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question

Que raconter lorsqu'on n'a pas connu de difficultés dans la vie, que les extrêmes rencontrés ne furent qu'inquiétudes fugaces, dérisoires dans la Suisse de l'après-guerre. Sans souffrances physiques non plus, ni psychiques puisqu'élevé dans une famille aimante sans soucis matériels et suffisamment exigeante pour éviter l'abrutissement. Quoi faire, quoi dire, raconter l'ennui ? Parler du silence qui précède les premières pluies estivales, lorsque les effluves d'ozone ralentissent tout et installent un décor acouphénique multidimensionnel ? Ou expliquer que le cerveau est un senseur "à posteriori", agglomérat cellulaire de reflets fractals progressivement stratifiés par l'évolution. Senseur-conscience humain, qui fut capable à un moment de sa progression de stocker sa mémoire "en dehors d'elle même", permettant de créer une civilisation qui minimise ainsi à grande échelle l'impact de l'individu sur la race. Chaques cerveaux-espèces évoluant néanmoins sans cesse en mariage-création-miroir d'une réalité bipolaire parce qu'issue d'un système reproductif mâle-femelle. Bouillonnement collectif produisant un réel obligatoirement sphérique puisqu'émergeant d'une boule planète bien ronde, elle-même membre d'un cortège de huit consoeurs. Cortège tourbillonnant de concert, très lentement, très précisément - à échelle humaine -, dessinant ainsi une formation gravitationnelle en spirale dont l'axe est un banal soleil qui progresse dans l'espace relatif à une allure de 230 km secondes (dit-on). Système solaire hélicoïde, foret géant de deux heures/lumière de diamètre qui taille vaillament sa route-vrille en direction du centre de sa galaxie ; pour des raisons qui font se disputer scientifiques rationnels et métaphysiciens. Les premiers vous parlant de gravitation ou d'attracteurs alors que seconds privilégiant les "points de vues" subjectifs imbriqués, issus de quelque machinerie externe créatrice d'illusions, source bien au-delà de nos pauvres compréhensions de primates justes sortis de l'océan. N'empêche cette réalité humaine commune s'affine, s'intrique... s'élargit... gigantise... Ou se perd dans les méandres infinitésimaux et enchevêtrés d'une matière devenue miroir. Alors que notre race de primates glabres semble au point mort en ce qui concerne sa capacité à partager son ressenti cosmique avec quelqu'autre entité-espèce que ce soit ? Quelles que fussent les places respectives de ces dernières au sein de ces hiérarchies que les hommes faiseurs de listes - on se rassure comme on peut - tentent incessamment d'établir.

Auteur: Mg

Info: oct. 2017

[ progrès ] [ régression ] [ point de situation ] [ auto-évaluation ]

 

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querelle des universaux

Tout d’abord, un des éléments déterminants de la philosophie d’Occam, assurément le plus incisif, consiste en une humanisation radicale du langage. Les mots, comme le soulignait E. Bréhier, sont désormais conventionnels, ils sont le fruit d’une institution. Ainsi, le langage n’est plus le reflet privilégié de l’être ; les idées, les concepts, l’universel n’ont de réalité que dans l’âme. Selon Occam, "les mots sont créés par imposition", c’est-à-dire par une donation de sens qui réunit de façon arbitraire un son à un concept. Cette innovation vise une dissolution du rapport naturel entre le nom et la chose qu’il désigne. Un abîme est donc creusé entre la réalité objective et le langage, de telle sorte que celui-ci n’a plus de prise directe sur le monde. Autrement dit, les mots ne contiennent plus, ils ne révèlent plus l’essence des êtres. Les noms des choses, comme le pensait encore Cratyle, ne dérivent plus de leur nature. Ainsi, le mystère qui associait depuis les origines l’acte divin de Création à l’acte de nomination se trouve-t-il occulté dans la nouvelle conception nominaliste du verbe.

Un des effets immédiats de cette réinterprétation du langage fut, de manière plus grave encore, sur le plan théologique cette fois, de "détrôner" pour ainsi dire l’universel, l’eidos (idée), en en faisant de simples signes ou termes. […]

L’ontologie réaliste une fois déracinée de sa terre céleste, il revient au sujet de produire les concepts qui lui permettront d’appréhender le monde de façon résolument moderne. En renonçant à la notion clé de participation "des créatures aux idées universelles et réelles contenues dans l’entendement divin", Occam détruit, d’une part, le lien ontologique permanent réunissant les choses à leur principe et, d’autre part, ce "rayon lumineux" dont parle St Bonaventure, qui seul permet à l’homme l’accès aux sciences véritables dont le Verbe est l’unique centre. Si donc les êtres ne possèdent plus d’ipséités (essences) résidant éternellement dans l’Esprit divin, la réalité essentielle de l’univers et de son Auteur devient définitivement inconnaissable. On assiste là, soulignons-le, à une mentalisation sans précédent de la quête du savoir qui, détachée de toute référence à une doctrine révélée, devient une investigation purement individuelle.

Auteur: Geay Patrick

Info: Dans "Hermès trahi", pages 95-96

[ historique ] [ nominalisme-réalisme ] [ idiomes séparatifs ] [ consensus éphémères ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

sens-de-la-vie

Il existe 4 archétypes, quatre étapes que nous traversons pendant notre vie et ces étapes sont :

1. Etape de l'athlète (le sauvage). Nous nous préoccupons surtout de notre apparence, de ce à quoi ressemble notre corps. Sommes capables de rester des heures à regarder et admirer notre reflet dans le miroir. Notre apparence est la plus importante à nos yeux.

​​​​​​ 2. Etape du guerrier (l'aventurier). Le principal souci est de partir à la conquête du monde, de devenir le meilleur, de parvenir à l'excellence, de faire ce que font les guerriers. Le but est d'avoir plus que tout le monde, une étape de comparaison, il faut vaincre ceux autour de nous afin de nous sentir meilleurs parce que nous avons réalisé davantage. Nous nous mesurons, tel le guerrier.

3. Etape de la communication (l'enseignant). Nous réalisons que ce qui a été fait jusqu'ici ne suffit pas à nous contenter, à nous rendre heureux... Il faut donc, pour faire une différence dans le monde, servir ceux qui nous entourent. Dorénavant si la poursuite de l'argent, du pouvoir, des possessions, etc. continue, tout cela n'a plus la même valeur, parce que Nous savons qu'il existe autre chose. Quels sont les pour arrêter de penser à soi, comment recevoir et se concentrer sur une vie de service. Compréhension de l'échange : donner c'est recevoir. Comment stopper l'égoïsme afin de quitter ce monde en étant meilleur que lorsque nous y sommes entrés.

4. Etape spirituelle (le sage). Aucune des étapes précédentes ne représente réellement qui nous sommes et ce que nous sommes. Nous comprenons que nous sommes plus que notre corps, plus que nos possessions, plus que nos amis, notre pays... Nous en venons à réaliser que nous sommes des êtres divins, des êtres spirituels ayant une expérience humaine et non pas des humains ayant une expérience spirituelle. Nous sommes dans ce monde mais pas de ce monde. Nous pouvons désormais nous observer à partir d'une autre perspective. Renoncer à notre propre esprit, à notre corps et saisir qui nous sommes vraiment, voir les choses telles qu'elles sont. Et devenir l'observateur de notre vie. Je ne suis pas celui que je remarque mais l'observateur de ce que je remarque.

Auteur: Jung Carl Gustav

Info:

[ existence ] [ initiatique ]

 

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paysage

Maintenant c'est le jour à la campagne. Le tennis semble avoir été taillé dans le sommet tronqué de cette colline d'où le comté comme un parc inutile et fastueux, descend jusqu'à la mer en molles ondulations. Un jeune homme vêtu de toile blanche accompagné d'un geste allongé, la balle qu'il lance et qu'attend son adversaire, ramassant autour de soi ses gestes et son ombre. Sur un tertre de gazon bleu des jeunes femmes à chandails cerise, jaune, vert, cerise s'assemblent autour du thé, servi sur une table en rotin. Et le centre de toute clarté, de cette joie lustrée, l'essieu lumineux du cercle des femmes, qu'encadre celui, plus vaste, de la campagne et du ciel, c'est la théière d'argent qui chante comme les guêpes sur la tarte : les reflets de son couvercle renvoient l'image convexe du ciel, l'ombre des arbres ; son corps côtelé, les lignes amenuisées des figures et, en stries étroites, les chandails, cerise, jaune, vert, cerise.

Voici une lande de boue où l'herbe rare jute comme une éponge, sur laquelle tombe le crépuscule d'un vert pourri ; rien ne la limite que le ciel et, sur la gauche, les baraquements de bois blancs dont l'odeur de beurre fort vient jusqu'à moi. Des flaques d'eau renvoient au ciel lavé, vidé de sa pluie, l'image d'une lune d'aluminium. Sur les chemins défoncés, les roues à facettes de l'artillerie lourde font des ornières de vertébrées remplies d'une eau mauve.

Ou encore sur la route encaissée qui relie l'arsenal à la caserne, montent sous l'averse des fantassins en veston. Dans la boue, sous le ciel bas, des caissons se guindent tirés par des chevaux de brasseur, conduit par des soldats aux figures douces et fermées. Derrière eux descend vers le fleuve plombé, la plaine couverte à l'infini de tentes, de charrois, de pièces de marine sans affûts, régulières comme ouvrage de taupes, les tranchées de la nouvelle armée.

Sur le ciel enfin c'est la ville avec ses cheminées dressées, ses gazomètres trapus, ses ponts de fer ajourés, les rails clairs, les signaux, les disques, les mâtes des voiliers, les fumées lourdes des vapeurs sous pression et l'arsenal mouillant ses marches roses dans le fleuve que remonte la marée.

Auteur: Morand Paul

Info: Tendres stocks (1921, 146 p., le livre de poche, p.36, 37)

[ beauté ] [ poésie naturelle ]

 
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curiosité

Il est patent que toute vie - comme celle qui s'exprime par ces lignes ou celle qui les lira - ne peut se situer ailleurs qu'"au front exact" du grand processus auquel elle appartient et qui l'a faite émerger. Maintenant, crête du passé.
A partir de là, cette petite existence monade (moi, toi), s'essaye à comprendre, à sentir les choses. A les prévoir ensuite.
Pour ce qui est de l'immédiat ce peut être faisable - avec marge d'erreurs : unetelle, jolie, qui a bien fait ce qu'on lui demande à l'école et couronne ses études d'un doctorat à 26 ans, a de meilleures perspectives de vie qu'untel, 25 ans, paresseux et sans emploi, qui s'adonne compulsivement à l'héroïne depuis 3 ans.
Les prospectives au-delà, conditionnées et contingentées par d'infinis paramètres, sont de suite beaucoup plus aventurées.
On pourra néanmoins, pour ce qui est des vies et des sociétés humaines, déceler de nombreuses règles ponctuelles et autres analogies cycliques, très souvent formulées par dictons et proverbes.
En revanche, pour ce qui est d'une compréhension plus globale, d'un meilleur recul sur le phénomène de la vie, par exemple le développement de l'incroyable homéostasie de Gaïa, nous voilà pauvres aveugles tâtonnant péniblement dans l'obscurité, explorateurs spéléo qui auraient épuisé les piles de leurs lampes frontales. Pensez : nous ne savons pas même s'il existe d'autres formes de vie ailleurs, (ce qui semble plus que probable), et si oui, si elles ont quelque parenté avec la notre. Infimes bébés cosmiques que nous sommes...
L'univers n'est donc que la cellule miroir du moi de la conscience d'une race, plus ou moins détaillé en fonction de son niveau de développement collectif, ci-devant une intelligence communautaire avec supports de connaissances externes ce qui, à notre connaissance, n'existe pas chez les autres bestioles terrestres. Bref le miroir une civilisation de type I sur l'échelle de Kardachev. Nous.
Pour une civilisation de type II les univers sont infinis et se transvasent les uns dans les autres via des trous noirs de masses inégales. Tous diversement intriqués à l'instar des êtres multiples qui les peuplent et en sont les reflets.
Une représentation de ces enchevêtrements est impossible pour une émergence de niveau I comme la nôtre.
On ne sait ce qu'il y a au-delà.
Reste cette féroce envie de savoir.

Auteur: Mg

Info: 29 avril 2019

[ science-fiction ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

homme-machine

Pourquoi l’IA commence à devenir un serpent qui se mord la queue ?

Il est fascinant de constater combien l’avancée technologique influence le paysage numérique. L’IA se tient à la proue de cette révolution contemporaine. Mais, à mesure que l’IA progresse, elle semble devenir le reflet de l’ouroboros, ce serpent antique qui se mord la queue.

Le monde virtuel subit une transformation. Partout sur Internet, le contenu généré par l’IA gagne du terrain. Cette évolution peut sembler une menace pour les futurs modèles d’IA. Pourquoi ? Parce que des modèles comme ChatGPT se basent sur des informations glanées en ligne pour se former. Si cette source est polluée par du contenu " synthétique ", cela peut entraîner ce que l’on appelle un " effondrement du modèle ".

Le danger est tel que le filtrage de ces données synthétiques est devenu un champ de recherche crucial. Les experts s’y penchent, car l’ampleur du contenu de l’IA ne cesse de grandir.

L’IA, la queue qu’elle poursuit sans cesse

L’ouroboros, serpent ancien se dévorant lui-même, devient le symbole par excellence de l’IA actuelle. L’émergence massive du contenu éditorial produit par l’IA alarme de nombreux spécialistes. Mais le problème central, c’est la potentialité des erreurs qui s’insèrent dans ces contenus.

En se nourrissant de l’Internet, l’IA, telle un serpent mordant sa propre queue, risque d’intégrer des erreurs, créant une spirale infinie d’imperfections. Une récente étude met en exergue ce phénomène : après plusieurs cycles de formation sur du contenu synthétique, les résultats devenaient incompréhensibles.

Par ailleurs, une autre recherche montre que les images générées par l’IA, lorsqu’elles sont uniquement basées sur des données d’IA, finissent par être floues et non identifiables. Ces erreurs, bien qu’apparemment bénignes, pourraient amplifier des biais discriminatoires, rendant la tâche encore plus ardue.

Pour contrer cela, nous devons miser sur des données non corrompues par du contenu synthétique. Comme l’évoque Alex Dimakis de l’Institut national de l’IA, la qualité intrinsèque des modèles est tributaire de la qualité des données. Même une modeste quantité de données de haute qualité pourrait surpasser un vaste ensemble synthétique.

Ainsi, les ingénieurs restent sur le front, veillant à ce que l’IA ne s’entraîne pas sur des données qu’elle a elle-même produites. Car, malgré les prouesses de l’IA, la touche humaine demeure irremplaçable. 

 

Auteur: Internet

Info: https://www.lebigdata.fr, Nirina R., 24 octobre 2023

[ intelligence artificielle ] [ générative ] [ cercle vicieux ] [ sophisme ] [ logique hors-sol ] [ tri nécessaire ] [ épuration ] [ savoirs ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

contemplation

Si nous avions été créés en l’état de pure nature, avec une âme spirituelle et immortelle, mais sans la vie de la grâce, même alors notre intelligence eût été faite pour la connaissance du vrai et notre volonté pour l’amour du bien. Nous aurions eu pour fin de connaître Dieu, Souverain Bien, Auteur de notre nature, et de l’aimer par-dessus tout. Mais nous ne l’aurions connu que par le reflet de ses perfections dans ses créatures, comme les grands philosophes païens l’ont connu, d’une façon pourtant plus certaine et sans mélange d’erreurs. Il eût été pour nous la Cause première et l’Intelligence suprême qui a ordonné toutes choses.

Nous l’aurions aimé comme l’Auteur de notre nature d’un amour d’inférieur à supérieur, qui n’eût pas été une amitié, mais plutôt un sentiment fait d’admiration, de respect, de reconnaissance, sans cette douce et simple familiarité qui est au cœur des enfants de Dieu. Nous aurions été ses serviteurs, mais non pas ses enfants.

Cette fin dernière naturelle est déjà très haute. Elle ne saurait produire la satiété, pas plus que notre œil ne se lasse de voir l’azur du ciel. De plus, c’est une fin spirituelle qui, à la différence des biens matériels, peut être possédé par tous et chacun, sans que la possession de l’un nuise à celle de l’autre et engendre la jalousie ou la division.

Mais cette connaissance abstraite et médiate de Dieu eût laissé subsister bien des obscurités, en particulier sur la conciliation intime des perfections divines. Nous en serions toujours restés à épeler et à énumérer ces perfections absolues, et toujours nous nous serions demandé comment se peuvent concilier intimement la toute-puissante bonté et la permission divine du mal, d’un mal parfois si grand qu’il déconcerte notre raison, comment aussi peuvent s’accorder intimement l’infinie miséricorde et l’infinie justice.

Dans cette béatitude naturelle, nous n’aurions pu nous empêcher de dire : Si pourtant je pouvais le voir ce Dieu, source de toute vérité et de toute bonté, le voir immédiatement comme il se voit !

Ce que ni la raison la plus puissante, ni l’intelligence naturelle des anges ne peuvent découvrir, la Révélation divine nous l’a fait connaître. Elle nous dit que notre fin dernière est essentiellement surnaturelle et qu’elle consiste à voir Dieu immédiatement face à face et tel qu’il est, sicuti est [...].

Auteur: Garrigou-Lagrange Réginald

Info: Dans "Les trois conversions et les trois voies", Les éditions du Cerf, 1933

[ christianisme ] [ intuition intellectuelle ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

philosophe-sur-philosophe

[Selon Kant] Les idées métaphysiques (Dieu, le Monde, l’âme) sont de simples actes de la raison. En accomplissant ces actes, en pensant "Dieu", "Monde", "âme", la raison ne fait qu’obéir au besoin d’unité qui la régit : unité des phénomènes internes (l’âme), unité des phénomènes externes (le Monde), unité de tous les êtres (Dieu). Mais elle ne perçoit pas véritablement ces idées comme des réalités objectives qui lui seraient effectivement données et qu’elle pourrait donc, non seulement penser, mais encore connaître. Il faudrait pour cela que notre intelligence soit dotée d’un organe de perception intellectuelle, étant donné la nature non-sensible des réalités à percevoir. Une telle intuition intellectuelle n’est pas la nôtre, affirme Kant. Toutefois, par une inévitable illusion "spéculaire", nous croyons voir intellectuellement, comme si elles étaient présentes devant notre esprit, des réalités que nous ne faisons que construire en pensée, et auxquelles la foi seule (car elles existent "en-soi"), et non la science, nous permet d’accéder. Telle est la critique kantienne de la connaissance métaphysique.

Cette critique [...] nous paraît fausse à plusieurs égards. D’abord, parce que la raison humaine a le droit, à un certain degré, de traiter les concepts comme des choses, en tant précisément qu’ils en sont le reflet dans le miroir du mental, reflet dont l’adéquation est garantie par la Révélation et la Tradition universelle. D’où la légitimité de la scolastique. Fausse d’autre part, parce que, confondant la métaphysique véritable avec la scolastique wolfienne, Kant ignore que, depuis toujours, les grandes doctrines métaphysiques, du vedânta au platonisme et au thomisme en passant par le taoïsme ou le bouddhisme mâdhyamika, ont prévu et corrigé la tentation du chosisme spéculatif, avec une efficacité et une radicalité qui dépasse d’assez loin le criticisme kantien. Et la pratique dionysienne de l’anagogie en est précisément une preuve irréfutable. Enfin, il faudrait souligner combien est approximative la conception d’une intuition intellectuelle que Kant imagine sur le modèle de l’intuition sensible : avoir un objet devant soi. Mais au-delà de la connaissance par observation, il y a place pour la connaissance par participation. [...] L’objectivité métaphysique est intrinsèque et qualitative ; c’est l’objectivité de la vérité, nourriture de l’esprit. L’objectivité physique (ou empirique) – l’objectivité d’une chose – est extrinsèque et relative : elle n’est que le reflet de la précédente qui la fonde ontologiquement. L’intuition intellectuelle ne se démontre pas ; elle est la vie même de l’esprit. La nier, c’est nier l’expérience la plus foncière de toute intelligence humaine : automutilation.

Auteur: Borella Jean

Info: Dans "Lumières de la théologie mystique", éditions L'Harmattan, Paris, 2015, pages 105-106

[ erreurs ] [ nominalisme-réalisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

cité imaginaire

A Eudoxia, qui s'étend de haut en bas, avec des ruelles sinueuses, des escaliers, des impasses, des taudis, un tapis est conservé sur lequel on peut contempler la véritable forme de la ville. À première vue, rien ne semble moins ressembler à Eudoxia que le dessin du tapis, ordonné en figures symétriques qui répètent leurs motifs le long de lignes droites et circulaires, tissées avec des aiguilles de couleurs vives, dont on peut suivre l'alternance des trames tout au long de la chaîne. Mais si vous vous arrêtez pour le regarder attentivement, vous vous persuadez qu'à chaque détail du tapis correspond une place dans la ville, et que toutes les choses contenues dans la ville sont incluses dans le dessin, disposées selon leurs véritables relations, qui échappent à votre œil distrait par l'agitation du fourmillement de la cohue. Toute la confusion d'Eudoxia, le braiement des mules, les taches de noir de fumée, l'odeur du poisson, c'est ce qui apparaît dans la perspective partielle que vous saisissez ; mais le tapis prouve qu'il existe un point à partir duquel la ville montre ses véritables proportions, le modèle géométrique impliqué dans chacun de ses plus petits détails.

Il est facile de se perdre dans Eudoxia : mais si l'on se concentre pour regarder le tapis, on reconnaît le chemin que l'on cherchait dans un fil cramoisi, indigo ou amarante qui, par un long virage, nous conduit dans une enceinte violette qui est notre véritable point d'arrivée. Chaque habitant d'Eudoxia compare à l'ordre immobile du tapis sa propre image de la ville, sa propre angoisse, et chacun peut trouver caché parmi les arabesques une réponse, l'histoire de sa vie, les tournants du destin.

Un oracle a été interrogé sur la relation mystérieuse entre deux objets aussi différents que le tapis et la ville. L'un des deux objets, - fut la réponse, - a la forme que les dieux ont donnée au ciel étoilé et aux orbites sur lesquelles tournent les mondes ; l'autre en est un reflet approximatif, comme toute œuvre humaine.

Les augures étaient depuis longtemps certains que le dessin harmonieux du tapis était d'origine divine ; c'est dans ce sens que l'oracle a été interprété, sans donner lieu à controverse. Mais de la même manière, on peut tirer la conclusion inverse : que la véritable carte de l'univers est la ville d'Eudoxia telle qu'elle est, une tache qui s'étend sans forme, avec des rues toutes en zigzag, des maisons qui s'effondrent les unes sur les autres dans la poussière, des incendies, des cris dans le noir.

Auteur: Calvino Italo

Info:

[ fractale ] [ reflet solipsiste ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sorcières

Marguerite fut alors saisie par l'idée qu'au fond, elle avait tort de presser son balai avec tant d'ardeur, qu'elle se privait ainsi de la possibilité de voir les choses comme il convenait, de jouir pleinement de son voyage aérien. Quelque chose lui suggérait que, là où elle allait, on l'attendrait de toute façon, et qu'elle n'avait donc aucune raison de se maintenir à cette hauteur et à cette vitesse, où elle s'ennuyait.
Elle abaissa la brosse de son balai, dont le manche se releva par-derrière, et, ralentissant considérablement son allure, elle descendit vers la terre. Cette glissade - comme sur un wagonnet de montagnes russes - lui procura le plus intense plaisir. Le sol, jusqu'alors obscur et confus, montait vers elle, et elle découvrait les beautés secrètes de la terre au clair de lune. La terre s'approcha encore, et Marguerite reçut par bouffées la senteur des forêts verdissantes. Plus bas, elle survola les traînées de brouillard qui s'étalaient sur un pré humide de rosée, puis elle passa au-dessus d'un étang. A ses pieds, les grenouilles chantaient en chœur. Elle perçut au loin, avec une bizarre émotion, le grondement d'un train. Bientôt, elle put le voir. Il s'étirait lentement, semblable à une chenille, et projetait en l'air des étincelles. Marguerite le dépassa, survola encore un plan d'eau miroitant où flottait une seconde lune, descendit plus bas encore et continua de voler, effleurant des pieds la cime des pins gigantesques.
A ce moment, un affreux bruissement d'air déchiré, qui se rapprochait rapidement, se fit entendre derrière Marguerite. Peu à peu, à ce sifflement d'obus, se joignît - déjà perceptible à des kilomètres de distance - un rire de femme. Marguerite tourna la tête et vit un objet sombre, de forme compliquée, qui la rattrapait. A mesure qu'il gagnait du terrain, l'objet se dessinait avec plus de netteté, et bientôt Marguerite put voir que c'était quelque chose qui volait, chevauchant une monture. Enfin, l'objet ralentit sa course en arrivant à la hauteur de Marguerite, et celle-ci reconnut Natacha.
Elle était nue, complètement échevelée, et elle avait pour monture un gros pourceau qui serrait entre ses sabots de devant un porte-documents, tandis que ses pattes de derrière battaient l'air avec acharnement. De temps à autre, un pince-nez qui avait glissé de son groin et qui volait à côté de lui au bout de son cordon, jetait des reflets de lune, tandis qu'un chapeau tressautait sur sa tête et glissait parfois sur ses yeux. En l'examinant plus soigneusement, Marguerite reconnut dans ce pourceau Nikolaï Ivanovitch, et son rire sonore retentit au-dessus de la forêt, se mêlant au rire de Natacha.

Auteur: Boulgakov Mikhaïl

Info: Dans "Le Maître et Marguerite", trad. Claude Ligny, Editions Laffont, Paris, 1968, pages 341-342

[ sabbat ]

 

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