Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 54
Temps de recherche: 0.0457s

introspection

A Khelm, en Pologne, vivait autrefois un Fou véritablement insensé. Chaque matin, quand il se levait, c'était pour lui tout un problème de retrouver ses vêtements et de se rhabiller - à telle enseigne que, le soir, il hésitait à se déshabiller pour se coucher !
Mais voilà qu'une nuit, se sentant intérieurement plus fort que d'habitude, il prit un bout de papier sur lequel il nota, l'un après l'autre, l'emplacement de chacun des vêtements qu'il enlevait : ici, le chapeau ; là, le pantalon ; puis la veste, etc. Au matin il se leva, très content de lui, et prit sa liste en main. "Voici le pantalon", et il l'enfila. "Voici ma chemise", il la glissa sur son dos. "Et maintenant, ma veste ; enfin, mon chapeau !...", et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il soit entièrement habillé. "Oui, mais moi ? se demanda-t-il soudain. "Où suis-je donc resté ?"
Le pauvre bougre se chercha sans succès. Il fouilla partout sans pouvoir se retrouver !
- Ainsi de nous, ajouta le Sage.

Auteur: Szajkowski Zosa Yehoshua Frydman

Info: extrait du shtetl Kartuz-Bereze, Contes des sages du Ghetto, Seuil, p. 48

[ absurde ] [ humour ] [ folie ]

 

Commentaires: 0

industrie

Le vestiaire me fascine. Il fonctionne comme un sas et, tous les soirs, une métamorphose collective spectaculaire s'y produit. En un quart d'heure, dans une agitation fébrile, chacun entreprend de faire disparaître de son corps et de son allure les marques de la journée de travail. Rituel de nettoyage et de remise en état. On veut sortir propre. Mieux, élégant.
L'eau des quelques lavabos gicle en tous sens. Décrassage, savon, poudres, frottements énergiques, produits cosmétiques. Etrange alchimie où s'incorporent encore des relents de sueur, des odeurs d'huile et de ferraille. Progressivement, l'odeur des ateliers et de la fatigue s'atténue, cède la place à celle du nettoyage. Enfin, avec précaution, on déplie et on enfile la tenue civile : chemise immaculée, souvent une cravate. Oui, c'est un sas, entre l'atmosphère croupissante du despotisme de fabrique et l'air théoriquement libre de la société civile. D'un côté, l'usine :saleté, veste usée, combinaisons trop vaste, bleus tachés, démarche traînante, humiliation d'ordres sans répliques ( " Eh, toi!"). De l'autre, la ville : complet-veston, chaussures cirées, tenue droite et l'espoir d'être appelé "Monsieur".

Auteur: Linhart Robert

Info: L'établi

[ transmutation ] [ prolétariat ] [ apparence ]

 

Commentaires: 0

boulimie

Et ainsi je partis de là des figues dans les poches du pantalon et de la veste, des figues dans mes mains tendues, des figues dans la bouche. Maintenant je ne pouvais plus arrêter de manger, je devais essayer de me défendre autant que possible de la masse de fruits replets qui m’avait assailli. Mais ce n’était plus un repas, plutôt un bain, tellement l’arôme résineux pénétrait mes affaires, collait à mes mains, tellement il saturait l’air où je m’avançais en portant devant moi mon fardeau. Et puis arriva pour le goût le franchissement d’un col, lorsque satiété et dégoût, les derniers tournants, sont surmontés, et que s’ouvre la perspective d’un paysage gustatif insoupçonné : un torrent fade, ignorant les seuils, verdâtre, d’avidité, qui ne connaissait plus rien que le flot fibreux et filandreux de la chair du fruit ouvert, la métamorphose achevée de la jouissance en habitude, de l’habitude en vice. La haine de ces figues montait en moi, j’avais hâte de faire place nette, de me libérer, de liquider cette matière éclatante, gorgée, je mangeais pour l’anéantir.

Auteur: Benjamin Walter

Info: Dans "Manger" in Images de pensée, pages 134-135

[ attraction-répulsion ] [ combat ] [ destruction ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

femmes-par-femmes

Me regardant avec compassion, elle soupira : "Les belles fleurs ne durent pas longtemps..." Craignant de m'avoir attristée, elle me raconta comment, à vingt ans, elle était allée à Suzhou admirer les fleurs de prunier. "Au troisième mois, quand Harbin n'est encore que neige et glace, on sent déjà là-bas la caresse d'un vent printanier." Quand Léna baignait dans cette mer de neige parfumée, il était justement tombé une averse de neige. Elle s'était dit que le Ciel trouvait les jardins en fleurs trop discrets ; il avait donc semé de grandes fleurs blanches à profusion. Parmi cette mer de fleurs, les plus éclatantes étaient les rouges, semblables à des lampions ; les plus raffinées étaient les violettes, semblables aux broderies sur les vestes des femmes ; mais les plus touchantes, c'étaient encore les blanches. Aux yeux de Léna, les fleurs de prunier blanches étaient les plus proches de l'âme.
Quand elle parlait des fleurs de prunier, je ne sais pourquoi, les yeux de Léna s'embuaient. Les histoires de fleurs dont parlent les femmes sont la plupart du temps teintées de nostalgie.

Auteur: Zijian Chi

Info: Bonsoir, la rose

[ beauté ] [ simplicité ] [ émotion ]

 

Commentaires: 0

futur mari

Cet homme [Fiodor Dostoïevki] me paraissait bizarre ! Tout d’abord, je le trouvai vieux, mais par la suite je ne lui donnai pas plus de trente-sept ans ; il était de taille moyenne ; son visage paraissait ravagé par la souffrance. Ses cheveux clairs, tirant sur le roux, étaient bien pommadés et curieusement plaqués en arrière à la manière d’une perruque ; il avait deux yeux totalement différents (à cette époque, il soignait chez Junge une blessure à l’œil) ; l’un d’eux était d’un noir splendide ; l’autre avait la pupille extrêmement dilatée, ce qui empêchait de saisir l’expression de son regard et donnait à toute sa personne un air étrange. Il me faisait penser à un professeur, et je lisais de la méchanceté sur son visage. Il était vêtu d’un pantalon et d’une veste bleue, toute tachée de graisse (il affirme la porter depuis six ou sept ans), mais son linge de corps était très propre. Je dois lui rendre cette justice que je ne lui ai jamais vu porter de linge sale. Son visage avait je ne sais quelle expression bizarre et, de prime abord, il ne m’a pas plu.

Auteur: Dostoïevski Anna Grigorievna Snitkine

Info: Transcription de la note de journal suivant sa rencontre avec Fiodor Dostoïevki l'année précédente dans "Journal (1867)", traduit du russe par Jean-Claude Lanne, éditions des Syrtes, Genève, 2019, entrée du 16 octobre 1867

[ écrivain ] [ description ] [ portrait ] [ première impression ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

parents

J’ai été élevée dans une ascèse qui aurait pu être qualifiée de luthérienne si mes parents n’avaient été de fervents catholiques. Par conviction pour mon père, qui allait s’engager pour le séminaire au moment où il rencontra ma mère, et par obligation pour cette dernière, que la religion avait à vrai dire toujours emmerdée mais dont elle ne questionnait pas le bien-fondé des prescrits. Elle était catholique parce que c’était ce qu’on était à son époque, dans un milieu qui ne tolérait aucune excentricité. Là-bas, mettre une veste en cuir témoignait déjà d’un douteux processus de marginalisation : ma mère portait des cols Claudine.
À la fin des années soixante-dix, ils se marièrent, achetèrent une maison, se mirent en ménage, eurent des enfants, et se prirent ensuite à espérer que ceux-ci deviennent aussi conventionnels qu’eux, car enfin les conventions n’existaient pas pour rien. Ma mère était une grande femme sèche comme une merluche, noueuse comme un saule, née fâchée, comme en attestait la ride profonde entre ses sourcils. Mon père, de son côté, rasait les murs tel un moine capucin et ne parlait pour ainsi dire jamais, sauf pour donner l’heure à ma mère qui persistait à ne pas porter de montre pour entretenir sa dépendance à son époux. À la maison, nous vivions à moitié dans le noir car c’était ainsi que l’intimait notre culture domestique, tenant d’une certaine esthétique de la prostration et parce que l’électricité coûtait cher. Ma sœur et moi ne manquions de rien, sauf du superflu.

Auteur: Myriam Leroy

Info: Ariane

[ couple ] [ famille ] [ artificiel ] [ convenu ] [ coincés ] [ tradition ]

 

Commentaires: 0

gauche caviar

Dans ma génération, parmi ceux qui avaient défilé entre République et Nation, parmi tous les enfants chéris du mitterrandisme, beaucoup s'étaient droitisés pour des raisons essentiellement économiques. Ils avaient forci, acheté un appartement, deux appartements dont le prix avait quintuplé sous l’effet du boom immobilier. Ils avaient acheté des maisons de campagne.

Ils s'étaient félicités lorsqu'un fils d’ouvrier, un socialiste austère et probe du nom de Pierre Bérégovoy avait déréglementé les marchés financiers. Ils avaient acheté des actions, poussé les portes capitonnées des fonds d'investissement, ils avaient de plus en plus d'argent et des nuances s'étaient glissées dans leurs conversations : "Il y a un principe de réalité", "il ne faudrait pas non plus décourager les gens", "bien sûr que je crois à l'impôt, oui, je suis socialiste : mais pas à la fiscalité punitive". Et puis bientôt : "il faut arrêter de faire croire aux gens qu’on peut raser gratis", "on est bien obligés de regarder ce que font les autres", "la concurrence mondiale est une réalité".

Arrivés à la cinquantaine, la peau ravinée par les plaisirs, la peau creusée et ravinée, ces hommes et ces femmes prononcèrent des mots comme "le culte malsain de la dépense publique". Les hommes portaient des vestes légères sur des chemises bleu ciel, des chapeaux, des pantalons chino. Ils apparaissaient, épanouis par leurs festins de viande, repus de carnages, dans la loge d'un client, à RoIand-Garros. Ils ressemblaient tous plus ou moins, dans l’allure générale, dans l'impression qui demeure après que le souvenir d'un visage s’est évanoui, à Dominique Strauss-Kahn.

Auteur: Quentin Abel

Info: Le voyant d'Étampes

[ droitisation ] [ glissement ] [ arrivistes arrivés ]

 
Commentaires: 3
Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

saynète

Alors qu'il passe un pont de pierre au-dessous duquel une rivière aux eaux troubles court avec violence, le cheval se met à boiter. En grommelant une malédiction, Raposo tire sur les rênes, descend de sa monture et examine les pieds de l'animal, dont la chaleur contraste avec l'eau glaciale qui court et les recouvre. La malédiction se change en un atroce blasphème quand il s'aperçoit qu'un des fers a disparu. Se protégeant du mieux qu'il le peut avec sa capote, momentanément aveuglé par la pluie, il ouvre la sacoche, en sort un fer de rechange, une navaja, des clous et un marteau. Puis il cale entre ses jambes le pied du cheval et, chassant de temps à autre l'eau de son visage du revers de la main, il racle la corne, y pose le fer et le cloue du mieux qu'il peut. Les gouttes s'écrasent tout autour de lui, le criblent, s'infiltrent dans les coutures de la toile qui le couvre, courent, froides, de sa nuque à ses épaules et à son dos, lui donnent le frisson. Quand après un long moment, il est venu à bout de la tâche, il a les jambes trempées jusqu'aux cuisses, les manches de sa veste dégoulinantes, et ses bottes ressuent l'eau. Alors, sans hâte, Raposo range les outils, saisit l'outre de vin et, renversant la tête en arrière, engloutit une très longue gorgée tandis que la pluie lui fouette le visage. Il se remet en selle et à peine le cheval sent-il l'homme sur son dos et la bride lâchée qu'il repart, laissant dans sa lancée le bruit de ses fers sur la pierre du pont.

Auteur: Pérez-Reverte Arturo

Info: Deux hommes de bien

[ homme-animal ] [ maréchal-ferrant ]

 

Commentaires: 0

simulacre

Je me souviens avoir entendu le grand poète espagnol Rafael Alberti à une lecture. J'étais très jeune et il me parut donc très vieux, avec ses cheveux blancs qui lui tombaient sur les épaules et son costume blanc. J'étais choquée aussi de le voir accompagné par une femme qui ne semblait pas beaucoup plus âgée que moi ; elle portait une jupe si courte qu'on pouvait voir sa culotte quand elle marchait, et des bottes blanches en plastique, des "go-go" comme on les appelait. Je me rappelle que l'un d'eux portait une cage à oiseaux, blanche, avec une colombe blanche à l'intérieur, mais à vrai dire, il est possible que j'aie inventé ce détail, au cours des années, peut-être pour accentuer en moi l'impression que j'avais eue, et qui subsiste : que c'était la lecture poétique la plus étrange à laquelle j'aie assisté. Alberti lisait ses poèmes en espagnol et son traducteur américain, Ben Bellit, les lisait en anglais. Ben était sobre, timide, d'allure assez conventionnelle ; il portait une veste en tweed et une cravate. Alberti donna à Ben un pistolet jouet, ce qu'on appelait un pistolet à pétard, un jouet qui pouvait faire beaucoup de bruit, et il a dit à Ben de se tirer dans la tête à chaque fois que lui, Alberti, lui ferait signe, et c'est exactement ce qui se passa : Alberti lisait en espagnol, s'arrêtait, regardait Ben, et Ben, non sans réticence, se tirait dans la tête. Mais quand Ben lisait des poèmes, Alberti tenait le pistolet, et de temps en temps il se tirait dans la tête avec un réel entrain. Il me semble que c'était une grande leçon de traduction.

Auteur: Ruefle Mary

Info: In "Madness, rack, and honey", éd. Wave Books, p. 235 - ma traduction

[ inculpation ] [ passeur ] [ mémoire ] [ codes vestimentaires ] [ spectacle littéraire ]

 
Commentaires: 3
Ajouté à la BD par Benslama

enfant

Quand je suis arrivé à peu près à mes fins, on a sonné à la porte. Je n’ai pas voulu ouvrir tout de suite parce qu’il était tard, et puis j’ai ouvert quand même. Ca ne pouvait être qu’Olga. Même ma mère, ça faisait six mois qu’elle n’avait pas mis les pieds chez moi. On ne communiquait que par téléphone.
- Excuse-moi, qu’elle a fait, de te déranger à nouveau. J’ai mon Nikita qui fait encore des siennes. Viens me donner un coup de main. Je n’en viendrai pas à bout toute seule.
- Pas de problèmes ! ai-je répondu
J’ai jeté ma veste sur les épaules et je l’ai suivie. J’ai laissé ma porte ouverte.
- Alors comme ça, il y a quelqu’un qui ne veut pas dormir ici ?
Le gamin a sursauté et m’a fixé comme si j’étais un spectre. Ses cubes lui en sont tombés des mains.
- Qui est-ce qui n’écoute pas sa maman ?
Il me regarde sans broncher. Les yeux comme des soucoupes.
- Allez, prépare tes affaires. Puisque tu ne veux pas obéir à ta maman, tu vas venir habiter chez moi. Tu ne peux prendre qu’un seul jouet.
Il reste silencieux, la bouche grande ouverte.
- Lequel on va prendre avec nous ? La petite voiture, ou bien ce bonhomme ? C’est qui, celui-là ? Superman ? Allez, vas-y, prends Superman.
Son regard se reporte sur Olga et il murmure :
- Je vais dormir. Je vais aller au lit tout seul, maman.
- C’est parfait. Tu as vite compris. Si tu recommences encore une fois, je reviens et je te prends avec moi pour de bon.
Arrivé à la porte, Olga m’a retenu :
- Tu veux du thé ? Allons à la cuisine – je viens d’en faire.
- Ma porte est restée ouverte. On ne sait jamais ce qui peut arriver…
- Excuse-moi de toujours t’embêter, me dit-elle alors. C’est que… il n’a peur que de toi… Moi, il ne m’obéit plus du tout.
Je me suis mis à rire.

Auteur: Guelassimov Andreï

Info: La Soif

[ désobéissant ] [ mère seule ] [ astuce ]

 

Commentaires: 0