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attention

- Quel est le mécanisme à l'œuvre dans le cerveau  ?

- Les neurones, qui sont les cellules nerveuses, s'envoient de l'information. À force de le faire lors d'une tâche répétée, ils vont renforcer les connexions qui les relient pour former un réseau plus efficace pour cette activité. C'est un mouvement très élégant, comme si les neurones étaient sculptés pour correspondre à une activité. Mais voilà, ce phénomène d'apprentissage ne se produit qu'à force de répétition… Il ne faut pas l'oublier, comme pour apprendre le piano. Et le travail n'est pas terminé : une fois ces réseaux en place, il reste à les utiliser à leur meilleur potentiel, grâce à une bonne concentration.

- Se concentrer, n'est-ce pas tout le problème ?

- Tout à fait, d'où l'inquiétude actuelle concernant l'évolution de notre capacité apparente de concentration. Mettons-nous à la place de notre cerveau : ce n'est pas tous les jours facile pour lui. Il est le théâtre de conflits permanents entre nos réactions automatiques et celles plus volontaires. Si une voiture surgit, elle attire mon attention. Même si je suis concentré sur autre chose, je peux l'éviter ! Il y a là une réorientation automatique de l'attention vers ce qui est bruyant, brillant, coloré…

Mais cet automatisme est aussi la raison pour laquelle je me laisse distraire et déstabiliser par n'importe quel bruit extérieur : la ­télé, un objet qui tombe, quelqu'un qui parle. Cela vaut pour tout un tas de choses du quotidien : un verre invite à boire, une poignée de porte à être ouverte, un portable à être attrapé. Pour rester concentré, il faut enclencher un "frein à main" pour inhiber ces automatismes. C'est l'attention dite "volontaire".

Auteur: Lachaux Jean-Philippe

Info: https://www.leparisien.fr/. Interview de Florence Méréo, 16 mars 2019

[ focalisation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

antisémitisme

Car, était-il une saleté quelconque, une infamie sous quelque forme que ce fût, surtout dans la vie sociale, à laquelle un Juif au moins n'avait pas participé ?
Sitôt qu'on portait le scalpel dans un abcès de cette sorte, on découvrait, comme un ver dans un corps en putréfaction, un petit youtre tout ébloui par cette lumière subite.
Les faits à la charge de la juiverie s'accumulèrent à mes yeux quand j'observai son activité dans la presse, en art, en littérature et au théâtre. Les propos pleins d'onction et les serments ne servirent plus alors à grand'chose ; ils n'eurent même plus d'effet. Il suffisait déjà de regarder une colonne de spectacles, d'étudier les noms des auteurs de ces épouvantables fabrications pour le cinéma et le théâtre en faveur desquelles les affiches faisaient de la réclame, et l'on se sentait devenir pour longtemps l'adversaire impitoyable des Juifs. C'était une peste, une peste morale, pire que la peste noire de jadis, qui, en ces endroits, infectait le peuple. Et en quelles doses massives ce poison était-il fabriqué et répandu ! Naturellement, plus le niveau moral et intellectuel des fabricants de ces oeuvres artistiques est bas, plus inépuisable est leur fécondité, jusqu'à ce qu'un de ces gaillards arrive à lancer, comme le ferait une machine de jet, ses ordures su visage de l'humanité.
Que l'on considère encore que leur nombre est sans limite ; que l'on considère que, pour un seul Goethe, la nature infeste facilement leurs contemporains de dix mille de ces barbouilleurs, qui dès lors agissent comme les pires des bacilles et empoisonnent les âmes.
Il était épouvantable de penser, mais on ne pouvait se faire d'illusion sur ce point, que le Juif semblait avoir été spécialement destiné par la nature à jouer ce rôle honteux.

Auteur: Hitler Adolf

Info: Mein Kampf

[ racisme ] [ judaïsme ] [ frustration ]

 

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mort

Je revois donc cette chambre dont je parlais. La liste, allongée chaque jour, des médicaments inscrits sur un panneau au pied du lit. Je me souviens de la potion de Brampton en particulier. On m’avait expliqué qu’il fallait en augmenter les doses quotidiennement et qu’on ne pourrait plus revenir en arrière. Je réentends des mots, des expressions, des bribes de phrases. Radiographies, scintigraphies, vitesse de sédimentation, carcinome rénal, tumeurs. Radiothérapie, scanner, biopsie, chimiothérapie.

Et les noms des médicaments : Depoprodazone, Fortal, Solupred, Glifanan. Je revois le "matelas alternand" destiné à éviter les escarres. Et, sous le lit, ce petit sac en plastique, relié à la vessie, en train de se remplir lentement. Je revois les visiteurs et les visiteuses. Apitoyés, ennuyés, attentifs, pressés, tendres, impatients, rassurants. Pendant ce temps, les métastases, aussi imperturbables qu’invisibles, poursuivaient leur danse dévorante.

Cet engourdissement a duré jusqu’au réveil de la malade, je veux dire jusqu’à son entrée dans un délire terminal d’une éblouissante lucidité. Avec d’autant plus de violence qu’elle avait été longuement refoulée, la vérité s’est déchaînée alors, torrentielle, ravageant d’un seul coup le théâtre de semblant sous lequel on avait essayé de l’étouffer. Il y a eu des cris, des appels au secours, je les réentendrai toute ma vie. Comme j’aurai toujours dans l’oreille ses accusations : ceux qui l’approchaient portaient des "masques", on avait conspiré contre elle, le terme de "scénario" revenait tout le temps pour désigner ses quatre mois de torture : "Le scénario n’est vraiment pas fameux, je ne vous félicite pas ! … " (le visage hideux du Spectateur se révélait enfin).

C’était clair. Depuis le début, elle savait. Jamais un seul instant elle n’avait cru à ce qu’on lui racontait. Elle avait fait semblant, par politesse, c’est tout. Après cette bouffée de désenvoûtement radical, l’agonie est venue très vite.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 287-288

[ hôpital ] [ acharnement thérapeutique ] [ cancer ] [ fin de vie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

éphémère

C'est bien peu de chose que l'homme, et tout ce qui a fin est bien peu de chose. Le temps viendra où cet homme qui nous semblait si grand ne sera plus, où il sera comme l'enfant qui est encore à naître, où il ne sera rien. Si longtemps qu'on soit au monde, y serait-on mille ans, il en faut venir là. Il n'y a que le temps de ma vie qui me fait différent de ce qui ne fut jamais : cette différence est bien petite, puisqu'à la fin je serai encore confondu avec ce qui n'est point, et qu'arrivera le jour où il ne paraîtra pas seulement que j'aie été, et où peu m'importera combien de temps j'aie été, puisque je ne serai plus. J'entre dans la vie avec la loi d'en sortir, je viens faire mon personnage, je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître. J'en vois passer devant moi, d'autres me verront passer ; ceux-là mêmes donneront à leurs successeurs le même spectacle ; et tous enfin se viendront confondre dans le néant.

Ma vie est de quatre-vingts ans tout au plus ; prenons-en cent : qu'il y a eu de temps où je n'étais pas ! qu'il y en a où je ne serai point ! et que j'occupe peu de place dans ce grand abîme de temps ! Je ne suis rien ; ce petit intervalle n'est pas capable de me distinguer du néant où il faut que j'aille. Je ne suis venu que pour faire nombre, encore n'avait-on que faire de moi ; et la comédie ne se serait pas moins bien jouée, quand je serais demeuré derrière le théâtre. Ma partie est bien petite en ce monde, et si peu considérable que, quand je regarde de près, il me semble que c'est un songe de me voir ici, et que tout ce que je vois ne sont que de vains simulacres.

Auteur: Bossuet Jacques Bénigne

Info: Sermon sur la Mort , et autres Sermons. Méditation sur la brièveté de la vie

[ incarnation ] [ existence ] [ moi ] [ ego ]

 

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beaux-arts

On ne comprit point, non plus, pourquoi le prestige des hommes politiques et des gouvernants s’en allait diminuant chaque jour ; c’est qu’en réalité, eux aussi, n’étaient plus des chefs, mais de simples cellules différenciées d’un même organisme homogène.

La production dramatique qui reflète toujours exactement les mœurs du temps suivit ce mouvement général. On ne se soucia plus, comme autrefois, de construire une pièce exposant une idée générale ou décrivant un caractère humain éternel ; on écrivit de petites scènes successives, divertissantes, chacune dans le moment où on la jouait, mais sans lien nécessaire, sans idée d’ensemble. On les écrivit pour tel théâtre, pour tel public, pour tel interprète, pour telle saison, pour les nuances de la mode d’un jour. On souhaita le succès dans une minute déterminée et personne, dans ce temps de relativité, ne songea plus, comme autrefois, à l’immortalité.

À côté du théâtre proprement dit, une indication non moins précieuse fut donnée, à cette époque, par l’évolution caractéristique de la musique.

Au lieu d’une musique individuelle où l’art personnel du chanteur était seul en jeu, on préconisa, petit à petit, une orchestration symphonique où le chanteur ne jouait plus que le rôle d’un instrument secondaire. De même que, dans le spectre solaire, au-dessus des rayons colorés, visibles pour l’œil, se trouvent des rayons chimiques dont on constate indirectement la présence, il y eut, dans la musique comme dans la composition dramatique, une sorte de symphonie supérieure à la parole, inaccessible directement à l’être humain, dont l’existence était bien constatée scientifiquement mais dont on ne pouvait plus donner de définition directe, exacte et purement sensuelle.

Ce fut une sorte d’harmonie sociale ne correspondant plus au rythme individuel, dominant l’homme en l’enveloppant, une nouvelle "Marseillaise" scientifique sans charme, sans inspiration, sans harmonie mais harmoniquement juste suivant les lois de l’acoustique et qui appartenait en propre — on ne le comprit que bien plus tard — au colossal Léviathan, qui, peu à peu, développait sa formidable et complexe personnalité.

Auteur: Pawlowski Gaston de

Info: Voyage au pays de la quatrième dimension, Flatland éditeur, 2023, pages 99-100

[ dépersonnalisation ] [ totalitarisme ] [ égalitarisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

éloge

- Et puis alors, à un certain moment, il y a eu évidemment une sorte de bouleversement, je dirais presque d’illumination incendiaire. Nous avons assisté, je dis nous parce que il s’agissait surtout de Bernard Dort et de moi, nous avons assisté à la représentation que le Berliner Ensemble, le théâtre de Brecht et d’Hélène Weigel a donné dans le cadre du festival international du théâtre à Paris, au théâtre Sarah Bernhardt ; nous avons assisté à une représentation de Mère courage par la troupe de Brecht. Et alors là, ça a été, pour ma part, quelque chose que je qualifie vraiment d’une sorte d’incendie. Ça a illuminé entièrement, non seulement ma conception du théâtre, ça a révélé, ça a donné une assise théorique à ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas dans le théâtre. Mais, de plus, alors, j’ai découvert avec passion, concernant le théâtre, une pensée qui ne craignait pas la théorie. C’est ça qui m’a touché dans Brecht. Et, aussi, dans Brecht, un marxiste qui ne craignait pas de se poser des problèmes esthétiques de goût, de non vulgarité, de sens moral, et cetera.

(Jean-José Marchand) - Mais l’exemplarité de Brecht, selon vous, était liée à sa base marxiste ?

- Oui, mais, comme toujours, pas seulement. C’est-à-dire que justement, il ne suffit pas d’être marxiste pour faire du bon théâtre, c’est bien évident, et même, c’est souvent un obstacle. Et alors, justement, Brecht, pour moi, c’était l’exemple de quelqu’un qui avait assimilé profondément l’essence même du marxisme que maintenant, on perd beaucoup de vue, à ce qui est, à savoir la dialectique. Brecht était tout de même un grand dialecticien, au sens vraiment fort du terme, et au sens que le mot dialectique a dans le marxisme. Brecht était un grand dialecticien, et ce qu’il y avait d’admirable, c’est que ce dialecticien se posait sur la scène des problèmes techniques de dramaturgie d’une extrême finesse. Et il n’adoptait jamais des solutions, disons, vulgaires, de type réaliste. C’est ça qui me plaisait dans Brecht.

Auteur: Barthes Roland

Info:

[ engouement ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

étymologies

Jahvé était sans conteste un dieu des volcans. Les habitants de l'Égypte n'avaient aucune raison de l'adorer. Je ne suis certes pas la premier à être frappé de la similarité qui existe entre le nom de Jahvé et le radical de cet autre nom divin : Jupiter, Jovis. Le nom de Jochanan, qui dérive du Jahvé hébraïque et qui a à peu près la même signification que Godefroy (faveur de Dieu) et que son équivalent punique : Hannibal, est devenu sous les formes de Johann, John, Jean, Juan, l'un des prénoms favoris de la chrétienté européenne. Quand les Italiens en font Giovanni et appellent un jour de la semaine Giovedi, ils ne font que mettre en lumière une similarité peut-être insignifiante, mais peut-être aussi fort importante. De très vaste, mais très incertaines perspectives s'offrent ainsi à nous. Il semble qu'au cours de ces siècles obscurs, à peine devenus accessibles aux recherches historiques, les pays du bassin oriental de la Méditerranée furent le théâtre de fréquentes et violentes éruptions qui durent faire sur les populations de ces régions la plus vive impression. Evans admet même que la destruction définitive du palais de Minos à Cnossos fut causée par un tremblement de terre. En Crète, comme probablement partout dans le monde égéen, l'on adorait la grande divinité mère. Le fait qu'elle n'avait pas été capable de protéger sa maison contre les attaques d'une puissance plus forte dut contribuer à la faire détrôner par une divinité mâle et, en ce cas, le dieu des Volcans était tout indiqué pour la remplacer. Zeus n'est-il pas toujours "celui qui ébranle la terre"? Il est presque certain qu'en ces temps obscurs, la divinité femelle fut remplacée par des dieux mâles (peut-être originellement par ses fils.) Le destin de Pallas Athéné est particulièrement impressionnant, car cette déesse était certainement une forme locale de la déité mère. Le bouleversement religieux la réduisit à l'état de déité fille, elle fut privée de sa propre mère et frustrée pour toujours, du fait d'une virginité imposée, de tout espoir de maternité.

Auteur: Freud Sigmund

Info: Dans "Moïse et le monothéisme", trad. Anne Berman, éditions Gallimard, 1948, note de bas de page, page 62

[ mythologie ] [ religion ] [ archéologie mystérieuse ] [ Éternel ]

 

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éloge

Ne craignez pas que je sois comme madame Miford, que je mette la couronne sur votre tête au moment le plus pathétique ; mais comme je ne puis vous comparer qu'à vous même, il faut que je vous dise, Talma, qu'hier vous avez surpassé la perfection et l'imagination même. Il y a dans cette pièce, toute défectueuse qu'elle est, un débris d'une tragédie plus forte que la nôtre, et votre talent m'est apparu dans ce rôle de Hamlet, comme le génie de Shakespeare, mais sans inégalités, sans les gestes familiers, devenus tout-à-coup ce qu'il y a de plus noble sur la terre.
Cette profondeur de nature, ces questions sur notre destinée à tous, en présence de cette foule qui mourra, et qui semblait vous écouter comme l'oracle du sort ; cette apparition du spectre, plus terrible dans vos regards que sous la forme la plus redoutable, cette profonde mélancolie, cette voix, ces regards qui révèlent des sentiments, un caractère au-dessus de toutes les proportions humaines ; c'est admirable, trois fois admirable; et mon amitié pour vous n'entre pour rien dans cette émotion la plus profonde que les arts m'aient fait ressentir depuis que je vis. Je vous aime, dans la chambre, dans les rôles où vous êtes encore votre pareil ; mais dans ce rôle d'Hamlet, vous m'inspirez un tel enthousiasme, que ce n'était plus vous, que ce n'était plus moi; c'était une poésie de regards, d'accents, de gestes à laquelle aucun écrivain ne s'est encore élevé. Adieu, pardonnez-moi de vous écrire, quand je Vous attends ce matin à une heure, et ce soir à huit ; mais si les convenances sociales ne devaient pas tout arrêter, je ne sais pas, hier, si je ne me serais pas fait fière d'aller moi-même vous donner cette couronne, qui est due à un tel talent plus qu'à tout autre ; car ce n'est pas un acteur que vous êtes, c'est un homme qui élève la nature humaine, en nous en donnant une idée nouvelle. Adieu ! à une heure. Ne me répondez pas, mais aimez-moi pour mon admiration.

Auteur: Staël Madame de Germaine Necker baronne de Staël-Holstein

Info: in Staëlliana de Cousin d'Avallon, Staël à Talma, Juillet 1809

[ théâtre ] [ comédien ]

 

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couple

Au physique, Grigori était un homme froid et grave, peu bavard, qui ne laissait tomber que des paroles ayant du poids et exemptes de frivolité. Il eût été impossible de déterminer au premier abord s’il aimait ou non sa femme humble et soumise, et cependant il l’aimait vraiment, et bien entendu elle le comprenait. Cette Martha Ignatievna, loin d’être sotte, était peut-être même plus intelligente que son mari, du moins avait-elle plus de bon sens dans les choses de la vie ; pourtant elle s’était soumise à lui sans murmure et sans réserve dès le début de leur mariage et le respectait sans conteste pour sa supériorité morale. Il est à remarquer qu’ils n’échangeaient jamais que de rares paroles, sinon sur les questions les plus indispensables de la vie courante. Le grave et majestueux Grigori méditait toujours seul ses affaires et ses soucis, aussi Martha Ignatievna avait-elle depuis longtemps compris une fois pour toutes qu’il n'avait nul besoin de ses conseils. Elle sentait que son mari appréciait son silence et qu’il reconnaissait en cela son intelligence. Il ne l’avait jamais vraiment battue, si ce n’est une fois seulement, et encore légèrement. La première année du mariage d’Adélaïde Ivanovna avec Fédor Pavlovitch, à la campagne, les filles et les femmes du village, alors encore serves, avaient été un jour rassemblées dans la cour des maîtres pour chanter et danser. On entonna Dans les prés quand soudain Martha Ignatievna, jeune femme à cette époque, bondit devant le chœur et exécuta "la russe" d’une manière spéciale, non pas à la paysanne mais comme elle la dansait du temps qu’elle était au service des riches Mioussov, sur leur théâtre particulier, dans leur propriété, où les pas étaient enseignés aux acteurs par un maître de danses qu’on avait fait venir de Moscou. Grigori avait vu sa femme danser et une heure plus tard, une fois chez lui, il lui donna une correction en la traînant un peu par les cheveux. Mais les coups en restèrent là une fois pour toutes et ne se renouvelèrent plus jamais ; d’ailleurs Martha Ignatievna se garda bien désormais de danser.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 120-121

[ obéissance ] [ autorité ]

 

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débandade

[…] nous roulions !... ah le paysage charmant !... enfin, un peu flou... je dirais : poétique... les autres trimbalés derrière nous, des autres plates-formes, doivent trembler aussi... je les aperçois comme ci... comme ça... entre les bâches et les projecteurs, ils semblent comme nous recroquevillés et pas fiers... ils sont un peu plus vêtus que nous... enfin je crois... mais sûr il en reste sous les bâches, c'est pas tout du matériel... y a des planqués de la ferraille !... des resquilleurs de je ne sais où... des gens qui ne veulent pas être vus... nous sommes là à bringuebaler sur ces plates-formes avec plein de personnes invisibles... coexistence se dit maintenant... en avant donc, coexistants !... que nous roulions, l'essentiel !... même avec ces dissimulés nous arriverons à Hambourg, à moins que ce train saute !... ce qu'on ne voit pas qui compte dans la vie, ce qui se voit s'entend n'est que mascarade, coups de gueule, théâtre !... ce qui se passe au fond de votre prostate qu'est intéressant, ce millionième de gamète qui décide qu'il en a assez, qu'il obéit plus aux ordres, qu'il va travailler pour son compte, foutre des marquises et du petit ami ! qu'il va proliférer et hop ! vite, pour lui, lui-même ! vous à la fosse ! hop ! vous le verrez jamais ce millionième d'anarchiste gamète crasseux cancéreux !... vous sauriez même pas qu'il a existé !... hé là ! si je prolifère je vous perds de vue... oh là ! acré !... battre la campagne ?... je vous ai prévenu, certes !... ma tête !... ma tête fait aussi des siennes... oh, que je refuse !... et vous ramène à notre plate-forme... roulante... à tout cet énorme bastringue et tous ces gens repliés entre les dynamos... voilà ! pas à se plaindre, on avance... sous ces bâches sûr il y a du monde... j'insiste ! qui vivra verra !... Henri IV alors ? Romanoff ?... Louis XV ?... ils vivaient pas, et très bien, leurs assassins sous toutes les portes ?... à tous les coins de rues ?... ces choses-là, comme vous savez, regardent les Parques, pas du tout nous !... résumons : ce coup de brique m'a pas arrangé... soit ! mais nullement déprimé... du tout !... je dirais même, au contraire !... porté à une certaine gaieté !... un peu spéciale... ainsi les chaumières me semblent devenues assez artistes... des deux côtés du paysage... je dirais elles font tableaux, elles penchent et gondolent... surtout les cheminées... c'est une vision, c'est un style […]

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Rigodon

[ soliloque ] [ voyage ] [ fuite ]

 
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