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autonomination

Lorsque le linguiste Ferdinand de Saussure (1857-1913) écrit : "Est je qui dit je", par delà la définition formelle du sujet grammatical linguistique, il commet une fondamentale erreur ontologique, voire logique – si l’on veut bien admettre un postulat essentiel que je formule, selon lequel la logique n’est pas qu’un pur cadre formel hors sol. Cette erreur (onto)logique, qui voue le sujet à une insularité autoréférentielle tautologique vide de tout contenu, est le témoin d’un assèchement formaliste des structures du langage et d’un déraillement épistémologique et relationnel gravissime. Saussure cristallise ce faisant en cette seule formule l’état général de l’époque dans laquelle il s’inscrit, caractérisée par une morbidité relationnelle, spirituelle et sociale envahissante, morbidité qui trouvera sa pleine expression en 1914, au lendemain de sa mort. Sa destructivité n’a pas fini d’étendre son emprise plus d’un siècle après.

L’énoncé correct est : "Est Je qui a été institué par Tu".

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme

[ solipsisme ] [ sécularisation ] [ individualisme ]

 

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famille

Si l'harmonie relationnelle et sexuelle d'un homme et d'une femme qui s'aiment constitue le couronnement de toutes les expressions d'intimité psycho-sexuelle, la relation d'une mère avec son enfant -garçon ou fille- est bien celle qui organise, dans sa force et dans sa durée, tout l'investissement du corporal de l'infans - ce que C. Dejours appelle la "subversion libidinale". Parler de cette relation d'un point de vue psychanalytique implique la nécessité de considérer le devenir des pulsions des deux protagonistes dans cette relation, c'est-à-dire, l'organisation de leurs sexualités psychiques respectives, régies par le tabou de l'inceste. Or, parler du sexuel à propos de la relation d'une mère avec son enfant conduit inévitablement à la nécessité d'envisager la question du clivage. En effet, pour la femme adulte et mère, le corps de l'Autre est Deux : l'homme amant, d'une part, et le foetus qui deviendra bébé, puis enfant, puis adulte, d'autre part. Toute la difficulté du discours analytique sur la psycho-sexualité de la femme réside donc dans ce fait : comment comprendre et décrire la façon dont les investissements pulsionnels se distribuent chez elle, entre le féminin, le maternel et l'autoérotique?

Auteur: Bokanowski Thierry

Info: La relation mère-fille, entre partage et clivage

[ femmes ] [ triade ]

 

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appartenance

Avec Felwine Sarr, vous semblez postuler qu’un renouveau de la modernité doit venir d’ailleurs que de l’Occident. En quoi l’Afrique possède-t-elle les ressources philosophiques nécessaires pour un tel défi ?

- Beaucoup de cultures et de traditions africaines ont en partage une forme d’ubuntu, c’est-à-dire une anthropologie relationnelle qui postule que l’être humain n’est pas un atome isolé, mais un nœud de relations. C’est le contraire de la monadologie leibnizienne. Ce qui définit l’homme, ce sont les relations qu’il entretient avec les choses et les autres hommes. Sans cela, l’homme n’est rien. Je ne suis que ces relations. L’ubuntu inclut dans ce nœud relationnel aussi bien les hommes et la nature que les ancêtres et les descendants. Cette anthropologie relationnelle pourrait inspirer les Occidentaux car elle permettrait de mettre en œuvre et de comprendre ce qu’est un commun. Si j’essaie de prendre soin d’une ressource quelle qu’elle soit comme un commun, c’est que je crois que la relation prime sur tout le reste. Si je crois au premier pilier qui est celui de la liberté et que j’accepte de rentrer dans l’inconfort de la délibération démocratique, je crois que quelque chose de neuf, de profond et d’heureux peut émerger.

Auteur: Giraud Gaël

Info: https://usbeketrica.com/ 5 septembre 2021

[ homme carrefour ] [ singularité ]

 

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adaptation sociale

[…] il reste à trouver un mode de relation avec autrui qui n’entame pas trop la sérénité du philosophe, qui ne trouble pas le calme dont il a besoin pour mener à bien son travail. Spinoza a trouvé la solution : il suffit de renvoyer à son interlocuteur l’image qu’il est capable de recevoir. Ainsi lorsqu’il devise avec ses hôtes, il parle de bagatelles, de petits riens sans importance, du temps qu’il fait, des couches de la femme, du métier de l’homme, du sermon du pasteur – masque ? Ainsi lorsqu’il rencontre Leibniz, qui fera autant d’efforts pour nier qu’il a vu Spinoza qu’il fit de démarches pour l’approcher, il parle politique et raconte quelques anecdotes, il répond aux questions philosophiques que Leibniz lui soumet mais se garde bien de se dévoiler totalement – autre masque ? Pour Casearius, Spinoza se fait serviteur modeste de la pensée cartésienne – encore un masque ? Pour les frères de Witt qui viennent le consulter, il est le conseiller occulte – un masque de plus ?
Il y a de quoi s’y perdre mais Spinoza est passé maître à ce jeu et chacun repart enchanté de lui, persuadé que Spinoza lui a donné le meilleur de lui-même. Jeu de miroirs, jeu de masques, politesse lisse sur laquelle glissent les occasions de conflit mais qui n’offre pas davantage de prise à ces liaisons qui emprisonnent, qui empoisonnent. Spinoza est libre.

Auteur: Rödel Patrick

Info: Dans "Spinoza, le masque de la sagesse", page 80

[ personnalité comme-si ] [ distance relationnelle ] [ lien impossible ]

 
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écrivain-sur-écrivains

- Vous vous appuyez sur Kundera pour dénoncer un autre aveuglement de l’époque, qui croit voir en chaque écrivain un "prophète" des temps futurs. Péguy prophète du règne de l’argent, Bernanos de celui de la technique, etc. C’est un travers que l’on peut retrouver dans PHILITT. Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement de Kundera ?  

- Kundera dit ça à propos de Kafka. Il essaye d’expliquer pourquoi il ne faut pas voir en Kafka le prophète du totalitarisme. Même si l’univers de Kafka fait penser à la Tchécoslovaquie des décennies suivantes. Pour Kundera, l’art du romancier consiste à identifier des possibilités de l’existence. Ces possibilités sont inhérentes à la vie quotidienne, relationnelle, individuelle de n’importe qui et sont détachées de la question de l’Histoire. On peut les insérer ou les relier à l’Histoire mais elles ont leur autonomie. Elles sont pour l’écrivain des questions éternelles. Quand Kafka découvre un certain type d’angoisse existentielle, il découvre, selon Kundera, quelque chose qui a toujours existé mais qui n’était pas encore formulé. Le génie de Kafka consiste dans cette découverte. C’est vrai que le totalitarisme, dans sa réalisation historique, active avec une particulière netteté ce domaine de l’existence qu’a découvert Kafka. Mais si cette réalisation totalitaire n’avait pas existé, cela ne changerait rien à la découverte de Kafka qui s’inscrit dans un univers plus autonome et profond. Je ne sais pas si le raisonnement Kundera s’applique à toute la littérature, mais il montre une direction qui permet de nuancer une tendance à laquelle beaucoup cèdent aujourd’hui. C’est tellement facile de voir la littérature comme ça.

Auteur: Vitry Alexandre de

Info: Interview sur PHILITT. par Matthieu Giroux, 11 octobre 2018

[ européens ] [ secondéités ] [ médium ]

 

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intraduisible

Ereignis (de l'allemand) représente un concept central et complexe de la philosophie de Heidegger ; il n'a pas de traduction directe en anglais ou en français (note de FLP). On le traduit souvent par " événement " ou " appropriation ", mais ces signifiants n'en saisissent pas pleinement le sens.

L'Ereignis fait référence à l'" événement de l'être " -  moment où ce dernier émerge (entre en présence) et se révèle.

 Il ne s'agit pas d'un état statique, mais d'un événement ou d'une occurrence dynamique qui se déroule de manière continue.

L'Ereignis n'est pas quelque chose qui nous arrive, mais quelque chose auquel nous participons. Lorsque nous rencontrons quelque chose et que nous lui permettons de se révéler tel qu'il ou elle est, nous participons à la manifestation de l'Ereignis.

Ce vocable devient un concept fondamental, sinon central, de la philosophie de Heidegger dans les années 1930. Il est le "mot-directeur" de toute sa pensée à partir de cette époque.

L'Ereignis est un concept qui permet à l'être et au temps d'appartenir l'un à l'autre. C'est la connexion et la coappartenance de toutes les relations qui existent.

Ce mot veut condenser l'idée de "ce qui rend possible la différence et l'identité au cœur de l'être."

Heidegger voyait dans l'Ereignis un moyen de dépasser la métaphysique objectiviste qui avait dominé la philosophie occidentale. Il représente un changement vers la compréhension de l'être comme un événement dynamique et participatif plutôt que comme une substance ou un objet statique.

L' Ereignis est un concept complexe et difficile à appréhender. Heidegger l'a développé dans ses derniers écrits, plus "expérimentaux" et "ésotériques", qui n'étaient pas destinés à un large public. Des écrits qui utilisent un langage poétique spécialisé qui s'écarte du discours philosophique commun. Ce qui n'aide pas à comprendre ou formaliser ce concept central de la pensée de Heidegger.

De manière générale ce vocable représente un changement profond de la philosophie de Heidegger vers une compréhension plus dynamique, participative et relationnelle de l'être et de la vérité. Nous avons là une notion complexe et multiforme qui est essentielle pour comprendre la trajectoire et les derniers travaux de Heidegger.

Auteur: perplexity.ai

Info: Lorsqu'on demanda à perplexity.ai son avis sur "Les fils de la pensée" le bot donna quelques indications assez correctes, soulignant qu'il y voyait une parenté avec ce mot-idée-concept de Heidegger

[ citation s'appliquant à ce logiciel ] [ volonté de conclure ] [ unification ] [ appartenance ] [ participation ] [ singularités interconnectées ] [ difficile définition ] [ cycles ] [ incarnations secondéités ]

 

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subjectivation

"La chair est triste, hélas, et j'ai lu tous les livres" dira plus tard le poète... Quelle complétude particulière pouvait offrir l'ère christique pré-médiévale et médiévale, que son dépassement par la rationalité et la technè moderne ne pourra jamais combler ? Qu'est-ce qui a été manqué dans ce "dépassement"? Tout simplement la dimension de l'autre, seule apte à garantir correctement l'institution du sujet, dans une circularité relationnelle vivante et vascularisée. Alors que le sujet est face à l'autre (à l'Autre), l'individu (moderne) est face au monde. Ce qui se perd au passage est l'intersubjectivité et sa fonction nutritive et vitalisante. Car le problème est que le monde est aussi silencieux que l'épais silence qui envahit tout entière la gravure de Dürer, où seul le crissement bavard du stylet du putto sur sa tablette s'inscrit en creux. La maladie de la modernité, poussée à son paroxysme par la période contemporaine, est entièrement résumée ici. L'homme, de fait, ne dialogue pas avec le monde: le monde est muet et ne répond pas, si ce n'est par les soubresauts d'efficacité auxquels la technoscience le contraint dans sa brutalité. Pour qu'il y ait dialogue, il faut que le logos réponde au logos, et que le sujet fasse face à un autre lui-même. Car le sujet ne peut se comprendre que dans la plénitude de l'histoire de son inscription au sein du monde, et non comme une chimère hors sol, pure catégorie fonctionnelle et logique, comme l'ont voulu les linguistes depuis Saussure. Le sujet s'institue dans les conditions intersubjectives de son avènement au monde, conditions d'extrême dénuement et de fragilité absolue, qui le livrent sans recours possible à ceux qui l'ont à charge: sa mère, éminemment, puis son père, qui seuls peuvent lui éviter la mort corporelle, affective et psychique par les nourritures terrestre, affective, et spirituelle qu'ils lui dispenseront. Le sujet, c'est cela: une immense fragilité qui ne tient que par la relation - il serait d'ailleurs plus approprié d'écrire "les sujets", tant il est vrai qu'un sujet seul ne peut se concevoir en vertu de ce que je viens d'exposer. Or le sujet parvenu à sa pleine institution donne le sentiment d'une monade autonome et fermée, essentialisable jusque dans les catégories formelles de la linguistique - "est je qui dit je", comme disait de si tautologique et désespérante manière Ferdinand de Saussure, que nous avons cité en ouverture de cet ouvrage. La modernité est ici prise en flagrant délit de solipsisme, faute logique - et ontologique - s'il en est.

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme

[ dépendance ] [ illusion d'autocréation ] [ erreur moderne ] [ isolement ]

 
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philosophie

Les trois principes de la logique aristotélicienne, qui fondent l'édifice de la raison, sont l'expression formalisée de cette récusation de toute confusion incestuelle qui a formé une part fondamentale du propos central de la civilisation hellénistique: le premier d'entre eux, le principe d'identité, vise à établir ce que j'appelle le "corsetage distinctif des étants", à partir de ce saut majeur vers l'humanisation que constitue le stade du sein, cette véritable dé-fusion qui cristallise la naissance d'un sujet distinctif ne se confondant désormais plus avec les bras qui le portent ou le sein qui le nourrit, reconnus comme attestation d'une altérité dorénavant irréductible. De proche en proche, par le jeu des inférences et des extrapolations, cette faculté acquise d'appréhension distinctive du monde s'étendra à tous les étants qui le peuplent. Le principe de non-contradiction, qui forme le deuxième des trois grands principes de la logique aristotélicienne, a pour objet de garantir la cohérence des propriétés intrinsèques et relationnelles propres d'un objet quel qu'il soit. Sa matrice initiale en est également la récusation de la confusion incestuelle: les conflits logiques inter et intra générationnels qui résulteraient du franchissement d'un tel interdit sont insolubles pour la raison et ouvrent une béance vers les gouffres de la psychose. Le mythe d'Œdipe notamment l'atteste de manière indubitable: sous peine d'être aveuglé, supplice qu'Œdipe s'inflige au terme de ses transgressions, c'est-à-dire d'être privé de lumière au sens littéral autant que métaphorique dans l'ordre de la raison, un fils ne peut épouser sa mère, qui sinon deviendrait à la fois la mère de ses enfants, mais en serait également la grand-mère, lui-même devenant leur père mais également leur frère et leur grand-père, en sa qualité de conjoint de celle qui, sous un certain angle, est leur grand-mère. On le voit, la folie n'est pas loin, sœur d'une telle confusion. Le troisième pilier de la logique classique, le principe du tiers exclu, forme le gardien de cette porte ouvrant sur la folie, interdisant la tentation de l'édification d'univers alternatifs où, entre l'existence et l'inexistence d'un étant, pourrait se trouver un état intermédiaire permettant illusoirement de laisser une place à l'impensable - il convient cela dit de préciser incidemment que l'application au domaine de l'être de ce principe du tiers exclu, selon laquelle il n'y aurait pas de gradations dans l'être semble n'être pas soutenable dès lors qu'elle est appliquée au domaine du vivant, tant il y a bien dans l'ordre de l'inscription des êtres vivants au sein du monde différentes gradations d'être, depuis l'organisme mono cellulaire jusqu'à l'être humain en passant par les multiples modalités plus ou moins évoluées de présence au monde que l'on trouve dans le règne animal.

Auteur: Farago Pierre

Info: Au sujet du diable

[ inceste ] [ traduction psychanalytique ] [ castration ]

 
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confusion

Il est pensif, sans doute, mais cela n'a rien d'exceptionnel chez lui, car c'est un homme qui aime penser méthodiquement, lucidement, en distinguant finement les concepts qu'il manie avec une compétence de vrai professionnel. D'un certain point de vue, ce qui le laisse aujourd'hui pensif, c'est le fait d'être pensif, car sa réflexion vient d'aborder un thème qui lui semble globalement inadéquat, ou plutôt qui lui paraît invalidé par la réticence foncière dont il fait montre à l'égard des idées claires et précises ; un léger malaise commence en fait à l'atteindre, il serait préférable de l'apaiser. Le thème en question est l'amour. Il ne fait pas de doute qu'il éprouve un vif intérêt pour une jeune femme qui, au dire des experts, est amoureuse - leur avis se fonde sur des signes manifestes. Or lui est tout à fait certain que son intérêt aussi vif qu'indubitable relève d'une variante de l'amitié, de la participation, de la collaboration affective - c'est là un terme qu'il trouve très satisfaisant - mais qu'il est absolument étranger à l'amour. Il a cependant l'impression que la jeune femme, chez qui il ne nie pas un certain prestige tant physique que moral, a tendance à proposer une interprétation peu claire, inadéquate, insuffisamment et injustement réfléchie de leur relation. La chose l'embarrase, car il ne fait aucun doute par ailleurs qu'il considère sous un jour sincèrement favorable la présence de la jeune femme dans sa vie. Mais aussi, par respect pour sa propre probité mentale, il ne peut accepter que la jeune femme, d'un caractère sans doute un peu irréfléchi, ait le sentiment d'être plus ou moins au seuil d'une relation, ou encore qu'elle lui prête des pensées peu claires et puisse imaginer, par exemple, qu'il n'instaure pas une rigoureuse frontière lexicale entre "violente affection" et "amour". Il est on ne peut plus conscient de ne pas être amoureux, de n'avoir aucune disposition pour une relation privée, et de ne pouvoir envisager une telle chose dans un futur concevable. Sa position lui semble claire, honnête, explicite. Il ne comprend pas pourquoi la jeune femme a tant de peine à saisir des propos si lucides, pourquoi elle reste interloquée devant sa proposition de relation non relationnelle, sans amour mais affectueuse, chaude mais détachée, ce qui lui semble à lui une suggestion claire et utile. Il ne nie pas, d'un autre côté, que l'amour de la jeune femme le flatte énormément, et si la jeune femme abandonnait de tels sentiments, cela serait de sa part un signe d'inconstance ; et il lui serait difficile d'être l'ami de quelqu'un d'inconstant et de peu clair. A ce point de sa réflexion, le voilà de nouveau pensif. Il a l'impression d'être tombé dans un piège tendu par le "peu clair", l'anxiété qui commence à le ronger ne cessera que lorsqu'il en sera totalement, irrémédiablement sorti.

Auteur: Manganelli Giorgio

Info: "TRENTE HUIT" - In "Centurie", éd. Christian Bourgois, p. 71, trad. par J.B. Para - un des cent "mini romans-fleuves qui composent ce livre

[ logique ] [ catastrophe ] [ entêtement ] [ gamberge ] [ femmes-hommes ]

 
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gouvernement

Dans une perspective libérale, la liberté devient un objet très différent de la liberté classique. Tout d’abord, elle ne peut pas avoir pour fondement des enracinements politiques particuliers, puisque ceux-ci sont niés. Ceux qui font remonter le libéralisme moderne à l’idéal grec commettent donc un contre-sens majeur. La liberté moderne devient au contraire quelque chose d’essentiellement juridique, à savoir des "droits" supposés valoir indépendamment de toute appartenance, c’est-à-dire de manière universelle. D’où la thématique des "droits de l’homme", dont chacun serait titulaire sans considération pour son origine ou son lieu dans le monde social. [...]

L’universalité proclamée des droits et leur naturelle essentiellement juridique signifie que les libertés qui en découlent sont abstraites, là où les libertés classiques étaient toujours concrètes. Par exemple, on peut proclamer que tout homme a droit à la vie, ou au bonheur, ou au respect de ses croyances, sans que cela ne change absolument rien de la vie pratique des titulaires de ces droits. La proclamation des droits s’apparente à un pur acte de langage qui n’a aucune raison de s’incarner dans une réalité vivante. [...]

Le caractère abstrait de la liberté des libéraux a deux autres conséquences. Premièrement, là où les libertés classiques étaient incréées, produits historiques de la vie en communauté, les libertés universelles doivent être déclarées. [...] Ce caractère déclaratif des droits est hautement problématique du point de vue des libertés concrètes : si les libertés apparaissent d’un trait de plume via une déclaration, au nom de quoi ne disparaîtraient-elles pas également d’un autre trait de plume ? [...]

Deuxièmement, l’abstraction des droits proclamés universels, coupés de tout contexte socio-historique, peut être source d’un conflit des droits. Là où les libertés classiques étaient la propriété de corps politiques clairement définis, des droits abstraits peuvent désormais être revendiqués par n’importe quel groupe, et il n’y a absolument aucune raison pour que ces droits soient compatibles les uns avec les autres. [...] Dans d’autres cas, la proclamation d’un droit reste tellement abstraite qu’elle nécessite en permanence des interprétations particulières, fondées sur des cas concrets, de sorte que l’universalité proclamée ex ante devient impraticable ex post. [...]

L’abandon d’une conception relationnelle de la liberté pour une conception individualiste a une dernière conséquence : les droits sont proclamés comme une propriété inaliénable des individus, et sont donc sans contreparties, assortis d’aucun devoir. [...] Enfin, nul concept de bien commun permet de penser des limites à la liberté de l’individu, dès lors qu’ont été créées les conditions institutionnelles minimales qui permettent à chacun de rechercher son meilleur avantage personnel.

Cette relative absence de devoirs comme contrepartie aux droits peut laisser croire que la liberté des libéraux est beaucoup plus étendue que la liberté classique. C’est néanmoins là un leurre, ainsi que nous allons le montrer. Cette illusion moderne d’une liberté presque infinie tient précisément à la nature abstraite des libertés proclamées. Dans l’abstrait, il est aisé de proclamer une très grande liberté. Mais la pensée libérale abstraite s’accompagne d’un impensé considérable, à savoir les conditions pratiques dans lesquelles cette liberté peut être mise en œuvre. Or, plus les libertés proclamées sont larges, plus elles nécessitent pour trouver une traduction concrète un appareillage juridique, des contrôles formels, et une superstructure procédurière de surveillance.

Auteur: Travers Guillaume

Info: Dans "La société de surveillance, stade ultime du libéralisme", La nouvelle librairie, Paris, 2021, pages 41 à 47

[ anciens-modernes ] [ hors sol ]

 
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