judaïsme
Peut-on traiter de parasites les hommes qui vivent des professions libérales, ou encore ceux qui se livrent à l’industrie, ou même au commerce ? Alors, il y aurait bien d’autres parasites que les juifs et, comme dans nos sociétés contemporaines, les affaires, le commerce, la banque prennent une place de plus en plus grande, il en résulterait que nos sociétés deviendraient de plus en plus parasitaires. C’est, faut-il le rappeler ? ce que soutiennent les socialistes.
[…] il semble vrai que, à prendre leur nombre, vous trouvez, chez les juifs, une plus grande proportion d’hommes s’occupant d’affaires, de commerce, de finance. Ces professions, malgré tout, elles sont nécessaires, elles sont indispensables : l’inconvénient serait de voir un trop grand nombre d’hommes s’y livrer, et si, dans notre démocratie, on craint, de ce côté, une rupture d’équilibre, la faute n’en est pas aux juifs. Ils sont loin d’être les seuls à fuir le travail manuel, ou les seuls à vouloir faire des affaires. Comme vous le verrons tout à l’heure, le principal grief contre eux, c’est qu’ils y réussissent peut-être mieux que d’autres.
Mais pourquoi les juifs se jettent-ils ainsi dans les affaires ? Et pourquoi beaucoup d’entre eux y réussissent-ils ? L’histoire nous l’explique. Pourquoi font-ils notamment de la finance ? C’est que le passé les a dressés à cette profession, et, non seulement le passé les y a dressés, mais les lois religieuses ou les lois civiles des peuples au milieu desquels ils vivaient les y ont contraints et les y ont confinés, pendant des siècles. A-t-on oublié que les lois de l’Ancien Régime leur interdisaient presque tous les autres métiers ?
[…] pendant longtemps, autrefois, la finance, le change ont été le monopole des juifs, et un monopole qui leur avait été imposé.
Ce monopole, c’est nous, aryens ou chrétiens, qui le leur avions en quelque sorte conféré par nos lois. Pendant des siècles, les lois des peuples chrétiens ont, sous le vague nom d’usure, interdit le commerce de l’argent, les prêts d’argent, à tous les chrétiens ; et comme il fallait bien que ces affaires d’argent fussent traitées par quelqu’un, on les abandonnait au juif. C’est ainsi que nous avons, nous-même, développé, chez lui, laborieusement, artificiellement, pendant des générations, ces facultés financières et commerciales que beaucoup d’entre nous viennent, aujourd’hui, reprocher au juif. Il cherche, vous le savez, à en sortir, et alors se dresse, devant lui, un autre reproche : Comment ! Il ne vous suffit pas d’accaparer la finance, de primer dans le commerce, vous voulez encore envahir les autres carrières ! Non, cela est intolérable, retournez à votre comptoir de change.
Auteur:
Leroy-Beaulieu Anatole
Années: 1842 - 1912
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: historien, essayiste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
" Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 132-133
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critiques
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réfutation
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historique
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annotations
Parfois, les notes sont féroces,
escarmouches contre l'auteur
qui font rage le long des bords des pages
en minuscules caractères noirs.
Si seulement je pouvais mettre la main sur vous,
Kierkegaard, ou Conor Cruise O'Brien,
semblent-elles dire,
je bloquerai la porte et vous ferais entrer la logique dans la tête.
D'autres commentaires sont plus désinvoltes, dédaigneux...
"C'est absurde." "Ben voyons !" "HA !!" -
ce genre de choses.
Je me souviens d'une fois où j'ai levé les yeux de ma lecture,
le pouce en guise de marque-page,
en essayant d'imaginer à quoi devait ressembler la personne
qui avait écrit "Ne sois pas si stupide"
en bordure d'un paragraphe de La vie d'Emily Dickinson.
Les étudiants sont plus modestes
et laissent de plus rares empreintes au hasard
des longs rivages de la page.
L'un d'eux griffonne "Métaphore" à côté d'une strophe d'Eliot.
Un autre inscrit juste "Ironie"
cinquante fois face aux paragraphes de A Modest Proposal
D'autres sont comme ces fans qui crient depuis les gradins vides,
mains autour de la bouche.
"Absolument", crient-ils
à Duns Scot et James Baldwin.
"Oui." "En plein dans le mille." "Tu es mon homme !"
Coches, astérisques et points d'exclamation
constellent les lignes de touche.
Et si vous avez réussi à obtenir votre diplôme universitaire
sans jamais avoir écrit "L'homme contre la nature"
dans une marge, peut-être est-il maintenant temps
de faire un pas en avant.
Nous nous sommes tous appropriés le périmètre blanc
et avons pris un stylo, ne serait-ce que pour montrer
que nous ne nous sommes pas contentés de paresser dans un fauteuil en tournant des pages ;
et avons laissé quelque remarque sur le bas côté,
planté une impression dans la bordure.
Même les moines irlandais en leurs scripts glaciaux
ont noté en bordure des évangiles
de brèves remarques sur les difficultés de la copie,
le chant d'un oiseau près de leur fenêtre,
ou la lumière du soleil qui illuminait leur page -
ombres anonymes de passage dans le futur
sur un vaisseau plus durable qu'eux-mêmes.
Et tu n'as pas lu Joshua Reynolds,
disent-elles, avant que tu le découvres
intriqué dans le furieux gribouillage de Blake.
Pourtant, celle à laquelle je pense le plus souvent,
que je conserve comme un médaillon,
était inscrite dans l'exemplaire de l'Attrape-Coeurs
que j'avais emprunté à la bibliothèque locale
un été calme et chaud.
Je venais juste de commencer le lycée à l'époque,
je lisais sur un canapé du salon de mes parents,
et ne puis que difficilement avouer
à quel point ma solitude s'amplifia,
combien le monde s'est aggrandi
lorsque j'ai trouvé sur une page
quelques taches graisseuses
et à côté d'elles, écrit au crayon -
par une jolie fille, ça se devinait,
que jamais je ne rencontrerai -
Pardonnez les taches de salade aux oeufs, mais je suis amoureuse.
Auteur:
Collins Billy William James
Années: 1941 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: enseignant, poète officiel de l'Etat US
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Picnic, Lightning. Trad Mg
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soulignages
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scolies
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réflexivité
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romantisme
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adolescence
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évolution fantasmée
Mes ancêtres étaient des charognards poilus au front bas qui perforaient les crânes et les os des charognes jonchant les rivages pour sucer leur cervelle en voie de décomposition. Ils l’ont fait pendant des millions d’années en utilisant les mêmes bifaces de silice, sans comprendre pourquoi et dans quel but ils vivaient ainsi : c’était simplement leur instinct, comme celui qui pousse les oiseaux à nidifier et les castors à construire des digues. Ils ne dédaignaient pas de s’entre-dévorer.
Puis le Démon de l’esprit qui descendit sur terre entra en eux et leur apprit la magie des mots. Le troupeau de singes devint l’humanité et entreprit sa vertigineuse ascension sur l’échelle du langage. Et voici que je me tiens sur la crête de l’histoire d’où je vois que son point culminant est dépassé.
Je suis né au moment où la dernière bataille pour l’âme de l’humanité était déjà perdue. Mais j’ai entendu son écho et vu ses éclairs d’adieu. J’ai parcouru des manuels soviétiques poussiéreux qui annonçaient que l’URSS avait libéré l’homme et lui avait permis d’aller dans l’espace. Bien sûr, même dans mon enfance, je comprenais que c’était un mensonge, mais la vérité s’y trouvait aussi. Il était aussi difficile de séparer le mensonge de la vérité que de séparer des métastases cancéreuses des cellules saines.
Si je ne me trompe pas, j’ai commencé à y réfléchir lorsque je n’avais que dix ans. Pour les vacances scolaires, on m’envoyait chez grand-mère qui vivait dans un village près d’Orel. Elle habitait une vieille isba qui ne différait des habitations du XVe siècle que par la présence d’une ampoule de 100 watts brillant sous le plafond, et que la vieille appelait ironiquement "l’ampoule d’Ilitch". Il est probable qu’elle pensait à Brejnev, et non à Lénine, mais je ne voyais pas de grande différence entre ces deux défunts illustres. En revanche, je comprenais parfaitement ce que représentait "l’ampoule d’Ilitch".
(…)
Ceux qui ont longtemps feuilleté de vieux magazines savent que chaque époque a son propre avenir, une sorte de futur antérieur de la grammaire française : les gens du passé se projettent dans l’infini, en ligne droite, en traçant une tangente à travers leur temps vers l’éternité.
(…)
Ce futur n’arrive jamais car l’humanité avance vers son lendemain selon une trajectoire complexe et peu compréhensible dont aucun mathématicien en sciences sociales ne peut anticiper les tournants.
(…)
Mes descendants – pas les miens personnellement, mais ceux de mon espèce – seront des traders poilus au front bas qui, à partir de claviers tous identiques, vont creuser des swaps de crédits et de défauts le long des rives de fleuves économiques en voie d’assèchement. Ils le feront sans comprendre le moins du monde pourquoi et dans quel but ils agissent ainsi. Ils suivront simplement les impulsions de leur instinct, comme les araignées dévorent les mouches. Et lorsqu’ils auront mangé toutes les mouches, ils se remettront à s’entre-dévorer. C’est ainsi, à proprement parler, que l’histoire a commencé, et c’est ainsi qu’elle se terminera.
Une nouvelle ère d’obscurité est devant nous. Il n’y aura même pas de Dieu chrétien équivoque, mais uniquement des pieuvres transnationales planquées dans les eaux noires qui brasseront de leurs tentacules médiatiques toute la saleté humaine pour sécuriser leur pouvoir. Elles conduiront l’homme à un tel degré de turpitude qu’il sera techniquement impossible à la pitié divine de s’exercer à son égard, et la terre brûlera alors de nouveau, dans un feu qui sera bien plus éclatant et horrible que tout ce qui a été vu dans le passé.
Auteur:
Pelevine Viktor
Années: 1962 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Russie
Info:
Dieux et mécanismes
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stagnation
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