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surmoi

Certes, il n’y a rien de plus fréquent que la conviction à bon compte d’avoir bien agi. Les pires abominations se commettent dans l’inébranlable conviction de faire ce qu’on a à faire (avec le plus souvent l’approbation totale et unanime du Groupe auquel on s’identifie, est-il besoin de le dire…), d’être on ne peut plus "en règle avec sa conscience" (qui a toujours bon dos). Sans doute même ne pourraient-elles pas s’accomplir sans cela, et en tout cas pas en pleine connaissance de cause.  Mais cette conviction, tout comme ce qu’on appelle communément "la conscience" proviennent du moi, elles n’impliquent pas les couches tant soit peu profondes de la psyché et ne sont nullement le reflet ou la source d’une véritable connaissance. Ces convictions font partie des accessoires du rôle que nous avons choisi de jouer, et cette "conscience" (qu’elle soit "bonne" ou "mauvaise", peu importe la différence…) fait partie du livret. Ces simagrées-là se déroulent dans les couches périphériques de la psyché. Et je n’ai aucun doute que dans ce cas si commun, celui du sempiternel "cinéma" qu’on joue à soi-même, on est toujours parfaitement au courant du jeu qui se joue. Mais cette connaissance reste à fleur de conscience, et au besoin est refoulée dans les parties plus ou moins profondes de l’Inconscient. »

Auteur: Grothendieck Alexandre

Info: La clef des songes, Sur la responsabilité

[ grégarisme ] [ autojustification ]

 
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bric-à-brac littéraire

Un romancier réaliste, en revanche, un romancier qui se mêle de raconter les moeurs de son temps, rencontre infailliblement, dès le premier détour de son récit, la question féminine. Qui dit moeurs, dit femmes. Dans un magnifique paragraphe de sa préface à "Une fille d'Eve", Balzac, comparant une fois de plus le projet de La Comédie humaine aux Mille et Une Nuits, découvre que la "faiblesse" de celles-ci, par rapport à son oeuvre à lui, vient de ce que l'observation des moeurs était impossible dans l'Orient d'alors puisque, dit-il, les femmes y étaient enfermées, invisibles. Il n'y avait par conséquent presque rien à raconter. Pas de femmes, donc pas de moeurs. Pas de femmes, donc pas de conquêtes. Pas de femmes, donc pas d'aventures. Et, pour ainsi dire, pas de réalité. D'où la nécessité du conteur de faire intervenir à tout bout de champs des prodiges, des talismans, des diableries et des magies pour soutenir l'intérêt du lecteur dans des récits dont "tout le merveilleux", conclut Balzac, "est inspiré par la réclusion des femmes".

Pas de femmes, donc pas de réalisme. Pas de femmes, donc amulettes, vibrations, télépathies et superstitions, "Spiritualités". retours de sacré. Astrologie. "Imaginaire" inoffensif. Vertige illuministe. Occultismes, enfin, on m'aura compris. New Age.

Pas de femmes, donc pas de roman vrai.

Auteur: Muray Philippe

Info: "Exorcismes spirituels", tome 1

[ sexualité refoulée ] [ anima ] [ demi-monde ]

 
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généalogie

La propre source, c’est ce que chaque femme et chaque homme au monde reçoit en héritage par sa naissance, avec son nom propre, sans l’avoir en commun avec qui que ce soit d’autre. Qui que vous soyez, vous êtes né quelque part, de parents nés eux aussi quelque part. Ce quelque part n’est pas seulement un lieu géographique ni une histoire familiale : c’est une langue, une provenance spirituelle, une sagesse ascendante. Que vous le sachiez ou pas, qui que vous soyez votre origine est royale. La femme de ménage algérienne la plus démunie a sa propre source royale. L’ouvrier breton le plus harassé aussi. Le petit commerçant chinois endetté aussi. La prostituée albanaise aussi, comme l’Inuit alcoolisé, le Tibétain exilé, le Malais esclavagisé, le mendiant roumain, le Corse anachorète, le Juif haineux de soi…



Accéder à sa propre source n’est pas compliqué en soi. La méthode en est d’autant plus simple qu’elle n’a pas varié depuis des siècles. Commencez par méditer votre histoire familiale. Elle a été refoulée, occultée, envenimée ? Vos propres parents furent des monstres qui cherchèrent à vous détruire parce qu’eux-mêmes aussitôt nés furent écrabouillés ? Remontez plus haut, toujours plus haut, écoutez, parlez, questionnez, lisez surtout, partez à la recherche de  d’où vous venez, ce là qui est moins un lieu qu’un lien, un invisible ombilic tramé de mots, ce là où vos ancêtres vous attendent pour vous rajeunir.



Cela n’est pas compliqué, mais cela n’est pas facile. Ressusciter en pensée ne va pas de soi. Les obstacles se dressent avec autant de pugnacité que les portes dérobées s’ouvrent sans prévenir. Puis, une fois retrouvée votre propre source, rien ne peut vous empêcher de vous pâmer dans l’onde du fleuve jusque vers la mer que chérissent les hommes libres, de vous intéresser à toutes les autres cultures, d’apprendre tous les autres savoirs.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: 17 janvier 2022 https://lundi.am/A-quoi-comparer-cela

[ interrogation ] [ rencontre ] [ singularités ]

 

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mort

Je revois donc cette chambre dont je parlais. La liste, allongée chaque jour, des médicaments inscrits sur un panneau au pied du lit. Je me souviens de la potion de Brampton en particulier. On m’avait expliqué qu’il fallait en augmenter les doses quotidiennement et qu’on ne pourrait plus revenir en arrière. Je réentends des mots, des expressions, des bribes de phrases. Radiographies, scintigraphies, vitesse de sédimentation, carcinome rénal, tumeurs. Radiothérapie, scanner, biopsie, chimiothérapie.

Et les noms des médicaments : Depoprodazone, Fortal, Solupred, Glifanan. Je revois le "matelas alternand" destiné à éviter les escarres. Et, sous le lit, ce petit sac en plastique, relié à la vessie, en train de se remplir lentement. Je revois les visiteurs et les visiteuses. Apitoyés, ennuyés, attentifs, pressés, tendres, impatients, rassurants. Pendant ce temps, les métastases, aussi imperturbables qu’invisibles, poursuivaient leur danse dévorante.

Cet engourdissement a duré jusqu’au réveil de la malade, je veux dire jusqu’à son entrée dans un délire terminal d’une éblouissante lucidité. Avec d’autant plus de violence qu’elle avait été longuement refoulée, la vérité s’est déchaînée alors, torrentielle, ravageant d’un seul coup le théâtre de semblant sous lequel on avait essayé de l’étouffer. Il y a eu des cris, des appels au secours, je les réentendrai toute ma vie. Comme j’aurai toujours dans l’oreille ses accusations : ceux qui l’approchaient portaient des "masques", on avait conspiré contre elle, le terme de "scénario" revenait tout le temps pour désigner ses quatre mois de torture : "Le scénario n’est vraiment pas fameux, je ne vous félicite pas ! … " (le visage hideux du Spectateur se révélait enfin).

C’était clair. Depuis le début, elle savait. Jamais un seul instant elle n’avait cru à ce qu’on lui racontait. Elle avait fait semblant, par politesse, c’est tout. Après cette bouffée de désenvoûtement radical, l’agonie est venue très vite.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 287-288

[ hôpital ] [ acharnement thérapeutique ] [ cancer ] [ fin de vie ]

 

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paradigme

Ainsi, j’ai considéré l’ensemble de la textualité canonique, c’est-à-dire la variété des sources qui témoignent de la reprise de l’Idée impériale romaine par la papauté, non plus seulement sur le mode de l’hégémonie politique [...] mais de façon beaucoup plus radicale encore en réformant l’Église elle-même par une appropriation du Corpus juridique romain. Au mépris de la Romanité ininterrompue incarnée à l’est par l’empereur de Constantinople, ce vaste mouvement, assuré de sa légitimité par une tradition de commentaires de théologie politique, assortis de manipulations de textes [...] a été rendu possible par la Réforme grégorienne précisément, à l’occasion de l’affrontement entre le Saint-Siège et le Saint-Empire romain (germanique) sur le terrain féodal. C’est au XIIe siècle qu’en apparaissent les effets institutionnels massifs, soutenus par la renaissance intellectuelle d’une ampleur inédite, transmise par la mémoire savante sous l’étiquette de Scolastique : la Science des écoles.

[...] nous assistons à la formation d’un Mouvement romano-canonique complexe, qui pour la civilisation européenne a valeur d’une Bible seconde. Autrement dit, le Moyen Age a échafaudé, distincte des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, l’autre Bible de l’Occident, laquelle nous tient encore, sous l’emprise de causes parfaitement identifiables. [...]

Je tire les conséquences d’une Révolution dont les implications mises au jour par l’exploration érudite ont affecté de façon décisive, sur le mode d’une causalité généalogique, la structuration de la Modernité européenne.

[...] Les contenus du Monument romano-canonique ne sont plus d’actualité, du moins telle que nous l’entendons, car nombre de concepts issus des interprétations médiévales ont continué de cheminer sous des appellations renouvelées dans les systèmes normatifs nationaux élaborés par les Temps modernes. Mais la logique constitutive, elle, est demeurée intacte, et c’est elle qui nous autorise aujourd’hui à parler de Modèle institutionnel occidental, aussi bouleversés qu’ont été les contenus au fil des siècles. Les Occidentaux, eux aussi, véhiculent une tradition, pour l’essentiel refoulée. Mes travaux nomment ce phénomène de refoulement notre lien à l’Immémorial.

Auteur: Legendre Pierre

Info: Dans "Leçons X, Dogma : Instituer l'animal humain", Librairie Arthème Fayard, 2017, pages 65-66

[ christianisme ] [ historique ] [ inconscient ]

 
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insistance

L’inconscient, c’est-à-dire le "refoulé", n’oppose aux efforts de la cure [psychanalytique] aucune espèce de résistance ; en fait il ne tend même à rien d’autre qu’à vaincre la pression qui pèse sur lui pour se frayer un chemin vers la conscience ou vers la décharge par l’action réelle. La résistance dans la cure provient des mêmes couches et systèmes supérieurs de la vie psychique qui avaient produit le refoulement en son temps. [...] Nous échapperons à l’obscurité en opposant non pas le conscient et l’inconscient mais le moi, avec sa cohésion, et le refoulé. Il est certain qu’une grande part du moi est elle-même inconsciente, précisément ce que l’on peut nommer le noyau du moi ; le terme de préconscient ne recouvre qu’une petite partie du moi. [...] la résistance de l’analysé provient de son moi et nous saisissons du coup que la compulsion de répétition doit être attribuée au refoulé inconscient. [...]

Il n’est pas douteux que la résistance du moi conscient et préconscient est au service du principe de plaisir ; elle veut éviter le déplaisir que provoquerait la libération du refoulé tandis que nos efforts tendent à obtenir que ce déplaisir soit admis, en faisant appel au principe de réalité. Mais la compulsion de répétition, cette manifestation de force du refoulé, quel est donc son rapport au principe de plaisir ? Il est clair que la majeure partie des expériences que la compulsion de répétition fait revivre ne peut qu’apporter du déplaisir au moi puisque cette compulsion fait se manifester et s’actualiser des motions pulsionnelles refoulées ; mais il s’agit d’un déplaisir qui, nous l’avons déjà montré, ne contredit pas le principe de plaisir, déplaisir pour un système et en même temps satisfaction pour l’autre. Mais le fait nouveau et remarquable qu’il nous faut maintenant décrire tient en ceci : la compulsion de répétition ramène aussi des expériences du passé qui ne comportent aucune possibilité de plaisir et qui même en leur temps n’ont pu apporter satisfaction, pas même aux motions pulsionnelles ultérieurement refoulées.

Auteur: Freud Sigmund

Info: Dans "Au-delà du principe de plaisir" (1920), trad. de l'allemand par Jean Laplanche et J.-B. Pontalis, éditions Payot, Paris, 2010, pages 61 à 64

[ essai d'instanciation symbolique ] [ problèmes ]

 
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pouvoir sémantique temporel

Le fait est général: on sait que toutes les religions ont fait la fortune d'une langue qu'elles ont maintenue contre vents et marées. C'est le cas du sanscrit pour le brahmanisme, du latin pour le catholicisme, de l'hébreu pour la religion israélite, etc. Mais la Réforme a ceci de particulier qu'au contraire de toutes ces religions elle a toujours adopté la langue parlée par le peuple et non pas une langue morte ou en passe de le devenir. Ainsi, la traduction de la Bible en allemand a joué un rôle non négligeable dans l'histoire linguistique et politique et des Etats allemands, et le même fait apparaît, nous venons de le voir, au pays de Galles. La religion peut donc sauver une langue, mais son intervention est ambiguë car elle restreint en même temps cette langue à certains secteurs, ceux précisément qui lui abandonne la langue dominante. Le fait est flagrant pour le pays de Galles où, face à l'anglais langue officielle de l'administration et de l'école, le gallois restera du XVIe au XIXe siècle la langue des écoles parallèles; mais il est assez général, Mostefa Lacheraf signale par exemple qu'en Algérie "chez le peuple la langue française fut décrétée langue d'ici-bas, par opposition à l'arabe qui devenait langue du mérite spirituel dans l'autre vie" et cette "sauvegarde d'une langue peut donc se transformer assez vite en une autre forme d'enterrement. La langue dominante (ici le français) occupe le domaine profane, c'est-à-dire tout ce qui concerne la vie quotidienne, l'administration, la justice, les techniques, la politique, les études, etc. tandis que la langue dominée (ici l'arabe) est refoulée vers le domaine sacré. Ainsi l'opposition langue dominée-langue dominante se trouve convertie en opposition entre ancien et nouveau: la langue dominée est plus ou moins obligée de s'assumer comme langue confessionnelle, rétrograde, du moins est-ce l'image que les mass media lui renvoient d'elle-même. Il s'est produit dans l'hexagone un phénomène semblable avec le breton, présenté par la IIIe République laïque et glottophage comme la langue des curés (voir chapitre VII).

Auteur: Calvet Louis-Jean

Info: Linguistique et colonialisme

[ langage ]

 

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science profane

Si le freudisme affirme que la rationalité n’est qu’un camouflage hypocrite d’une animalité refoulée, cette affirmation - évidemment rationnelle — tombe sous le même verdict ; le freudisme, s’il avait raison, ne serait lui-même pas autre chose qu’une dénaturation symbolisante d’instincts physico-psychiques. Sans doute, les psychanalystes diront que dans leur cas, le raisonnement n’est pas fonction de refoulements inavouables ; mais nous ne voyons pas du tout, premièrement en vertu de quoi cette exception serait admissible sur la base de leur propre doctrine, et deuxièmement pourquoi cette loi d’exception ne jouerait qu’en leur faveur et non en faveur des doctrines spirituelles qu’ils rejettent haineusement, et avec un révoltant manque du sens des proportions. Au demeurant, rien n’est plus absurde qu’un homme se faisant l’accusateur, non de quelque accident psychologique, mais de l’homme comme tel ; d’où vient donc ce demi-dieu qui accuse, et d’où vient sa faculté d’accuser ? Si l’accusateur a raison, c’est que l’homme n’est pas si mauvais et qu’il y a en lui une capacité d’adéquation ; sinon il faudrait admettre que les protagonistes de la psychanalyse soient des dieux tombés imprévisiblement du ciel, ce dont on ne voit pas ombre de vraisemblance, pour dire le moins. La psychanalyse, d’abord élimine les facteurs transcendants essentiels à l’homme et ensuite remplace les complexes d’infériorité ou de frustration par des complexes d’aisance et d’égoïsme ; elle permet de pécher calmement, avec assurance, et de se damner avec sérénité. Comme toutes les philosophies de démolition - celle de Nietzsche par exemple - le freudisme attribue une portée absolue à une situation relative ; comme toute la pensée moderne, il ne sait que tomber d’un extrême à l’autre, incapable qu’il est de se rendre compte que la vérité - et la solution - se trouve dans la nature la plus profonde de l’homme, dont les religions et les sagesses traditionnelles sont, précisément, les porte-parole, les conservatrices et les garantes. En fait, la mentalité créée et diffusée par la psychanalyse consiste à refuser le dialogue logique ou intellectuel - seul digne d’êtres humains et à répondre par le biais de conjectures insolentes ; on ne cherche plus à savoir si l’interlocuteur a raison ou non, on demande qui étaient ses parents ou quelle est sa pression sanguine - pour nous borner à des exemples symboliques et encore assez anodins -, comme si de tels arguments ne pouvaient pas se retourner aisément contre leurs auteurs, ou comme si, en changeant même d’arguments, il n’était pas facile de répondre à une analyse par une autre analyse. Les pseudo-critères de l’analyse sont de préférence physiologiques ou sociologiques, conformément à la manie de l’époque ; il ne serait pas difficile de trouver des contre-critères et de faire l’analyse sérieuse de l’analyse imaginaire.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Logique et transcendance", éditions Sulliver, 2007, pages 16-17

[ critique ] [ réfutation ] [ égocentrisme ]

 
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besoin de transcendance

A leur parler, on ressent souvent qu’il y a en un déprimé un grand virage non encore négocié, ainsi que l’attente d’un basculement radical de valeurs, avec un appel fervent envers une autre forme de vie. En attendant, les déprimés sont de la nuit, et dans la nuit. Mais tous ceux qui désirent atteindre une manière nouvelle doivent passer par la nuit et par l’obscur. On appelle cela parfois : la traversée du désert, la nuit des sens. Et on pourrait également appeler la dépression : la nuit du Sens.
Au commencement de toute rénovation de l’esprit et de l’âme, se trouve la "mort", qui est le détachement et l’arrachement ultimes des anciennes visions, des anciennes valeurs, des anciennes façons de vivre. C’est l’arrachement de l’absurde et du non-sens, comme on arracherait une vieille peau. C’est la mue de l’âme. Mais tant que les lumières nouvelles n’ont pas jailli, cet abandon des choses anciennes est ressenti comme une nuit. Car l’être humain ne peut approcher son "noyau* profond qu’après avoir rejeté ce qui n’’est pas essentiel pour lui, et que ne correspond pas à son organisation et son ordre intérieurs.
L’alchimie passe, elle aussi, par la nuit. Après le mariage du souffre et du mercure, apparaît la couleur noire. C’est la phase de "putréfaction", mais aussi de promesse. Puis la pierre devient progressivement blanche ; c’est la résurrection. La matière noire renaît, perd de sa noirceur, jusqu’à atteindre le rouge de la rubification, que l’on peut symboliser par un jeune roi couronné. Ainsi, "l’or philosophal" se trouve enclos dans le noir de l’âme, et dans la promesse de la nuit du Sens…
On a tendance à cloisonner le déprimé dans l’ "anormal". Mais est-ce aussi anormal qu’on voudrait le dire ? Et anormal par rapport à quoi ? Par rapport à la vie courante ? C’est-à-dire ? N’existe-t-il pas un "endroit" de cet "envers" qui est le sien ? Et cet envers sur lequel il marche ne marque-t-il pas une frontière entre ce qu’il parait être pour l’instant et l’appel qui se trouve en lui ? Posons même la question : paradoxalement, n’est-il pas plus profondément normal que la plupart des gens dits normaux ?
La dépression fait songer à ces états de personnes ayant frôlé la mort et qui en reviennent en décrivant des images de tunnel au bout duquel se trouvaient d’intenses lumières. Cependant, en cloisonnant les déprimés dans l’anormal, on les étiquette, on les bourre de médicaments. Mais on ignore qu’il y a en eux "autre chose", qui n’est deviné que d’eux seuls. Qu’il y a en eux un profond secret, et un mystère central. Alors, ne faut-il pas retourner, faire basculer, la notion de dépression ? Comme on doit le faire avec tant de choses ? Au lieu de se trouver "en-bas", ils sont probablement, au contraire, proches d’un "en-haut" qu’ils ne peuvent temporairement atteindre. En attendant, leur nuit est un retour au sein maternel…
Cette "anormalité" de la dépression ne serait-elle pas le chemin vers une supra-normalité ? Ne serait-il pas une démarche vers un "quelque chose" que la plupart ignorent ? Dit autrement : la dépression n’est-elle pas le canal, le tunnel vers une lumière, et vers une haute valeur ignorée ou refoulée chez la plupart ?

Auteur: Daco Pierre

Info: Dans "Psychologie et liberté intérieure"

[ nouveau regard ] [ adéquation au monde ] [ toucher le fond ]

 
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prestige intellectuel

Le génie verbal de Lacan n'a pas d'héritier
Une intelligence hors du commun et une curiosité intellectuelle hardie servies par l'élégance de la formulation ne suffisent pas à faire du psychanalyste français le successeur obligé de Freud.

Il serait vain de nier l'importance de Lacan pour la pensée française. Je dis bien la pensée, et non seulement la psychanalyse, tant il est vrai que l'influence de Lacan a débordé le domaine qui était le sien. Il en allait de même, dira-t-on, de l'œuvre de Freud dont Lacan n'a cessé de se réclamer, au point de faire de son "retour à Freud" un des mots d'ordre de son œuvre. Et, à la réflexion, il n'y a rien là d'étonnant: la prise en compte des phénomènes inconscients, ou, si l'on préfère, de l'irrationnel, appartient à une manière de voir qui balaie, bien plus que les seuls problèmes psychiques individuels, une grande partie des phénomènes de société.

La psychopathologie de la vie quotidienne concerne tous et chacun. Pour autant, il est loin d'être sûr que ce parallèle entre l'œuvre du fondateur de la psychanalyse et celle de son descendant français soit justifié. Freud appartient à la grande lignée des anthropologues rationalistes, de ceux qui ont pensé, comme Œdipe, qu'on pouvait, qu'il fallait même, résoudre l'énigme du sphinx, que c'était en tout cas la gloire de l'humanité d'y travailler. Son esprit était un esprit des Lumières, animé par la conviction que la rigueur intellectuelle pouvait se mettre au service d'une compréhension de l'humain, jusque dans ses aspects les plus aberrants, et que la clarté ainsi gagnée pouvait servir à contrecarrer, parfois, la part, toujours si envahissante, de la destructivité. Il y a, en même temps qu'une volonté de comprendre, une visée éthique sous-jacente à l'œuvre freudienne, celle du médecin et philosophe auquel, en effet, rien de ce qui est humain n'avait à rester étranger.

Combien différente la visée lacanienne! A relire les Autres Ecrits que son gendre, Jacques-Alain Miller, a recueillis en un volume publié à l'occasion du centenaire de sa naissance et du vingtième anniversaire de sa mort, ce qui frappe peut-être le plus est le ton de mépris qui se dégage de ces textes. Mépris pour le lecteur, mépris pour les psychanalystes, mépris, en un mot, pour tous ceux qui ne sont pas lacaniens, qui ne jouent pas, du moins, le jeu de se dire lacaniens.

Freud, qui pourtant n'avait jamais été lent à dénoncer ce qu'il ressentait comme des déviations ou des perversions de sa théorie, argumentait toujours sa position: il expliquait en quoi le déviant lui paraissait dévier, et justifiait sa condamnation. Lacan, lui, se sert plus volontiers du sarcasme. Quand il argumente, c'est en se fondant sur une conceptualité qui n'est jamais exposée dans le respect des règles de la discussion intellectuelle et surtout sur un langage dont le maniérisme et l'obscurité, destinés, paraît-il, à décourager les intrus, servent à couvrir les impasses d'une pensée qui perd de plus en plus le sens des réalités. La virtuosité avec laquelle Lacan utilise le français confine au charlatanisme.

Pourquoi a-t-il donc tant séduit? J'y verrai pour ma part trois raisons, au moins. La première est le brio d'une intelligence hors du commun. Lacan avait des capacités d'abstraction, de logique et de théorisation exceptionnelles. La deuxième est la place qu'il a occupée dans les sciences humaines de son temps. Sa curiosité intellectuelle passionnée l'a conduit à savoir placer la psychanalyse à un carrefour où la linguistique (Saussure, Jakobson), l'anthropologie (Lévi-Strauss) et la philosophie (Heidegger), puis les mathématiques se rencontraient pour déployer le substrat d'un structuralisme généralisé qui avait toute la séduction d'un système explicatif universel.

La troisième enfin est son style. Que Lacan ait eu le sens de la formule est un euphémisme. Ses jeux de mots ont parfois du génie. Parler de l'hainamoration par exemple permet de cerner, en un mot-valise, un phénomène aussi remarquable que paradoxal. Surtout, son style volontiers elliptique semble ressaisir en très peu de termes une matière parfois infiniment complexe. C'est le cas de ses formules les plus célèbres: "L'inconscient est structuré comme un langage", notamment. Comment résister à l'élégance d'une telle définition, qui semble de surcroît s'autoriser de tout ce que Freud a écrit sur le Witz. Or c'est précisément là que se situe la faille. Car l'élégance, si elle confirme l'économie des moyens, recouvre en vérité des abîmes. Lacan, sous prétexte qu'une analyse est surtout une affaire de parole entre deux êtres, dont l'un exprime en effet son inconscient en parlant, ramène cet inconscient à ces seuls mots. Il aplatit autrement dit la chose sur son véhicule. Encore pourrait-on argumenter qu'en effet l'inconscient, c'est-à-dire l'ensemble des représentations que nous avons refoulées, s'organise en fonction des exclusions que notre parole opère à chaque moment. Mais le Ça, le Es, le fonds sauvage et incontrôlé dont Freud dit qu'il n'est fait que de pulsions qui cherchent à se décharger, en quoi serait-il structuré, pis même structuré comme un langage? Quel langage? Une telle idée n'a guère de sens.

Il n'y a pas à regretter Lacan. L'inexistence de tout héritage psychanalytique lacanien le prouve: ses formules ont fait mouche, certes, mais elles sont restées stériles. Les lacaniens n'ont fait qu'ânonner tant bien que mal la leçon de leur maître, sans faire avancer d'un pas la compréhension des pathologies psychiques caractéristiques de notre temps (celles des borderline, des cas limites notamment). Si un "retour à Freud" est toujours d'actualité, il n'a nul besoin de la médiation de Lacan.

Auteur: Jackson John Edwin

Info: https://www.letemps.ch. A l'occasion de la sortie de "Autres Ecrits". Seuil, 609 pages. Mai 2001

[ Gaule ] [ réputation littéraire ] [ vacherie ]

 
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