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pensée-de-femme

Je fais aménager le sous-sol de ma maison en appartement indépendant, je le loue à une charmante personne du même âge que moi, veuve elle aussi ou divorcée, qui devient une compagne précieuse, une fidèle amie. Tel est le rêve éveillé dans lequel je me surprends sans cesse à retomber. Il arrive que le locataire soit un homme, ce qui entraîne des conséquences d'un niveau romanesque trop digne de la collection Harlequin pour les coucher par écrit, même dans ce journal intime. C'est comme si j'étais dédoublée - la Helen Reed qu'on voit du dehors, celle qui s'installe dans ses nouvelles fonctions à l'université de Gloucester, calme, efficace, consciencieuse ; et une autre Helen Reed victime de ses illusions, cinglée, désincarnée, qui mène une vie parallèle dans la tête de la première.

La tension qu'engendrent ces deux vies simultanées est presque intolérable. J'attends impatiemment l'heure d'aller me coucher, pour qu'elles entrent ensemble en repos. Le sommeil est un bonheur, mais hélas un bonheur que par définition on ne peut savourer. Il y a peut-être un instant de langueur délicieuse où on se sent décrocher, comme lors d'une anesthésie, mais ensuite on ne reprend conscience que pour savoir que c'est fini, qu'on est réveillé, probablement aux petites heures de la nuit, en proie à des tourments et à des regrets plus accablants que jamais, et il est impossible de se rappeler comment c'était de ne pas les éprouver.

Auteur: Lodge David

Info: Pensées secrètes

[ fantasmatique ] [ romanesque ] [ songes ]

 
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Muses

Assez du vieux roman !

Assez des intrigues romanesques, des complots aux cours étrangères,

Assez des vers amoureux ensucrassés de rimes, assez des amours et autres manigances d’oisifs,

Convenant parfaitement aux banquets nocturnes où le pas des danseurs s’attarde à suivre une musique suave,

S’accordant avec les plaisirs malsains, les divagations extravagantes d’une minorité,

Les parfums, la chaleur du vin qu’on boit sous l’éclairage aveuglant des chandeliers.



Pour vous, vénérables sœurs tellement plus sensées, à votre intention,

Je préconise hautement des thèmes plus nobles dans la poésie et les arts,

Thèmes qui exaltent le présent et le réel,

Enseignent à l’homme de tous les jours l’orgueil de son métier et de son destin quotidien,

Chantent l’inexorable nécessité de la vie chimique et de l’exercice,

Du travail manuel pour tous, labourage, binagre, bêchage,

Plantation, soin des arbres, des baies, des légumes, des fleurs,

Oui, des thèmes qui fassent comprendre à chaque homme, à chaque femme aussi, qu’ils doivent réellement faire quelque chose,

Apprendre à se servir du marteau et de la scie (taille ou contre-taille),

Se faire la main aux techniques du charpentier, du plâtrier, du peintre,

Pratique le métier de tailleur pour homme et pour femme, de nourrice, de palefrenier ou de portier,

Montrer un tant soit peu d’ingéniosité, d’esprit d’invention pour soulager les corvées de la lessive, la cuisine, le nettoyage,

Sans jamais considérer comme déshonorant de mettre la main à la pâte soi-même.

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Chanson de l'Exposition, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, page 284-285

[ création artistique ] [ renouvellement ] [ terrestres ]

 

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éloge

La critique littéraire sur Dostoïevski a été, jusqu'à ces derniers temps, une réaction idéologique aux voix de ses héros, trop directe pour percevoir objectivement l'originalité artistique de sa nouvelle structure romanesque. De plus, en essayant de formuler une théorie sur ce nouvel univers plurivocal, elle n'a pas trouvé d'autre moyen que de le transformer en un univers du type habituel, autrement dit : interpréter une oeuvre inspirée par une volonté artistique essentiellement nouvelle, dans l'optique d'une volonté ancienne et routinière. Les uns, subjugués par le contenu même des conceptions idéologiques de certains héros, essayaient de les réduire à une unité systématique, monologique, négligeant la pluralité des consciences distinctes qui est un élément essentiel dans la conception artistique de l'auteur ; d'autres, sans succomber à la tentation d'une idéologie directe, transformaient les consciences (pleinement posées comme telles) des héros, en des psychismes perçus comme des objets, réifiés, et considéraient l'univers de Dostoïevski au même titre que l'univers habituel du roman socio-psychologique européen. Au lieu de l'événement que représente l'interaction de deux consciences autonomes, nous avions, dans le premier cas, un monologue philosophique et dans le second, un monde compris monologiquement, un monde objectivé, en corrélation avec la seule conscience de l'auteur. Ni la discussion philosophique enthousiaste avec le héros, ni l'analyse psychologique ou psychopathologique réifiante et impartiale, ne sont capables de saisir l'architectonique même des oeuvres dostoïevskiennes. L'exaltation des uns les empêche d'avoir une vision objective, authentiquement réaliste, d'un univers de consciences différentes de la leur ; le réalisme des autres "vole trop bas". On comprend parfaitement que les uns et les autres aient évité les problèmes artistiques à proprement parler ou les aient abordés occasionnellement et en surface.

Auteur: Bakhtine Mikhaïl

Info: La Poétique de Dostoïevski, Le Seuil, pp. 35-36

[ personnages ] [ profondeur ]

 

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beaux-arts

Six grandes catégories d'adaptations littéraires
Geoffrey Wagner dans The novel and cinema (1975) distingue trois types d'adaptations : l'analogie, la transposition et le commentaire. Cette classification selon le degré d'implication dans la matière littéraire valorise l'adaptation commentaire. Elle nous semble pouvoir être complétée de trois autres types d'adaptations. Deux sont entre la simple analogie et la transposition : l'adaptation romanesque et l'adaptation condensation. C'est de cette dernière dont relève la majorité des adaptations classiques. L'adaptation littéraire qui valorise le texte, entendu ou lu se développe aussi grâce au cinéma moderne et constitue notre troisième ajout. Nous proposons donc la classification suivante :
1) L'analogie qui utilise le roman seulement en tant que point de départ. Le Journal de Bridget Jones condense les intrigues amoureuses des deux soeurs, Elizabeth et Jane, de Orgueil et préjugés dans la seule Bridget.
2) L'adaptation romanesque qui se sert de l'œuvre littéraire comme un réservoir de personnages et de situations qu'il importe de valoriser. Unholy Love (Albert Ray,1932) ou Val Abraham (Manoel de Oliveira, 1993) sont ainsi des adaptations romanesques de Madame Bovary.
3) L'adaptation condensation qui coupe des passages du roman, condense plusieurs passages et un seul, n'invente rien et sauvegarde toujours les passages les plus célèbres; Autant en emporte le vent ou Les grandes espérances
4) L'adaptation transposition qui tente de rester au plus près de l'œuvre originale, telles les adaptations de Shakespeare de la BBC.
5) L'adaptation commentaire qui modifie le roman soit dans les détails en soulignant certains éléments soit en modifiant même sa structure générale. Madame Bovary (Sophie Barthes, 2015) 24e adaptation du roman de Flaubert en est un exemple pas forcément réussi.
6) L'adaptation littéraire qui fait entendre ou voir le texte pour rendre sensible le projet esthétique de l'écrivain : Le journal d'un curé de campagne (Robert Bresson), Les deux anglaises et le Continent (François Truffaut) ou Madame Bovary (Claude Chabrol, 1991)

Auteur: Internet

Info: https://www.cineclubdecaen.com/analyse/cinemaetlitterature.htm

[ texte ] [ télévision ]

 

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culture

La littérature ne sert à rien. Si elle servait à quelque chose, la racaille gauchiste qui a monopolisé le débat intellectuel tout au long du XXe siècle n’aurait même pas pu exister. Ce siècle, bien heureusement, vient de s’achever ; c’est le moment de revenir une dernière fois (on peut du moins l’espérer) sur les méfaits des "intellectuels de gauche", et le mieux est sans doute d’évoquer Les Possédés, publié en 1872, où leur idéologie est déjà intégralement exposée, où ses méfaits et ses crimes sont déjà clairement annoncés à travers la scène du meurtre de Chatov. Or, en quoi les intuitions de Dostoïevski ont-elles influencé le mouvement historique ? Absolument en rien. Marxistes, existentialistes, anarchistes et gauchistes de toutes espèces ont pu prospérer et infecter le monde connu exactement comme si Dostoïevski n’avait jamais écrit une ligne. Ont-ils au moins apporté une idée, une pensée neuve par rapport à leurs prédécesseurs du roman ? Pas la moindre. Siècle nul, qui n’a rien inventé. Avec cela, pompeux à l’extrême. Aimant à poser avec gravité les questions les plus sottes, du genre : "Peut-on écrire de la poésie après Auschwitz ?" ; continuant jusqu’à son dernier souffle à se projeter dans des "horizons indépassables" (après le marxisme, le marché), alors que Comte, bien avant Popper, soulignait déjà non seulement la stupidité des historicismes, mais leur immoralité foncière.

[...]

Rappelons d’abord qu’on peut évidemment écrire de la poésie après Auschwitz, aussi bien qu’avant, et dans les mêmes conditions ; posons-nous maintenant une question plus sérieuse : peut-on écrire de la science-fiction après Hiroshima ? En examinant les dates de publication, il semble bien que la réponse soit : oui, mais pas la même ; et des textes, il faut le dire, franchement meilleurs. Un optimisme de fond, probablement incompatible avec la littérature romanesque, s’est évaporé là, en l’espace de quelques semaines. Hiroshima était sans doute la condition nécessaire pour que la littérature de science-fiction puisse vraiment accéder au statut de littérature.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: "Lanzarote", Librio, 2021, pages 73-74

[ barbarie ] [ politique ] [ inutile ]

 

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auto-analyse littéraire

Je ne parle jamais de l'Homo festivus mais d'Homo festivus parce que j'en ai fait un personnage conceptuel, quelque chose d'intermédiaire entre le concept et l'être romanesque, ce qui me permet sans cesse de l'aborder par deux côtés, par les idées et par la vie, par la pensée comme par les événements concrets, par l'entendement comme par le mouvement.

Philosophe ou sociologue, je parlerais en effet de l'Homo festivus, mais c'est bien ce dont je me garde comme de la peste car alors il me serait impossible de faire ce que j'ai entrepris, et qui seul compte à mes yeux, à savoir le portrait du temps, la recréation de l'époque ; ce qui ne se peut envisager qu'à partir des méthodes et avec les instruments variés (du sérieux à la farce) de l'art. Maintenant, pour en revenir à cette solitude sexuelle d'Homo festivus, qui contient tous les autres traits que vous énumérez, elle ne peut être comprise que comme l'aboutissement de la prétendue libération sexuelle d'il y a trente ans, laquelle n'a servi qu'à faire monter en puissance le pouvoir féminin et à révéler ce que personne au fond n'ignorait (notamment grâce aux romans du passé), à savoir que les femmes ne voulaient pas du sexuel, n'en avaient jamais voulu, mais qu'elles en voulaient dès lors que le sexuel devenait objet d'exhibition, donc de social, donc d'anti-sexuel. Nous en sommes à ce stade. Dans une société maternifiée à mort (et où, pour être bien vu, il faut toujours continuer à radoter que le féminin n'a pas sa place, est persécuté, écrasé, etc.), l'exhibitionnisme, où triomphent les jouissances prégénitales, devient l'arme fatale employée contre le sexuel, je veux dire le sexuel en tant que division ou différence des sexes (qualifiée de source d'inégalités ou d'asymétries), et en tant que vie privée. L'exhibitionnisme est la forme sexuelle que prend aujourd'hui l'approbation des conditions actuelles d'existence.

C'est pour cela que je peux diagnostiquer, à partir des avalanches de parties de jambes en l'air qu'on nous montre ou qu'on nous raconte dans des livres, à la fois un désir forcené d'intégration sociale (par l'exhibition que réclame et même qu'exige cette société-ci) et une volonté plus forcenée encore de mort du sexuel adulte. Il n'y a aucune contradiction entre la pornographie de caserne qui s'étale partout et l'étranglement des dernières libertés par des "lois antisexistes" ou réprimant l'"homophobie"comme il nous en pend au nez et qui seront, lorsqu'elles seront promulguées, de brillantes victoires de la Police moderne de la Pensée. 

Auteur: Muray Philippe

Info:

 
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programme

Ça pourrait être cela, en fin de compte, le propre de la critique : repérer ce qui tend à rendre le roman impossible. Il y a donc la poétification de la réalité. Et aussi, en vrac : l’interdiction de se moquer ou de caricaturer (tout le monde est respectable) ; la victimocratie ; le primat des larmes et de l’émotion, mélange radioactif de résidus de gauchisme et de puritanisme ; le terrorisme du cœur ; le chantage au moi comme authenticité, comme preuve (et finalement comme œuvre : "Il me suffit d’exhiber mes blessures et d’appeler ça de l’art. reconnaissez mes blessures comme de l’art et taisez-vous !") ; le rôle épurateur des émissions dites littéraires du type "Apostrophes", leur longue mission de nettoyage éthique et de formation de nouvelles générations d’ "auteurs" consensuels ; la confusion organisée des sexes (alors qu’un bon romancier est toujours un très ferme différenciateur des sexes) ; la propagande homophile acceptée lâchement comme style de vie général ("On est tous un peu homos") ; le devenir nursery-monde du monde, l’infantilisation généralisée (devant "l’intérêt de l’enfant", qui oserait ne pas s’agenouiller ?) ; la vitesse médiatique, la sinistre vitesse liquidatrice, en opposition avec la lenteur nécessaire aux arts (à leur profond instinct de conservation) ; le modèle du racisme à toutes les sauces (invention du "sexisme" sur le moule du racisme, fabrication plus récente du "spécisme", crime consistant à voir une distinction entre les espèces) ; le refus des gens eux-mêmes, des simples gens, de n’être que des gens, leur prétention à passer pour le gratin, pour le dessus du panier, pour l’élite, leur désir d’être pris pour des people, comme on dit dans les magazines people justement, donc à perdre toute consistance romanesque […] ; la culture englobant les différentes disciplines dites artistiques et les réorientant vers une finalité résolument touristique, à l’intérieur du nouvel ordre social lui-même touristique (on vient, on paie, on regarde, on photographie, on camescopise, on approuve, on s’évacue) ; le tourisme lui-même, bien sûr, forme ultime et destructrice de la transparence planétaire, avec son choix de sites, ses cadrages, ses ravages et son accompagnement de pâtisseries romanesques luberonnaises ou vénitiennes qui ne renseignent que sur l’endroit où les auteurs ont passé leurs derniers congés payés. Et il faudrait encore ajouter la prévention généralisée, la Sécurité sociale (pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la survie triomphant de la vie), la politique des sondages en lutte contre toute attitude anti-communautaire, contre toute échappée hors des "valeurs" de la classe moyenne, contre toute imprévisibilité (donc contre l’essence du romanesque). Et ainsi de suite.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 5-6

[ démolition ] [ dissection du discours ]

 

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Helvétie

1876: Juste Olivier, premier historien de l'identité vaudoise, meurt à 69 ans
Calvitie ronde, barbiche en pointe sur des lavallières savamment nouées, le très érudit académicien avait pris l'accent de Paris, pour y avoir souvent séjourné et enseigné.
Pourtant, ce fils de paysans protestants né en 1807 à Eysins, près de Nyon, avait voué ses meilleures forces intellectuelles à une somme historique et ethnographique sur sa contrée natale. Les 1200 pages en deux volumes du Canton de Vaud, que Juste Olivier publia en 1837, n'ont été lues intégralement et appréciées que par ses étudiants lausannois auxquels elles étaient prioritairement destinées.
Un plus large public était visé. Hélas, au XIXe siècle, la majorité des lecteurs sont réfractaires aux études exhaustives. Et celle-ci prospecte notre vaste pays zone par zone, par diachronies éparses - tout en relevant la diversité de ses moeurs et parlers dialectaux, mais aussi de sa faune, de sa flore. "Nous avons compté et recompté les montagnes, les bois, les prés, les champs, tout jusqu'aux buissons et aux pierres. Point de fleur, point d'oiseau que nous n'ayons regardés, admirés et chéris!"
Avant d'opérer, en un second temps, une synthèse qui l'homogénéise et le cimente, de manière à créer une identité cantonale en bonne et due forme, capable de rivaliser à Berne avec d'autres Etats fédéraux. Aussi, ce 7 janvier 1876, l'annonce de la mort de Juste Olivier à Genève ne bouleverse pas outre mesure la majorité de ses chers compatriotes.
Deux purgatoires
D'autant moins qu'ils l'ont oublié depuis que la révolution radicale de 1845 a entraîné son renvoi de l'Académie et son deuxième départ pour Paris. L'écrivain ne sera remis à l'honneur que douze ans plus tard, lors du centenaire de l'indépendance vaudoise. Sa consécration sera plus importante en 1938, avec la réédition de son essai visionnaire par la société de Zofingue, et la signature prestigieuse d'une nouvelle préface.
"C'est notre classique vaudois, écrit Charles Ferdinand Ramuz, notre seul classique vaudois. Avant lui, le pays avait été vidé de ses croyances et de sa substance." Suivra un second purgatoire, plus tenace. Juste Olivier sera derechef redécouvert en 2007 à l'occasion de son propre bicentenaire, célébré dans le village préalpin de Gryon, où il vécut ses dernières années.
Le 24 août de cette année-là, le professeur de l'UNIL Daniel Maggetti, directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes, le désignera comme l'"inventeur du canton de Vaud", en focalisant sa conférence sur la somme éponyme. "Avant ce livre, les Vaudois ne connaissaient que des aspects épars de leur région. Juste Olivier a effectué un énorme travail de répertoire. Il a rassemblé un grand nombre de sources, des traditions orales aux anciennes chroniques latines et aux recueils d'histoire suisse de l'époque."
Fibre campagnarde
Son père, Jean-Michel Louis Olivier, est un cultivateur originaire de La Sarraz. Sa mère se prénomme Marianne-Madeleine. Son frère cadet Urbain (1810-1888) est lui aussi affriandé par le plaisir de l'écriture, la poétique et la romanesque. Par un même patriotisme plus rural - l'arrière-pays de Nyon - que national. Quant à Juste Olivier, il étudie la théologie à Lausanne, tout en y donnant des leçons privées pour payer son "écolage" universitaire, et en composant des poèmes qui remportent des prix: à 21 ans déjà, le voici membre du très exigeant Cercle littéraire de la place Saint-François.
Il enseigne la littérature et l'histoire à Neuchâtel avant d'être envoyé, en 1830, à Paris pour suivre des cours au Collège de France. Lors de ce premier voyage de quatre mois dans la cité des poètes, il rencontre Lamartine, Musset, Vigny, l'immense Hugo, et se lie d'amitié avec le critique Charles-Auguste Sainte-Beuve qu'il invitera à Lausanne. A son retour dans cette même ville, Juste Olivier devient dès 1833, et pour treize ans, un professeur d'histoire très estimé par ses ouailles de l'Académie. Cela jusqu'au revers politique cité plus haut, et qui, très injustement, l'exila aussi des mémoires.

Auteur: Salem Gilbert

Info: 24 heures

[ historique ]

 

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émission tv

Dès le début, dès le générique de ce "Fort Boyard", on pressent que ça va être gênant de regarder ça jusqu’au bout. Quel est cette espèce de fortin saugrenu et laid dont se rapproche la caméra, posé en pleine mer, semblable à une grosse boucle de ceinturon à la dérive ? Qu’est-ce qui s’y déroule de si excitant, tous les vendredis soirs, sur Antenne 2 ? Cela faisait longtemps que je me le demandais, mais je passais toujours sur une autre chaîne avant d’avoir la réponse parce que je me doutais que celle-ci n’aurait pas plus d’intérêt que ma question. Cette fois je suis resté, et je me suis forcé à regarder, du début à la fin, sans sourciller, cette chose morbide entre toutes, et quasiment impensable, qu’on appelle un jeu télévisé.

Les jeux ne sont pas mon fort, en tout cas pas ceux-là. En limitant le jeu au jeu, on essaie toujours de vous convaincre que la vie n’est pas un Jeu. Voilà encore un truc de contrat social. Jeu est un autre !  Je me doute bien que celui-ci, "Les clés de Fort-Boyard", n’est pas le pire de tous : un rouage entre mille, dans la grande Machine à divertir d’après la fin d tout. Mais puisqu’il semble condenser quelques-uns des ingrédients essentiels qu’il faut pour me déplaire, allons-y.

L’architecture sombre et sauvage du décor, pour commencer ; les remous antipathiques de l’océan autour de ces murailles isnistres de cachot ; le romantisme aquatique à son plus haut degré de stupidité iodée autour du romantisme de l’enfermement ; l’animateur et l’animatrice, aussi, avec leur enthousiasme farineux et leurs promesses à faire dresser les cheveux sur la tête ("Vivre en une heure les aventures romanesques de toute une vie !") ; le barde à fausse barbe, également, malheureux figurant dans sa vigie de pacotille payé pour proposer des devinettes ineptes ("Bien pendue, elle est bavarde" : mais oui, c’est la langue, vous êtes formidable !) ; et puis tous ces périls sans danger, toutes ces bêtes féroces qui ne vous feront aucun mal, ces mygales qui ne piquent pas, ces tigres qui resteront à tourner comme des idiots démobilisés derrière leurs barreaux mais qu’on vous montre, comme une nostalgie de jungle, comme un souvenir de l’aventure perdue, comme un échantillon de risque, donc d’Histoire, terminés ; à la façon dont on vous esquisse également des nostalgies de sexe sous la forme d’un bref combat de femmes dans la boue (jolies visions de fesses, intéressants aperçus de cuisses et de cellulite) ; ou encore, au détour d’un labyrinthe, sous les apparences de cette fille nue dont vous n’apercevrez qu’un bout de sein furtivement dressé dans l’obscurité…

C’est ça, un jeu télé, à la fin du XXe siècle ? Oui ; mais j’oubliais l’essentiel, c’est-à-dire les candidats bien sûr. Quatre ou cinq garçons et filles en pleine santé, amis des sports et du grand air, quatre ou cinq asperges dynamiques sélectionnées parce qu’elles ont des têtes à avoir inventé le saut à l’élastique. Rien n’est plus déprimant à contempler, et rien en même temps n’est plus comique, que ces jeunes damnés du Tertiaire, démoniaques et souriants représentants des classes moyennes, incarnations de la nouvelle France profonde jaillie enfin en pleine lumière, sataniques employés de banque ou attachés commerciaux en train de cavaler à travers ce Luna Park de cauchemar, pour exécuter avec un esprit de sérieux épouvantable leur misérable parcours du combattant et récupérer je ne sais combien de clés qui leur feront gagner un monceau d’or. Rien n’est plus instructif non plus : il n’y a pas que la face cachée du spectacle qui soit captivante ; inutile d’espérer rien comprendre à celle-ci si on néglige de contempler, de temps en temps, sa face exhibée, la face montrée de la grande Terreur, l’effrayante et souriante et pathétique face visible de la Tyrannie, avec son armée carnavalesque de sergents recruteurs. Comme dit en ce moment un slogan pour un autre jeu : "On commence par gratter et on finit à la télé." C’est valable littéralement et dans tous les sens, dans un monde où Eros et Thanatos, désormais, portent des nez rouges.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, pages 414-415

[ critique ] [ caricature ] [ reflet du monde ]

 

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romantisme

Il s'arrangeait pour mourir chaque fois du vol nuptial. Plus les femmes étaient légères et plus on le trouvait volatil. Tout le vocabulaire qui servait jadis à la fois aux artilleurs et aux amants, on pouvait l'utiliser pour lui : Pierre mettait en batterie, démasquait, foudroyait, démontait. C'était charmant car c'était jeune et, à quelques pluers près, cela arrangeait au fond tout le monde. Celles qu'il avait fait pleurer ou qui le giflaient ou avec qui il s'était vraiment brouillé, il les comptait sur ses doigts, le sémillant garçon. Il était né comme ça, étant d'une époque où l'amour ne déshonorait personne, où l'on ne se privait de rien, où les devoirs et obligations étaient d'un commun accord réduits au minimum. "Il n'y a pas de raison, disait pierre, pour qu'un train de plaisir ne soit pas aussi un train express."Son train était toujours plein et il n'avait jamais eu à déplorer de déraillement. Mais Pierre venait d'avoir trente-cinq ans. N'ayant pas rencontré l'amour, il commençait à le prendre en respect. "Le jour où je trouverai une femme sur laquelle je ne me jeterrai pas, se dit-il, c'est que je serai arrivé à destination." Il sentait qu'il n'aurait pas, ce jour-là, à renoncer à ses mauvaises habitudes, que ce seraient elles qui renonceraient à lui.

Hedwige l'attendait au salon. Le thé fumait sur le plateau ; une robe d'intérieur, du rouge des vieilles soies d'Orient, descendait à beaux plis sur son corps dur, comme une cascade sur un rocher. Cette mise en scène lui fit aussitôt désirer d'être dehors.

 - Sortons, dit-il, prenez un manteau. Je ne pourrai parler qu'en l'air.

Ils allèrent se promener sur la terrasse, à deux pas, par un crépuscule d'hiver, avec les premières lumières de Paris en contrebas et les grands arbres de la forêt qui s'arrêtaient en ligne au bord de la pelouse. Hedwige a accepté de l'accompagner sans faire d'embarras. Elle trouve naturel qu'une main qui n'est pas la sienne écrive son destin sur le mur. Elle s'en remet à Dieu du soin de sa conversation. Suivre Pierre dans ce parc ne l'a pas troublée. Elle est sereine, sage, courageuse. Ce sont les oies qui font sentinelle. Pierre aussi était très maitre de lui, très calme. Penchés l'un vers l'autre par la gravitation, leurs doigts se joignaient pour atteindre à une intelligence plus profonde d'une situation qui les distinguait des autres êtres et les faisait cependant ressembler à tous. Cette fin de jour corail et soufre, ce jardin peuplé de statues nues sous le ciel de neige, ces chênes noirs et balancés par la brise, toutes ces incantations romanesques, loin d'exciter Pierre l'engageaient à la pudeur et à la retenue. Il sentait grandir en lui une attente et il travaillait à la bien remplir car elle mentait au-delà, non de ses voeux, mais ce dont il se croyait capable. Comme le chrétien espère une sainte mort, il espérait une vraie vie. Le respect de ce qui lui arrive et de celle par qui cela est arrive - car Hedwige est innocente et vierge à tous les degrés - lui interdit tout geste agressif. Pour la première fois il prend sont temps et avec un plaisir infini, car il a l'existence devant lui et avance, d'une coulée naturelle, sur la route la plus grande, la plus connue ; une route dont il ignore la géographie et presque le nom, ne l'ayant jamais suivie ; une route faite pour les piètons et où les bolides ne passent pas. Il va frapper à la porte de l'oracle, comme les paysans à la porte de la sainte Vierge, pour demander si sa terre sera fertile. Il quitte le quotidien et entre dans le songe où vivent les enfants, les inventeurs, les fous, les tireurs de gros lots, le songe propice à l'accomplissement des grands desseins, non des petits désirs. C'est pourquoi il a une densité de dormeur, des lenteurs de plongeurs au fond des mers. Hediwge regarde cet homme de toujours comme un homme d'aujourd'hui. Chaque jeunesse de femme n'a qu'un type d'homme comme chaque génération n'a qu'un auteur et chaque auteur n'est jamais fidèle qu'à seul héros. La nuit est venue. Pierre ne sait plus pendant combien de temps il est resté assis sur ce ban sans décroiser les jambes ; près de lui Hedwige n'a pas bougé, elle dont les flexions sont si belles. À leurs pieds, le sol désolé par l'hiver est aride, squelettique et les pierres gelées des balustres se brisent comme des esquilles. En haut la voie lactée ressemble à une piste de caravane usée par d'anciens soleils. 

- Devant Dieu ou devant tout autre fabricant d'étoiles, dit soudain Pierre, je suis prêt à vous attendre tant qu'il le faudra et je suis décidé à n'épouser personne d'autre que vous.

Hedwige se rapprocha de lui et mit sa tête sur son épaule.

Auteur: Morand Paul

Info: l'homme pressé (1941, 350 p., Gallimard, p.145, 146, 147)

[ étreinte ] [ passion naissante ] [ bilan ] [ délicatesse ] [ beauté ] [ dimension sacrificielle ]

 

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