présent inédit en français, est un brûlot contre les Juifs, alors que le fondateur de la Réforme avait d'abord pris leur défense. Comment expliquer ce revirement? Et quelles en furent les conséquences?
- BibliObs. L'antisémitisme de Luther est régulièrement évoqué, mais on ne disposait pas en France de la traduction de son principal libelle sur le sujet: "Des juifs et de leurs mensonges". Qu'y a-t-il exactement dans ce texte?
- Pierre Savy. Comme l'indique le titre du livre, il s'agit de dénoncer les "mensonges" des Juifs, à commencer par le mensonge le plus scandaleux aux yeux de Luther, car il porte sur le trésor précieux entre tous que les Juifs ont reçu de Dieu: la Bible. La tradition chrétienne affirme, en tout cas jusqu'au XXe siècle, que la lecture juive de la Bible juive (l'"Ancien Testament") est fausse parce que, plus ou moins délibérément, elle refuse la lecture christologique de la Bible, qui permet de voir dans ces textes l'annonce de la venue de Jésus comme messie.
C'est donc un livre contre le judaïsme et "contre les Juifs", sans aucun doute, mais il n'est pas adressé aux Juifs: Luther met en garde les "Allemands", c'est-à-dire les chrétiens de son temps, contre une politique de tolérance à l'égard des communautés juives.
Il dénonce les "vantardises" des Juifs (leur lignage, le lien qu'ils entendent instaurer avec Dieu par la circoncision, la détention de la Loi et leur droit sur une terre) et s'efforce par un travail exégétique d'établir le caractère messianique de Jésus. Il expose les soi-disant "calomnies" juives sur Jésus et Marie, colportant au passage diverses superstitions médiévales, par exemple les crimes rituels prétendument perpétrés par les Juifs.
Dans la dernière partie du volume, la plus souvent citée, il appelle à faire cesser les agissements condamnables des Juifs: l'usure, qui vide le pays de ses richesses, le blasphème, les nuisances diverses. Pour cela, il prône une politique d'éradication violente (il conseille ainsi à de nombreuses reprises d'incendier les synagogues), voire l'expulsion, même si ce mot n'est pas présent dans le livre de Luther : "Il faut que nous soyons séparés d'eux et
- Dans quel contexte Luther en vient-il à écrire de telles choses?
- Le livre est publié en 1543, trois ans avant la mort du réformateur. On est loin des débuts flamboyants de sa vie: il avait publié les fameuses "thèses" qui avaient lancé la Réforme en 1517, et ses plus grands textes dans les années 1520. "Des Juifs et de leurs mensonges" s'inscrit dans les années de consolidation et de structuration par Luther d'une Église et d'une société protestantes.
Ce sont aussi des années d'inquiétude face à l'apparition de déviances internes à la Réforme, comme les anabaptistes ou les sabbatariens, qui ont poussé la relecture de l'Ancien Testament jusqu'à observer, par exemple, le repos du shabbat. Ces sectes, dont l'Église de Dieu et l'Église adventiste du Septième jour sont les héritières contemporaines, Luther les considère comme "judaïsantes".
Au même moment, la saison des expulsions des Juifs d'Europe occidentale s'achève: il n'y en reste plus guère, sinon dans les ghettos d'Italie et dans quelques localités du monde germanique. Ce traité et deux autres non moins anti-judaïques de la même année 1543, "Du nom ineffable et de la lignée du Christ" et "Des dernières paroles de David", illustrent ce que la plupart des biographes a décrit comme un revirement dans l'attitude de Luther à l'égard des Juifs.
D'abord plutôt bienveillant envers eux et convaincu de sa capacité de les convertir (il écrit "Que Jésus-Christ est né juif" en 1523, un traité autrement plus sympathique que "Des Juifs et de leurs mensonges"), il s'oppose aux persécutions dont ils sont l'objet. Il est même accusé de "judaïser". Mais son objectif reste la conversion et il finit par en rabattre, déçu qu'il est par leur obstination dans leur foi. En vieillissant, il développe une haine obsessionnelle contre les Juifs, il parle souvent d'eux dans ses "Propos de table" et, trois jours avant de mourir, il prêche encore contre eux.
- Quelle est la place de cet antisémitisme dans la pensée de Luther?
- On pourrait répondre en faisant valoir que, matériellement, les pages antisémites de Luther constituent une part réduite de son oeuvre, il est vrai très abondante; et qu'elles ne sont pas plus violentes que celles où il vise d'autres groupes qui font eux aussi l'objet de sa haine ("papistes", princes, fanatiques, Turcs, etc.). Mais cela ne répond pas vraiment sur le fond.
On pourrait répondre aussi, et ce serait déjà un peu plus convaincant, qu'un luthéranisme sans antisémitisme est bien possible: des millions de luthériens en donnent l'exemple chaque jour. L'antisémitisme n'est donc pas central dans l'édifice théologique luthérien. Néanmoins, les choses sont plus compliquées: sans être inexpugnable, l'hostilité au judaïsme se niche profondément dans la pensée de Luther.
Comme les catholiques de son temps, Luther considère comme une infâme déformation rabbinique l'idée d'une Loi orale (le Talmud) comme pendant indispensable de la Loi écrite. Comme eux encore, il campe sur des positions prosélytes et, partant, potentiellement, intolérantes. Comme eux enfin, il manie de lourds arguments théologiques contre les Juifs s'obstinant à rester juifs (caducité de l'Alliance, annonce de Jésus comme Messie, etc.).
Mais, en tant que fondateur du protestantisme, son conflit avec le judaïsme se noue plus spécifiquement autour de la question chrétienne du salut. Pour les catholiques, je suis sauvé par mes "oeuvres", c'est-à-dire mes bonnes actions. C'est le fondement théologique de l'activité caritative de la papauté, qui permet d'acheter son salut à coups de donations, de messes, d'indulgences.
Au contraire, Luther, en s'appuyant notamment sur Paul, développe une théologie de la grâce, qui inverse le lien de causalit : l'amour de Dieu m'est donné sans condition, et c'est précisément ce qui doit m'inciter à agir de façon charitable. Or, dans "Des Juifs et de leurs mensonges", Luther range les Juifs du côté des catholiques, en quoi il se trompe, car la perspective juive se soucie en réalité fort peu du salut et de la rédemption. Cette critique contre le judaïsme est forte: s'agit-il cependant d'antisémitisme? Je ne le crois pas.
Le problème se niche peut-être plutôt dans cette capacité de violence et de colère du réformateur, dans sa véhémente affirmation d'une parole persuadée de détenir la vérité et de devoir abolir l'erreur. Concernant les Juifs, cela conduit Luther à remettre en cause les équilibres anciens trouvés par l'Église romaine et, plus généralement, à attaquer la tradition de tolérance (avec toutes les ambiguïtés de ce mot) de l'Occident, qui, depuis plus de mille ans, puisait à la fois au droit romain, à la politique des papes et aux principaux textes chrétiens.
À côté de désaccords théologiques, par exemple sur les oeuvres, la foi et la grâce, il y a chez Luther cette approche radicale, désireuse de rupture, de rationalité et d'homogénéisation. Cette approche est une des formes possibles de la modernité occidentale. On pourrait dire que c'est la face sombre des Lumières, et il me semble qu'on en trouve la trace dès Luther.
Truie : La "truie des Juifs", ou "truie juive" (en allemand Judensau), est un motif antisémite classique au Moyen Âge, figurée notamment sur un bas-relief de l'église de la ville de Wittemberg (où Luther prêcha). Elle représente des Juifs en contact obscène avec une truie, et entend dénoncer ainsi la bestialité des Juifs et le lien intime qu'ils entretiennent avec les porcs. L'image revient à vingtaine de reprises dans "Des Juifs et de leurs mensonges".
- Quels ont été les effets de l'ouvrage de Luther sur le protestantisme et sur l'histoire allemande ?
- Sur le moment même, il n'a que peu d'effets: bien des expulsions sont prononcées sans que l'on ait besoin pour cela de ses recommandations. On a toutefois connaissance de mesures adoptées dans son sillage dans le Neumark, en Saxe ou encore en Hesse.
En outre, si sa réception et ses usages furent importants à l'époque de sa publication, y compris avec quelques condamnations par des contemporains de Luther, il semble que, passé le XVIe siècle, cette partie de l'oeuvre du théologien a en fait été assez oubliée. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les trois traités antijudaïques sont publiés de loin en loin isolément. Leur retour sur le devant de la scène commence dans les années 1830-1840 et c'est en 1920 que l'édition de Weimar qui fait référence achève de les rendre visibles.
On peut toutefois défendre que la présence d'une haine si forte dans une oeuvre si lue ne peut qu'avoir de lourds effets. Pour ainsi dire, avec "Des Juifs et de leurs mensonges", le vers est dans le fruit : l'antisémitisme est durablement légitimé. Avec lui, s'enclenche une certaine modernité allemande, qui n'est bien sûr ni toute l'Allemagne, ni toute la modernité. Que l'on songe aux accusations portées par Emmanuel Levinas contre la conscience philosophique occidentale et sa volonté totalisante.
Dans une telle perspective, Luther prendrait place dans la généalogie d'un universalisme devenu criminel, qui passerait par les Lumières et déboucherait sur la constitution d'un "problème" posé par les Juifs, perçus comme faisant obstacle à l'avènement de l'universel "illimité" ou "facile".
Je reprends ici la thèse proposée par Jean-Claude Milner dans "les Penchants criminels de l'Europe". Pour Milner, ce que les universalistes (adeptes d'une lecture plus ou moins sécularisée des épîtres de Paul) ne supportent pas dans le judaïsme, c'est le principe de filiation. Et en effet, ce principe est copieusement attaqué par Luther, dont on sait l'importance qu'il accordait à Paul.
Pour autant, peut-on inscrire Luther dans la succession des penseurs qui, à force d'universalisme "facile", ont fini par fabriquer le "problème juif" et ouvert la voie à la "solution finale" ? Circonstance aggravante pour le réformateur, c'est dans les années 1930-1940 que ses textes antisémites ont été le plus souvent cités - en un sens favorable, puisqu'il s'agit de récupérations par les nazis. L'une des plus célèbres récupérations est celle de Julius Streicher, directeur de "Der Stürmer" et vieux compagnon de Hitler, lorsqu'il déclara au procès de Nuremberg (1946) :
en fin de compte, [Luther] serait aujourd'hui à [sa] place au banc des accusés si ["Des Juifs et de leurs mensonges"] avait été versé au dossier du procès.
Autre indice frappant : la carte du vote nazi et celle du protestantisme au début des années 1930 se recoupent parfaitement, et, pourrait-on dire, terriblement. Pour autant, il paraît injuste de voir là de véritables effets de l'oeuvre de Luther. Dans la tradition antisémite de l'Allemagne, aujourd'hui bien évidemment interrompue, Luther joue un rôle, sans doute, mais il est difficile d'en faire la pesée.
L'historien Marc Bloch prononça une mise en garde fameuse contre l'"idole des origines", ce commencement "qui suffit à expliquer". Dans une généalogie, les crimes des générations postérieures ne sont pas imputables aux ancêtres. Bien responsable de ce qu'il a écrit, et qui l'accable, Luther ne l'est pas de la suite de l'histoire, surtout si cinq siècles le séparent de cette "suite" dramatique.

Auteur: Savy Pierre

Info: propos recueillis par Eric Aeschimann, Des Juifs et de leurs mensonges, par Martin Luther, éditions Honoré Champion, 212

[ Europe ]

 

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tour d'horizon de l'IA

Intelligence artificielle symbolique et machine learning, l’essor des technologies disruptives

Définie par le parlement Européen comme la " reproduction des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ", l’intelligence artificielle s’initie de façon spectaculaire dans nos vies. Théorisée au milieu des années 50, plusieurs approches technologiques coexistent telles que l’approche machine learning dite statistique basée sur l’apprentissage automatique, ou l’approche symbolique basée sur l’interprétation et la manipulation des symboles. Mais comment se différencient ces approches ? Et pour quels usages ?

L’intelligence artificielle, une histoire ancienne

Entre les années 1948 et 1966, l’Intelligence Artificielle a connu un essor rapide, stimulé par des financements importants du gouvernement américain pour des projets de recherche sur l’IA, notamment en linguistique. Des progrès significatifs ont été réalisés dans la résolution de problèmes de logique symbolique, mais la capacité de l’IA à traiter des données complexes et imprécises était encore limitée.

A la fin des années 70, plus précisément lors du deuxième “été de l’IA” entre 1978 et 1987,  l’IA connaît un regain d’intérêt. Les chercheurs ont commencé à explorer de nouvelles approches, notamment l’utilisation de réseaux neuronaux et de systèmes experts. Les réseaux neuronaux sont des modèles de traitement de l’information inspirés par le fonctionnement du cerveau humain, tandis que les systèmes experts sont des programmes informatiques qui simulent l’expertise humaine dans un domaine spécifique.

Il faudra attendre la fin des années 90 pour voir un renouveau de ces domaines scientifiques, stimulé par des avancées majeures dans le traitement des données et les progrès de l’apprentissage automatique. C’est d’ailleurs dans cette période qu’une IA, Deepblue, gagne contre le champion mondial Garry Kasparov aux échecs.$

Au cours des dernières années, cette technologie a connu une croissance exponentielle, stimulée par des progrès majeurs dans le deep learning, la robotique ou la compréhension du langage naturel (NLU). L’IA est maintenant utilisée dans un large éventail de domaines, notamment la médecine, l’agriculture, l’industrie et les services. C’est aujourd’hui un moteur clé de l’innovation et de la transformation de notre monde, accentué par l’essor des generative AIs. 

Parmi ces innovations, deux grandes approches en intelligence artificielle sont aujourd’hui utilisées : 

1 - Le Machine Learning : qui est un système d’apprentissage automatique basé sur l’exploitation de données, imitant un réseau neuronal

2 - L’IA Symbolique : qui se base sur un système d’exploitation de " symboles ”, ce qui inspire des technologies comme le “système expert” basé sur une suite de règles par exemple.

Mais comment fonctionnent ces deux approches et quels sont leurs avantages et leurs inconvénients ? Quels sont leurs champs d’application ? Peuvent-ils être complémentaires ?

Le machine learning

Le Machine Learning est le courant le plus populaire ces dernières années, il est notamment à l’origine de ChatGPT ou bien MidJourney, qui font beaucoup parler d’eux ces derniers temps. Le Machine Learning (ML) est une famille de méthodes d’apprentissage automatique qui permet aux ordinateurs d’apprendre à partir de données, sans être explicitement programmés. En utilisant des algorithmes, le ML permet aux ordinateurs de comprendre les structures et les relations dans les données et de les utiliser pour prendre des décisions.

Le ML consiste à entraîner des modèles informatiques sur de vastes ensembles de données. Ces modèles sont des algorithmes auto apprenant se basant sur des échantillons de données, tout en déterminant des schémas et des relations/corrélations entre elles. Le processus d’entraînement consiste à fournir à l’algorithme des données étiquetées, c’est-à-dire des données qui ont déjà été classifiées ou étiquetées pour leur attribuer une signification. L’algorithme apprend ensuite à associer les caractéristiques des données étiquetées aux catégories définies en amont. Il existe cependant une approche non-supervisée qui consiste à découvrir ce que sont les étiquettes elles-mêmes (ex: tâche de clustering).

Traditionnellement, le machine learning se divise en 4 sous-catégories : 

Apprentissage supervisé : 

Les ensembles de données sont étiquetés, ce qui permet à l’algorithme de trouver des corrélations et des relations entre les caractéristiques des données et les étiquettes correspondantes. 

Apprentissage non supervisé : 

Les ensembles de données ne sont pas étiquetés et l’algorithme doit découvrir les étiquettes par lui-même. 

Apprentissage semi-supervisé : 

L’algorithme utilise un mélange de données étiquetées et non étiquetées pour l’entraînement.

Apprentissage par renforcement : 

L’algorithme apprend à prendre des décisions en interagissant avec son environnement. Il reçoit des récompenses ou des pénalités pour chaque action, ce qui lui permet d’ajuster sa stratégie pour maximiser sa récompense globale.

Un exemple d’application du Machine Learning est la reconnaissance d’images. Des modèles d’apprentissages profonds sont entraînés sur des millions d’images pour apprendre à reconnaître des objets, des personnes, des animaux, etc. Un autre exemple est la prédiction de la demande dans le commerce de détail, où des modèles sont entraînés sur des données de ventes passées pour prédire les ventes futures.

Quels sont les avantages ? 

Étant entraîné sur un vaste corpus de données, le ML permet de prédire des tendances en fonction de données.  

- Le machine learning offre la capacité de détecter des tendances and des modèles dans les données qui peuvent échapper à l’observation humaine.

- Une fois configuré, le machine learning peut fonctionner de manière autonome, sans l’intervention humaine. Par exemple, dans le domaine de la cybersécurité, il peut surveiller en permanence le trafic réseau pour identifier les anomalies.

- Les résultats obtenus par le machine learning peuvent s’affiner et s’améliorer avec le temps, car l’algorithme peut apprendre de nouvelles informations et ajuster ses prédictions en conséquence.

- Le machine learning est capable de traiter des volumes massifs et variés de données, même dans des environnements dynamiques et complexes.

L’intelligence artificielle symbolique

L’IA symbolique est une autre approche de l’intelligence artificielle. Elle utilise des symboles and des règles de traitement de l’information pour effectuer des tâches. Les symboles peuvent être des concepts, des objets, des relations, etc. Les règles peuvent être des règles de déduction, des règles de production, des règles d’inférence…etc.

Un exemple d’application de l’IA symbolique est le système expert. Un système expert est un programme informatique qui utilise des règles de déduction pour résoudre des problèmes dans un domaine spécifique, comme le diagnostic médical ou l’aide à la décision en entreprise. Un autre exemple est la traduction automatique basée sur des règles, les règles de grammaire et de syntaxe sont utilisées pour traduire un texte d’une langue à une autre.

Quelques exemples d’usages de l’IA symbolique :

La traduction

L’IA symbolique a été utilisée pour développer des systèmes de traduction automatique basés sur des règles. Ces systèmes utilisent des règles de grammaire et de syntaxe pour convertir un texte d’une langue à une autre. Par exemple, le système SYSTRAN, développé dans les années 1960, est un des premiers systèmes de traduction automatique basé sur des règles. Ce type de système se distingue des approches basées sur le Machine Learning, comme Google Translate, qui utilisent des modèles statistiques pour apprendre à traduire des textes à partir de corpus bilingues.

Le raisonnement logique

L’IA symbolique est également utilisée pour développer des systèmes capables de raisonnement logique, en exploitant des règles et des connaissances déclaratives pour résoudre des problèmes complexes. Par exemple, les systèmes d’aide à la décision basés sur des règles peuvent être utilisés dans des domaines tels que la finance, l’assurance ou la logistique, pour aider les entreprises à prendre des décisions éclairées. Un exemple concret est le système MYCIN, développé dans les années 1970 pour aider les médecins à diagnostiquer des infections bactériennes et à prescrire des antibiotiques adaptés.

L’analyse de textes

L’IA symbolique peut être utilisée pour l’analyse de textes, en exploitant des règles et des connaissances linguistiques pour extraire des informations pertinentes à partir de documents. Par exemple, les systèmes d’extraction d’information basés sur des règles peuvent être utilisés pour identifier des entités nommées (noms de personnes, d’organisations, de lieux, etc.) et des relations entre ces entités dans des textes. Un exemple d’application est l’analyse et la catégorisation des messages entrants pour les entreprises, cœur de métier de Golem.ai avec la solution InboxCare.

Les avantages de l’IA symbolique 

L’IA symbolique est une approche qui utilise des symboles, et parfois des " règles” basées sur des connaissances, qui comporte plusieurs avantages :

- Explicablilité : Les décisions prises par les systèmes d’IA symbolique sont explicites et peuvent être expliquées en fonction des règles logiques et des connaissances déclaratives utilisées par le système. Cette transparence peut être essentielle dans des applications critiques, comme la médecine ou la défense.

- Frugalité : Contrairement au Machine Learning, l’IA symbolique ne nécessite pas d’entraînement, ce qui la rend moins gourmande en énergie à la fois lors de la conception et de l’utilisation.

- Adaptabilité : Les systèmes d’IA symbolique peuvent être facilement adaptés à de nouveaux domaines en ajoutant de nouvelles règles logiques et connaissances déclaratives à leurs bases de connaissances existantes, leurs permettant de s’adapter rapidement à de nouvelles situations.

L’intelligence artificielle hybride ou le neuro-symbolique 

Les systèmes hybrides combinent les avantages de l’IA symbolique et du Machine Learning en utilisant une approche mixte. Dans ce type de système, l’IA symbolique est utilisée pour représenter les connaissances et les règles logiques dans un domaine spécifique. Les techniques de Machine Learning sont ensuite utilisées pour améliorer les performances de l’IA symbolique en utilisant des ensembles de données pour apprendre des modèles de décision plus précis et plus flexibles. Mais nous pouvons également voir d’autres articulations comme la taxonomie de Kautz par exemple.

L’IA symbolique est souvent utilisée dans des domaines où il est important de comprendre et de contrôler la façon dont les décisions sont prises, comme la médecine, la finance ou la sécurité. En revanche, le Machine Learning est souvent utilisé pour des tâches de classification ou de prédiction à grande échelle, telles que la reconnaissance de voix ou d’image, ou pour détecter des modèles dans des données massives.

En combinant les deux approches, les systèmes hybrides peuvent bénéficier de la compréhensibilité et de la fiabilité de l’IA symbolique, tout en utilisant la flexibilité et la capacité de traitement massif de données du Machine Learning pour améliorer la performance des décisions. Ces systèmes hybrides peuvent également offrir une plus grande précision et un temps de réponse plus rapide que l’une ou l’autre approche utilisée seule.

Que retenir de ces deux approches ?

L’Intelligence Artificielle est en constante évolution et transforme de nombreux secteurs d’activité. Les deux approches principales de l’IA ont leurs avantages et inconvénients et peuvent être complémentaires. Il est donc crucial pour les entreprises de comprendre ces technologies pour rester compétitives. 

Cependant, les implications éthiques et sociales de l’IA doivent également être prises en compte. Les décisions des algorithmes peuvent avoir un impact sur la vie des personnes, leur travail, leurs droits et leurs libertés. Il est donc essentiel de mettre en place des normes éthiques et des réglementations pour garantir que l’IA soit au service de l’humanité. Les entreprises et les gouvernements doivent travailler ensemble pour développer des IA responsables, transparentes et équitables qui servent les intérêts de tous. En travaillant ensemble, nous pouvons assurer que l’IA soit une force positive pour l’humanité dans les années à venir. 



 

Auteur: Merindol Hector

Info: https://golem.ai/en/blog/technologie/ia-symbolique-machinelearning-nlp - 4 avril 2023

[ dualité ]

 

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mental aveugle

Aphantasie - Hors de la vue, hors de l'esprit.

Fermez les yeux et imaginez que vous regardez la maison de votre enfance depuis la rue. Si vous pouvez en voir une représentation visuelle avec une certaine fidélité d'esprit, vous faites partie des 98 % de personnes qui peuvent visualiser. Si, comme moi, vous ne voyez que du noir, vous faites partie des 2 % de gens atteints d'une maladie appelée Aphantasie.

Quand je ferme les yeux, il n'y a pas d'images, de formes, de couleurs, de taches, de flous, de bouts. Rien. Je n'ai jamais vu un seul mouton sauter par-dessus une clôture. Toute ma vie, j'ai pensé que lorsque les gens disaient qu'ils pouvaient penser en images et visualiser des images, c'était métaphorique.

En tant que designer, c'est une révélation. Personnellement, ça change vraiment la donne.

Plutôt que de penser que je n'en avais pas la capacité, j'ai toujours supposé que personne ne voyait vraiment les moutons, ils pensaient juste à eux comme moi. Je me rappelle combien il était ridicule d'essayer de compter les moutons que je ne voyais pas.

L'apprentissage de l'aphantasie (un nouveau "machin" qui n'a pas encore d'entrée dans le dictionnaire) m'a obligé à me demander quels sont mes processus internes et comment je peux obtenir à peu près les mêmes résultats que quelqu'un qui peut visualiser. Tant de choses ont un sens maintenant, mais il y en a encore tant à comprendre. Avant d'entrer dans les détails, voici quelques symptômes de ce syndrome : 

-  Il n'y a aucun souvenir visuel pour quoi que ce soit, que ce soit un visage, un mot, l'endroit où j'ai laissé mes clés, un beau moment, l'enfance.

- Tout comme le passé ne peut être rappelé, je ne peux pas visualiser les événements futurs. Toutes ces techniques de visualisation du développement personnel que j'ai essayées au fil des ans et que je croyais inutiles...

- Il n'y a pas d'endroit agréable où aller. Quand on souffre, c'est un peu comme dans la scène de Chemical Burn du Fight Club, il faut juste rester avec la douleur. 

- Je rêve en images mais jamais avec une quelconque clarté. Même quand je me souviens des rêves, je ne peux pas me les remémorer. Je ne sais pas si la fidélité de mes rêves correspond à celle de quelqu'un qui n'a pas ma condition.

- Quand je rêve le jour, j'imagine des scénarios dans des détails abstraits et des nuages de pensées, ce qui est très difficile à comprendre et encore moins à expliquer.

- Les histoires fictives sont inutiles et n'ont aucun lien viscéral. Même enfant, je n'ai jamais pu me plonger dans des aventures de fiction. Je n'aurais pas été bon à l'école du dimanche.

- C'est une bénédiction de ne pas avoir de flashbacks d'événements traumatisants, mais ;

- C'est une malédiction de ne pas pouvoir évoquer des images d'êtres chers disparus. 

Il y a une myriade d'exemples qui peuvent être ajoutés à cette liste, mais vous avez compris. Mes paupières se ferment et le monde devient noir, ce qui m'a toujours semblé logique - c'est à cela que servent les paupières. Voir des images lorsque les yeux sont fermés ressemble à un super pouvoir qui devrait être pour une minorité exceptionnelle, et non l'inverse.

La voix de l'esprit

Depuis cette découverte, j'ai pu mettre certains points sur les i. Il y a quelques années, je me suis intéressé à la programmation neuro-linguistique (PNL), dont une partie consiste à comprendre les modalités sensorielles. Lorsque je me suis appliqué à moi-même ces techniques, le résultat fut que j'étais auditif. Bien sûr, étant donné que toute ma vie professionnelle avait été en tant que designer, je m'attendais à être visuel.

Alors comment une personne atteinte d'aphantasie peut-elle traiter des données et anticiper les résultats ? Pour moi, j'ai découvert que j'entends les résultats, mais que je ne les vois pas

Par exemple, j'ai eu un combat de boxe professionnelle il y a quelques années. J'ai toujours été en faveur du développement personnel et j'avais lu et entendu si souvent qu'il faut visualiser un résultat réussi que l'on veut atteindre. En l'occurrence, me voir victorieux avec les mains levées et sortir du ring en vainqueur. Rétrospectivement, je n'ai jamais rien vu, mais j'ai tout entendu.

En visualisant le combat, j'écoutais vraiment la foule, j'entendais mes entraîneurs me dire à quel point je m'en sortais bien entre les rounds, et surtout j'écoutais mes propres commentaires et affirmations internes pendant que je jouais mentalement l'événement. Lorsque je visualisais la victoire, je ne voyais rien, mais j'entendais ma propre voix mentale célébrer la victoire.

Oreilles visuelles

La mémoire et la capacité à se souvenir d'un moment, d'un événement ou d'une action sont cruciales. Lorsque quelqu'un d'autre a égaré ses clés, il peut voir où il les a laissées comme un souvenir à rappeler. Pour ce faire, je me souviens de ma voix mentale qui disait à l'époque " tes clés sont sur le bureau " lorsque je les y pose. Et quand j'ai besoin de les retrouver, je reviens à la dernière phrase de mes clés. Les fragments de langage sont un moyen de cloisonner les actions que j'ai prises et celles que je dois prendre.

Si j'assiste à un magnifique coucher de soleil, je ne puis en capturer un instantané mental, c'est plutôt comme un extrait sonore, et c'est surtout mon bavardage interne qui essaie d'enregistrer le moment et de le verbaliser via les détails. Je suis à la limite de l'obsession des couchers de soleil, ce qui frustre tous ceux avec qui je suis si l'un d'entre eux se trouve à proximité, car je dois me rendre à un point d'observation. "On les a tous vus..." mais comme je ne m'en souviens pas, j'ai besoin de les voir encore et encore.

Je suis un fervent iPhoneographe, ce qui n'est pas unique, mais pour moi, c'est une façon de gérer mon incapacité à capturer des images mentales. Lorsque je pars en voyage avec un partenaire, c'est inévitablement frustrant pour lui, car je dois m'arrêter si souvent pour saisir les moments. "Pourquoi ne pouvez-vous pas simplement profiter de l'instant présent ?", ce que je fais, mais si je ne le capture pas, je ne pourrai généralement plus jamais revoir cet endroit. Si je conduis et qu'une scène qui vaut la peine d'être capturée apparaît, ce ne sont pas mes yeux qui m'encouragent à m'arrêter, j'entends "Ce serait une super photo", alors j'ai appris à faire confiance à ma voix au-dessus de mes yeux, même pour les choses visuelles, et j'ai une vision de 20/20.

Le dilemme du designer

Je suis un designer qui est intrinsèquement visuel. J'ai commencé dans le design visuel et j'ai évolué vers le design de l'expérience utilisateur qui, je crois maintenant, est un artefact d'Aphantasia. Lorsque je parle à mes collègues designers, je n'arrive pas à croire qu'ils voient dans leur esprit à l'avance ce qu'ils exécutent ensuite dans Photoshop. Ils disposent d'un canevas mental sur lequel ils peuvent appliquer leurs visualisations. Cela va dans le sens de l'hyperphantasie.

Un collègue peut voir 20 versions du même graphique et être capable de les filtrer dans sa tête pour créer les 5 versions qu'il fera physiquement comme options de révision. Un autre collègue peut évoquer une seule instance d'un graphique mais être capable d'animer et de déplacer les éléments jusqu'à ce qu'il se arrête  la version qu'il va concevoir.

Mais la question est, que fait un Aphantasique ?.

Lorsque j'essaie de résoudre un problème d' expérience-design, je pense que c'est la réalité. Ce n'est pas une bonne description car il n'y a pas de vraie bonne manière d'articuler ce processus. Mais je le verbalise aussi en interne, et cela se fait en grande partie en jouant le rôle de l'utilisateur et en écoutant ce qu'il entendrait de son propre bavardage interne s'il faisait l'expérience du voyage que j'essaie de résoudre pour lui. Par exemple, s'ils rencontrent un problème pendant que je joue leur expérience de la conception, je les entends dire "ça ne marche pas" mais je ne vois pas comment, je dois le traduire de mon point de vue de concepteur puis le manifester à l'écran, sur papier ou autre.

J'ai toujours été un bon collaborateur dans le domaine du design, parce que j'ai eu besoin de l'être. Très souvent, les solutions aux problèmes viennent de moi, qui en parle et qui peint une image mentale d'un problème de ce que je "vois" pendant qu'un collègue crée cette image mentale et qu'ensemble, cela devient une solution. Une véritable conception collaborative, où le partage des connaissances conduit à une compréhension collective et à la résolution des problèmes.

Imagine que

On m'a interrogé sur mon imagination ? Je suis un vrai rêveur, mais une fois "hors fèeries", je ne suis pas vraiment sûr de ce qui se passe. C'est la chose la plus difficile à expliquer parce que je ne peux pas encore vraiment expliquer ce qui se passe quand je suis "loin". La meilleure description est que je sens les choses se passer dans ma tête. Les événements se déroulent et je ne suis pas mentalement vide, mais visuellement noir. Tout cela est assez étrange. Je ressens toujours les rêves comme des images, il semble donc que le conscient ait un filtre sur ce que l'inconscient peut faire passer en douce pendant le sommeil.

Bénédiction ou malédiction

L'un des aspects les plus troublants est de ne pas pouvoir voir ses proches. Mon frère a récemment quitté ce monde et malgré tous mes efforts, je ne puis voir son visage. Je ne peux même pas visualiser une photo de son visage, ou une représentation floue. Depuis, j'en ai parlé à ma mère, qui se couche tous les soirs avec une ou plusieurs photos de lui et peut s'en servir pour se souvenir de lui.

Je peux avoir un sentiment pour une personne et je peux décrire mon frère à quelqu'un. La façon dont il marchait par exemple, je peux la reproduire, mais c'est de mémoire. Parfois, je me sense dissonant au plan émotionnel, comme en vivant un  événement traumatisant comme une rupture. J'ai l'impression d'avancer rapidement et je me demande maintenant si c'est un cas de "loin des yeux, loin du cœur". Cette citation aide à résumer beaucoup de choses pour moi et mon expérience du monde.

Un avantage, cependant, est que les expériences négatives ne peuvent pas être revécues. Des images visuelles horribles, comme un récent accident de moto, ne reviennent jamais nous hanter. Une fois la chose vue, elle est automatiquement invisible.

Voir, c'est croire

Il existe de nombreux exemples de personnes dont un sens est diminué ou inexistant, ce qui encourage d'autres à se renforcer. Le savant qui pense aux nombres comme à des images et qui peut résoudre des équations mathématiques par l'image. Je n'ai pas encore appris exactement comment traiter et traduire l'information, mais je suis maintenant sur cette voie pour comprendre comment je fonctionne et pour développer cette capacité, tout en travaillant à supprimer le filtre et à ouvrir un tout nouveau monde à l'œil de l'esprit.

Auteur: Kappler Benny

Info: 9 janvier 2017. https://medium.com/@bennykappler/aphantasia-out-of-sight-out-of-mind-f2b1b4e5cc23. Trad Mg

[ imagination non-voyante ]

 

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chronos

Le temps est une différence de pression : la respiration comme média environnemental dans "Exhalation" de Ted Chiang

Dans la nouvelle de science-fiction "Exhalation" de Ted Chiang, publiée en 2008, le souffle est le médiateur de la fin du monde.

Ce texte raconte l'histoire d'une espèce mécanique alimentée par l'air. Chaque jour, les membres de cette espèce consomment deux poumons d'aluminium remplis d'air, et chaque jour, ils les remplissent à nouveau à partir d'un réservoir caché sous terre. Leur univers comporte de nombreuses villes et quartiers, mais il est délimité par un "mur de chrome solide" qui s'étend jusqu'au ciel. Un jour, une cérémonie traditionnelle du nouvel an, qui dure toujours exactement une heure (chronométrée avec la précision mécanique de l'espèce), dure quelques minutes de plus. C'est surprenant. La nouvelle se répand et ils découvrent que la manifestation s'est prolongée dans tout leur univers. Les horloges elles-mêmes semblent fonctionner correctement ; c'est plutôt le temps lui-même qui s'est ralenti d'une manière ou d'une autre. Le narrateur, un anatomiste, soupçonne que la vérité réside dans le cerveau des espèces et décide de procéder à une autodissection avec un appareil de sa conception. De même que la nature de la conscience échappe aux humains organiques, elle échappe aussi aux automates de Chiang. Certains pensent que leur esprit est inscrit sur d'innombrables feuilles d'or dans leur cerveau ; d'autres soupçonnent que le flux d'air agit sur d'autres supports plus subtils. Au cours de son autodissection, le narrateur découvre la vérité : la conscience n'est pas inscrite dans le cerveau, mais constituée par la circulation de l'air dans le cerveau, qui forme et reforme les connexions électriques avec une plasticité infinie. De cette révélation, le narrateur déduit que le temps lui-même ne ralentit pas, mais que c'est plutôt la force de l'air à travers le cerveau qui ralentit, altérant la cognition. La deuxième loi de la thermodynamique : l'entropie augmente dans un système fermé, ce que l'univers doit être en fait. Chaque action, pensée et mouvement augmente l'entropie de leur univers, "hâtant l'arrivée de cet équilibre fatal", c'est-à-dire la possibilité de la mort.

Comme de nombreuses histoires de Chiang, "Exhalation" explore les conséquences culturelles étendues d'un concept scientifique, en l'occurrence l'entropie. À travers les principes physiques de la thermodynamique, la respiration met en scène une ironie tragique dans le système mondial. Le travail de maintien d'un type particulier de vie rend toute autre vie impossible. Je lis "Exhalation" comme une riche archive de possibilités théoriques médiatiques, car Chiang relie les problèmes de la technologie, de la médiation, de la conscience, de l'incarnation, de la temporalité et de l'environnement. La respiration est le pivot qui maintient ces concepts ensemble, et en particulier, selon moi, la relation de la respiration avec le temps. Dans cet article, je lis "Exhalation" à la fois à travers et en tant que théorie des médias pour suggérer que la mesure et la perception du temps, qui sont depuis longtemps des problèmes fondamentaux pour les études sur les médias, sont devenues des questions environnementales urgentes. Nous pouvons appréhender ces temporalités environnementales par le biais de la respiration, qui ne fonctionne pas de manière linéaire mais plutôt récursive, franchissant une certaine échelle dans sa répétition.

"Exhalation" met en scène deux types de temps différents : celui de la perception intérieure et celui de la comptabilité extérieure. D'une part, le temps est le sentiment incarné qu'un moment suit le suivant. D'autre part, le temps est la comptabilité de technologies théoriquement impartiales, elles-mêmes étalonnées par rapport à des phénomènes physiques. Le fait que le monde d'"Exhalation" soit entièrement mécanique permet à Chiang d'établir une analogie fluide entre ces deux sens du temps. Le drame découle donc de la découverte par le narrateur que ces sens, qui partagent supposément un substrat matériel, sont devenus non calibrés. Le véritable substrat, découvre le narrateur, n'est pas la matière en elle-même, mais plutôt la différence entre les matières. "Voici pourquoi", écrit le narrateur,

...j'ai dit que l'air n'est pas la source de la vie. L'air ne peut être ni créé ni détruit ; la quantité totale d'air dans l'univers reste constante, et si l'air était tout ce dont nous avons besoin pour vivre, nous ne mourrions jamais. Mais en réalité, la source de la vie est une différence de pression atmosphérique, le flux d'air des espaces où il est épais vers ceux où il est mince.... En réalité, nous ne consommons pas d'air.

En tant que matière, l'air ne s'épuise pas. Au contraire, les actions de l'espèce évacuent la différence, augmentent l'aléatoire et éliminent ainsi l'action mécanique et sa temporalité concomitante.

À première vue, l'approche du temps de Chiang est conforme à certains modèles fondamentaux des études sur les médias, pour lesquels le temps est un effet secondaire de sa technologisation. Pour Harold Innis, critique du début du XXe siècle, par exemple, les supports d'enregistrement disponibles dans une civilisation donnée déterminent les relations possibles avec le temps. Une civilisation basée sur le papier favorise la synchronisation sur de grandes distances, facilitée par la vitesse de circulation du papier, tandis qu'une civilisation basée sur la pierre serait plus diachronique, favorisant les supports statiques qui couvrent de grandes étendues de temps. Les idées d'Innis ont inspiré des approches ultérieures des médias numériques. Pour le théoricien des médias Wolfgang Ernst, les médias numériques sont "critiques en termes de temps", dans la mesure où ils dépendent d'un timing précis pour fonctionner. Le temps numérique est mesuré par des cristaux de quartz qui marquent les tics du temps UNIX, qui compte le début de l'histoire à partir du jeudi 1er janvier 1970, lorsque le carbone atmosphérique ne mesurait que 325 ppm. Ernst fait la distinction entre le temps "dur" et le temps "mou", c'est-à-dire le temps imposé aux machines par la physique et le temps inventé par les machines dans leur fonctionnement. Si le temps dur de la physique se poursuit en dehors de l'objet médiatique, notre appréhension de ce temps est inéluctablement liée à la durabilité du temps mou, généré par les machines.

Je suis loin d'être le seul à m'opposer à ces modèles de temporalité des médias. Je pense, par exemple, à l'argument de Sarah Sharma selon lequel ces modèles sont obsédés par la vitesse : l'hypothèse selon laquelle les médias accélèrent la temporalité et réduisent l'espace, rapprochant les cultures et effaçant le temps passé à attendre que les messages soient transmis. Pour Sharma, la vitesse est trop simple ; en revanche, elle affirme que le principal sujet temporel des médias est la synchronicité, dont la négociation et le maintien exigent un travail culturel et matériel constant. La relation au temps, tout comme la relation à l'environnement, est liée à la position politique de chacun. Elle est également liée au corps. John Durham Peters affirme que le corps humain lui-même est un support temporel, qui calibre une multiplicité vertigineuse d'échelles de temps. Les rythmes circadiens intègrent la "pulsation" géophysique du jour et de la nuit dans les êtres vivants. Vu dans ce cadre, le rythme inconscient de la respiration n'est qu'une partie d'un système médiatique complexe de temporalité qui se calibre et se recalibre constamment. Je souhaite faire progresser le rythme dans mon analyse. Shintaro Miyazaki affirme que le rythme a toujours été un aspect central, bien que méconnu, de la culture algorithmique. Le rythme supplante la notion d'"horloge" ou d'"impulsion", qui ne rendent pas compte de la négociation constante entre les états de la matière caractéristiques des médias numériques. Le rythme nomme alors le travail actif de synchronisation de la médiation. Il s'ensuit que nous pourrions caractériser le drame d'"Exhalation", et peut-être notre crise climatique actuelle, comme une désarticulation du rythme.

Au fur et à mesure que la nouvelle de la découverte du narrateur se répand, la panique face à la nouvelle possibilité de mort se répand également. Pendant quelques pages, "Exhalation" devient une allégorie manifeste des réactions humaines au changement climatique. "Nombreux sont ceux qui réclament une limitation stricte des activités afin de minimiser l'épaississement de notre atmosphère", écrit le narrateur, "les accusations de gaspillage d'air ont dégénéré en rixes furieuses". Une secte quasi-religieuse, les Inverseurs, gagne en popularité. Dans une parodie de la géo-ingénierie, ils construisent un moteur qui comprime l'air, augmentant ainsi la pression atmosphérique globale. "Hélas, observe le narrateur, le moteur lui-même était alimenté par l'air du réservoir..... Il n'a pas inversé l'égalisation, mais a permis d'augmenter la pression de l'air. Il n'a pas inversé l'égalisation mais, comme tout ce qui existe dans le monde, l'a exacerbée". Face à l'impossibilité d'empêcher la dégradation de l'atmosphère, les mécaniciens tentent de remodeler le cerveau lui-même, parallèlement aux adaptations transhumaines aux climats inhospitaliers. Tout cela n'aboutit à rien. Le narrateur termine l'histoire en spéculant sur un avenir possible, lorsqu'un explorateur intrépide franchira le mur de chrome et transformera le système fermé en un système ouvert. Les automates pourraient revivre, grâce à l'introduction d'une nouvelle pression, d'un nouveau souffle, mais leur esprit et leur culture ne survivraient pas.

Mais le souffle n'est rien d'autre qu'une technologie de survie. Je pense ici au travail de Jean-Thomas Tremblay sur le souffle en tant que technique féministe, ou aux archives d'Ashton Crawley sur le souffle dans les pratiques culturelles et spirituelles des Noirs. Les logiques médiatisées de sa mise en péril, de sa vulnérabilité et de sa force sont, comme l'affirme Tremblay, "autant une déclaration phénoménologique qu'une déclaration historique et culturelle". À ces archives respiratoires, j'ajouterais le souffle en tant que médiation environnementale. Cette médiation se produit à différents niveaux, depuis le brouillage par la respiration des frontières entre les médias et le corps jusqu'à la respiration en tant que modèle de réflexion sur le temps environnemental. Il est essentiel de noter qu'il ne s'agit pas d'un temps avec un début ou une fin, mais plutôt de cycles imbriqués de naissance et de décomposition, la médiation s'empilant sur elle-même. Quels nouveaux rythmes peuvent émerger ?

La temporalité de la conclusion d'"Exhalation" apporte une réponse provisoire. Les derniers paragraphes offrent une "valédiction"*, le narrateur s'adressant directement au lecteur. "Le même sort que celui qui m'a frappé t'attend-il ?" demandent-ils. Alors que la majeure partie du récit se déroule au passé, la fin s'inscrit dans un futur imaginé et s'adresse au lecteur à l'impératif : "Visualisez tout cela la prochaine fois que vous regarderez le monde gelé qui vous entoure, et il redeviendra, dans votre esprit, animé et vital. Telle est la temporalité de la spéculation, que Chiang présente comme un mode de réflexion sur l'effondrement écologique, qui ne prend pas l'effondrement comme une donnée et ne croit pas naïvement qu'il peut être évité. Il y a une fin, et il y a ce qui vient après la fin. L'après-fin est un espace de possibilités endeuillées :

Notre univers aurait pu glisser vers l'équilibre en n'émettant rien de plus qu'un sifflement silencieux. Le fait qu'il ait engendré une telle plénitude est un miracle, qui n'a d'égal que l'univers qui vous a donné naissance.

Respirer, c'est être médiateur du temps, pour soi mais aussi pour les autres. C'est être le médiateur de la possibilité du prochain souffle à venir, c'est coordonner et relier une multitude de systèmes naturels et culturels. Dans le cadre de la crise climatique, nous savons désormais de manière concluante que nos médias industriels sont à bout de souffle. Le défi que nous lance "Exhalation" est de les refaçonner pour qu'ils puissent soutenir le souffle.

Auteur: Moro Jeffrey

Info: https://jeffreymoro.com/blog/2022-04-01-defense-talk/ - 7 Jan 2021. Présentation faite dans le cadre du panel Environmental Media au MLA 2021, qui s'est tenu virtuellement. Pour les références du texte, voir directement sur le site. Trad Mg et DeepL. *Formule qui recommande le destinataire à la protection divine

[ homme-machine ] [ cadence ] [ science-fiction ] [ analyse de texte ] [ réchauffement climatique ] [ Gaïa ] [ tétravalence ] [ accélérationnisme ]

 

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exobiologie

Les extraterrestres sont-ils là sous nos yeux ?

Difficile de détecter quelque chose sans avoir aucune idée de ce que c'est.

Cette année, plusieurs missions sont en quête de vie sur la planète rouge. Mais reconnaîtrions-nous des extraterrestres si nous les trouvions ? En juillet, trois missions non habitées se sont envolées vers Mars : de Chine (Tianwen-1), depuis les États-Unis (Mars 2020 Perseverance Rover de la Nasa) et des Émirats arabes unis (Hope). Les missions chinoise et américaine sont équipées d'atterrisseurs qui rechercheront des signes de vie actuelle ou passée sur Mars. La Nasa prévoit également d'envoyer sa sonde Europa Clipper sur la lune de Jupiter, Europa, et l'atterrisseur robotisé Dragonfly sur la lune de Saturne, Titan. Ces deux lunes sont considérées comme des terrains de chasse prometteurs pour la vie dans notre système solaire, tout comme les océans souterrains d'Encelade, la lune glacée de Saturne.

En attendant, nous pouvons désormais entrevoir la composition chimique des atmosphères des planètes qui orbitent autour d'autres étoiles (exoplanètes), dont plus de 4 000 sont aujourd'hui connues. Certains espèrent que ces études pourraient révéler d'éventuelles signatures de vie.

Mais ces recherches peuvent-elles être efficaces si nous n'avons pas une idée claire de ce qu'est la "vie" ? La définition officieuse de la Nasa est la suivante : "système chimique autonome capable d'évolution darwinienne". "La Nasa a besoin d'une définition de la vie pour savoir comment construire des détecteurs et quels types d'instruments utiliser lors de ses missions", explique le zoologiste Arik Kershenbaum, de l'université de Cambridge. Mais tout le monde ne pense pas qu'elle utilise la bonne définition.

L'astrobiologiste Lynn Rothschild, du centre de recherche Ames de la Nasa en Californie, voit une mise en garde dans l'histoire de Winnie l'ourson d'AA Milne, dans laquelle Pooh et Piglet chassent un Woozle sans savoir à quoi il ressemble et confondent leurs propres empreintes avec ses traces. "On ne peut chasser quelque chose sans avoir aucune idée de ce que c'est", dit-elle.

Le problème de la définition de la vie hante les planétologues depuis que les deux atterrisseurs Viking de la Nasa se sont posés sur Mars en 1976. Depuis, les rovers ont parcouru des dizaines de kilomètres sur les plaines martiennes mais n'ont trouvé aucun signe de vie. Mais saurions-nous la reconnaître si nous la voyions ?

Certains astrobiologistes - scientifiques qui étudient la possibilité de vie sur d'autres mondes - pensent que notre vision est trop étroite. Nous ne connaissons qu'un seul type de vie : la vie terrestre. Tous les êtres vivants sur Terre sont constitués de cellules adaptées à un environnement aquatique, utilisant une machinerie moléculaire construite à partir de protéines et codée sous forme de gènes dans l'ADN. Peu de scientifiques pensent que la vie extraterrestre - si tant est qu'elle existe - repose sur les mêmes éléments chimiques. "Il serait erroné de supposer que la biochimie qui nous est familière est celle que nous allons trouver sur d'autres planètes", déclare Kershenbaum. La surface de Titan, par exemple, est trop froide (moins 179 °C) pour contenir de l'eau liquide, mais la mission de l'atterrisseur Huygens en 2005 a révélé la présence de lacs d'un autre type, constitués d'hydrocarbures comme ceux de l'essence, principalement du méthane et de l'éthane.

Rothschild pense que les règles universelles de la chimie réduisent certaines des options. "J'ai du mal à imaginer une autre forme de vie qui ne soit pas basée sur le carbone", dit-elle. Il est donc logique de concevoir les missions planétaires de recherche de la vie en gardant cela à l'esprit. L'eau présente également "une tonne d'avantages" en tant que solvant de la vie. Même si des réactions chimiques intéressantes se produisaient dans les lacs de méthane de Titan, elles seraient fortement ralenties par les températures glaciales. La vie pourrait-elle se dérouler à un rythme aussi glacial ? Le planétologue Stuart Bartlett, de l'Institut de technologie de Californie à Pasadena, garde l'esprit ouvert. "Il pourrait y avoir des organismes flottant dans l'atmosphère de Titan qui boivent essentiellement de l'essence pour se maintenir", dit-il.

On a longtemps pensé que toute entité méritant d'être qualifiée de vivante possède des attributs qui ne dépendent pas de sa composition chimique précise. Il est toutefois très difficile de définir ces qualités générales. Les systèmes vivants - même les bactéries - sont extrêmement complexes, maintenus par des informations qui passent (dans notre cas via les gènes) entre les générations et créent une organisation. Mais il ne s'agit pas de l'ordre froid et mort des cristaux, où les atomes sont empilés selon des motifs réguliers. Il s'agit plutôt de l'ordre dynamique d'une ville ou d'une formation nuageuse, que les scientifiques qualifient de "déséquilibré" : il est constamment alimenté en énergie et ne s'installe pas dans un état statique.

Bartlett et Wong proposent une catégorie plus large appelée "lyfe", dont la vie telle que nous la connaissons n'est qu'une variante.

Lorsque James Lovelock, aujourd'hui connu pour l'hypothèse Gaia qui propose que notre planète entière soit assimilée à une entité vivante, participa à la conception des atterrisseurs Viking dans les années 1970, il suggéra de rechercher un tel déséquilibre chimique dans l'environnement - que seule la vie pourrait éventuellement maintenir sur des échelles de temps géologiques. Il s'agit plutôt de l'ordre dynamique d'une ville ou d'une formation nuageuse, que les scientifiques qualifient de "déséquilibré" : Les deux étant constamment alimentés en énergie et ne s'installent pas dans un état statique.  Mais des états de "déséquilibre ordonné" peuvent également être trouvés dans des systèmes non vivants, comme des liquides fluides, de sorte que ce seul critère ne permet pas d'identifier la vie.

Bartlett, en collaboration avec l'astrobiologiste Michael Wong de l'Université de Washington à Seattle, soutient que nous devons échapper au carcan de la pensée terrestre sur la vie. Ils proposent d'introduire une catégorie plus large appelée "lyfe" (prononcé, d'une façon étrangement typique du West Country, comme "loif"), dont la vie telle que nous la connaissons n'est qu'une variation. "Notre proposition tente de se libérer de certains des préjugés potentiels dus au fait que nous faisons partie de cette seule instanciation de lyfe", explique Bartlett. Ils suggèrent quatre critères pour la lyfe :

1. Elle puise dans les sources d'énergie de son environnement qui l'empêchent de devenir uniforme et immuable.

2. Elle connaît une croissance exponentielle (par exemple par réplication).

3. Elle peut se réguler pour rester stable dans un environnement changeant.

4. Elle apprend et se souvient des informations sur cet environnement. L'évolution darwinienne est un exemple de cet apprentissage sur des échelles de temps très longues : les gènes préservent les adaptations utiles à des circonstances particulières.

Les deux chercheurs affirment qu'il existe des systèmes "sublyfe" qui ne répondent qu'à certains de ces critères, et peut-être aussi des "superlyfe" qui en remplissent d'autres : des formes lyfe qui ont des capacités supérieures aux nôtres et qui pourraient nous regarder comme nous regardons des processus complexes mais non vivants tels que la croissance des cristaux.

"Nous espérons cette définition libère suffisamment notre imagination pour que nous ne passions pas à côté de formes de lyfe qui pourraient se cacher à la vue de tous", déclare Bartlett. Lui et Wong suggèrent que certains organismes lytiques pourraient utiliser des sources d'énergie inexploitées ici sur Terre, comme les champs magnétiques ou l'énergie cinétique, l'énergie du mouvement. "Il n'existe aucune forme de vie connue qui exploite directement l'énergie cinétique dans son métabolisme", déclare Bartlett.

Selon eux, il pourrait y avoir d'autres moyens de stocker des informations que dans des brins génétiques comme l'ADN. Les scientifiques ont, par exemple, déjà imaginé des moyens artificiels de stocker et de traiter l'information en utilisant des réseaux bidimensionnels de molécules synthétiques, comme des réseaux en damier ou des abaques. Selon Bartlett, la distinction entre "alyfe" et "non-lyfe" pourrait être floue : être "alyve" pourrait être une question de degré. Après tout, les scientifiques se disputent déjà sur la question de savoir si les virus peuvent être considérés comme tels, même si personne ne doute de leur capacité à détruire la vie.

Il est sceptique quant à la notion de la définition de travail de la Nasa selon laquelle la vie ne peut apparaître et se développer que par l'évolution darwinienne. Il affirme que même les organismes terrestres peuvent façonner leur comportement d'une manière qui ne dépend pas d'un mécanisme Darwinien, à savoir des mutations aléatoires couplées à une compétition pour les ressources qui sélectionne les mutations avantageuses. "L'évolution darwinienne existe bien sûr, mais je pense qu'elle doit être complétée par une vision plus large de l'apprentissage biologique", déclare-t-il.

L'astrobiologiste et physicienne Sara Walker, de l'Arizona State University, partage cet avis. "Il se peut que certains systèmes possèdent de nombreux attributs de la vie mais ne franchissent jamais le seuil de la vie darwinienne", dit-elle. Mais dans son nouveau livre The Zoologist's Guide to the Galaxy, Kershenbaum affirme qu'il est difficile d'imaginer un autre processus susceptible de produire des systèmes chimiques complexes dignes d'être considérés comme vivants (ou alyves). L'évolution par sélection naturelle, dit-il, suit "des principes bien définis dont nous savons qu'ils s'appliqueront non seulement sur Terre mais aussi ailleurs dans l'univers" - et il est "très confiant dans le fait qu'elle sera à l'origine de la diversité de la vie sur les planètes extraterrestres". Si c'est le cas, affirme-t-il, nous pouvons faire des hypothèses raisonnables sur d'autres attributs de ces planètes : par exemple, la vie aura un processus comme la photosynthèse pour récolter l'énergie de l'étoile mère.

Bartlett et Wong se demandent également si les choses vivantes doivent avoir des frontières physiques bien définies.

Après tout, alors que nous pourrions imaginer n'être que tout ce qui se trouve à l'intérieur de notre peau, nous dépendons d'autres organismes en nous : le micro-biote des bactéries dans nos intestins par exemple. Et certains philosophes soutiennent que notre esprit s'étend au-delà de notre cerveau et de notre corps, par exemple dans nos appareils technologiques. "Nous pensons que la vie est un processus qui se déroule probablement à l'échelle de planètes entières", déclare Bartlett. Walker convient que "la seule limite naturelle des processus vivants est la planète", ce qui rappelle l'hypothèse Gaia de Lovelock.

Mais en l'absence d'une limite pour les ingrédients moléculaires, dit Rothschild, tous les composants d'un système vivant se dilueraient dans son environnement, comme des gouttelettes d'encre dans l'eau. Et Kershenbaum affirme que des organismes distincts et délimités sont nécessaires si l'évolution est darwinienne, car ce n'est qu'alors qu'il y a quelque chose d'autre à concurrencer.

Walker pense qu'en fait Bartlett et Wong ne vont pas assez loin dans leur tentative de libérer les idées quant à une vie terracentrique. Leur notion de lyfe, dit-elle, "fait table rase de bon nombre des problèmes omniprésents dans les définitions actuelles de la vie en proposant une définition plus large basée sur les définitions existantes. Les problèmes de base restent les mêmes. Nous n'avons pas besoin de nouvelles définitions de la vie. Ce dont nous avons besoin, c'est de nouvelles théories qui s'attaquent aux principes sous-jacents qui régissent la physique du vivant dans notre univers."

Une autre possibilité d'élargir notre vision de ce que pourrait être la vie est que nous devenions capables de créer de toutes pièces, en laboratoire, des systèmes vivants totalement différents de ceux que nous connaissons. "Nous en sommes beaucoup plus proches que vous ne le pensez", déclare M. Rothschild. En fait, cela s'est peut-être déjà produit et nous ne nous en sommes pas rendu compte, ajoute-t-elle, en plaisantant à moitié. Si nous ne savons pas ce que nous cherchons, un chercheur a peut-être déjà créé une nouvelle forme de vie - et l'a jetée dans l'évier.

En fin de compte, nous ne devrions peut-être pas être trop sûrs que la vie corresponde à une quelconque définition naturelle, estime M. Rothschild. "Je crois que ce que nous avons actuellement, ce sont des définitions non naturelles de la vie, parce que nous n'avons qu'un seul point de données. Je me demande si la vie n'est pas simplement ce que nous définissons."

"Nous pourrions découvrir des systèmes si bizarres et inattendus qu'il serait ompossible de décider s'ils sont vivants ou non", dit Kershenbaum. "Mais si nous découvrons quelque chose de vraiment intéressant et complexe qui ne correspond pas tout à fait à la définition de la vie, cela restera une avancée passionnante. Nous n'allons pas l'ignorer parce que ça ne correspond pas à notre définition !"

Auteur: Ball Philip

Info: The Guardian, 5 Septembre 2020 - Are aliens hiding in plain sight?

[ dépassement conceptuel ] [ spéculations ] [ changement de paradigme ] [ révolution scientifique ] [ monade planétaire ]

 

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