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eros-thanatos

Je laisse courir mes doigts sur la photo

déchirée d’un magazine & pliée

chez Fils et Amants.

Elle a une main sur sa hanche

& l’autre pointe un revolver

vers une cible échappant

de l’objectif. Entre une équipe

de femmes en treillis, elle met au défi

le soleil de pénétrer son ao dai.

Des officiers de haut rang laissent leurs yeux

voyager sur la soie tandis qu’ils poussent des pions

sur des cartes sous un ciel de mort.



Les ombres rampent sous ses pieds.

Sait-elle que les soldats la déshabillent

derrière leurs lunettes noires d’aviateurs ?

Elle est aussi délicate qu’un roseau

sur la berge, juste soupesant le flingue

dans sa main, un lotus maculé de sang

enraciné dans l’air agité.

Un autre genre de fleurs voluptueuses

dans la chair, de mauvais augure comme une photo

sur un cercueil attendant d’être

perdue parmi les papiers & les notes,

mais cela fait quand même mal quand le pistolet

joue avec le cœur de cette manière.

Auteur: Komunyakaa Yusef

Info: Le Xuan, Beau printemps, traduction Cédric Barnaud

[ guerre ] [ brutalité ] [ réconfort ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

humanisme

Je m'assis en face d'un couple. Entre l'homme et la femme, l'enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans son sommeil, et son visage m'apparut sous la veilleuse. Ah ! quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce. Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis : voici une belle promesse de la vie. Les petits princes des légendes n'étaient point différents de lui : protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s'émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n'est point de jardinier pour les hommes. Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés concerts. Mozart est condamné.
Et je regagnais mon wagon. Je me disais : ces gens ne souffrent guère de leur sort. Et ce n'est point la charité ici qui me tourmente. Il ne s'agit point de s'attendrir sur une plaie éternellement rouverte. Ceux qui la portent ne la sentent pas. C'est quelque chose comme l'espèce humaine et non l'individu qui est blessé ici, qui est lésé. Je ne crois guère à la pitié. Ce qui me tourmente, c'est le point de vue du jardinier. Ce qui me tourmente, ce n'est point cette misère, dans laquelle, après tout, on s'installe aussi bien que dans la paresse. Des générations d'Orientaux vivent dans la crasse et s'y plaisent. Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point. Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur. C'est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné.

Auteur: Saint-Exupéry Antoine de

Info: Terre des hommes, Oeuvres, la Pléiade, nrf Gallimard 1959 <p.260>

 

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consensus mou

Il faudrait ne jamais débattre. Le débat, comme le reste, dans notre univers d’intransitivité galopante, a perdu son complément d’objet. On débat avant de se demander de quoi : l’important est de se rassembler. Le débat est devenu une manie solitaire qu’on pratique à dix, à cinquante, à cent, un stéréotype célibataire en même temps que grégaire, une façon d’être ensemble, un magma d’entregloses qui permet de se consoler sans cesse de jamais atteindre, seul, à rien de magistral. Il faudrait ne jamais débattre ; ou, si l’on y tient vraiment, ne débattre que de la nécessité de faire des débats. Se demander à l’infini, jusqu’à épuisement, quelle est l’idéologie du débat en soi et de sa nécessité jamais remise en cause ; et comment il se fait que le réel multiple dont le débat prétend débattre s’efface au rythme même où il est débattu. Mais aucun débat ne peut s’élaborer sur une telle question, car c’est précisément cette évaporation du réel qui est le véritable but impensé de tout débat. On convoque les grands problèmes et on les dissout au fur et à mesure qu’on les mouline dans la machines de la communication. Et plus il y a de débat, moins il y a de réel. Il ne reste, à la fin, que le mirage d’un champ de bataille où s’étale l’illusion bavarde et perpétuelle que l’on pourrait déchiffrer le monde en le débattant ; ou, du moins, qu’on le pourra peut-être au prochain débat. C’est de cette illusion-là dont se nourrit le débatteur. Pourquoi faut-il débattre ? Tout argument dont on débat est supposé faible, par définition, puisqu’il peut être démoli ou entamé par un autre argument. Toute pensée que l’on est obligée de soutenir mérite de s’écrouler. Et d’ailleurs la véritable pensée, la pensée magistrale, ne commence que là où le débat s’achève (ou devient silencieux). Or, il n’y a que le magistral qui compte, parce qu’il ouvre à la pleine connaissance de la réalité humaine, et il n’est jamais obtenu en frottant l’une contre l’autre des idées hétéroclites comme, dans les contes orientaux, on frotte des babouches pour en faire sortir des génies. Une nouvelle pensée, une pensée magistrale du monde ne peut pas être discutée, pesée tranquillement, soupesée entre gens de bonne compagnie, amendée, corrigée, nuancée, tripotée, faisandée de pour et de contre jusqu’à ce qu’elle ressemble à une motion de compromis dans une assemblée syndicale ou à la misérable synthèse terminale d’un congrès du parti socialiste. Toute proposition originale est menacée dans le débat, par ce qui peut lui arriver de pire : un protocole d’accord. Une nouvelle pensée du monde peut et doit être assénée comme un dissentiment irrémédiable, comme une incompatibilité d’humeur. Il ne faut pas argumenter, il faut trancher dans le vif. Penser, c’est présenter la fracture.

Auteur: Muray Philippe

Info:

[ opium du peuple ] [ mise en scène démocratique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

homme-animal

Les découvertes sur la conscience des animaux doivent nous faire réagir

Le 19 avril, la Déclaration de New York soulignait le vaste consensus scientifique sur l’existence d’une conscience chez les animaux. Pour l’auteur de cette tribune, il s’agit maintenant d’en tirer des conséquences concrètes. 

Les pieuvres peuvent-elles ressentir de la souffrance et du plaisir ? Et les poissons, les crabes, les crevettes ou les grillons ? Ces questions ont longtemps été négligées par la science, mais un nouveau domaine interdisciplinaire plein de vitalité émerge aujourd’hui pour les aborder. Il s’appuie sur l’expertise des neurosciences, de la psychologie, de la biologie évolutive, des sciences vétérinaires et de l’étude des comportements animaux. Bien que de nombreuses incertitudes subsistent, certains points de consensus sont apparus. 

La Déclaration de New York sur la conscience animale, publiée le 19 avril et cosignée par les plus grands experts du domaine, affirme la capacité des oiseaux et des mammifères à vivre des expériences conscientes. Avec prudence, les scientifiques établissent également une présomption raisonnable de subjectivité chez tous les autres vertébrés ainsi que chez de nombreux invertébrés, parmi lesquels les pieuvres, les crustacés et les insectes.

Des formes d’expérience qui nous font défaut

Qu’est-ce que la conscience ? Il peut s’agir d’expériences sensorielles ( celle, par exemple, d’un toucher, d’une odeur, d’une vue, d’un goût particuliers) et d’expériences agréables ou désagréables (l’expérience du plaisir, de la douleur, de l’espoir ou de la peur, notamment). L’expérience subjective exige plus que la simple aptitude à détecter des stimuli ; cependant, elle ne nécessite pas de facultés sophistiquées.

Bien sûr, des capacités linguistiques et rationnelles humaines permettent d’avoir des formes d’expérience que d’autres animaux n’ont probablement pas. Mais, de même, de nombreux animaux peuvent avoir des formes d’expérience qui nous font défaut, qu’elles soient sensorielles ou possiblement émotionnelles.

Pour accompagner la Déclaration de New York, les auteurs listent les surprenants résultats des dix dernières années d’études sur la cognition et les comportements animaux.

(Photo : Les couleuvres d’eau peuvent identifier leur propre odeur.)

Les couleuvres d’eau passent une forme de test de conscience de soi que la plupart d’entre nous ne réussiraient pas, en reconnaissant leur propre odeur et en remarquant ses changements. Le labre nettoyeur, petit poisson d’une dizaine de centimètres, réagit avec agressivité face à un miroir, puis il semble comprendre qu’il lui montre son image et il en étudie le reflet.

Si un expérimentateur lui place une tâche sur le corps, il essaie alors de la retirer en la frottant contre une surface. Chez les humains, un tel comportement de reconnaissance de soi n’est observé qu’à partir de l’âge de 18 mois. 

Les pieuvres ont une aversion durable pour les lieux où elles ont reçu une injection douloureuse et gardent un penchant pour ceux où l’on a soulagé leur douleur avec un anesthésiant local.

Les rats, les iguanes et les crabes font des compromis subtils entre plusieurs préoccupations. Exemple : si la lumière extérieure devient trop vive, les crabes se réfugient dans un abri, mais ils y renoncent s’ils y ont subi un choc électrique par le passé. Leur décision dépend de l’intensité du choc, dont ils gardent la mémoire, et de la force de la luminosité. Cet arbitrage entre des priorités concurrentes suggère qu’ils ont une faculté similaire à la nôtre de soupeser et de gérer des besoins de nature très différente.

Souffrances inimaginables

Du côté des insectes, les bourdons semblent apprécier de jouer avec des billes de bois, d’autant plus s’ils sont en situation de détente. Et, comme les humains, les mouches drosophiles connaissent diverses phases de sommeil, mais ont un repos perturbé si on les place en isolement social.

Les dernières découvertes nous montrent que nous avons amplement sous-estimé les capacités cognitives et émotionnelles des animaux. Ce genre d’erreur n’est pas nouveau, mais a des conséquences morales dramatiques. Jusque dans les années 1970, il était par exemple courant de penser que les bébés humains ne ressentaient pas la douleur, ce qui amenait à les opérer sans anesthésie. De nos jours, les femmes et les patients noirs subissent encore des discriminations face au traitement de leurs douleurs.

La croyance en une différence significative entre les ressentis des humains et ceux des autres animaux, davantage issue de notre culture religieuse et d’un mécanisme d’évitement de la culpabilité plutôt que de résultats scientifiques concrets, nous a aussi amenés à tolérer la création d’industries provoquant des souffrances inimaginables à un nombre colossal d’animaux. 

(Photo : Des découvertes récentes ont permis de prouver que les iguanes étaient capables d’effectuer des compromis pour prendre leurs décisions.)

En France, des centaines de milliers d’animaux soumis à l’expérimentation animale des laboratoires subissent des douleurs intenses et prolongées. Les poissons sont trente à quarante fois plus nombreux que les animaux terrestres à mourir pour l’industrie alimentaire et quasiment rien n’est fait pour atténuer leurs souffrances.

" Renoncer à des habitudes spécistes "

De nouveaux types d’élevages industriels, dont nous nous passions bien jusqu’ici, sont à l’étude en France et en Europe. Des milliards d’insectes seront bientôt réduits en farine chaque année pour nourrir de nouveaux élevages intensifs de saumons. Des projets d’élevage de pieuvres promettent l’exploitation intensive à ces animaux solitaires et particulièrement intelligents, dont l’alimentation dépendra principalement de la pêche d’animaux sauvages, aux dépens de la vie marine.

En 2022, des centaines de chercheurs internationaux ayant dédié leur carrière à l’étude de l’éthique avertissaient du caractère foncièrement injuste de faire subir des violences non nécessaires à des animaux. Dans la Déclaration de Montréal sur l’exploitation animale, ils s’accordaient sur " la nécessité de condamner l’ensemble des pratiques qui supposent de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises " et d’œuvrer au développement d’une agriculture végétale.

" Ceci requiert en particulier, poursuivaient-ils, de renoncer à des habitudes spécistes bien ancrées et de transformer […] certaines de nos institutions. " Posons-nous sincèrement la question : nos préférences collectives pour les plats carnés et les poissons justifient-elles les souffrances que l’industrie alimentaire inflige aux animaux ?

Auteur: Riberolles Gautier

Info: https://reporterre.net/ - 13 mai 2024

[ entendement ] [ comparaison ]

 

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Ajouté à la BD par miguel