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effondrement psychique

On est tous à la merci de cette stupeur qui vous prend à la gorge et vous étouffe littéralement. On est tous alors semblables à Swann, à moitié fou après sa séparation d’avec Odette, et qui fuyait comme la peste tous les mots susceptibles d’évoquer, même indirectement, son existence. C’est pourquoi chacun reste cramponné à ses échafaudages sémiotiques; pour pouvoir continuer à marcher dans la rue, se lever, faire ce qu’on attend de lui. Sinon tout s’arrête, on a envie de se jeter la tête contre les murs. C’est pas évident d’avoir le goût de vivre, de s’engager, de s’oublier. Il y a une puissance extraordinaire de l’ " à quoi bon ! *  C’est bien plus fort que Louis XV et son " après moi le déluge "! Est-ce que ça vaut le coup de continuer tout ça, de reprendre le legs des générations antérieures, de faire tourner la machine, d’avoir des gosses, de faire de la science, de la littérature, de l’art? Pourquoi pas crever, laisser tout en plan? C’est une question ! C’est toujours à la limite de s’effondrer… La réponse, bien sûr, est à la fois personnelle et collective. On ne peut tenir dans la vie, que sur la vitesse acquise. La subjectivité a besoin de mouvements, de vecteurs porteurs, de rythmes.

Auteur: Guattari Félix

Info: Ecrits pour l'Anti-Oedipe

[ désespoir ]

 

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non-voyants

L’aveugle éprouvant le déjà-vu
Chacun a vécu cette expérience étrange. Alors que nous sommes en train d’effectuer un acte banal – se promener, parler à quelqu’un… –, on ressent tout à coup le sentiment d’avoir vécu exactement la même scène, vu les mêmes choses… Mais impossible de retrouver où ni quand la scène s’est déroulée. Cette expérience troublante porte un nom : le sentiment de "déjà-vu".
Une des explications apportées par les chercheurs tient à ce que les images en provenance d’un oeil arrivent au cerveau quelques microsecondes après celles venues de l’autre oeil – causant la sensation que la scène est vécue pour la seconde fois.
Des chercheurs de l’université de Leeds viennent de rapporter pour la première fois le témoignage d’un aveugle ayant fait l’expérience de déjà-vu, celle-ci impliquant chez lui les odeurs, les sons et le toucher. Du coup, la thèse de la discordance des trajets visuels s’effondre.
Akira R. O’Connor et Chris J.A. Moulin, qui rapportent le cas dans la revue Brain and Cognition de décembre 2006, mènent depuis plusieurs années des expériences de déjà-vu au moyen de l’hypnose. Dans une expérience, les étudiants sont invités à penser à un mot, puis l’on induit son oubli sous hypnose. Lorsque, plus tard, il leur est à nouveau présenté, la moitié d’entre eux éprouvent le sentiment de déjà-vu.

Auteur: Internet

Info: https://www.scienceshumaines.com. Jean-François Dortier, mars 2007. A propos de A.R. O’Connor et C.J.A. Moulin, "Normal patterns of déjà experience in a healthy, blind male: Challenging optical pathway delay theory", Brain and Cognition, vol. LXII, n° 3, décembre 2006.

[ paramnésie ]

 

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covid-19

La bourse va bien, le CAC 40 ne s’effondre pas. Les Gafa sont aux anges, le télétravail peut se faire sans locaux onéreux. On dématérialise pour des profits sans frais dans la logique d’une mondialisation qui fait les beaux jours de l’oligarchie financière. Le virus lui aussi se porte comme se porte un virus, nécessairement hors de contrôle, la vie n’étant pas affiliée au carnet de bord d’un ministre ou d’un gouvernement. Le nombre de cas contagieux ne diminue selon aucun couvre-feu ni aucune action supposée vertueuse, toute pandémie se moquant des mesures sanitaires comme on peut le constater en toute lucidité. La seule vertu du confinement obéit à la mutation en cours dans le monde du travail, des réformes qui l’accompagnent en notre défaveur, en dehors de tout code, et avec notre bénédiction angoissée. Quant à ceux qui tenteraient de réfléchir un peu au-delà des informations abreuvées en toute gratuité, il conviendrait semble-t-il de suspendre leur liberté de penser. D’ailleurs en famille, la seule source fiable passe par la dramatisation quotidienne de BFM et on se suspecte mutuellement de complotisme sans l’intervention d’aucun juge. Les amitiés se défont au motif de ne point souscrire aux injonctions de bonne conduite et on nous menace d'être radié de tout réseau social au moindre soupçon. Penser par soi-même -la formule "Sapere aude"* qui fit la gloire d’Horace, reprise par Kant- est désormais considéré comme délictueux.

Auteur: Martin Jean-Clet

Info: Publication facebook du 27.01.2021. *Ose savoir !

[ dominants-dominés ] [ gafam ] [ dictature sanitaire ] [ l'occasion fait le larron ]

 
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décompensation psychotique

Une tempête balaie toute la moitié nord de la France. Les rafales cognent si fort contre la tour Eiffel que je crains qu’elle ne s’effondre. Ma tête est toute comprimée. J’ai peur. On me regarde de biais. On me prête les intentions les plus viles dans le but de me nuire. On cherche à m’empoisonner par tous les moyens. On me fait suivre dans la rue. A un feu rouge, une voiture a pilé devant moi uniquement dans le but de me faire tomber. L’actrice Eva Marie Saint a payé un détective pour m’espionner. Elle avait il y a quelques années fait imprimer exprès des journaux avec de fausses nouvelles où l’on annonçait que mon Jeannot chéri filait le parfait amour avec elle. Maintenant, voilà qu’elle trouve son inspiration d’actrice dans ma vie. Je suis certaine que c’est elle, elle la petite salissure, qui intercepte les lettres que j’envoie à Jean pour y ajouter des mots qui en modifient totalement le sens et que c’est donc pour ça qu’il ne vient pas me voir. L’administration du journal est au courant de toutes ces infamies. On envoie sur la route de mes promenades des hommes beaux pour éprouver ma fidélité. On fait tomber mes cheveux lorsque je me coiffe pour m’enlaidir. Les enfants qui devant la maison se moquent de moi et m’envoient des cailloux sont les mêmes que ceux qui jouent dans Orphée. La nuit la lune, clignotant à travers les volets, semble me fixer et me poursuivre de son œil jaune, immense et […]
[Le journal s’arrête ici.]

Auteur: Chiche Sarah

Info: Dans "Les enténébrés" pages 203-204

[ concernement ] [ paranoïa ]

 

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oligarchie

L’enquête expose la figure de Michèle Marchand, pièce centrale d’une immense entreprise de communication qui fut mise en place avec l’aide d’un milliardaire, un certain Xavier Niel, dans le but de faire connaître et adouber par le peuple français un inconnu absolu qui venait d’être coopté par les élites parisiennes, pur produit du système transformé en quelques mois en icône adulée par les rédactions de Gala, VSD, Paris Match et de quelques autres magazines mobilisés avec soin.
Un être dont la notoriété, égale en nature à celles des célébrités de télé-réalité, ne pouvait, par ce dispositif, que s’effondrer.
[...]
Rappelons que Xavier Niel est aujourd’hui détenteur des plus importants médias de notre pays, et qu’il a placé à leur tête un homme de main, Louis Dreyfus, chargé non pas de censurer ou de faire dire directement, mais de recruter et de licencier, promouvoir et sanctionner. Ce qui nous le verrons, est bien plus important.
Ce premier étonnement ne saurait suffire. En effet, les moeurs irrégulières des plus riches de notre pays ne font plus scandale depuis qu’ils se sont pris de caprice d’être aimés, et ont commencé pour cela à racheter l’ensemble des médias du pays – moins de dix d’entre eux possède 90% de la presse écrite, rappelons-le – pour contrôler leur image, ou comme le dit M. Niel, pour "ne pas être emmerdé". Et si Xavier Niel s’est recouvert de quelques noirceurs auxquelles échappent la plupart de ses congénères, sous forme d’enveloppes ayant alimenté un réseau de prostitution dont il dirait ne rien avoir su, l’on sait depuis bien longtemps que les fortunes sont plus souvent le fruit de putréfactions cadavériques que d’actes qualifiant aux béatifications.

Auteur: Branco Juan

Info: Crépuscule

[ manipulation ] [ France ] [ homme de paille ] [ compromission médiatique ]

 

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extrême

Est ce qu’il n’y a pas une autre dimension dans un espace temps mental collectif que la possibilité d’un ressurgissement des valeurs ? Si les valeurs se sont dissoutes, si elles ont été sacrifiées, est-ce que ce mouvement-là n’avait pas quelque chose en lui d’inéluctable ? Où va-t-on ressusciter un système de valeurs qui était celui de la réalité, d’un principe de réalité, d’un principe de représentation...
Moi je verrais les choses aller au terme de ce mouvement, et ce serait nietzschéen de pousser ce qui est en voie de s’effondrer, d’aller voir au-delà de la fin, de la valeur puisque le système nous y a mis. On a bien fait nous la critique quand même, en tant qu’intellectuels et philosophes, la critique de toute ces valeurs-là du bien et du mal, du vrai et du faux... On l’a menée radicalement.
Le système a opérationalisé cette radicalité, il a mis fin à toutes ces valeurs qu’on analysait critiquement. Mais la pensée critique aujourd’hui, elle voit sa propre fin également. Est-ce qu’il n’y a pas une autre alternative qu’une pensée critique nostalgique ?
Je vois plus les choses s’organiser ou se désorganiser dans une adversité radicale : ce système qui est passé de la domination classique à l’hégémonie suscite immédiatement dans le même mouvement quelque chose qui n’est plus négociable, qui n’est plus dialectisable. On peut l’appeler terrorisme, mais pas forcément, ou alors le terrorisme n’étant qu’une métaphore de cette énergie réfractaire, totalement réfractaire à cette évolution-là. Et qui prend des formes, effrayantes je veux bien le reconnaître, des formes violentes, mais pas seulement des formes violentes, quelque chose qui n’est pas négociable, qui ne fait pas partie, qui n’entre pas dans la zone de l’échange généralisé auquel veut nous conduire ce système.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Entretien "Penser le présent" dans Répliques (2005)

[ imprévu ] [ émergence ] [ catastrophe ] [ réalité intégrale ]

 

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cybernétique

Aux simulacres de 3e ordre, il faut donc opposer au moins jeu égal, est-ce possible ? Y a-t-il une théorie ou une pratique subversives parce que plus aléatoires que le système lui-même ? Une subversion indéterminée, qui soit à l’ordre du code, ce que la révolution était à l’ordre de l’économie politique ? Peut-on se battre contre l’A.D.N. ? [...] La mort peut-être et elle seule, la réversibilité de la mort est d’un ordre supérieur à celui du code. Le désordre symbolique seul peut faire irruption dans le code.

Tout système qui se rapproche d’une opérationnalité parfaite est proche de sa perte. Quand le système dit "A est A" ou "deux et deux font quatre", il approche à la fois du pouvoir absolu et du ridicule total, c’est-à-dire de la subversion immédiate et probable – il suffit d’un coup de pouce pour le faire s’effondrer.

[...] la seule stratégie est catastrophique, et non pas du tout dialectique. Il faut pousser les choses à la limite, où tout naturellement elles s’inversent et s’écroulent. [...]

Contre un système hyperréaliste, la seule stratégie est pataphysique, en quelque sorte, "une science des solutions imaginaires", c’est-à-dire une science-fiction du retournement du système contre lui-même, à l’extrême limite de la simulation, d’une simulation réversible dans une hyperlogique de la destruction et de la mort. [...]

A la loi marchande de la valeur et des équivalences correspondait une dialectique de la révolution. A l’indétermination du code et à la loi structurale de la valeur ne répond plus que la réversion minutieuse de la mort.

A vrai dire, il ne reste rien sur quoi se fonder. Il ne nous reste plus que la violence théorique. La spéculation à mort, dont la seule méthode est la radicalisation de toutes les hypothèses. Même le code, le symbolique sont encore des termes simulateurs – il faudrait pouvoir les retirer un à un du discours.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 11 à 13

[ réfutation ] [ anéantissement ] [ inversion du signe ] [ absurdité ]

 

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totalisation

Hegel est le premier à comprendre, au début du XIXe siècle, que l’humanité est en train de basculer d’une ère à une autre, que nous sommes en train de sortir de l’histoire, et qu’il est vain de tenter de maintenir tout ce qui est en train de s’effondrer. Ce qui s’achève sous les yeux de Hegel, c’est le processus de réalisation de la raison et de rationalisation de la réalité : et en effet, nous ne vivons plus dans un environnement naturel, mais dans un univers intégralement artificiel et numérique, au sein de ce que Hegel nomme une "seconde nature", qui s’est substituée à la première. Hegel lui-même y voit l’accomplissement du platonisme, l’achèvement de la métaphysique, et c’est ce qu’il oppose à Kant : la Critique de la raison pure veut montrer que la métaphysique est impossible parce que les idées de la raison ne peuvent pas trouver de vérification expérimentale dans les structures de la subjectivité finie, et tout particulièrement dans les formes de l’espace et du temps ; Hegel lui objecte que ce n’est précisément pas par les sujets finis que se fait cette vérification, mais par le biais du travail millénaire de peuples qui se sont succédés pour opérer cette rationalisation intégrale du réel, et ce dans le temps de l’histoire et dans l’espace du monde. Hegel conçoit ainsi notre époque comme synthèse de toutes les contradictions, comme identité achevée de l’idéal et du réel, adéquation parfaite du réel et du rationnel : de son point de vue, la Sagesse que recherchaient les philosophes est enfin atteinte, nous sommes entrés dans l’ère du Vrai et du Bien, et il conçoit même l’avènement de cette totalité rationnelle comme marche de Dieu sur terre. Hegel est ainsi fondamentalement le penseur de la réconciliation : c’est pourquoi il n’est pas un penseur de la crise. Il demeure en effet idéaliste et reste pris dans les structures de la métaphysique, en ce qu’il identifie la réalité à l’idéalité, le réel et le rationnel.

Auteur: Vioulac Jean

Info: http://actu-philosophia.com/Entretien-avec-Jean-Vioulac-Autour-d-Approche-de

[ résumé ] [ message philosophique ] [ modernité ]

 
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relations amoureuses

Sandeau, Musset, Chopin… A travers les aventures rocambolesques de sa vie et les couples transitoires qu’elle [George Sand] forme avec ses compagnons successifs dans les décors variés de l’Europe, c’est toujours la même odeur qui persiste, de clinique et de désinfectant. Un hôpital de campagne qu’elle traîne après elle de Venise à Paris et de Paris à Nohant puis encore de Nohant à Majorque… Un bloc opératoire mobile, maternel, bienveillant. Pour ses amants ectoplasmes, ses amis translucides et fluidiques, ses appendices mâles si peu phalliques de plus en plus efflorescents. Sandeau est extrêmement paresseux et à peu près dépourvu de talent, elle l’oblige à se mettre à son bureau, le nourrit quand il oublie de le faire, se fatigue vite de le tenir à bout de bras sur ce bord de son propre néant où il titube. Musset abuse de l’alcool, se montre souvent grossier et violent, s’effondre de temps en temps en proie à des espèces de crises nerveuses qu’elle regarde assez lucidement comme des affaires de possession. Inondé de sueur il se tord et hurle et croit voir des fantômes tomber sur lui. Intensité de l’exhibition du lien démoniaque derrière les jets déclamatifs de passion. "Est-ce que l’amour élevé et croyant est possible ? Est-ce qu’il faut que je meure sans l’avoir rencontré ? Toujours saisir des fantômes et poursuivre des ombres !" s’écrit George Sand qui sait très bien qu’elle va de spectre en spectre quand elle dit chercher l’amour… Elle est frigide, raconte-t-on parfois ? Mais non, bien sûr, pas plus que n’importe qui. Et puis d’ailleurs, comment pourrait-elle "jouir" puisqu’elle n’a à sa disposition dans son lit que des ombres, fatalement ? Au fond ses amants de passage me semblent des incarnations assez modernes de l’espèce masculine, ils ne seraient pas déplacés aujourd’hui. Les bouclettes de Sandeau l’incapable, la vulgarité éthérée de Musset, le retrait digne et silencieux de Chopin derrière sa toux de Dame aux camélias… Le gâtisme final de son mari qui, à la veille de mourir, en 1869, écrit à Napoléon III pour lui demander la Légion d’honneur non pas en tant qu’ancien officier mais parce qu’il a été l’époux de Sand et qu’elle l’a fait cruellement souffrir…

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", page 606, à propos de George Sand

[ déceptions ] [ littérature ] [ femme-hommes ]

 

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imposteur

Le faux parleur choisit, pour leur tenir ses discours, des gens qui ne savent pas de quoi il parle. Il connaît bien ce regard perplexe, ce clignement d’yeux désemparé, quand il s’adresse à quelqu’un, et il ne se lance dans son discours que lorsque le désarroi de l’autre est complet. Alors, des idées lui viennent à ne plus savoir qu’en faire, des arguments auxquels il n’aurait jamais songé se présentent à foison ; il se sent capable d’embrouiller n’importe quoi, il s’exalte jusqu’au plus sombre enthousiasme, autour de lui, il y a de la vaticination dans l’air.

Mais malheur si, sur le visage de l’interlocuteur, quelque chose tressaille, comme une lueur subite de compréhension – alors le faux parleur s’effondre, s’embrouille, bafouille, reste court, essaie de tout recommencer en se donnant un mal presque gênant, et quand il remarque que rien n’y fait, que l’autre comprend et qu’il est bien décidé à s’obstiner dans sa compréhension, il renonce, se tait et tourne les talons.

Mais de telles défaites ne sont pas fréquentes. La plupart du temps, le faux parleur réussit à rester incompris. Il a de l’expérience et il sait choisir les gens, il ne s’adresse pas à n’importe qui. Il connaît trop cette engeance qui souscrit à n’importe quoi. Comme si on pouvait deviner de quoi il veut parler ! Lui-même ne le sait pas à l’avance ; nulle part, et pas même dans les astres, n’est écrit ce qu’il va dire, comment un autre pourrait-il le savoir ? Le faux parleur pressent que l’inspiration est aveugle, et que seul le néant lui permet de s’enflammer. Il serait trop facile de partir des égarements où des natures plus faibles se complaisent. Il porte en lui le monde à l’état de chaos. En lui le chaos est inné, une seule fois par siècle, le chaos élit un porteur : et c’est lui.

On pourrait croire que pour lui l’idéal suprême serait de s’arranger tout seul avec son chaos. On s’imagine le faux parleur ne se parlant qu’à lui-même. Mais c’est une impardonnable erreur. Le faux parleur ne peut s’enflammer qu’au contact de l’incompréhension butée des autres. Dans cette ville à forte densité de peuplement, il va, il vient et tourne en rond, s’arrête devant un tel, ou tel autre, jette une amorce anodine, observe son effet, et c’est seulement lorsqu’il constate la perplexité désirée qu’il se lance et s’élève jusqu’à son chaos.

Auteur: Canetti Elias

Info: Le témoin auriculaire traduit de l’allemand par Jean-Claude Hémery

[ créateur ] [ vacillement de l'esprit ]

 

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